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Bulletin SAF 1891


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Preuve à l’appui de l’Histoire des temps néolithiques

Baron Halna du Fretay

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XVII.

PREUVES

à l'appui de l'histoire des temps néolithiques.

M. Arthur de la Borderie, de l'Institut, l'illustre' historien
de notre Bretagne historique et mon éminent collègue au
Congrès de l'Association bretonne, a mis en pleine lumière
au début des conférences qu'il vient de faire à Rennes,

avec tant de succès, l'histoire de cette longue suite de siècles
qui a vu la Bretagne indépendante et conservant sous les
rois de France sa liberté administrative, vivant de son .
gardant son autonomie et venant toujours
existance propre,
à bout de ses adversaires avec son talent si remarquable .
M. de la Borderie a raconté l'entêtement, l'opiniâtreté, le
courage et le génie de la race bretonne fidèle à sa langue,
dernier reste' vivant du langage de nos premiers ancêtres,
les Celtes.
je vais prendre ces Celtes chez
Historien préhistorique,
leurs habitudes et dans leur vie ordinaire, et
eux, dans
j'apporterai dans cet ouvrage de nouvelles preuv:es sur les
usages et le mode réel d'e~istence de ces hommes; tâche
bien difficile pour les conclusions précises à tirer des décou-
vertes, mais non insurmontable.
La vérité se fait jour et triomphe lorsqu'elle est basée sur
la science acquise sans parti pris.
Lorsque j'ai parlé pour la première fois, le résultat immé­
diat a été l'étonnement profond de mes auditeurs. et de mes
lecteurs, qui, croyant ces questions approfondies d'une façon
très suffisante par les seuls aperçus vagues et incomplets
connus jusqu'alors, devinrent tout-à-coup absolument muets .

Aujourd'hui la situation s'est dessinée nettement. Je peux
compter sur les plus chauds adhérents, et ceux qui m'en Qnt
donné l'assurance sont des plus illustres.
Les fouilles de Penfoënnec, en Poullan (Finistère}.
Dans mon mémoire intitulé: Bronzes et silex réunis dans
les deux tum'ijlus accolés de Ke1~vini, en pou'llan, j'ai parlé
des bords de la baie de Douarnenez, à propos de ces cryptes
souterraines si remarquables recouvertes par les tumulus et
contenant un si riche mobilier funéraire.
J'ai dit le grand nombre de monuments mégalithiques et
de souvenirs de tout genre épars sur cette côte.
Aujourd'hui, je vais encore parler de Poullan, mais de
l'autre extrémité de cette grande commune et raconter mes
fouilles de Penfoënnec. . .
Penanros à
venir explorer la propriété de son père.
Cette grande terre de deux cent cinquante hectares se
composait, il y a vingt-cinq ans, de deux très petits domaines

formés de quelques hectares et pour tout le reste de landes
absolument incultes et garnies de rochers.
. Aujourd'hui tout est bien changé, et grâce à l'intelligence
et à l'energie de M. Gustave de Penanros, deux cents hec­
tares sont en plein~ culture et une ferme admirable a été
créée avec des prairies splendides et des champs immenses
bien nivelés, où peuvent travailler les ,instruments les plus
. perfectionnés; les pierres ont fourni les clôtures et le maca­
dam des routes.
Ce n'était pas là que devait être mon champ de recherches
et j'ai travaillé. au bord de la mer sur les cinquante hectares
de landes couverts de blocs erratiques. J'étais certain là .
d'être le premier fouilleur.

De ces sommets la vue est remarquable et n'importe de
·se tourne, le spectacle est saisissant et la posi­
quel côté on
tion toujours admirable.
La baie de Douarnenez si belle avec toutes ses variétés de
contours; tout à côté de nous, les trois ports, les îles, les
de Tréboul et de Douarnenez, les maisons si pitto­
clochers
resquement groupées des douze mille habitants; un peu
Ploaré si connu des
plus loin, au second plan, le clocher de
touristes; enfin, à un horizon rapproché, les futaies et la
forêt du Vieux-Châtel, laissant voir le château au-dessus
des pelouses. .
Derrière nous, des roches de toutes grandeurs du terrain
primaire composées de feuilles très épaisses superposées,
mais complètement séparées dans toute leur étendue, résul­
tat du refroidissement des montagnes à l'époque de ce dépôt
de formation.
J'ai commencé mes fouilles au milieu de ce chaos par deux
abris sous roches :

L'un, C'hambr'-ar-Gueor (chambre du géant), tout-à-fait
au bord de la mer, sur la déclivité de la montagne; l'autre,
au sommet, au point culminant; grottes assez spaeieuses,
dépassant pas 6 mètres dans le plus grand
du reste, mais ne
diamètre, avec une hauteur de 2 à 3 mètres et une entrée
plus basse .
J'ai déeouvert sous l'amas d'humus qui couvrait le fond:

1 Quarante-six silex taillés dans le pays, absolument du
même genre que ceux des trois grandes stations néolithiques
j'ai fait la découverte dans le voisinage: à Kervini et
dont
Poullan; au Vieux-Chatel; à Kervogot et envi­
environs, à •
rons, en Ploaré ;
2 Deux silex jaunes polis, évidemment importés d'ailleurs;
genre de silex n'existant pas dans les stations avec ateliers

que je viens de citer, où on a ta,illée sur place .

