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Bulletin SAF 1892


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De quelques particularités dans les églises bretonnes

Abbé Abgrall

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VII
DE UEL UES PARTICULARITES
DANS LES ÉGLISES BRETONNES.
I. Chambres surmontant les porches.
Le Finistère est le pays des beaux porches; il y en a
environ soixante qui mériteraient une description particu­
lière: ce serait l'objet d'une étude assez étendue et d'un
gl>and intét'êt. Parmi ces porches, quelques-uns sont sur­
montés d'une chambl'e qui forme étage au-dessus de la
voûte, et à laquelle on accède au moyen d'un escalier placé
dans une tourelle ou pratiqué dans l'épaisseur de la muraille.
Quelle était la destination de ces chambres?
M. Léon Palustre, dans son bel ouvrage de la Renaissance
parlant des porches de notre pays et indiquant
en France,
l'importance qu'on leur a donnée au XVIe et au XVIIe siècle,
dit que ces vestibules de l'église servaient comme de salles
de délibération dans lesquelles se réunissait le corps com­
munal ou le corps politique, conseil municipal ou conseil de
fabrique de l'époque, pour traiter les affaires civiles ou reli­
gieuses dont ils étaient chargés .
Nous doutons que cette assertion soit absolument exacte;
mais ne serait-on pas fondé à croire que les chambres qui
règnent au-dessus de ces porches étaient bien les locaux
destinés aux réunions de ces corps délibérants? Ou bien
était-ce des chambres du trésor où l'on renfermait ce qu'il
y avait de plus précieux dans les vases sacrés et les autres
richesses de l'Eglise? Ou encore, n'était-ce pas le logement
du gardien du temple, du sacristain et du prêtre chargé
spécialement de cette garde?
Il est certain que quelques-unes ont dù être habitées
car nous y trouvons des foyers et des che-
ordinairement,

minées. Toutes ont une ou plusieurs fenêtres donnant sur la
façad~ priqcipc,tle et faisant quelquefois un ornem~nt archi­
• tectural assez rema,rquable .
Dans le peuple, on a émis l'opinion que c'était des
chambres de reclus ou de recluses, qui s'y enfermaient pOUt'
vivre enti.èr.ement sép~ré ,s du monde, et sur lesquels même
on murait parf0is la porte pour empêcher toute cQmmunica­
tio~ avec l'extérieur; la nourriture et le breuvage leur
étaient passés par l'unique fenêtre qui leur donnait un peu
d'air et de lumière. Mais cette hypothèse est encore sans

base suffisante, car le plus souvent ces réduits n'ont pas
d'ouver~ure, même une simple meurtrière ayant vue sur
l'intérieur de l'église; ces reclus donc aul'aient été privés
des offices de l'église et de l'assistance à la messe, chose
absolument en contradiction avec leur but pieux.
L'opinion la plus acceptable, à notre avis, est que ces
chambres hautes n'étaient autre chose qu'une chambre du
trésor ou un dépôt des archives, et quelquefois le logement
du gardien de l'église. Q{1..oi qu'il en soit, citons par ordre
de date les porches où nous trouvons cette particularité:
Le Folgoët, 1419. N.-D. du Creisker, à Saint-Pol-de-
Léon. Saint-Jean-du-Doigt, 1513. N.-D. de l'Assomp-
tion, à Quimperlé. Clohars-Fouesnant. Guengat, 1557.
- Pluguffan, 1587. Plougasnou. Guiclan. Tré-
maouézan, 1610-1623.
Le Folgoët.
Le réduit qui .surmonte le porche des apôtres, au Folgoët,
est peu appar.ent ; il est cependant accusé à l'extérieur par
une petite fenêtre étroite percée au-dessus du fleuron qui
couronne la grande arcade et encadl'ée entre deux panneaux
très ornementés qui renfermaient autrefois des blasons ou
qui étaient destinés à recevoir des bas-reliers. Cette chambre
cOII}m\lljlique avec l~ chambr~ haute de la sacristie, et to:utes

