Responsive image
 

Bulletin SAF 1892


Télécharger le bulletin 1892

Le chanoine Jehan Moreau

Abbé Favé

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


LE CHANOINE JEHAN MOREAU

De la date de la composition des «( Mémoires J)
du chanoine Moreau.
LOl'sque :MOl'ean passait ses meilleurs moments à conSI-
gner, sur papiel', les événements d'une époque déjà éloignée,
la dernière date qu'il nous fournit se rattachant à son
histoire particulièl'e est rapportée p. 288-290, de l'édition
de l\I. Le Bastard de Mesmeur (1857) :
« A Quimper, on se gouverne non pJ.r conseil, mais à
« l'étourdie, et comme à la cour du roi Pétaud, tout le monde
« y est maîtl'e. Je pourrais ici m'étendl'e en déduisant de
« combien de beaux effets semblables ceux de Quimper ont
« attenté de leurs creux cerveaux, et dont l'issue en a été
« toujours à leur honte et confusion. Toutefois, je m'en tairai
. « d'autant quetnon intention est plut6t de la louer com.me
« liett de ma demeure, IL y A TRENTE-SEPT ANS. »
D'autre part, la première date qu'il inscrit, ayant un
intérêt biographique, se rattache à la silrprise de Concar­
neau, 17 janvier 1576: « Cette prise, dit-il, fut le jour de
Saint-Antoine, après midi, et les nouvelles en arrivèrent à
Quimper, où j'étais, environ les trois heures le même jour. ))
Parlant de Le Baud, seigneur de La Vigne-Le Houlle, chef
de l'entreprise des huguenots, il nous donne ce détail

qu' « on le voyait souvent se promener sur les murailles,
« ayant une grosse chaîne d'or qui faisait trois touTS, qu~
« j'ai soU/vent vue et l1wniée. )) (p. 71.) .
Dans cette déclaration, il n'y a rien, nous l'avouons,
d'assez explicite pour constituer une certitude. Toutefois,
s'il nous était permis de voir dans ce souyenir de la première .

jeunesse se rattachant à la chaîne d'or -de La Vigne, dans
cette précision de détails sur les événements de Concarneau,
lefait d'un habitant des environs de cette place, voici ce que
nous ferions. Faisant évoluer nos présomptions entre les
deux dates précitées, nous ferions arriver Moreau à Quimper
v~rs 1576, et alors, il nous serait très facile de millésimer le
tableau frappant qu'il nous a laissé de son époque :

1613 serait donc l'année où le vieux chanoine quimpérois
se trouvait au fort de la composition de ses Mémoù"es.
Ce qui est hors de doute, c'est qu'ils sont postérieurs à la
mort de Henri IV, . et en voici 'lme preuve intrinsèque :
Moreau parle des prédictions terrifiantes qui, en 1590,
couraient le pays tout entier, au sujet de la venue déjà
effectuée de l'Antéchrist, né à Babylone (p. 391). Le
trouble fut si grand, « le bruit alla si avant que le roi
« Henri IV lors régnant, par édit exprès fit défense ... » (d'en
parler) p. 392.
Or, Henri le Grand tombait sous le couteau de Ravaillac,
le 14 mai 1610.
La date de 1613, que nous donnons à défaut de mieux, ne
peut être, du reste, absolue. L'œuvre de Moreau ne trahit pas
un travail composé, écrit currente calanw et sans désem­
parer: ses répétitions, ses redites, particulièrement sur les
faits de l'histoire générale, semblent l'indiquer, et on
pourrait croire que notre écrivain avait perdu de vue ce qu'il
avait inséré dans les cahiers précédents. Il dut y mettre son
temps, sa peine et son plaisir, sans se presser et tenant avant
tout â être exact et complet.
Lorsqu'il raconte comment La Fontenelle devint prison­
nier de Saint-Luc, moyennant rançon, il a soin d'ajouter:
«Dieu ne permit pas qu'il fut sitôt châtié de ses méfaits,
« mais il fut réservé pour de rechef affiiger son pauvre
« peuple, puis ' après faire de lui un exemplaire spectacle,

« sur une ratte, comnte il sera dit ci-après.» (Septembre 1602.)
L'intention de Jean Moreau était donc de contin,uer son
Histoire, et qui sait? peut-être de modifier quelques
jugements sur les personnes et sur les choses du temps, où
l'homme loyal, l'historien intègre, avait eu la mauvaise for­
tune de ne pas oublier l'hOJpme de parti.
Moreau est mort le 29 juin 1617 (III. Kalend. Julii) et non
23 juin, comme l'établit définitivement M. le chanoine
Peyron.
Quatre ans auparavant, comme on le lit au Déal du cha-
pÏll'e ùe Cornouaille, « le 23 juin 1613, vénérable et discrette
« personne Messire J ehan Moreau, chanoine et official de
« Cornouaille, licencié aux droits et ancien conseiller au
« Présidial de Quimper, fonda un obit dans la cathédrale:
« moyennant une somme de 300 livres, à la condition d'être
« enterré dans une tombe aboutissant à l'autel parochial d'un
« bout. »
Donc, en 1613, l'ancien et vaillant champion de l'Union
songeait à la mort, et prenait ses dernières
en Cornouaille
dispositions avec Dieu pour assurer des prières à son âme:
vu l'état d'esprit qui le poussait, il pouvait voir dans le .
manuscrit auquel il travaillait une disposition dernière prise
aussi à l'égard de la postérité par un témoin de luttes héroï­
ques, qui pouvait en parler, y ayant pris sa large part:
« QtlO1'um magna ]Jars lui. ))