Tous ces silex représentaient des pointes de' flèches, des
grattoirs, des gouges, etc ... ;

3 Une grande molette à deux faces;
4° Un petit usoir à deux faces;
5° Des pierres de fronde c~loisies (galets de la mer).
Près de là, j'ai constaté l'authenticité de nombreuses
roches à grandes cuvettes, avec rigole d'écoulement au point
le plus bas.
J'ai déjà expliqué, dans mes précédentes publications, que
ce sont des meules dormantes où on ' écras'ait avec des mo­
lettes les matières destinées à la ourriture; ni ces roches
creusées, d'autres plates et parfaitement polies à leur partie
supérieure, ni les dolmens, n'ont été des autels, comme
quelques personnes instruites me le répétaient encore der-
nièrement ; \ 1 faut renoncer à cette vieille légende.
Au milieu de ces rochers, j'ai trouvé une sépulture que
l'on peut dire placée dans un abri sous roche; l'entrée était
fermée et le contour renforcé par une muraille brute en
grosses pierres; le tout recouvert de végétations. J'ai trouvé
dans cette sépulture :
1 ° Des cendres;

2° Une hache plate en granite, de 20 centimètres de lon-
gueur;
3° Un celtiforme, galet forme de hache ramassé au rivage
voisin et ayant om 25 de longueur;
4° Une hache-sceptre en granite, ayant malheureusement
perdu sa pointe avant l'époque de la sépulture; elle a encore
trente centimètres de longueur, mais elle a dû en avoir qua­
rante-cinq dans le principe. Peut-être aussi ce sceptre a-t-il
été brisé au moment de la cérémonie funèbre, et la pointe
rejetée au loin, car la fouille minutieuse ne l'aurait pas
laissée de côté ; •
5° Une grande hache en granite, aussi de vingt-huit cen­
timètres de largeur sur trente-sept de hauteur, très pointue

à son extrémité. Il faut voir là un ex-voto ou une grande
hache de défense pour le campement de la famille;
6° Une pointe de flèche triangulaire, en schiste .
Plusieurs très grands menhirs frappaient la vue aux envi­
rons,
Peu après, je suis resté réellement étonné à l'examen d'un
dolmen que j'avais remarqué de loin, quand, en m'appro­
chant, j'ai ,constaté qu'il se composait d'une table reposant '
sur des roches naturelles et remarquable par une grande
cuvette, au centre, dans sa partie supérienre; en fouillant
tout le pourtour ,j'l;lÏ trouvé des molettes grandes et moyennes.
La conclusion à tirer de cette découverte est donc parfaite­
ment claire .
J'ai passé ensuite à l'exploration de deux autres petits
abris sous roches, très rapprochés, et contenant des sépul­
, tures; j'y ai découvert, en plus des cendres visibles encore

malgré les infiltrations de l'eau: .'
1° Une sorte de grand sceptre recourbé, en granite, de
forme quadrangulaire, de quarante centimètres de longueur,
tronqué intentionnellement et à vive arête à la base, et con­
servant à peu près le même diamètre jusqu'à la pointe assez
algue;
2° Trois co"ups-de-poing, en granite, de vingt-deux à
vjngt-cinq centimètres de longueur, larges à la base, avec
pointe à l'autre extrémité;
3° Un autre coup-de-poing, en grès très dur, avec pointe
aiguë et barbelures sur le côté;
4° Des usairs ;
5° Des pointes de flèche en schiste;
6° Un grattoir barbelé, provenant de la casse d'un galet
de la mer.
Nous arrivons hu tumulus de 7 mètres de diamèlre .
Un cromlech à pierres très rapprochées l'entourait de
toutes parts, se composant de toches de 1 ID 50 de hauteur

environ, de sorte que ce monument de 1 mètre de hauteur au-
dessus du sol à son point le plus élevé, et incrusté à 50 cen­
timètres dans le sous-sol, laissait voir les pointes des pierres
du cromlech: les unes aussi élevées que le point culminant

du tumulus, d'autres dépassant en hauteur le bas de la pente
. du tumulus; ce qui permettrait de reconnaître à première
vue, avant la fouille, èe cercle de pierres d'une régularité
parfaite,
L'I'!-pport de pn 50 de hauteur à l'intérieur du cromlech, se
composait d'un galgal très régulier en très petites pierres
mêlées d'un peu de terre.
Il me fallait cet apport considérable et visiblement fait
avec intention, ce cromlech, pour conclure à une sépulture;
car, à la base de l'excavation, il y avait une couche épaisse
de débris de cuisine: coquillages presque décomposés par
le temps, mais conservant encore leurs formes par suite de
la couverture donnée par la masse du tumulus et offrant

ainsi la garantie connue de la conservation en vase clos.
Il fallait tirer de ce fait l'idée qu'une sépulture, au moment
d'un départ, avait remplacé les habitants de la hutte .
Tout indiquait, d'ailleurs, cette manière de voir; car, en
plus des raisons que je viens de donner, la couv,erture d'une
hutte abandonnée aurait donnée, en s'effondrant, comme je
l'ai constaté bien des fois, une dépression trè$ sensible et
non un tertre formant dôme.
A cette preuve absolument incontestable, il faut joindre
les objets trouvés, et le résultat devient décisif, car ici les
cendres ne signifient rien; on ne peut dire, en effet, si elles
proviennent du· feu de l'habitation ou d'une incinération.
J'ai relevé dans cette fouille:
1 Des poteries très grossières, n'ayant pas été faites au
tour et très fragmentées, mais portant néanmoins les tracès
de quelques ornementations primitives ;

