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Bulletin SAF 1891


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Porche, clocher, chapelle et fontaine de Landivisiau

Abbé Abgrall

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XVIII

LANDIVISIAU

PORCHE, CLOCHER, CHAPELLE ET FONTAINE. ..

L'église actuelle de Landivisiau, c.onstruite dans le c.ours

des années 1864 et 1865, a remplacé un édifice du XVl siè'cle·
qui était arrivé à menacer ruine 'par suite de la suppressi.on
tirants de la charpente. Du c.orps principal de l'ancienne
des
.on n'a rien gardé, si ce n'est les cl.ochet.ons .ou lan-
église
. ternes à dÔmes qui c.our.onnent les c.ontref.orts; mais, du
m.oins, n.ous av.ons la b.onne f.ortune de v.oir c.onservés le·
cl.ocher et le p.orche qui s.ont deux .ouvrages remarquables et
du plus grand intérêt. . .

Porche.
Le p.orche est d'autant plus intéressant à étudier qu'il est
c.omme le trait d'uni.on entre les p.orches g.othiques et· ceux
la renaissance. Il ne faut pas dire avec quelques arché.o~

1.0 gues que le m.ouvement artistique était en retard dans .
n.otrepays, mais les traditi.ons g.othiques se sont c.onservées
s'en
l.ongtemps; les sculpteurs avaient de la peine à
détacher, et, pendant t.out le c.ours du XVIe siècle, n.ous les
v.oy.ons mélanger et c.ombiner les f.ormes et la fl.ore du
g.othique flamb.oyant avec l'.ornementati.on de la renaissance . .
De là résulte une architecture abs.olument ingénieuse et
.originale, parf.ois d'un très heureux effet, dén.otant une riche
grande habileté dans la science du trait et
imaginat.i.on, une
une adresse admirable chez les .ouvriers taillf:mrs de pierre.
On peut v.oir des spécimens curieux de ce style ~ixte au
fr.ont.on du p.orche de Lampaul-Guimiliau, . 1533; aux
p.ortails .ouest de l'Hôpital-Camfr.out et d~ Rumeng.oI,.1537 i .

aux porches de Daoulas, 1566 et de Brasparts, 1589; mais
nulle part peut-être ce mélange n'est -plus frappant que dans
L'édifice est encore gothique et
le porche de Landivisiau.
cependant il porte, à l'intérieur, la date de 1554, et, à l'exté­
prisma-
rieur, celle- de 1559 ; ce sont encore les moulures
. tiques, les colonnettes tordues en spirale avec semis
d'hermines et de fleurs de lis, les guirlandes de feuillages
découpées à jour garnissant les gorges profondes; mais,au
milieu dé cette ornementation du siècle précédent vous
trouvez,conçus dans le style de Frailçois 1 et de Henri II,
et une partie de leurs
les culs-de-lampe des grandes niches
couronnements, le bénitier avec le da:s qui le surmonte ainsi
que la plupart des décorations qui tapissent le tympan inté-

rIeur.
La grande arcade, qui forme l'entrée du côté de la
place, est appuyée dans les angles par deux puissants
et surmontée d'abord d'une accolade ou contre­
contreforts
courbe, d'un premier rampant aigu, décoré de feuilles frisées,
.d'un second rampant qui forme ' chevronnière et qui est
puis
par une niche monumentale, ornée de colonnettes
couronné
à chapiteaux ioniques et terminée par un pinacle
cannelées
gothique.
Sur le Gôté est de la façade on lit:
POVR. LORS. FABRICQVES : 0 : PEYRON.
Y. JONCOVR.
et sur là joue ouest du contrefort de l'angle S. O. un petit
soldat, en costume du temps, indique l'inscription suivante:
ESTOINT
LAN. 1559

LORS: FABRIQVES
-TANGVI : LABOVS
ET : HERVE: COVLOVGNIR.
niches qui - décorent les deux contreforts d'angle
Les '
abritent les statues assises des quatre évangélistes avec]eurs
et celles de la Sainte-Vierge et de Sainte-Anne.
attributs,