doux, sans nul doute, devaient avoir pour destination de re­
cevoir le trésor de la collégiale. Dans la voùte de ce porche
on trouve les armes du duc Je,an V ; et la statüe de ce prince
orne encore le haut du contre.fort ' qui sépare cet édifice
de la sacristie. Cela nous fournit la date approximative de
la construction: . l'église était terminée en 1419 et fut con­
sacl'ée cette même année par Alain de. la Rue, évêque de
Léon. Nous pouvons donc regarder le porche du Folgoët
comme le premier de ceux qui ont été surmontés de chambres
hautes, et c'est lui qui aura servi de modèle à ceux qui ont
été construits ensuite sur la même donnée.
N.-D. du Creisker, à Saint-Pol-de-Léon.
Le porche septentrional de cette église oITre beaucoup de
rapport avec celui du Folgoët; mais certains détails de sa
décoration et de son statuaire doivent le faire reporter à une
époque un peu plus récente. Par analogie il faudrait lui
assigner à peu près la même-date qu'au portail occidental
de la cathédl'ale de Quimper, c~st-à-dire de 1424 à 1450
environ. La chambl'e supérieure qui règne au-dessus a une
assez grande importance, et elle était certainement destinée
à être habitée, ·comme on peut le conclure par l'existence
d'un foyer et d'une cheminée, et surtout par une sorte de
logette saillante ressemblant à des machicoulis, et qui n'est
autre chose qu'un petit cabinet d'aisance posé en encorbel­
lement sur le côté Est de l'édifice.
Saint-Je~n-du-Doigt.
L'église de Saint-Jean a été commencée en 1440 et ter­
minée seulement en 1513. C'est de cette dernière époque gue
doit dater le pODche, car la clef des nervures de la voùt.e
porte les armes d'-Yves de Goësbriand, possesseur en 1513
seigneurie de Roslan, et entre les deux portes gémi­
de la
nées du rond, p.rès de IÇ}, stqtue de Saint-Jean-Baptiste

. adossée au trumeau, on lit cette inscription en. caractères
gothiques: .
. Le jour: 10 de: novembre: lan: mil: VC X/Il :.lut :
leglise. de. céans. dédiée. par .• Anthoine de Grignaulœ.
de Tréguier. .
éo-esque.
La façade du porche est très sobre d'ornementation; le
pignon est percé d'une fenêtre assez large, divisée par un
meneau à croisillon, . et qui éclaire UIle chambre à laquelle
on monte par un escalier pratiqué dans une tourelle adossée
à l'angle. sud-ouest. Cet escalier communique aussi avec une

galerie à jour fort élégante, qui court le long du bas-côté
sud et qu'on retrouve encore à trois étages différents sUr le
tlaJ;lC du clocher, ce qui contribue à donner à cet.t.e façade
gl'and aspect de distinetion et d'originalité .
. . N.-D. de l'Assomption à Quimperlé.
Outre le porche septentrional, qui est très remarquable et
qui rapelle ceux de Saint-Fillcre du Faouët et de Kernanlé-
den, dans le Morbihan, cette église a encore, sur le côt.é
midi, un porche accolé au mur de la nef qui est du XIVe
siècle, ou peut-être du XIIIe; mais le po.rche lui-même n'est
que du XVe ou du XVIe siècle, comme l'indiquent. les niches
QU arcatures de l'intérieur, et la petite fenêtre à deux baies
è't compartiments quadrilobés, percée dans le pignon pour
éclairer la chambre haute. Cette chambre est desservie par
le même escalier que la tour .
Clohars-Fouesnant.
Ce porche Ile porte pas de date, mais d'après ses carac-

tères . . architectoniques il faut le reporter au XVIe siècle,
la seconde moitié de ce siècle, car il
peut-être même de
semble être de la même époque que ceux de Guengat et de
Pluguffan, qui nous occuperont tout-à-l'heure. La chambre
qui le surmonte sert maintenant de décharge à la sacristie .