2° Un percuteur en diorite, de forme aplatie et extrêmement
curieux, arrondi par le haut et portant à la base des traces
nombreuses de percussion. Il a neuf cent:mètres de longueur
et, dans la partie supérieure, il porte pour l'emmanchement
deux éehancrures de un centimètre et demi de profondeur.
Cè marteau devait être destiné à broyer des coquilles: et
même les os pour en extraire la moëlle ;
3° Deux haches en pierre polie, indiquant tout-à-fait le
début du genre ;
4° Un celtiforme en granite, usé à une de ses extrémités
et perpendiculairement à son axe de longueur;
5° Des pierres de fronde, galets de la mer, en très grand
nombre;
Les numéros 1 et 2 peuvent appartenir aussi bien à l'habi-
tation qu'à la sépulture; mais les objets numéros 3, 4 et 5
sont ceux que l'on trouve le plus souvent dans le mobilier
funéraire d'un tumulus. .
Il est de plus évident ' que dans une grotte, un abri sous
roche ou dans des débris peu profonds d'habitations; en un
mot, dllns toutes les conditions qui supposent l'infiltration
des eaux et les effets alternés des agents atmosphériques,
je n'aurais trouvé aucune trace du séjour d'être vivants.
En vue de ce tumulus, il y en avait un autre plus petit qui
contenait à son centre, dans une sorte de sarcofage absolu­
ment grossier, des cendres: un vase rudimentaire presque
réduit en poussière et un percuteur à deux côtes.
Je termine cette étude par l'ouverture d'un demi-dolmen,
c'est·à-dire deux pierres posées sur champ, s'écartant à la
base et se rejoignant au sommet.
Cette sépulture, de dimensions plus réduites (deux pierres
seulement), rappelait cependant, par son genre spécial, les '
deux immenses monuments mégalith:ques de Lesconil, en
Poullan, et de Castel-Ruffel, en Saint-Goazec, dont j'ai parlé
dans mon ouvrage, Incinérations et Inhumations, et un

autre composé seulement de deux grandes pierres à Tréotat,
en Poullan, je n'en ai jamais vu d'autres, de grandes dimen-
S1Ons.

Il Y avait là un usoir et des pointes de flèche en schiste,
dont une très jolie avec pédoncule, des scies et des pointes
de lance en schiste.

Que conclure?
Je serais bien embarrassé, si je n'avais pas vu par moi-

même, car je ne peux avoir la moindre confiance dans les
récits de ceux à qui manquent complètement le sang-froid
et l'esprit d'observation.
D'abord, je ne vois pas dans les objets trouvés de toutes
tailles la finesse cherchée et la perfection du travail des
derniers siècles avant notre ère.
Je crois de plus qu'il faut attribuer à des siècles très
rapprochés les uns des autres et en même temps très éloi-
gnés de nous tous ces monuments et ces sépultures.
Je vois le granit et le schiste répétés dans le mobilier
d'un grand nombre de ces vestiges d'un autre âge; l'usage
en est fréquent, et c'est bien la preuve qu'aux époques
absolument primitives l'homme a employé ce qu'il avait
sous la main.
Enfin, je crois pouvoir dire que les mégalithes, les tumu­
lus et les abris de Pen-Foënnec daten~ de près de trente
siècles avant notre ère et sont presque contemporains du
grand tumulus de la Motte, en Locronan, dont je raconte la
fouille chapitre 1 de mon étude sur la Bretag ne aux têmps
néolithiques.
J'ai fini, et il ne me reste plus qu'à remercier Messieurs
et Mesdames de Penanros de leur bien gracieuse hospitalité
et de toute l'aide qui m'a été donnée dans cette circonstance.

Dolmen primitif de
Keramarc'h, en Plonévez-Porzay
(Finistère) .
. Ce dolmen, situé en dehors et au sud des bois du Vieux-
Châtel, ne . dépassait guère de plus de 60 centimètres
en hauteur le niveau du sol; je l'ai remarqué un jour en
chassant de ce côté et passant très près de là.
. Il n'était visible, du -reste, que pour un archéologue très
exercé et ne se composait que d'une immense table brute
surtout à la face supérieure et non choisie, irrégulière sur
les côtés, reposant sur le rebord d'une roche fixe et formant
avec cette grosse pier,re un rocher d'apparence naturelle .
Sous cette table des premiers âges, j'ai trouvé une sorte
de chambre très irrégulière " de lm 40 de longueur, 1 mètre '
de largeur et Oro 40 de profondeur, le tout en mesures

, moyennes.
pleine de terre et ' de
Cette cavité, petites pierres,

recouvrait des cendres et aussi des débris de charbon très
abondants couvrant le rocher inférieur qui avait supporté
l'incinération et portait encore les traces de la coloration
; que le grand feu, par la vitrification, donne à la pierre quand
1 il Y a un commencement de fusion.
, Un léger tassement s'était fait et un vide de 10 centi-
" mètres existait sous la table qui, à partir de son point d'at- ,
',', tache sur le rocher fixe, côté nord, présentait une légère
pente vers le sud.
Ce n'est plus ici tout à fait la grosse pierre brute roulée
sur la sépulture, dont je parle dans mon ouvrage Inciné-
rations et inhumations, et que j'indique comme la première
défense des cendre!) des morts. La chambre a une apparence
tout à fait primitive; toutefois, puisqu'elle est formée en

partie par des pierres naturelles et que la table n'a pas de
supports posés de mains d'homme. Mais c'est bien un type
de sépulture par incinération, dans une anfra"ctuo­
particulier
sité de rocher recouverte d'une très grande table de pierre,
cernée de tous côtés par un galgal bouchant les interstices,
sans tumulus au-dessus.
Je vois ici un temps très éloigné où ces habitants de
l'heure première, très mal outillés encore, usaient des
moyens qu'ils avaient à leur disposition pour le~ néeessités
de la vie et les suites de la mort. . .
Une remarque est aussi à faire à ce sujet: à Keramarc'h,
l'incinération a eu lieu dans la chambre, tandis que dans les
dolmens plus soignés des époques 1 postérieur~s, l'inciné-
ration a eu -lieu à côté et les cendres transportées ensuite
dans le monument.
composait:
Le mobilier funéraire se
. 1° D'un projectile allongé à deux pointes, en quartz taillé;

2° Une hachette en quartz taillé, avec tranchant à la partie
large et pointe à l'autre extrémité;
3° Un disque en qUartz taillé, de 6 centimètres de diamètre:
avec tranchant sur la moitié du pourtour;
4° Une rondelle grossière en terre cuite;
5° Quatre scies, dont trois en schiste et la quatrième,
très grossière et indiquant un
beaucoup plus petite, en silex,

premIer eSSai ;
6° Un grattoir en sohiste, obtenu en usant le tranchant sur
une autre pIerre;
7° Quatre pointes de flèche en schiste;
8° Un débris de poterie très épais.
Comme on le voit, les objets trouvés viennent ajouter uue
à la conclusion que j'ai tirée de la description .
preuve de plus
de cette sépulture pour en fixer à peu pr~s la grande ancien­
neté.