Au bas du premier rampant sont deux cariatides curieuses;
une sirène et un satyre; au bas du second, deux gatg~uilles
tordues et décharnées ; un dragon aîlé et un lion. Au milieu
du fronton se trouvent deux statues superposées: une
sainte, en cheveux, tenant un livre, et une N.-D.-de-Pitié ;
au sommet, un écusson timbré d'un casque et supporté par
deux lions. La grande niche qui surmonte l'édifice renferme
la statue de Saint-Thivisiau, patron de la paroisse, et celles
de deux antres évêques.
Entre les riches moulures et les guirlandes qui ornent les
côtés et le pourtour de la grande entrée, noùs trouvons un
genre de sculpture qu'on avait inauguré en 1553 dans le
porche de Pencran et que l'on développera davan.tage plus
tard à Guimiliau: ce sont des scènes de l'ancien, testament;
on les trouve absolument dans le même ordre à Pencran et
à Landivisiau :
1. Adam et Eve après le péché ; le serpent est enroulé

autour de l'arbre du bien et du mal;
2. Adam et Ève chassés du paradis terrestre par l'ange
armé de son glaive de feu ;
3. Adam labourant la terre;

4. Eve portant Abel emmaillotté, et Caïn au berceau;
5. Sacrifice de Caïn et d'Abel;
6. Meurtre d'Abel;

7. Arche de Noé;
Noé cultivant la vigne et cueillant du raisin; •

9. Ivresse de Noé et péché de Cham.
Plus haut sont les quatre évangélistes, puis viennent,
dans les voussures de l'arcade, trente-deux anges jouant de
divers instruments de musique ou tenant des encensoirs, ou
chantant, les mains jointes.
A l'intérieur du porche, les statues des douze apôtres sont
logées dans des niches moitié gothique, moitié renaissance.
Dans les culs-de-lampe on remarque deux suj~ts assez

singuliers: deux li.ons mettent leurs griffes dans la b.ouche
d'une jeune fille; tr.ois s.ortes de lansquenets, à m.oitié ivres,
jeunes filles, d.ont une tient un mir.oir et
entraînent deux
l'autre un sceptre; puis vient une bête, s.orte de lévrier, qui
j.oue du bini.ou. Les dais qui c.ouronnent les niches s.ont

sUrm.ontés d'anges p.ortant les instruments de la Passi.on.
La p.orte d.ouble qui d.onne entree dans l'église est encadrée
de m.oulures prismatiques d.ont les g.orges s.ont tapissées de
guirlande~ de feuilles de chard.on et de pampres de vigne,

d'un travail très f.ouillé .
Au rang extrême .on a sculpté une série de statuettes dans
de petites niches; il faut les indiquer en alternant de gauche
à dr.oite : .

1. Saint-Yves, tenant dans la main dr.oite un r.ouleau de
.oU une liasse de papiers. Il est revêtu d'une r.obe
parchemin
et d'une sorte de c.otta à manches larges qui descend
l.ongue
jusqu'à la ceinture. Sur ses épaules est un. camail garni
d'hermines héraldiques, en relief, avec un capuch.on qui
rec.ouvrir la barrette .ou b.onnet carré d.ont il est coiffé;
vient
2. Saint-Pierre, le fr.ont chauve: vêtu d'une chasuble,

tenant un livre et une clef;
. 3. Saint-Sal.omon, r.oi de Bretagne, portant l'armure de
et la cour.onne r.oyale ;
chevalier, l'épée
4. Saint-Denis, .ou plus pr.obablement Saint-Miliau, déca­
et p.ortant sa tête dans ses mains; .
pité
5, Saint-Thivisiau, vêtu de la chasuble et c.oiffé de la
mitre. Il bénit de la main dr.oite et tient de la gauche la
cr.oix archiépisc.opale ;
6. Evêque bénissant; peut-être Saint-Paul-Aurélien ;
7. Saint-Côme, tenant un vase de médicaments;
8. Saint-Damien, p.ortant une amp.oule. Ces deux frères,
martyrisés s.ous Di.oclétien, étaient médecins. Il semblerait
que leur culte fût p.opulaire dans n.otre pays, car .on les
tr.ouve' représentés de la ·même manière dans le p.orche de

, Landerneau, et ils ont aussi leurs statues sur l'autel du ,bas-
côté sud dans l'église de Lambour, à Pont-l'Abbé; : ",
9. Un évêque tenant une crosse et un livre;
10. Un évêque bénissant;
11 et 12. Anges, les mains jointes.
trumeau qui sépare les deux portes est fixé un bénitier

au-dessus duquel est un ange tenant un goupillon et plus
haut un dais richement sculpté, genre renaissance, d'où
soretnt quatre têtes saillantes ou mascarons, deux hommes
et deux femmes. . " '
Dans le milieu du tympan est placée une statue du
Sauveur, à laquelle on a rapporté une tête coiffée de la tiare '

et qui a dû appartenir à tm Père-Eternel. '
, Au bas de la robe longue et sans ceinture, 'qui sert de
vêtement à N. S., est placée une bander olle avec cette '
inscription en caractères gothiques : .
M. Bizian. Tanguy. Reet.