Guengat.
Ici le porche n'est pas daté, mais le millésime de 1557
inscrit sur l'ossuaire qui y est accolé, et qui a été bâti en
même temps, nous donne l'époque de sa construction', La
chambre haute est garnie d'un foyer ~ssez ' vaste, en pierre
de taille bien travaillée. A l'époque où Guengat était des­
servie par un vicaire d'une paroisse voisine, le prêtre arri­
vait le samedi soir pour les, offices du dimanche et passait la
nuit dans la chambre du porche.
Pluguffan.
A Pluguffan, la porte qui donrie accès dans la chambre
haute a été murée, ainsi que la fenêtre qui l'éclairait et qu'on
a transformée en une niche. Le mur latéral de l'église
porte dans un cartel la date de 1587, et c'est bien là aussi
l'époque de la construction du porche qui y est attenant.
Il faut faire observer cependant que les dates des trois
derniers porches que nous venons de signaler semblent ,
concorder assez peu avec le caractère de leur architecture.
Tous les détails, les colonnettes, les nervures, les feuillages
sont encore du s-tyle ogival flamboyant, et cependant nous
sommes dëjàavancés dans la renaissance, puisque pour le
dernier nous sommes en plein règne d'Henri Ill.
Il en est tout autrement de celui de

Plougasnou.
Dans cette église, une inscription à l'intérieur du porche
ouest, sous le clocher, donne les deux dates de 1582 et 1584.
Citons-la à caü'se de son originalité et parce qu'elle est peu '
remarquée des touristes et même des gens du pays :
LE 8 IOVR DOCTOBRE 1582.
MI. TAILLATER. A. FAET. LE. FODENT (fondement).
ET EN LOEVR. DE. DIV. CODVIT. IVSQ. A. PNT. 1584.

, , (présent).

ESTANT;POVR.LORS.M.LAVRENS.TREMOIGN.P

KRAVDY. ET. F. GEFFROY. MISEVRS. RCVRS.

Le pOI'che méridional doit être contemporain, ou du
moins postérieur de peu d'années, car dans tout cet ouvrage
nous trouvons le style de l'époque, fenêtres à frontons cin­
s, pilastres cannelés, colonnettes en gaînes, pinacles et
lariternons de la fin <. u XVIe siècle.
Ici nous n'avons plS de chambre supérieure: mais au rez-
de-chaussée existe n petit réduit latéral, une petite cellule
pratiquée dans l'épaîsseur de la muraille, pouvant servir de
décharge, et peut-être aussi de prison ou de chambre de
pemtence.
Quoiqti'elle n'entre pas dans la catégorie de ce qui fait
de cette étude, il importait cependant de la signaler.
l'objet
Guiclan.
Porche ,offrant à peu pl'ès les mêmes caractères que celui
de Plougasnou. Chambre supérieure avec fenêtre et tourelle
d'escalier pour y monter .
Trémaouézan.
Sur la frise intérieure du porche de cette église on lit la
date de 1610, et sur la frise extérieure, cette inscr'ption :
DOMVS. MEA. DOMVS. ORATIONIS. VOBABITUR.1623.
La construction et l'ornementation rappellent les porches
de Landerneau et de Guimiliau. Ce qu'il y a de remarquable
surtout, c'est une grande galerie ou balustrade saillante qui
,régne sur la façade et.qui communique par une porte avec
la chambre surmontant la voûte. Cette galerie a pu parfaite­
ment sel'vir de tribune ou de chaire à prêcher extérieure.
L'idée a pu êtl'e prise au porche de Kermaria an-lsquit
(Côtes-du-Nord), dat.ant du XIVe siècle, et où la galerie con­
tOUl'ne même la façade et les deux côt.és de .l'édifice. On sait
que dans cette église de Kermaria existe une danse rl1ar.:a,bre,

einte sur la voûte en 1450, à l'imitation de celle du cimétière
Pp' C' .
des Innocents, à arlS . es pell1tures, encore conservées en
oTande partie, forment un monument désormais unique eh
France, ,
puisque nous avons nommé Kermaria, dans le pays. de
Saint-Brieuc, citons encore une autre église plus voisine ' de
noUS, Notre-Dame-de-la-Clarté, en Perros-Guirec, au pays
de Lannion. Elle a aussi son porche du Xye siècle, sUI'monté
d'une belle chambre, avec une très riche façade OI'née
d'écussons et de bas-reliefs. ,