Moreau à Paris.
Hacontant la surprise et la reprise de Concarneau en 1576,
le vieux' chroniqueur de la Ligue. veut venger les Bas-
Bretons des railleries de Kermassonnet : « ils n'ont, dit-il,
« jamais refusé le collet à aucune autre nation. L'on sait en

« quelle estime, ils ont toujours été au.]; Uni/)ersités; je pour-
( rais en citer u'n grand nombre d'exemples. » (p. 78).
Moreau était de la famille de Kercado , famille O1'iginaire
de Beuzec-Cap-Sizun, que l'on voit à réformation de 1426,
inscrite en la paroisse de Combrit. (A.rl1W1"ial de :M. Pol de
On peut croire que dans les lignes que nous venons
Courcy).
descendant des sieui's de Kercado, pensait un
de citer, le
peu à ses succès universitaires, lorsqu'il se préparait à
prendre ses gl'ades in 'U troque jure, à la. cèlèbre Uni versité
Paris. Ce que l'on voit de l'érudition de Moreau, autant
que ce que l'on en devine, montre chez lui un vrai bagage
encyclopédique. Aussi peu étranger aux aphorimes d'Hypo­
orate, qu'aux Ethiq'ues et Politiques d'Aristote, le fntur
Conseiller an Présidial, n'hésita pas, à l'occasion, à em­
prunter ses figures de rhétorique à la terminologie de la
( Saluberrirna Facultas )), de la Très Salutaire Faculté de
médecine.
au moins en 1585 (p. 3) à Paris. Il s'y ren­
Moreau était,
contra avec un compatriote de grande notoriété: Etiellne
Gourmelen (1) ou Gourmelon, qui avait pris le bonnet à
l'Université de Paris en 1561, et mourut en 1593 .
Moreau, que nous pouvons saluer comme un des précur­
seurs de notre Société Archéologique, s'intéressa aux recher­
elles savantes sur nos traditions et antiquités nationales,
comme le témoigne le résultat de ses études et de ses COllvel'­
sations SUl' la ville d'Ts et la pointe du Raz. (p. 10) .
En cette même année 1585, notre Chroniqueur ràppelant
(1) Quoi que ,la guerre civile ) ait couru par tout le corps politique
une forte médeciJ1e les humeurs peccaIJtes pal'
et recherché comme
toute~ les plus petites parties d'icelui .... , etc ...
(2) « Monsieur Gourmelen, ·Docteur de la ville de Paris, originaire d'en­
« viron de Douarnenez. » (p. 10). La bibliothèque de la ville de Quimper
doil à la munificence de notre illustre Laënnec, des travaux curieux de ce
savant médecin.

l'abolition faite par l'Evêque Charles du Liscoët de la cou­
tume des trois messes chantées ensemble le jour du Jeudi­
Saint par l'Evêque et deux chanoines, en témoigne, nous ne
disons pas son regret, mais sa rancune: la cérémonie était
belle et touchante « ce que j'ai 'Vu plusieurs années, j'usqu'en
« l'an 1585. )), qu'elle fut abolie par le successeur ' de
François de Pennarstang. « On ne sait s'il faisait cela de
sa propre cervelle, ou si en ayant conféré ailleurs, il ne
trouvait la cérémonie tolérable. » (p. 24). '
Vraisemblablement Moreau qui ne devait pas être présent
à ce Jeudi-Saint, dut être imformé par les membres de l'op­
position faite au nouveau prélat.
En 1586-1587, Moreau est toujours à Paris; en novembre
de cette dernière année, se livra la bataille d'Aüneau livrée
par Henri de Guise aux Reitres et Lansquenets Suisses et
Allemands, hordes étrangèees qui venaient mettre tout à
feu et à sang dans notre patrie : la bataille se livrait à qua­
torze lieues de Paris, « et le même jour, dit Moreau, « je
« vis y rendre grand nombre d'enseignes et de g'uidons au
« Louvre, au Roi qui y était attendant rien moins que de
« telles nou'uelles. )) (p. 34).
Moreau, en ce qu'il nous raconte, e;;t un témoin précieux
tant des évènements que de la situation des esprits à Paris,
pendant son séjour, au même titre que Pierre de Lestoile,
qu'il rappelle si souvent.
A cette même époque, Moreau vit dans la capitale du
rendre pleine justice aux qualités que Anne de
Royaume,
Sansay, comte de la Maignane, montrait déjà « comme bon
« et ancien voleur sur terre et s'ur mer: en considération de
quoi, il fut mis à l'ombre, par Henri III en son château de
Bastille, en 1586. Sept ans plus tard, lorsqu'en 1593,

dans les conseils de la ville de Quimper, il fut décidé de
livrer libre passage à La Maignane, Moreau put en parler
pertinemment, comme il le fit à bon escient: {( Je dis au