III.
Station fortifiée de Vern-Bihan (Vieux-Châtel
en Plonévez-Porzay (Finistère) . .
J'ai culbuté entièrement et fouillé jusqu'au sous-sol cette
terre, circulaire, avec
station entourée d'une fortification en
n'ayant qu'une seule entrée continuée par une allée
douve,
jusqu'à une source
fortifiée aussi des deux côtés et allant
très abondante, distante de 150 mètres .

Le cercle de la partie habitée avait 70 mètres de diamètre,
pour la nourri­
à l'intérieur, et ne possédait que deux foyers
ture, protégés de trois côtés par une sorte de muretin en
pierres et, à côté, un four à fondre le fer. J'ai trouvé là une
petite montagne de scories.
paraissait guère, du reste, avoir été
Ce four en ruines ne
plus perfectionné à l'époque où on s'en servait que les foyers .
pour la nourriture de la tribu.
utilisés
J'ai trouvé, dans cette fouille, un grand nombre d'objets
tres curieux :

1 Une hache en diorite, ébr~chée à son tranchant, puis
usée au petit bout perpendicnlairement à l'axe de longueur,
pour offrir assez de résistance au percuteur et portant des
marques très visible de la percussion répétée; dimension en
longueur: 8 centimètres.
la description de cette arme, passée par une
Je profite de
l'état d'outil, pour parler de trois autres
transformation à
outils du même genre, quoique très différents, que j'ai
trouvés dans d'autres stations du Finistère et destinés aussi
à fendre le bois, tous les trois en diorite poli.
L'un, quadrangulaire dans toute sa longueur, avec pointe
et offrant à l'autre extrémité un carré pour la
à un bout
percussion; longueur: 7 centimètres.
Un autre est arrondi au gros bout et offre, de l'autre côté,

un tranchant obtenu en usant seulement d'un côté; longueur:
8 centimètres.
Un teoisième a un· tranchant moins aiguisé, mais large
comme les haches et est très massif de l'autre côté; lon-
gueur : 7 centimètres ;
2° Une pointe de lance en grès très 'dur, de 9 centimèttes
de ~ongueul', avec barbelures par la taille et pointe très 1
aiguë, obtenne en usant un côté de l'extrémité;
3° Une hache gouge presque carrée, en . diorite poli, aussi
. évidemment destiné à recevoir les coups de percuteur; .
4° Une autre hache, aussi en diorite poli, arrondie au bout
opposé au tranchant et assez grosse pour bien tenir dans la

mam;
5° Trois grandes fusaïoles en pierres;
6° Dans les foyers, plusieurs gros supports en pierre de
granite bien travaillé et en terre cuite, de 9 à 10 centimètres

de hauteur, destinés à supporter les vases ou plate-formes
pour chauffer la nourriture ;
7° Une plaque fragmentée, en pierrE à peu près polie
bordure de 4 centimètres de hauteur en saillie
(granite), avec
sur le pourtour, très peu épaisse et portant les
inclin.ée,
traces répétées du feu. Il est évident qu'elle servait de plate­
forme pour les supports dont je viens de parler, ainsi que

les grandes rondelles en schiste et en grès que j'ai aussi
trouvées et qui servaient au même usage;
8° Silex taillés, très variés;
9° Usoirs de toutes formes et dimensions;
10° Un celtiforme en terre cuite, n'ayant pas servi; lon­
gueur .: 13 centimètres et 7 de largeur à la base ;
11 ° Plusieurs gros rognons de diorite apportés là, mais
non entamés;
12° Deux socs de charrue eQ. fer ayant l'un 29 centimètres
de longueur, l'autre 26.
peux mieux les comparer qu'à un as de pique allongé
Je ne

et rétréci, sans appendice au bas, avec la base relevée des
deux côtés sur une longueur de 9 centimètres pour recevoir
le bois;
13° Un ' petit fétiche en grès poli, à quatre encoches de
suspension, et portant au centre un soleil sculpté;
-14°. Une grande pierr~ triangulaire et régulière, couverte
de tous côtés de cupules; pour moi c~s cupules, isolées ou
réunies en grand nombre sur les mènhirs, les dolmens, . etc.
ont pour cause l'idée de la divinité et l'adoration, par ces
peuplades, de ce qui frappait le plus leur vue; . ici c'est la
calotte sphérique représentant le dôme céleste.
Les hommes de tous les âges qui ont précédé notre ère
ont toujours essayé de reproduire grossièrement ce qu'ils
voyaient;
15° En plus de cette grosse pierre, j'en ai trouvé d'autres,
plus petites, portant une ou deux copules.
Les cOIns à fendre le bois et les socs de charrue dont je
viens de parler sont représentés dans les planches accom-
pagnant mon ouvrage: Incinérations et Inhumations en
Bretagne.
J'ai fouillé, très près de cette station, trois grands
tumulus; deux, distants l'un de l'autre de 50 mètres, ne sont
pas à plus de 250 mètres de l'enéeinte ; le troisième est à

500 mètres.
Dans les trois. l'incinération avait eu .lieu à la base du
tumulus.
Le premier contenait un cromlech avec pierres de 1 mètre
à 1 m 20 de hauteur et les débris d'une urne;
Dans le secolld, au centre, j'ai trouvé une énorme pierre
brute recouvrant une corbeille de petites pierres. Grâce à
l'instrument d'une extrême puissance que j'avais à ma dispo-

sition, j'ai levé à la perpendiculaire cette immense pierre
tombale et je l'ai rej etée de côté sans rien. déranger.
La corbeille contenait beaucoup de cendres, un usoir à

trois faces en porphyre rouge, une hache en diorite pôli, ·tres
grosslere ; .
Le troisième ne contenait que des cendres, dans lesquelles

on put relever quelques éclats de silex.