II. - Fenêtres fleurdelisées.
Comment s'accomplit,' dans les tympans des fenêtres,'; la
transformation des compartiments rayonnants du xIVe sièCle
en ces "figures allongées, tordues et pointues du Xye et du
XYle, auxquelles on a donné le nom de flammes ou de souf­
flets, d'après les formes diverses qu'elles affectent? Cette
modification ou cette évolution est facile à expliquer, et on
peut s'en rendre compte sur place dans notre cathédrale de
Quimper, à la fenêtre de la chapelle de saint Corentin, la
première du côté nord, auprès de la sacristie. Ce changement
provieD:t de la suppression d'une partie des quatre feuilles,
ce qui donne tout de suite naissance à urie extrémité à angle
courbe, tandis que l'autre demeure arrondie, avec deux
redents ou denticules; et c'est là la base des compartiments
flamboyants avec lesquels, d'après le nombre des baies et
l'étendue du tympan des fenêtres, on a pu faire des combi.-
naisons à l'infini. Dans ces combinaisons si variées, il a pu
se rencontrer des tracés se rapprochant de la fleur de lis
héraldique et comme la fleur de lis est un motif très déco-
ratif, l'idée a dû venir de l'employer franchement et de
donner aux tympans des meneaux les courbures voulues
pour produite cette fleur. On y a réussi d'une façon très
heureuse, et, une fois le· principe trouvé, on a fait largement

l'application, en reproduisant · tantôt une simPle fleur de lis,
tantôt trois. Mais disons que, pOU'I' notre dép ar-
tantôt deux,
tement, ce genre d'ornementation n'a eu de vogue qu'en
Cornouailles; nous n'en connaissons pas un seul exemple
. dans le pays de Léon.
La fenêtre la plus ancienne dans ce genre semble être la
l'ab­
maîtresse-vitre de Brennilis. Cette église dépendait de
baye cistercienne du Relecq, et une pierre, incrustée dans
la p]e qui tel'mine l'abs.ide du' côté de l'épître, porte cette
inscription en lettres gothiques:
Yves Toux procureur lan mil ecce J [[[XX cinq (1485)
au commencement de cette chapelle.

La fenê~re est de la même date, et les vitraux qui s'y
trouvent ne doivent pas être de beaucoup postérieurs. Cha­
cune des baies contient deux sujets superposés., ce qui fait
en tout huit, mais dans un ordre bouleversé : .
1. Mariage de la sainte Vierge. 2. Adoration des mages.
- 3. Circoncision. 4. Fuite en Egypte. ' 5. Nativité de
Notre-Seigneur. 6. Annonciation. 7. Présentation. -
8. Visitation. '
fleurs de lys dans
Le dessin du tympan forme trois jolies
lesquelles sont représentés: Notre-Seigneur bénissant,
saint Michel, saint Roch.
Il est à croire que cette fenêtl~e a fait école, car nous
retrouvons dans deux paroisses voisines, Lannédern et
Loqueffre,t, la même disposition de trois fleurs de lis repro­
duite dans la maîtresse-vitre. N'est-ce pas même à cette in­
fluence qu'il faudrait attribuer les deux petites fenêtres laté­
rales à fleul' de lis simple qui existent à Saint-Goazec et à
Roudoualec dans le Morbiban. Nous citons cette dernière
paroisse parce qu'elle appartenait autrefois au diocèse de
Quimper.