( sénéchal à l'issue de l'Assemblée de la ville: vous avez
« ouvert Hne port.e que vous ne fermerez jamais: nous avons
« ouï jusqu'à présent pader de la guerre, mais de ce jour,
(1 vous nous l'avez jetée sur les bras. SI: Dons connaissiez si '
« bien le comte de la illaignane que nwi, vous Cl'oiriez tout le
'( contraire de ce qu'il proteste, mais la barrière est franchie,
« nous sommes désol'mais en proie à tout venant. » p. 164.
Et le vieux ligueur, avec une tristesse bien justifiée, termine
son récit par ces mots: « Voilà donc la première expédition
« faite en cette juridiction, non par l'emiemi, mais par ceux
« qui se disaient être les protecteurs de l'Union. » (p. 1(6).
En 1587 ~ notre compatriote, sans doute en quête des
membt'es de la colonie . bretonne résidant à Paris, vit, au
Boncourt, certain juveigneur de la Maison de
collège de
Beaumanoir, en la paroisse de Botoa, en Cornouaille : cet
écolier était le fameux Guy Eder, sieur de la Fontenelle:
La Maignane et la Fontenelle, vrais pirates de la terre ferme
que, selon l'observation de M. de Carné (Etats de Bretagne.
T. 1 ) Mercœur dut supporter ne pouvant les t(lire pendre. It
En mai 1588. survint la Journée des Barricades: Moreau
nous en donne la physionomie avec la compétence d'un
témoin consciencieux: « il se passa, dit-il, en cette journée,
« plusieurs particularités desquelles je fus témoin oculaire
« en ladite vme, qui seraient trop longues à réciter,. et c'est
« cette fameuse journée des Barricades, qLte nos historiens
« chantent tous les jours si haut, non sans déguiser la
« ljérité, et q'ue chacun raconte suivant sa passion et bien
« sowoent tout au contraire de ce qui s'est passé. » (p. 37).
Le futur Conseiller nu Présidial, était à Paris lors de la
réunion des Etats du Royaume, à Blois. Il étaIt à même
d'être bien informé: 01', d'après lui: « Mercœur s'y rendait
« et (J'oait déjà quitté Nantes quand il reçut une lettre de la
. « Reine, sa sœur, qu'il eut à s'en retourner, et lui donnait
« (t'vis de ce qui s'était passé. » (p. 40), c'est-à-9,ire du double

assassinat commis sur la personne du Balafl'ré et du car-
dinal de Guise. .
Cette assertion est précieuse à recueillir, d'autant plus
que des historiens disent que Mercœur ne quitta pas Nantes ,
et que d'autres le font assister aux Etats.
En juillet 1589, les Royaux lèvent le siège de Meaux, le
Roi vieut devant Pontoise, y reste dix-sept jours et vient
assiégel' Paris. Au milieu' des escarmouches auxquelles se
bOl'ueut les opérations, Moreau nous parle d'un événement,
auquel il semble avoir assi:"té et qu'on dirait renouvelé des
anciens Romains. C'est le combat singulier livré entre le
sieur de MaI'olles pOUl' Mayenne, et le sieur de Marivault
pour le Boi, en pi'ésence de deux armées et d'une foule de
50,OOOpel'sonnes. (p. 44, 43. ) ,
Lé combat eut lieu le 1 CI' août 1589, (1) Mari vault fut tué
« sur les onze heures du même jour, et dans le même temps
« arrivèrent deux religieux-capucins qui se présentèrent au
« Duc (de Mayenne), et qui assurèrent que le Hoi était mort
C( vers les quatre heUl'es du matin » ••• et qu'il avait été
(C blessé le jour précédent. »
Henri de Valois tombé sous le couteau d'un fanatique,
mort allait mettre fin aux dernières hésitations de la
cette
majorité du pays. Comme le constate M. le Duc d'Aumale,
C( l'instinct public était décidément contraire à un Roi pro::
« testant. » (I-Iist. des princes de Condé. T. II. p. 19.)
Les choses de la Ligue se précipitent, chacun prend son
p'oste : Messire J ehan Moreau l'allie le sien sans retard, et
c'est désormais dans la Cornouaille et dans sa vieille capitale
que nous allons voir à l'œuvre l'activité et l'intelligence du
vaillant ligueur bas-breton.

0) lei il y a celtes üne eneur de date facile à rétablir.

III.
Moreau en Cornouaille .

Au point de vue de la Ligue, voyons en quelle situation
Jehan Moreau retrouva la bonne ville de Quimper .
. L'Evêque Charles du Liscoët (c était (ort doute·ux dans les
commencements, et peut-être fort sollicité par son frère aîné,
le sieur de Coëtnemynen, président au Présidial, qui était
homme du temps» (p. 57. ); et les deux se trouvaient être
bea.ux-frères de Lézonnet, gouverneur de Concarneau.
cs. Quant à Messieurs de la Justice et du Siège Présidial
« il n'y avait. que trois qui fussent affectionnés pour le parti
« des catholiques; du reste, cette qualité . de gens est plus
« politique que pieuse. » (p. 58).
Avec 1e temps, les partis se forment, se définissent,' se
délimitent au milieu de divisions qui allaient s'exaspérant
du 'commencement d'août à la fin de septembre. L'opinion
était pour la Ligue. "Maître Jacques Laurent, sénéchal, avec
deux juges particulièremeni compromis, jugea prudent de
prendre la fuite. L'un des deux juges était Philippe de Rin­
guiers, que M. du Châtellier appelle Philippe de Rinqttières .
(1) (p. 23. d'un extrait de la Re'vue d'A njou: « Un coin de la
Cornouaille sous la Ligue » 1881). Le conseiller était de
plus, quoiqne laïque, prieur de Logamant : réfugié à Brest,
« d'autant qu'il était ho'mrne capable, » nous dit Moreau
(p. 60), il fut du conseil de Rieux de Sourdiac, gouverneur
de cette place de si grande importance, et ce détail dit beau-
coup pour nous indiquer la valeur de l'homme.
L'autre conseillèr en fuite était Simon Aubert, et son
office devenant vacant, Moreau devint Conseiller au Présidial
en son lieu et place. (p. 60). '
Ce fut, certes, du plus profond de son cœur, qu'entrant en