Martin ...
A. Faiet. Fabrique. h. a.

Tout. à fait au haut, deux anges sont en prière; des deux
côtés, trois anges tiennent des inscriptions, dont l'une est

amSI conçue :

MEMENTO. MEl

O. MATER. DEI

, PAX VOBIS

Cette invocation : Memento mei 0 mater Dei; Souvenez­
en usage à
vous de moi, ô mère de Dieu, était, semble-t-il,
cette époque, car nous la trouvons aussi sur la porte latérale
nord de la chapelle de la Mère-de-Dieu, en Kerfeunteun,
près Quimper, avec la date 1578, ainsi que sur une sonnette,
nO 148 de la collection Revoil au musée du Louvre, et qui
porte la date de 1544. .

Une autre inscription porte:

ANNO DOMINI 1554.

et tout près du bord, au-dessus de la porte de droite, deux
anges tiennent un cartouche :
petits
LAN. MIL. Vcca LIlII
FVST.FONDÉ.CESTE
PORTAL. ET. ESTOIENT
LORS. FABRIQVE

Y. MARTIN. J. ABGRALL .
Les sculptures méplates qui forment comme une tapisserie
sur le fond de ce tympan, mériteraient d'attirer toute l'at-
tention de l'archéologue. Quelques-uns de ces motifs
J. Cousin; d'autres
semblent emprmités aux compositions de
ont toute l'allure des ornements courants de Nicoletto de
Modène. Nous les retrouvons, avec les mêmes caractères, au
fond du porche du Landerneau .

Clocher .
Le clocher de Landivisiau . est, par son style et par sa
hauteur, un des plus beau du pays de Léon. Comme ceux de
Lambader et de Lampaul, il est presque détaché de l'église
et a sa base percée des deux côtés par deux grandes arcades
qui forment un passage ouvert. Au-dessus de l'arcade, du

côté, sud, est sculptée cette inscription:
LE : 14 : DE : OCTOBRE: FVT : COMMENCÉ : CETE
(TOVR) 1590.

Des contreforts doubles montent aux quatre angles et

vont soutenir la saillie de la galerie haute, formée par des

pilastres doriques.
De ce niveau partent quatre clochetons élégants qui ont
d'abord la forme carrée et passent ensuite très heureusement
à la forme octbgonale. La flèche est très élancée, percée sur
ses huit faces de' jours nombreux et hérissée sur ses arêtes
de crossettes multipliées. .

Chapelle de Sainte-Anne.
La chapelle de Sainte-Anne s'élevait autrefois près du
côté sud de l'église paroissiale: lorsque celle-ci était entourée
de son cimetière. Quelques années après que ce cimetière
eùt été déplacé et transféré hors de la ville, sur le bord de la
route de Saint-Pol, on y transporta . aussi et on y recons­
truisit pierre par pierre ce joli monument qui avait servi
d'ossuaire Ou de chapelle funéraire. .
La façade se compose d'une porte centrale encadrée entre
deux colonnes ioniques qui supportent un fronton, et de
quatre fenêtres, deux' de chaque côté, accostées de gaînes
ou cariatides qui reposent sur un robuste soubassement.
Ces cariatides représentent:
1. Un homme barbu, la poitrine recouverte de volutes;
2. Un homme portant fraise ou coller'ette, les bras croisés
sur la poitrine, le corps emmaillotté dans un linceul com­
posé de grandes feuilles végétales et lié par des cordes
entrelacées, à la façon des momies;
3. La Mort ou an An/wu, tenant un os ou une flèche. Sur
le tailloir. en pierre qui repose sur sa tête décharnée, on lit
cette InSCrIptIOn :
OVY : CAR. JE : SVIS : LE : PARRAIN
DE : CELVY : QVY : FERA: FIN
4. Une femme avec les seins pendants, et des volùtes sur
les épaules ;
5. Un homme barbu, les bras croisés sur la poitrine;
6. Une femme coiITée d'une toque et portant le costume
espagnol, d'après M. Pol de Courcy.
Toutes ces cariatides sont terminées par des gaînes, cou­

vertes d'ornements variés.
Près de la porte est un bénitier surmonté d'un petit dais .
Les angles de l'édifice sont appuyées par des contreforts
couronnés de pinacles ronds en forme de dôme.