Le maître de l'œuvre, qui quatre ans plus tard entreprit
la construction de Sainte-Barbe-du-Faouët, avait-il visité

Brennilis? Toujours est-il que l'inscription qui donne la
date de la' construction est à peu près la même: Le e.ommen­
cement de ceste chapelle fut le VIe jour de juillet l'an mil
ecce IIII XX neuif (1489) .. et l'on trouve également une
fenêtre à fleurs de lis à l'extrémité est de la façade principale.
Une autre fenêtre à trois fleurs de lis, qu'on peut parfai­
tement dater, puisqu'elle doit remonter comme l'église à 1508,
est celle de Penmarc'h ; elle est placée à l'extrémité ouest
du bas-côté nord, à l'endroit ' où sont maintenant les fonts­
baptismaux. Ici le tracé est d'une rare élégance et d'une
correction parfaite, et nous le retrouvons à peu près identi­
quement, non loin de là, à l'église de N.-D. des Carmes, à
Pont-l'Abbé, au fond de la chapelle de Sainte-Anne, dans le
collatéral nord.
attribuer à la même époque la grande et belle fenêtre
Il faut
absidale d'Ergué-Gabéric qui contient seulement deux
fleurs de lis, mais qui a un grand air de famille avec les
deux dernières que nous venons de citer. La verrièi'e de la
vie et de la passion de Notre-Seigneur qui s'y trouvé porte
cette inscription: '
Cecte. victre.fut.fecte. en. lan mil Vcc XVI (1516).
Derrière l'autel, du bas-côté sud, une petite fenêtre à deux
baies se termine aussi par un tympan à une fleur de lis
simple. Dans le vitrail on voit l'effigie de François Liziard,
seigneur de Kergonan, présenté par son patron saint
François d'Assise, et celle de sa femme présentée par sainte
Marguerite.
De là l'influence a dû s'exercer sur Rosporden, car nous
y , trouvons également, du côté sud du chœur, une fenêtre
à fleur de lis uni.que; puis à Melgven, à la chapelle de la
Trinité, sur le bord de la voie romaine qui formait autrefois,
entre Vannes et Quimper, la parcours du pèlerinage des
Sept Saints de Bretagne. Encore sur le bord de la même
la chapelle de Saint-David à Quimperlé, qui a aussi sa
voie',

jolie fenêtre à fleur de lis; mais cette fenêtre provient de la
N.-D. de Bonne-Nouvelle, maintenant détruite,
chapelle de
et toute voisine autrefois de celle de Saint-David.

Dans une autre rég'ion nous trouvons encore trois modèles
à Ploaré, les deux fenêtres laté­
de fenêtres fleurdelisées :
rales de l'abside, et une dernière à la chapelle de N.-D. de
Confors, en Meylars, sur la grand'route de Pont-Croix qui
Quimper
se confond en cet endroit avec la voie romaine de
à la Pointe-du-Raz.
A Confors la fleur de lis est d'un galbe admirable, et c'est, '
entre tous les autres modèles, le plus pur qui existe dans le
pays. '
cœur de Paris une immense église qui a '
Il y a en plein
aussi ses fenêtres. hautes ornées de fleurs de lis; c'est celle
de Saint-Eustache dont les travaux ont été commencés en
1532 et qui ne fut terminée qu;en 1642. Mais hélas! dans
cet admirable monument où l'on trouve tant d'e rema'rquables
et des motifs d'ornementation d'un fini prodigieux,
sculptures
la décoration de's fenêtres hautes est lourde et disgl'acieuse
au possible : la compal'aison est toute à l'avàlüage de nos
et si jolies fenêtres bretonnes.
modestes mais' si fines
Ill. Foyers aux fonts~ba:ptismaU'x.
Dans douze de nos églises de Cornouailles nous avons
constaté l'existence de foyers placés près des fonts-haptis­
maux, et qui tous semblent liemonter au XVIe siècle. Nom-
par ordre alphabétiqùé : /
mons-les'
1. Cléden-Cap-Sizun. 2. Ergué-Gabéric. 3. Gour-
lizêm. 4. Gueng'at. 5. Lambour, en Pont'-l'Abbé. 6.
Le Juch.. 7. PenhaTs, ancienne église. 8. Peninàrc'h.
- 9. Perguet, en Bénodet. 10. Ploàré. H. Pont-Croix .
12. Saint-Tuj.ean, en Primelin.
peut , ren1arquer que c'est dans une seule et même
qu.!on tl'ouve cette' particulal région
Poni-Croix, Pont-l'Abbé, Douarnenez et Quimper. A queUe