(I) Lisez de Rinquier. (Voir les titres de ,la baronnie dePoulguinan, 1621.)

fonction, il prêta son serment à la sainte union des catho-
liques. .
Quelques années après, Guillaume Le Baud, sieur de
Créac'hmar, à la Terre au Duc, sénéchal, alors que l'on
traitrait avec le Maréchal d'Aumont, par le canal de Lé­
zonnet, Guillaume Le Baud entl'epl'Ït de gagnel' l'intraitable
Moreau qui, lui, fidèle à un sermellt, n'entendait rien à ce
qu'oll appelle, de nos jours, les « convictions successives. ))
« C'était en la chambre du Conseil... Le Baud, de la part
t( de Lézonn6t, pl'omettait de faire continuer les conseillers
t( en leurs offices, cal' la charge que je possédais était aussi
« par l'absence d'un conseiller huguenot qui s'était aussi
« enfui. (Simon Aubert). Je lui répondis qu'il n'était pas en
« la puissance de Lézonnet de tenir sa promesse, et qu'il
« n'y avait que le roi seul qui le pût, lequel n'eut jamais
« consenti que ceux qui l'ui avaient été toujo'urs fidèles, et qui
II avaient quitté femmes et enfants et les r!moluments de leu1"s
« états, et épl'ou'ré tant de fatig'Ltes et de pertes pour suivre
({ son parti, en demeurassent honteusement {rustrés pOttf' y
« maintenir des rebelles; que je m'étonnais beaucoup que '
« lui: qui était homme sur l'âge et expérimenté, se laissât
« ainsi mener par le bec, et que de ma part, je ne m'y
« .joindrai janwis et que la considé1"ation de son offre ne
« lne ferait jamais Tien faire contre ma Teligion et la t'ai
fi: promise. » (page 179). .
Baud quitta brusquement Moreau sans répliquer, mais
ce dernier l'accuse d'avoir tout rapporté à Lézonnet qui ne
manqua pas, à la reddition de Quimper, de desservir le
Conseiller ligueur près du Maréchal d'Aumont. Nous ne
étonnons pas que le Maréchal, vrai soldat, ait donné
nous
son estim~ au brave ligueur, dont la conduite était si loyale
et si conséquente.
Le consBiller Moreau ne perdait pas son temps, comme le .
montrait les enquêtes minutieuses qu'il fit, en 1590, sur la

surprise de Quimperlé et le siège de Kérouzéré. Il semble
qu'à la mème époque, il fit assez long séjour dans le pays
de Carhaix et de la Haute-Cornouaille. Ii se trouve à Col­
lorec 'près de Plonévez-du-Faou, pour y enterrer le brave
Lharidon, pris dans une embuscade et massacré avec les
paysans des communes accourues au secours de Carhaix
Il était encore dans cette ville, lorsque l'arrière-ban de
Cornouaille y passa, pour répondre à l'appel de Mercœur,
alors dans l'évêché de Saint-Brieuc: pauvres troupes déban­
dées qui allaient à Plestin se faire prendre comme dans
une souricière; et se faire écharper par la bonne garnison
de Royaux logée à Tonquédec. (p. 105.)
En 1591, si le conseiller quimpérois ne se trouv~ pas au
siège de Guingamp, il en enregistre les péripéties avec la
même recherche de précision qu'il met en tous ses récits:
les détails, il les tenait de ses corl>éligionnaires de l'Union et
du principal intérèssé de la livraison qui fut faite de cette
place au prince de Dombes. La Cointerie, fils d'un pâtissier
d'Angers et créature de Mercœur, commandait dans la place
de Guingamp, lorsque d'Aradol) y fut nommé gouverneur:
La Cointerie furieux, se contint cependant, {( trouva tout
« bon pour le présent, jusques à trouver l'occasion de s'en
« ressentir, ainsi que lui-même nous a fait le récit tout au
« long, en 1594, en cette ville de Quimper où il était en gar­
« nison, lors pour le roi, après la reddition de la place a'Lb
{( Maréchal d'Aumont. ) (p. 122).
.. a Cointerie alla lOIn: dans ses confidences, puisqu'il
avouait avoir « promis rendre la ville moyennant dix mille
« écus desquels il reçut deux mille comptant et le surplus
« sous le seing du prince de Dombes, à être payé dans un
« temps qui n'est pas encor~ échu et qui n'écherra jamais,
« quoique ladite promesse fut sous foi de prince, ainsi qu'il
« m'en a ltti-même con{essé toute l'histoire; mais je lui dis