Cette chapelle ne porte pas de date; mais les cariatides
de sa façade ont beaucoup de rapport avec celle qui orne
l'ossuaire de La Martyre et qui est de 1619, et encore avec
celle de l'oratoire de N.-D.-de-Lorrette dans les j1Iéjou,
entre Plougasnou et Saint-Jean-du-Doigt, et qui est datée

Fontaine .

Au milieu de la ville, à 50 mètres environ au sud-ouest de
l'église, mais cachée dans un îlot de maisons, se trouve la
fontaine de Saint-Thivisiau, qui alimente un vaste lavoir
public. Dans le mur qui surmonte cette fontaine on a
incrusté deux rangs d'arcatures en Kersanton, de style flam-
boyant, renfermant en tout dix panneaux de om 43 de largeur
sur om 54 de hauteur.
Ces panneaux semblent provenir d'un ancien autel ou plus
probablement d'un tombeau du XVe ou du XVIe siècle. Ils
sont encadrés par des contreforts et des accolades, le long
desquels courent des guirlandes très fines ; une autre guir­
lande forme bandeau de couronnement. Des feuillages
contournés forment le fond et sur chacun de ces fonds se
détache un personnage. Je les mentionne dans l'ordre où ils
sont placés actuellement, mais cet ordre a été bouleversé :
1. Une nonne ou religieuse en prière, les mains jointes;
2. Un moine en prière, tenant un livre;
3. Un ange tenant la couronne d'épine ;
4. U ne religieuse en prière;
5. Un moine, item;
6. Un autre moine tenant un chapelet et s'appuyant sur
un bâton;
7. Une religieuse, les bras croisés sur la poitrine;
8. Un ange tenant un écusson;
9. La Sainte-Trinité. Le Père, assis et coiffé de la tiare,

soutient à sa droite le Fils couronné d'épines et montrant ses
plaies; sur l?- tête du Fils repose le Saint-Esprit sous la
forme d'une colombe;
10. Un ange tenant un écusson.
Ces deux derniers panneaux diffèl'ent un peu des autres
par leur forme et leur ornementation; on voit qu'il n'y a pas
ici un tout complet; mais ne pourrait-on pas se demander si
ces fragments ne sont pas les débris du tombeau de François
'de Tournemine, qui fonda dans l'église de Landivisiau,
en 1554, une chapellenie de deux messes par jour? Il fut
enterré dans cette église, mais sa statue tumulaire, enlevée
pendant les mauvais jours, est maintenant gisante dans une
prairie, près de l'abreuvoir, à l'entrée de la route de Brest.
Tout près de la fontaine de Saint-Thivisiau on remarque
trois pierres qui proviennent d'un même monolithe, lec'h ou .
. borne romaine formant un cône tronqué ayant 2 45 , de
hauteur, om 70 de diamètre à la grande base et om [15 à la
basé" supérieure.
Comme antiquités, signalons encore :
La jolie statue de Saint-Michel qui se trouv'e sous la
fenêtre du transsept sud de l'église;
Un bel écusson aux armes des Tournemine, au-dessus de
cette même fenêtre ;
Une vieille statue en Km'santon, de Saint-Jean-Baptiste,
reléguée dans la cour du presb~;tère, et mesurant lm 60 de
hanteur. Le précurseur est vêtu d'une tunique en peau de
chameau; la tète de l'animal retombe par devant, entre ses
deux pieds. Par dessus il porte un manteau en étoffe. Le
saint tient de la main gauche un livre surmonté d'un petit
agneau qu'il montre de la droite. Sur le pan du manteau on
lit la date de 1557 et sur le socle, en lettres gothiques:
M. J. FLOCH ;
Un calice sculpté au milieu de cette inscription indique que
le donateur, missire Jean Floc'h, était un prêtre.

A côté de la statue de Saint-Jean se trouve un pilastre en
forme de gaîne, portant la date de 1589, et qui doit provenir
de l'ancienne église ou de l'ancien ossuaire .

J.-M. ABGRALL,
Prêtre .