influence ~ela est-'il dû, et quelle était la destination de ces
cheminées?
Quelques-uns ont pensé qu'elles servaient à allumer le feu.
nouveau qu'on bénit le matin du Samedi-Saint; mais il faut
remarquer que c~est quelque chose de bien important pour
une cérémonie qui n'a lieu qu'une fois dans l'année. Nous
avons entendu, à Penmarc'h, émettre l'opinion qu'il n'est
pas étonnant de voir une cheminée dans l'église, puisque
les habitants s'y sont réfugiés pendant plusieùrs jours lors
des incursions de , la Fontenelle et ont dû y faire la cuisine
conlln~ dans leurs maisons particulières. Le raisonnement
ne tient pas sur sa base: , la cheminée de Penmarc'h est
contemporaine de l'édifice, et en 1508 on ne prévoyait pas
que les habitants devraient s'y retrancher et s'y défendre à
la fin du siècle.
La seule opinion qui soit acceptable, c'est que les foyers
étaierit destinés à réchauffer l'eau baplismale. Il peut se
faire que l'on eût eu à traverser des hivers rigoureux pendant
lesquels l'eau glaciale des fonts avait pu compromettre la
vie des petits baptisés. Peut-être aussi, les prétentieux
seigneurs ou les riches bourgeois tout puissants en certains

centres commerçants, ont-ils cru devoir à leur rang et à
leur dignité de réclamer cette marque de distinction pour le
baptême de leurs enfants. C'est à ces motifs seuls que nous
devons attribuer l'usage des cheminées dans les églises
dont le premier exemple paraît s'être produit à Penmarc'h,
en l'année 1508 ou suivantes, époque de la conslruction de
cette grande église. .
Ce foyer se trouve vers le bas du collatéral du midi, où
étaient placés autrefoi~ les fonts-baptismaux, qui maintenant
sont transférés au fond du bas-côté nord.
l'église 'de Pont-Croix pourrait bien être
La cheminée de
de la même époque; elle a été ajoutée après coup, et n'est
certainement pas de l'ép-oque du bas-côté roman dont elle
. J3ULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TO~lE XIX. (Mémoires). 8.

occupe l'extl'émité ouest, près de la grande porte qui, elle-
si rriaiheureuse.
même. a été remaniée ensuite d'une façon
Les trois fOYel's qui viennent ensuite, avec 'des dates à
peu près certaines, sont ceux de :
1 ° Ergué-Gabéric, qui doit être antérieur, à 'le maîtresse­
vitre de 1516. Tout dernièrement, en débadigeonnantl'église,
on a constaté que les murs de la petite chapelle des fonts,
est placé ce foyer, étaient couverts d'une couche uniforme

de peinture brun-rouge, sans trace de semis ' ou d'autres
décorations.
2° Ploaré, 1555, au bas du collatéral sud, qui en cet. endro:t
se rétrécit en véritable entonnoir.
3° Guengat, 1557, dans la petite chapelle latérale, avoi-
sinant le porche. '
Saint-Tujean de Primelin, belle et vaste chapelle, centre
d'un pélerinage important, on peut relever au haut de la
tourelle d'escalier, qui dessert le grand clocher, la date de
C'est à cette époque qu'il faut reporter la construction de
la cheminée des fonts-baptismaux, qui se trouve placée au
pied de cette tour, dans le bas-côté sud. Nous croyons ne
pouvoir nous dispenser de donner la description de la cu-
rieuse petite chapelle qui entoure ces fonts.
Elle est formée par une ' clôture en bois composée d'un
lambris plein, à hauteur d'appui, surmonté d'une claire­
voie faite de balustres tournés. Au bas de cette clôture, à
l'extérieur, les panneaux sont couverts de peintures décora­
et arabesques. Au haut sont deux
tives formant fleurs de lis
tableaux dont l'un représente un prêtre en surplis, étole et
, barrette, présidant au mariage d'un seigneur de Lézurec.
Le seigneur et l'homme qui l'accompagne portent le costume

du temps de Louis XIV, tandis que la dame et les deux
à ses côtés sont costumées comme les
femmes qui sont
paysannes de l'époque. .