« choses bien différentes. » (po 123-124).
qui nous étonne plus que ces aperçus pratiques, pro­
bablement peu nouveaux pour le vendeur de Guingamp,
ce sont ces confidences d'un côté, et d'autre l'ardeur
ue met le lio'ueur Moreau à les amener: ses soins d'infor ...

mation, sa passion d'enquêteur, étaient poussés fort om,
car en somme, que devait être La Cointerie, pour le parti~an
loyal de la Sainte-Union, si ce n'est un transfuge etun
h'aître ? . .
La ligue bretonne est à son apogée: les Etats de Vannes,
réunis en mai 1592, sont un triomphe pour la cause " de
l'Union en Bretagne: Moreau y prit part, à côté des évêques
de Cornouaille et de Léon. (p. 204.) 0 •
V rai semblablement, il se rendit de Vannes à Nantes où
il se trouvait encore en août 1592. Dans le récit qu'il nous
laisse de la bataille de Craon, le conseiller au Présidial ne
ménage pas ses éloges et son admiration pour la retraite
qu'organisèrent les braves La Tremblaye et du LiscoëL Il
y a beaucoup d'esprit chevaleresque dens cet hommage
rendu aux vaincus. Il nous a conservé ce détail frappant que
Mercœur « sitôt qu'il vit l'armée ennemie en déroute, fit
« crier en son camp à son de trompe, qu'on eût à sauver
« les Français et à se ruer sur les Anglais. » {p. 141.}
C'était la revanche d'Ivry. .
«( Tous les appareils de guerre, nous dit Moreau, et équi­
« pages de royaux, furent perdus et gagnés par le duc de
« Mercœur, que l'on rendit pour la plupart à Nantes avec
« les prisonniers. au nombre desquels étaient les seigneurs
« de Rochepot et Pichery et nombre d'autres, desquels je n'ai
« pu sa'voir les norrts quoique je les visse arriver à Nantes,
« où j'étais en ladite année, au mois d'août. )) (p. 142).
même esprit d'information de notre vieil écrivain local
se manifeste dans le récit émouvant qu'il nous fait du saç de

Châteauneuf-du-Faou, par le sieur du Liscoët (2~ mars 1593) :
l'église est pillée, le tabernacle violé, le « Corptts ])onûni ))
jeté et foulé aux pieds. Un prêtre prisonnier, après une
courte et fervente pl'ière ramassa l'hostie et l'avala. Eh
quoi! misérable, tu idolâtres encore en ma présence? Et en
disant ces mots, un soldat l'étendit mort à ses pieds. « Ai'nsi,
« dit Moreau, mourut ce bon prêtre duquel je n'ai encore S'tt
« le nom pour l'honneur de notre Rédemption. » (p. 152).
Nous regrettons que Moreau n'ait pu recueillir le Hom de ,
saint confesseur de notre foi, et conduire à meillour'e fin
les recherches qu'il se proposait de faire sur ce point.

Moreau à Quimper.
Le chapitre XXIV des intél'essants mémoil'es que nous
étudions est intitulé « de di'oerses choses concernant QUÏ'lnpe1' ».
Tous les chapitres suivants, jusqu'au ch. XLIJI inclusive­
ment, pourraient porter ce seul et même titre. Il est difficile de
se bornel', car tout est à citer, et sur Quimper, sous la Ligue,
on ne sait citer que Moreau. Quimper, vers 1594, c'est Rome,
mais Home avec Catilina, ses intrigues, ses conspirations,
ses conjurations et les complicités de toute _ sorte: Catilina
aux poeles de Rome et dans Home même. Dans le style de
ces dix-neuf derniel's chapitres, le chanoine. Moreau s'est
tellement inspiré de la phrase de Sallute, qu'il nous semble
que ce serait besogne aisée pour un humaniste de les rendl'e
dans la langue où l'historien latin a écrit la « Conjura­
tion de Catilina. »
Lézonnet s'étant soumis au roi Henri IV, son voisinage
était peu commode pour Quimper. (Voir ce qu'en dit Moreau
de Conc.arneau par rapport à Quimper, 10l's de sa surprise
de 1576. Lire aussi dans le précédent v91ume l'étude remar-
quable de 1\1. Trévédy). ' ,