Que conclure de tout celà ?
Je n'hésite pas à me prononcer en disant que les tumulus
et la station sont d'époques bien différentes. . .
les tumulus, tout indique l'ancienneté la plus grande.
Dans .
Dans la station, au contraire, les preuves sont tellement
très
répétées que, pour moi, il faut croire à une époque
rapprochée de notre ère et plus tôt le début; · c'est-à-dire
l'âge gallo-romain, prouvé, du reste, par le grand nombre
de poteries .relevées. . ' .

La perfection des armes, d~s outils, remplaçe parfaitement
pas; il y a des ' outils de culture,: les
un texte qui n'existe
sur place sont assez nom-
instruments ou les .objets trouvés
breux et font pressentir déjà un 'ce"rtain bien-êtr~; la tribu
et s'est fortifiée. . . "
n'est plus nomade
De plus, il en sera donc toujours de même, comme je· l'ai
par -les
"écrit le premier, . et contrairement aux idées admises
. plus savants archéologues : les époques des pierres taillées
et polies, comme des métaux doivent se confondre devant
les nécessités inhérentes à la vie de l'homme avantl'histoire .
J'ai fouillé depuis que J'avais préparé ce mémoire, le
terrain qui borde cette station afin de le régulariser; on y a
découvert :
1 ° Un petit galet rond avec gorge circulaire; .

2° Un débris de verré, style romain; "

3° Un racloir en fer ; . ,
4° Une quantité d'usoirs, percuteurs, silex taillés, etc .. :
Nous sommes donc, comme pour l'autre côté de la fortifi-
cation, au premier ou peut-être au ' second siècle de notre

ere. .
du reste; de près; j'ai
L'ocèùpation romaine touchait,
BULLETIN ARCHÉOL. DU FI~,S'fÈRE. TOME XVIII. (Mémoires). 16.

,trouvé, à peu de distance de là, des urnes cinéraires
romaines, des petites amphores cinéraires aussi; plllsi'eurs
1 de ces sépultures contenaient aussi des coupes en verre, des
écuelles très ornées, etc ...
Lorsque je fouillerai, plus tard, une autre station du même
genre',' que j'ai déjà visitée et dont la fortification avec fossé
et douve se continue aussi des deux côtés de l'allée jusqu'à
mon avis ne changera pas, j'en' suis certain
. .la source,

d'avarice .

Grains sur les falaises de la baie de Douarnenez (Plonévez-

Porzay,' Finistère).

. . ,' .. Ces sépultures dolméniques étaient nombreuses et très'
rapprochées les unes des . autres: je n'en ai trouvé, du reste,
jour
que les derniers vestiges, la mer envahissant chaque
cette partie de la côte. J'ai recueilli une partie des grains à
le' plus grand nombre dans les
la base ,des sépultures, mais
sables et déblais, tombés au bas des falaises. ' ,
Les vitrines du musée du Vieux-Châtel contiennent aujour­
d'hui trois colliers doubles, composés chacnn de 142 grains
en moyenne. .
Tous ces grains sont polis, à facettes plus ou moins nom­
breUses et absolument irrégulières; on voit qu'on a profité
des moindres morceaux d'une matière première rare ; ils ont
du, d'ailleurs, être transportés d'une autre contrée, car
n'ai · trouvé nulle part la pierre similaire · et je me . suis
.toujours occupé, pourtant, plus ou moins de minéralogie .
Leur diamètre varie de 9 à 15 millimètres; un très grand
nombre a la moyenne de 12 millimètres. .
. Le trou .qui les traverse a bien rarement sa continuation

dans le même axe et il est clair que la perforation a été faite
successivement des deux côtés, mais l'imperfection de l'ou­
tillage a presque toujours donné forcément l'oblique à la
continuation d'un trou vers l'autre.
La couleur est absolument rouge pour ceux en jaspe;
pour les autres, en calcédoine, c'est aussi le rou'ge, mais ils
et ont, parfois, d'imperceptibles
sont d'un ton plus clair
veines blanches. ' '
J'ai trouvé, au m'ême endroit, un grain de collier du même
genre en porphyre noir et un autre en terre cuite; je les ai
placés à part. . ..
. J'ai découvert aussi, à quelques pas de là, divers objets
appartenant certainement à la même époque:

1 ° Deux haches en diorite poli, très soignées;
2° Une hache en fibrolite, extrêmement petite' et presque
carrée, d'une régularité parfaite, un bijou.
parfaits;
Les tranchants de ces trois haches sont
3° Un projectile allongé, en quartz poli, à deux pointes;
4° Une pointe de 'flèche en silex très petite et d'un fini de

travail admirable, avec aîlerons et pedoncule;
5° Une grande pointe de harpon en silex taillé et barbelé,
avec crochet d'arrêt. '
attribuer ces vestiges d'un autre
A quelle époque faut-il
âge? Je crois pouvoir dire qu'ils appartiennent au début de
aux temps des Mérovin­
notre ère. Quelques siècles après,
giens, il a été fabriqué aussi des colliers en pierre polie;
j'en possède un de cette époque, mais les grains, en calcé-
. doine, sont bien mieux travaillés, se rapprochent un peu de
la forme de l'olive et sont très bien percés.
On voit que la civilisation romaine a marqué l'empreinte
progrès.
J'ai trouvé aussi isolément, et par reffet du hasard, quel-
ques grains Mérovingiens du même genre sur divers points
de l'ouest de la Bretagno: .