Au bas de ce tableau est cette inscription:
F. EN. 1705. D. T. D (du temps de)
YVES. POULHASAN. Fque
Dans le second tableau on voit un prêtre, en chape, bap.
tisant un enfant, qui est tenu sur les fonts par un seigneur
et une châtelaine portant grande coiffe, robe à paniers et
tr'aîne. La commère ou amiegez se tient derrière avec un
pot à eau et un essuie-main; elle est couverte d'un manteau
court ou capuchon.

Au bas, cette mscrfptlOn : "
Mr~ 1. GLOAGVEN BAPTISt CET ENFANT
Cré DE PRIMELEN NAY. DEPVIS. VN. MOMENT.
A l'intérieur de la petite chapelle, sur le lambris en
planches formant voûte, sont peints trois tableaux représen­
tant:
1. Le baptême de Notre-Seigneur par saint Jean, avec
perspective d'arbres, d'une ville et de montagnes dans le
lointain.
Un prêtre dans un confessionnal, confessant un sei-

gneur.
3. Un évêque, accompagné de deux prêtres, donnant la
confirmation à urie femme.
Cette voûte a aùssi une inscription:
Mre IAN: PERENNES: 1
HERVE: PLOINEC: F : LAN: 1679
Le haut du lambris est couvert d'un semis de fleurs de lis
de France qu'on a fait disparaître à moitié, en 1830, au
moyen de gros coups de bouchons chargés de lait de chaux,
Sur les nervures sont des mouchetures d'hermines.
La cuve baptismale est ornée de moulures; et dans l'an­
gle ouest est placée la cheminée: d'assez petites dimensions.
L'église de Lambour, à Pont-l'Abbé, formant autrefois une
trève dépendant de Combrit, est composée intérieurement

de piliers et d'arcades datant de la fin du XIIe siècle ou du
commencement du XHle. Dans la première moitié du XVIe
siècle, on y a fait des adjonctions importantes; on y a cons­
truit le beau portail de l'ouest, avec le joli clocher accosté
voyons mainte-
de deux tourelles octogonales, et que nous
nant découronné de sa flèche. C'est Louis XIV qui a donné
ol'dre de commettl'e cette dégradation, pour punir la paysan-
taille de sà révolte lors de l'imposition du papier timbré.
Après la construction de ce portail" on établit une sorte de
réduit ou de chambre au bas du collatéral sud, en, bouchant
une travée au moyen d'une maçonnerie assez grossière.
C'est dans cette maçonnerie, près la porte d(3 la chambre, .
qu'a été placé le foyer en gr~nit que nous voyons mainte­
nant.
Juch et Gourlizon étaient autrefois trèves de Ploaré.
Il n'est donc pas étonnant que ces deux ,églises aient pris
exemple sur l'église-mère, pour l'établissement de cheminées .
aux fonts baptismaux; de même que Cléden-Cap-Sizun a dû
sur Pont-Croix ou Saint-Tujean.
se modeler
L'église de Perguet était autrefois paroissiale; elle dépend
maintenant de Bénodet. La nef a des piliers romans . et des
Fouesnant. Mais le foyer
arcades qui rappellent Loctudy et
qui se trouve dans le bas-côté nord est de beaucoup posté-
rieur et doit être reporté certainement au XVle-siècle.
11 en était de même de la petite cheminée qui se trouvait
dans la vieille église ' de Penhars, près de Quimper, à l'un
d'es angles du transept sud. Cette église, qui n'avait de
remarquable que deux travées romanes du côté nord du
chœur, vient de disparaître pour faire place à une élégante
église og'ivale'qui se termine en ce moment, et dont le clocher
a-igu couronne très 'heureusement ces hauteurs .