onnet auquel Mercœur aurait donné la confiance la,

« de t01(,S les ha.bitants si bien que tous ceux q'U,'t lut etatent
« sr uspects étant d1t premier parti, l'ui tilrent grands amis. n
Lézonnet. s'étant fait fOl't d'amener la soumlSSIOn de QUlm-
sans coup t'él'il'. Il entreprit -autant ses anciens amis que
pel',
ses anCIens enllemiS.
11 faut lire in-e;r;tenso, dans les mémoil'es du « Ligueur'
Quimpél'ois ll, la biographie qu'il nous donne d'Yves Allanou,
avocat au Présidial, « fils d'un pauvre mal'cha-nd de la paroisse
de Ploné1:s », qui, en sa maison du Marché-au-Pain, sur la
grande place, vis-à-vis de la porte de Saint·Corentin, tenait
des conciliabules pour al'ri ver aux fins de Lézonnet et à qui
Ollivier Androët servait d'intermédiaire (p. 228).
Après Allanou, le premier qui eut sa bonne part des ran-
cunes du chanoine Moreau, ce fut le bénéchal Guillaume
Le Baud (cf. pp. 178, 179).
Les notables robins et marchands prirent même sur eux
d'aller à Concarneau pour s'entendre avec Lézonnet; ]e
chanoine fait un dénombrement curieux ct piquant (p. 180').
A la suite d'un de ces voyages, un certain lundi~ tous les
juges présidiaux s'asssemblent en chambre du Conseil:
l'éloquence de maître Le Baud gagne tont le monde, ce qui
était plus que fait: « Deux seulement, dit Moreau, se moquè-
l( rent des belles promesses de Lézonne1, maître Tangity de
« Botmeur et 'moi ..... '1nais la pluralité nous obligea à nous
li taire. VOyŒnt leuT opi'niâtreté, n01(,S sortirrnes de la Chan/,-
« ure» (p. 182). '
Ces négociations devaient aboutir, au moins, à une tenta-
tive sur Quimpel'. La ville est bloquée excepté du côté de
Saint-Nicolas et de Saint-Antoine. '« En cet endroit on des­
« œnd deux messagers, l'un après l'autre, et qui ne s'entre-

cc savaient pas, au long de la Tour-Bihan et Saint-Antoine,

« avec des lettres au sieur, de Quinipily, gouverneur d'Hen­
{( nebont, qui était la plus proche garnison catholique que
« nous eussions" (pp. 188, 189. Etant donné les relations
affeètueuses qui existaient entre Moreau et les d'Aradon, il
dut certainement avoir grande part à l'inspiration et à la
rédaction de ce message.
Pendant ce temps, le maréchal d'Aumont est sous les murs
de Morlaix défendu par le brave de Carné-Rosampoul, pour
lequel Moreau est très sévère. Son avarice aurait été la cause

de bien des retards dans le ravitaillement de la place assiégée,
et Moreau cite à l'appui de cette accusation les reproches
que Mercœur adressait, quelques jours après, à Quimper,
à la personne même du gouverneur de Morlaix (Cf. p. 201).
La conférence tenue au Relecq entre Philippe Emmanuel
de Lorraine et don Juan d'Aquila est rapportée par le con­
seiller Moreau, comme par quelqu'un qui tient ses rensei­
gnemerits de bonne source. Cette source ne pouvait être
autres que les confidences que fit au fidèle ligueur le duc de
Mercœur lui-même. Venu à Quimper, ({ n'ignorant Tien de ce
{( qui se brassait », il voulait tout voir par lui-même. Il s'y
trouva avec le marquis de Belle-Isle et Talhoët de Kerédern,
gouverneur de Redon. Le caractère personnel de Moreau et
son dévouement apprécié depuis longtemps, lui avaient mé­
rité la confiance du duc. {( J'étais, dit-il, seul de la ville près
« de lui, et il m'interrogea du nom des portes, du nombre et
« de la forteresse ... ]) (p. 221).
Pendant la soirée, Mercœur fut très triste, et Talhoët
insistait près de lui pour qu'il acceptât les offres magnifiques
que lui faisait le Roi, mais Mercœur temporisait. Il est
caractéristique ce regret plein de mélancolie exprimé par un
vieux serviteur qui, lui, n'avait rien à se reprocher: {( S'il Y
« eut voulu entendre, la guerre était finie en Bretagne, et ce
(( pays bas eut é'l)ité les rnines qtt'Û encouJ'ut de là en avant,

cc ClU' ledit duc ne t'ut pas plutôt TetiTé de cette vilte que ledit
« pays fttt s'uÙJi d'un dél- uge de misères» (p. 224).
Le 9 octobre 1594, vers les quatre heures du matin, le
maréchal d'Aumont arrivait par Kerfeunteup pour eommen­
cel' l'investissement de la ville. Le conseiller au Présidial se
multiplie, toujours sur les remparts, allant et venant, il est
partout. MOl'eau était sur les mur et la porte Saint-Antoine. Averti de la marche des troupes
royales, il envoie faire sonner le tocsin et avertir le gouver­
neur; pendant qu'il fait à maître Jean de la Verdure, huissier,
à ses côtés sur le mur, tirer un coup de mousquet pour mettl'e
l'alal'me partout. (Cf. p. 232).
Une assemblée de la ville se tient à Saint-Corentin devant
le crucifix: tous les ordres s'y trouvaient et chacun dit son
opinion. (c Et premièrement messieurs de l'Eglise par la
bouche de messire Guillaume Bruys, archidiacre de Poher (1).
L'archidiacre de Poher, le grand vicaire de l'évêché,
déclara que tous les ecclesiastiques étaient d'avis que l'on
eut tenu bon et s'offrant tous à la défense de la ville que qui
que ce soit jusqu'au retour de Talhoët de Kérédern qui était
allé voir l~dit seigneur de Mercœur (p. 235).
_ « Ceux de la justice tenaient pour la _ plupart l'opinion
« contraire, comme gens qui ne se soucient pas tant de la
(c religion que de leurs profits particuliers (p. 236).
« La jeunesse en corps, qui faisait le nombre de trente ou
trente cinq, se présente et fait pareille déclaration et pro­
messe que les ecclésiastiques J) (p. 237).
(J. L'assemblée se départit sur cette dernière résolution,
ce qui taisait enrager les tra1.tTes. »
Malgré tout, le mardi, 12 oclobre 1594, les portes de la
ville étaient ouvertes au maréchal d'Aumont et la capitula-
( t) Gascon de nation, étant forcé de signer son serment, sous menaces,
à la reddition de Quimper, cc fut à l'instant d'un tel crève-cœur qu'étllnt à
l'instant pds d'une fiè.yre, il en mourut de déplaisir » (p. lUi).