Silex taillés des stations néolithiques avec ateliers
dans le Finistère.

" J'ai déjà écrit et prouvé qu'il n'y avait dans l'ouest de la

.Bretagne qu'ùne seule station paléolithique avec atelier:
celle que j'ai découverte à Guengat (Finistère), dont l'impor-
tance est considérable, unique dans la presqu'île de Bretagne.
, J'ai absolumellt classé à l'âge néolithique deux très p~tites
stations temporaires du Finistère; on y a trouvé quelques
et que, faute de contrôle, on avait indiquées comme
,silex
appartenant à la période paléqlithique. ,
J'ai dit aussi que j'avais décpuvert plusieurs stations
n.~olithiques de silex taillés; ces ateliers feront le sujet de ce

chapitre. .
Je ne parlerai pas aujourd 'h~i de celle du Souc'h, en
je l'ai déjà signalée dans un de mes
Plouhinec, parce que
puvrages comme :~ppartenant à l'âge des dolmens, et, avant
m'ont fourni un grand nombre d'outils
mes recherches, qui
et petites armes de choix; un autre archéologue avait fOll:illé
avant moi et écrit un mémoire au sujet de deux cents lames
ou,éclats qu'il avait trouvé là.
' .. ' J'en ~i rapporté un bien plus grand nombre, et tous
types; je ne récolte pas les éclats et les rebuts qui abondent

ces ateliers où la taille a été pratiquée.
dans,
Je ne'parlerai aujourd'hui que des stations extrêmement
~mportantes que j'ai découvertes et que je n'ai pas encore
Finistère:
définies, les seules, du reste, sérieuses dans le
1,0 Celle du Vieux-Châtel" en Plonévez-Porzay;
2° Celle de Kervogot et Rulosquet, en Ploaré ;
3° Celle de Kervini, en Poullan.
! Ce,S trois ,stations ~ont, d'a~lleurs, assez r?-pprocQ,ée,s l'une
de l'autre; douze kilomètres au plus.

Le nombre des silex de premier choix de cette provenance,
du musée du Vieux-Châtel,est de
placées dans les vitrines
3,500 environ et chacune a fourni, à peu de chose près, la
même quantité, soit un tiers . de cette série, absolument
remarquable qui comprend toutes les a~mes de petites tailles
et tous les outils de l'industrie primitive, mais déjà ~daptés
à tous les besoins de la vie. '
à avoir ; tous ces silex ont été taillés
Il n'y a aucun doute
sur place et n'ont pas été importés, la présence desnucleu,s
et des innombrables éclats le prouve de la façon la, plus

certaine. . '
Je n'ai pas trouvé à côté le gisement de silex ~t 4e quart­
zites, comme cela m'était arrivé à Guengat, mais je n'en suis
pas moins certain pour la conclusion. '
Ces trois stations sont très rapprochées de la mer qui à
beaucoup empiété de ce côté et a dû anéantir les gisements,
mais en apportant de temps en temps au rivage, par l'effet
de la vague, quelques rognons; j'en ai trouvé moi-même

au rivage entamés par les percuteurs. '
bien des pages et de nombreuses planches
Il me faudrait

pour définir tous ces silex; je me contenterai d'indiquer
principaux: ' ."
certains types
1 ° Pointes de flè'che à ' pedoncule et aÜerons droits ou
sans barbelures; ' '
recourbés, avec ou
2° Petites pointes très fines et très s de nombreux éclats ; longueur: 1 centimètre 1/2 au plus;
largeur: 3 millimètres; c'est l'infiniment petit et je né' peux
mieux les définir, je crois, qu'en leur donna:nt l'attributîon
d'instruments de chîrurgie ; .
3° Des scies de la plus petite taille pour diviser les petits

ossements destinés à fournir les petits outils du ménage;
d'autres, plus grandes;
4° Des pointes de flèche triangulélire ayant à la base" un
vide demi-circulaire destiné à faciliter l' emmallchemen.t ;

d'autres pointes de flèche de ce genre ont en plus, sur le
trois crans ou encoches près de la base avec
côté, deux ou
barbelures sur un seul côté ou sur les deux;

5° Des pointes de flèche rappelant la feuille de laurier ;
6° Des pointes à pedoncule, sans ailerons, mais avec
barbelures et en plus crans pour le lien d'emmanchement;
J'ai trouvé quelquefois, parmi les silex, des pointes ou
autres objets du même genre parfaitement taillés, en quartz

. et en grès; le silex faisait évidemment quelquefois défaut
au fabricant;
7 Des silex triangulaires pour arbalètes et des projec­
.tiles allongés à deux pointes ;

8° Des grattoirs très petits, à petites barbelures, pour
aiguiser les petits os, les aiguilles, etc ... ; d'autres grattoirs
plus grands et de toutes tailles pour les usages divers, tous
par des
avec des dents nombreuses en saillie et obtenues
éclats enlevés ;
go Des pointes de flèche triangulaire, rectangulaires, etc.,
·de toutes formes et de toutes tailles, quelques-unes en silex

.translucide. Pour le reste, toutes les couleurs sont à peu
près représentées, mais avec cette remarque que j'ai trouvé:
le silex rouge, à la st"ation de Rulosquet seulement et mon
titre joint dette station à celle de Kervogot ; les deux stations
·se touchent, séparées par un ruisseau et ce silex rouge a été
trouvé en rognons, roulés au fond de la vallée, puis taillé à
Rulosquet où les éclats d'un rouge éclatant couvrent la terre
à certains endroits. après le coup de charrue;
10° Enfin, toute la variété des percuteurs et poinçons pour
. euleyer les éclats, les couteaux, racloirs, perçoirs, gouges,
'rondelles, etc ...
Il est très difficile de dire à quelle date de la période
uéolithiqUè on a travaillé dans ces ateliers, mais il est à peu
près certain: qu'il ne faut pas remonter à beaucoup de siècles

avant notre ère, mais sans se rapprocher trop, toutefois, car
j'ai trouvé les silex similaires dans des tumulus et dolmens" ,

relativement assez anciens dans les environs.' .