IV. Roues de fortune ou roues à carillons.
On appelle ainsi des roues en bois, suspendues au-dessus
des arcades des églises ou dans les parties hautes des mu­
railles, et qui sont garnies de clochettes de différentes di­
mensions et de timbres variés, que l'on fait sonner par un
mouvement çle rotation imprimé à la roue au moyen d'une
corde.
roues sont encore très nçH11breuses, dit-on, dans les
'Ces
églises des Pyrénées, dans les Baléares, en ·Suisse et sur
les bords du Rhin.
. Gailhaband, dans ses études sur le mobilier des églises,
donne le dessin èt la description d'une grande roue en fer,
5 ou 6 métres de diamètre, garnie de plusieurs centaines
de clochettes, suspendue à· la voûte d'une grande église

d'Allemagne: et dont le carillon produit comme un murmure
doux et harmonieux dans le vaste ' édifice.
Ces roues pouvaient exister autrefois dans plusieurs de
nos églises; toujours est-il que l'usage en est très ancien,
car c'est à ce g'enre de carillon que Lez-Breiz fait sans doute
allusion, lorsqu'il formule cette ' promesse à la bonne Mère
Sainte-Anne, s'il revient victorieux du combat:
Sept clocles d'argent sur votre beau front,
Le jour et la nuit, gaîment sonneront

Mais désormais nous n'en connaissons plus que trois, dont
l'une est complètement désemparée, la seconde est muette,
et la troisième seule continue à faire entendre ses notes
gaies et perçantes au-dessus de la statue vénérée de N.-D.
de Cbnfors.
Dans la belle chapelle de N .-D. de Quilinen, en Landré­
varzec, autrefois trève de Briec, au fond du transsept nord,
au-dessus du beau groupe de saint Yves assis entre le riche
et le pauvre, on voit les restes d'un ouvrage en bois fixé à
la muraille et qui autrefois soutenait une roue à carillon.

Cette roue gît maintenant sans honneur dans un coin de
l'église, dégarnie de ses cloches, et bientôt on ne pourra
même plus déviner quelle était autrefois sa. noble destination.
A Pouldavid aussi, dans l'église dédiée à saint Jacques,
la vieille roue garde tristement le silence, d'abord parce
qu'il n'y a plus de corde pour la tourner, et ensuite parce
que plusieurs de ses sonnettes sont dit-on fêlées. . .
Il n'y a seulement qu'à la dévote c'lapelle de Confors que
la vénérable machine fonctionne toujours. Nous nous sou-
venons de l'avoir entendue dans les grandes circonstances
chant dans une sorte de gamme bizarre.
faire résonner son
du Petit-Séminaire de Pont-Croix, à
Au pèlerinage annuel
la fin du mois de mai, lorsque la procession entrait dans
tambours battaient, la roue
l'église, la fanfare jouait, les
carillonnait, et ce curieux orchestre était fait pour frapper

vivement l'imagination. .
Les gens du peuple tournent la l'Que de Confors pour
obtenir de la bonne Vierge qu'elle délie la langue des enfants

qui sont lents à parler. Nous connaissons une bonne mère
avait recouru à ce
de famille qui, à plusieurs reprises,
fis aîné; elle réussit si bien à la fin,
moyen, en faveur de son
et son entant devint si bavard, qu'elle fijt 'obligée de tourner
la roue à rebours pour modérer un peu sa loquacité.
Nous souhaitons que les enfants bretons parlent toujours

bien; mais nons faisons aussi des vœux. pour que cette roue
pour que ses deux
de Confors vive encore longtemps, et
sœurs, maintenant muettes, retrouvent de nouveau leur voix
et leurs chants joyeux.
. J .-M. ABGRALL,
Prêtre.
NOTA. Dans les ruines de l'église de Bodivit, en Plomelin,
xv' siècle, on trouve un foyer correspondant .à la place des font8-
baptismaux. Notre honoré confrère, M. Bigot, architecte diocésain

honoraire, nous signale aussi un foyer dam" la chapelle de Berven,
tn Plouzévédé.