tlOn à peine acc.ordée était violée. Les ecclésiastiques même
étaient empl'isonnés, et Charles du Lisc.oët pouvait demander
à Jean d'Aumont: « Comment. monsieur, sommes-n.ous en
(C ulle Rochelle où la persécution soit ouverte contre les gens
« d'Eglise?» (Cf. p. 259) .
Le vieux ligueur quimpérois, en retour, prenait un grand
et malin plaisir à v.oir pris dans la nasse les premiers qui
avaient ouvert les portes à l'ennemi (Berthault, le sénéchal
Le Baud, p. 262 et suivantes).
(\ Le sieur maréchal montra en cela que le proverbe est
(c véritable, qui est d'aimer la trahison et non les tra1.t1 'es ,
« car la vérité est qu'il favorisa a'utœnt et plus ceux qui
« n'étaient pas de l'entreprise» (p. 246).
« Et pOUl' mon intérêt particulier, j'ai en toute occasion de
« me contenter de sa bonne justice, car ainsi soit. que contre
« la volonté des cesseurs de la ville, de cette levée de deniers
« j'eusse été mis aussi du nombre par quelques envieux et
« taxé à cinqunnte écus, moi qui n'étais pns habitant, 'I1wis
(c pOU1' l'exercice de n'tOn état de conseiller, duquel je demeu­
• « rais pl"i'vé ]Jour l'ent1'ée dudit sieur maréchaL Lui ayant
(: remontré mes raisons ...... il me déclara quitte- de ladite
« contribution, et ordonna que ce·ux qui 1n'y a'raient 'm;is
« paieraient la somme)) (pp. 264, 2(5).
« On voulut aussi, dit Moreau, pal' quelques secrètes
« instigations des ennemis cachés, faire loger des soldats et
«cavaliel's en mon logis; il leur fait commandement d'en
(C sortir. Bref, pournwn particulier, je n'ai reçu uttcttne
« incomrnodité d'udit sieur maréchal, ni de ses gens, que je
«n'etLSse reçu d'n'n chef anû » (p. 265).
Donc, le maréchal Ile put donner à Moreall quittance d'un
serment qu'il refusait, mais il lui donna" en retour, toute
l'estime que le cc {i'anc-gaulois )) ~surlloJll donné au maréchal
Jean J'Aumont.) Ile pouvait refuser à Ull homme COllS(~quent
avec lui-même. Toutefois, le conseiller qui avait perdu son

oflice pour rester fidèle à ses convictions savait rendre ju" stice
au Béarnais, quand il consignaLt dans ses MC'I1W'tres qu apres
l'absolution du pape Clément, le Hoi « ~lJécut le reste de son
1/, âge, fort catholiq'uement et en très bon prince» (p. 267).
Pour faire diversion à ses regrets et à ses idées sombres,
Jean Moreau trouva les émotions du siège de Crozon-Hos­
canvel. A notre sens, ce sout, avec le récit de la mort de
KCI'Collrtois, les pages les plùs pathétiques de ses Ménwires.

Comme il le remarque hien, dans ce siège épique on ne vit
pas ùe bourgeois tl'cmblants ni de rohins avides; mais rien
que des soldats et des héros, au-dehors et au-dedans de la
place (p. 282).
Voilà une scène de chevalerie, où les hommes dépassent
les autres humains de cent coudées. C'est Homégou décla­
rant à ses soldats « qu'il entrerait -mort Ott vi'lJant dedans, et
« que, si d'a-I)enture il était tué avant que d'u1orÎ1)e1", qu'ils
« eussent à ,jeter son corps dedans, ne lettr demandant pour
« les derniers delJoirs d'obéissance autre chose, ni plttS hono-
« 1"able sép'Ltlture )) (p. 277).
C'est Praxède t( qui n'entrait jamais dans tt'ne place que
powr la détendre et l1wtwir ». C'est du Liscoët, Hosmadec,
Kerollain et autres, la Heur de notre noblesse bretonne .
Pendant cette journée du ilJ: novembre 1594, Moreau sui-
vait de loin les opérations du siège. « A Quimper, où nous
« ét.ions pour lors, dit-il, nous savions la journée de l'assaut
« parce que le temps était très beau et · très calme. Nous
« étions nombre qui nous promenions sur la montagne de
« Frugy, d'où nous entendions aussi à clair les canonnades

« que si c'eut été à deux lieues de nous, quoiqu'il y en avait
« onze. Environ la volée de.la bécasse, les canonnades cessè­
« re-nttout-à-coup, dont je dis aux autres: Le fort est pris
« par les nôtres, ou la retraite sonne. Chacun le jugea de