Tumulus, en Langonnet (Morbihan). Pointes de flèche

en schiste pour remplacer le silex ..

J'ai trouve, pendant l'hiver 1889, ' ce tumulus'~ situé au
point culminant d'une grande montagne . nommée Méllez"\' i. ·,'
Guerzaus. Je l'ai fouillé au mois de juin suivant po~r p~ofiter i .'
du beau temps et trouver en même temps dans cette' fouille
le repos nécessaire après le travail ·de la pJume. .' - '
Ce monument se trouvait au centre de la large ligne' des ,

poudin'gu~s qui traverse toute la commune de Langonnet .
et est séparée de la ligne des schistes par des vallées tr~s ' .
étendues et une très large ligne de grès. . . .c - '

Le tumulus, quoique visible de très loin, p'était pas cQnsi· ;, ··
dérable : 1 mètre 1/2 d'élévation, sur 7 mètres de diamètr,e j'
il était en terre, sans galgaL ' . .' ,, - . ;
L'incinération avait eu lieu à la base, mais il ne restait de: .:
l'urne que des débris· infimes et décomposés. .
Le mobilier funéraire comprenait: .

1 Une sphère de 9 centimètres de diamètre en agate et
ayant sur trois de ses faces des éclats de son écorce enlevés
au poinçon en silex, cette opération ayant eu pour but de
mettre la pierre bien en main pour servir de massue;
2 Une série de toutes tailles de · pointes de lances' et de
en schiste; le silex manquant, on était allé cherchér
flèches
dans la ligne des schistes le genre de pierres pOllvant
donner des lames; enfin, ce qui ne pouvait pas ' exister dans '.'

la ligne des poudingues ; .

3 Un morceau de fer détérioré et
d'un usage difficile à
déterminer.
Encore une nouvelle preuve de ce que j'ai dit si souvent,
débuts: il n'y'
en coutradiction avec les adversaires de mes
a pas à proprement parler d'âges de pierre, de bronze, de
fer.
L'homme primitif à tous les âges s'est servi de ce qu'il
à sa disposition et, en mème temps, c'est absolument
avait
certain, des métaux et des pierres, apportant ce qui lui
. mariquait de localités différentes.

Dans ce tumulus, le fer et-les schistes ne viennent pas de
très loin, mais l'agate a certainement été apportée d'un

autre pays.'
En ' résumé, cette réunion extraordinaire des schistes
taillés, remplaçant les silex qui manquaient avec le fer et
cette sphère d'agate, appropriée à l'usage voulu avec un
vien~ bien à l'appui de ce que j'ai dit 'dans
poinçon en silex,
mes ouvrages.
La nécessité à tous les .âges prehistoriques a dirigé les
actes de l'homme.
Je termine en indiquant, pour l'ancienneté probable de ce
tumulus, une époque très rappro'chée de l'apparition des
métaux .

VII .

Les moulins primitifs.

Les galets, larges de 7 à 15' centimètres en moyenne,
et de
creusés peu profondément et les . galets plus petits
forme allongée qui, pour donner la première impulsion,
étaient posés perpendiculairement dans le creux des premiers,
posés horizontalement, voilà le début. . .

On avait cru, d'abord, que c'étaient des mortiers- et des
triturateurs destinés à broyer des matières colorantes pour
l'ornementation du c'orps humain.
Les premiers auteurs les croyaient très anciens et les

, attribuaient au début de l'époque néolithique; quelques-uns
même remontaient à une époque très lointaine et ajoutaient
que dans l'Inde seulement on avait trouvé les similaires des
, premiers spécimens trouvés en France.
Ces pierres sont les premiers moteurs des moulins pri-

m :tifs ; j'en ai trouvé beaucoup avec les meules ' dans les
stations diverses que j'ai fouillées et cette étude va faire le'
sujet de ce chapitre.
Ce n'est pas à dire, pour cela, qu'il n'y a pas eu de petits
triturateurs et des mortiers pour la coloration du corps
humain. J'en ai plusieurs dans ma collection; ils sont géné-
ralement très petits. .
L'un d'eux; en porphyre noir, n'a que 4 centimètres de
diamètre et le triturateur, en agate, est en proportion.
J'ai trouvé aussi à côté dans les stations, les matières
colorantes destinées à être broyées; les fragments, que l'on
peut voir dans mes vitrines, conservent des traces de raclage
si parfaitement visibles qu'on ne peut douter de leur emploi
pour la fabrication des matières colorantes. '
Après les meules dormantes, creuses et allongées, ou les
mortiers ronds où on broyait avec les molettes, les premiers
moulins ont été les meules mues à la force du bras, établies
dans le campement et destinées à être transportées quand la
tribu nomade changeait de place.
L'une de ces meules, l'inférieure, restait immobile; la
meule supérieure était destinée à tourner. Les plus anciennes
sont celles où on remarque que le trou central a été com­
mencé des deux côtés et achevé au milieu, où il est très
rétréci, tandis qu'il est très évasé à ses deux extrémités. ,
C,es meules primitives ont, en général, 32 à 40 centimètres