« même: Environ la minuit, la il,arne de Ty'oarlen (1), qui était
(( à Rosmadec, en Telgrue, nous envoya messager exprès
c( portant nouvelle de la prise » (p. 280).
Moreau dut passer par une épreuve très pénible pour son
patriotisme, lorsqu'il vit, au retour de Roscanvel, d'Aumont
se retirer à Quimper, et sous raison de fortifier la ville,
ruiner l'église et l'hôpital de Sainte-Catherine, en la rue
Neuve, avec l'auditoire du présidial et res prisons (pp. 287,
et suivants). Aussi ne manque-t-il pas d'épancher sa bile
sur les Quimpérois (p. 289, 290).
. Désormais, le rôle de Moreau sora purement municipal:
il sera, dans le vrai sens du mot, citoyen, l'homme de la cité,
l'orateur écouté de la communauté, le vigilant dont l'œil est
toujours ouvert sur les ennemis de la sécurité de la ville.
Son rôle ne fut pas mince pendant la terrible période des
exploits de La Fontenelle sur la Basse-Cornouaille. D'après
ce que nous voyons dans ses Mémoires, c'est à lui que l'on
adresse les renseignerùents sur les mouvements de Guy-Eder,
et, avec son activité dévorante, il ne perd pas une minute de
vue le terrible aventurier.

Trompé plI' une assertion de M. du Châtelliel' : (un coin
de la Cornouaille sous lCl ligue. p. 23) où il dit que Moreau
ajouta à son canonicat comme de Hinquières, prieur de
Logamant: une charge de conseiller au Présidial, nous
avons consulté le Déal aux archives départementales. Jean
Morel1u ne fut, jamais à la fois, et conseiller et chanoine.
Chanoine, il l'est depuis la fin de 1596; conseiller, ne
l'était plus depuis la capitulation.
Trompé par l'assertion de M. du Chatellier, nous avons
parcouru un volume du Déal, commençant à 1586.
Oe, de 1586 à 1594, le Déal a été mutilé si complètement
que les délibérations y manquent: la raison en est claire, le

(1) Veuve de Tanguy de Rosmadec, baron de Mollac.

itre était liO'ueùr' Henri IV, le Béarnais, n'étaitJ!>our
C l18p b' • .
délibérations qui constituaient, rétrospecttvement, des
cI·imes de lèse-majesté! .
Au mois de décembre 1596, Jean Moreau, « alors conseiller
au Présidial » (M. Le Bastard de Mesmeur), obtint unè des
prébendes de Beuzec-Cap-Siztm vacante par la mort de
Hervé du Halfond. Le 24° jOUl~ de mars 1597, acte de rési­
dence trimestrielle, lui fut délivré en chapiire (Déal) ; pUis" il
ne parait plus aux délibérations capitulaires jusqu'en décem­
bre 1500. Nombreux sont les défauts de résidence, paf' exem­
ple, de août 1600 à juin 1601. Le 6 juillet, il est. I10mmé t'abri­
ciende la cathédrale. Messire du Marhallach, déjà âKé, avait
été envoyé à Rennes pour y poursuivre un procès intenté à la
veuve Frolleau, femme de l'ancien receveur du chapitre. La
procédure train,ait en longueur, et en remplacement de
Messire du Marhallach, le 14 décembre '1601, le chapitre
députa, pour la défense de ses intérêts, le chanoine Moreau,
plus entendu ct plus actif. Official de Cornouaille et nommé
fabricien de l'église cathédrale, il eut à soutenir un long
procès pour la reddition de ses comptes, qu'il gagna.
En septembre 1615, le vieux chanoine ligueur vit notifier
au chapitre les bulles qui nommaient à l'évêché de Quimper
Guillaume Le Prestre de Lézonnet. Nous pensons que
ce nom de Lézonnet lui fut peu agréable, étant donné le
peu de sympathie qu'il devait avoir pour les Lézonnet en
général.
Il eut un neveu, appelé Jean Moreau le je'une, qui, après
avoir résidé dans la paroisse de Beuzec-Cap-Sizun, y fut
nommé sur place curé, par son oncle, le 12 février 1616.
Nous trouvons, en outre, d'après les renseignements fournis
à M. Le Bastard du Mesmeur par M. de Courson, ancien
archiviste du Finistère, qu'outre sa prébende, le chanoine
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XIX. (Mémoires). 7'

Moreau possédait le bénéfice de la paroisse de Plomeur, et
jouissait de la maison prébendale au Tour-du-Châtel (place
l'une des portes septen­
Saint-Corentin), située vis-à-vis de
trionnales de la cathédrale, probablement celle qui a long­
temps servi de presbytère, et sur l'emplacement de laquelle
la cure actuelle.
on a bâti
Jean Moreau la quitta pour
Cette maison prébendale,
toujours le 29 de juin 1617, et elle fut donnée, comme nous
le dit le Déal, à Messire Philippe Hyon, tandis que Julien
Texier allait, au 31 juillet du même an, occuper la stalle
sym­
capitulaire de ce vieux chroniqueur, de ce patriote si
pathique, dont on oublie volontiers les t.ravers pour . ne voir
que les qualités. C'est, peut-être, ce qui nous est arrivé dans
cette rapide étude .

ANTOINE FAVE,

Prêtre .

• cQJ Il