de diamètre 'et il faut en faire remonter l'invention à un
grand nombre de siècles avant notre ère.
Au début, l'une de ces meules, la supérieure, étatt convexe,
de manière à s'adapter à un creux formé dans la meule
inférieure immobile et, pour moudre, il fallait à deux mains
donner l'impulsion à une des pierres pour opérer, par la
pression et la rotation, un fr C'est après ce premier essai que les meules ont été percées
pour pouvoir utiliser un moteur mu par la force du bras.
La meule inférieure, convexe, était percée d'un trou suffi­
sant pour laisser dépasser une cheville de bois qui entrait
dans la meule supérieure concave; cette dernière portait sùr "
les. côtés deux encoches pour emmancher les petites barres
de b0is motrices'.
trou supérieur, assez grand avec le pourtour en plan
incliné, laissait arriver le grain entre les deux meules, d'où,
après broyage, il tombait sur une peau de bête, lorsqu'il n'y
avait pas encore de tissus.
L'usage de ces meulès s'est conservé pour toutes les
populations émigrantes; les armées romaines en ont fait
aussl usage . .
D'autres meules, de plus en plus grandes et mues par un
moyen mécanique, ont été employées à une époque
rapprochée du début de notre ère, à un · moment où les
populations errantes se sont fixées définitivement et ont
établi leurs premiers villages, dont on trouve encore les
substructions très peu élevées et si grossières.
Le système prouve de l'imagination; les deux meules,
percées de part en part supportaient, l'une, l'inférieure, le
galet horizontal incrusté et légèrement creusé et l'autre
portant à sa base le galet allongé formant pivot et descen­
dant au centre du trou creusé dans le galet inférieur, de
sorte qu'en surélevant ces deux meules sul' une petite
construction en pierre formant vide à l'intérieur le grain,

versé au trou supérieur, était reçu dans un récipient placé
sous les meules, dès qu'on donnait l'impulsion qui pouvait,
être mécanique au moyen d'un appareil
dès cette époque,
très élémentaire 'utilisant la force du vent.
Ce système a été perfectionné ensuite, vers les premiers
àges de notre ère, dès que les agglomérations se sont
. augmentées et que la proximité de l'eau a permis d'utiliser
la force hydraulique. .
Les meules qui, de 32 centimètres de diamètre étaient
arrivées à45 et plus, allaient encore augmenter et arriver
plus tard, avec la taille de- la " pierre toujours en granite, à
diamètre de plus en plus considérables:
des dimensions de
60 à 80 centimètres; :enfin, 1 mètre environ.
Il faut arriver presque à notre époque,
au début des
transports faciles, pour trouver le premier
~mploi de la .
pierre meulière pour les meules .
. Les Romains devaient perfectionner de plus en plus l'uti­
lisation des forces à tirer des chutes d'eau, en même temps
que le système des moulins à vent s'améliorait pour tous les
endroits où l'eau, faisant défaut, il fallait employer un autre
moyen naturel d'impulsion. .
Ces moulins, améliorés avec galets, ont été installés de la
façon suivante:
Dans le lit du plus petit ruisseau ayant chute naturelle ou
galet était assujetti en l'incrustant dans une
artificielle, le
inférieur de l'eau; une autre bille de
bille de bois au niveau
portant à sa basse le galet allongé assujetti, descen­
bois,
dait dans le ' plan vertical au centre du trou du galet hori­
zontal.
Une petite turbine à augets était fixée un peu au-dessus
des galets pour recevoir la plus grande quantité possible
d'eau. .
Voilà la force trouvée ;. il fallait l'utiliser et ce n'était plus
L'extrémité du montant était flxé'à une des meules,
difficile.

l'autre meule restant fixe et le travail de broyage s'opérait
vivement avec facilité et perfection. .
progrès, depuis cette époque, a été bien grand et de
jours il n'y a plus guère d'améliorations possibles pour
nos
la perfection et la rapidité du travail, mais il y a encore
grande différence entre les derniers moulins à
une bien plus
galets que je viens de définir et le premier essai de concas~
sage ou de broyage à la main au moyen d'une petite pierre
faisant usage de percuteur ou de molette sur une grande
pierre plate ou creuse. . .,

CONCLUSIONS~

Je lisais ces jours derniers un ouvrage sur la Bretagne,
paru en 1890, livre de salon rempli d'illustrations.
est d'un Breton, et j'en fais le plus grand éloge
Le livre
pour tout ce qui regarde la partie historique. Je ne fais de
pour un seul chapitre qui effieure l'histoire des
réserves que
temps préhistoriques. . .
J'ai la spécialité de parler de ces temps reculés et je crois
que personne, sauf ceux dont j'ai été obligé de combattre
les idées surannées, nè récuse ma compétence.
étant destiné à être lu par un grand nombre de
Ce livre
p~rsonnes, je ne peux admettre qu'il soit sur un point en
contradiction avec mes écrits parus à la même époque.
qu'un point principal, ne m'arrêtant pas à
Je ne toucherai
d'autres détails qui sont, du reste, excellents .
V oici ce texte :
« On ne trouve pas de trace, vers l'Ouest, d'ensépulture­
« ment par. incinération. Les Celtes, qui occupaient alors le
« pays, enterraient leurs chefs sous les dolmens. Ils n'eurent
{( pas à inventer cet usage funéraire; ils l'ava.ient trouvé
« chez les premiers occupants et ils l'adoptèrent. De là

(( l'impossibilité d'assigner une date à certains monuments
(( mégalithiques. )) .
sera bien courte, car ce ne se l'ait qu'une répé­
Ma réponse
tition de ce que j'ai déjà dit:
. 1 Il Y a possibilité d'assigner des dates aux monnments
mégalithiques; . .
2° Il n'y a pas eu inhumation, . mais tuujourp incinérrtion
Bretagne avant l'ère chrétienne dans tous les dolmens et
tumulus;
3° Les inhumations dans les coffres de pierres pont les
premières sépultures chrétiennes.
Ces bases de .l'histoire préhistorique, que j'ai établies, ne .
sont pas contestées aujourd'hui et ne le seront pas.
J'ai parlé aujourd'hui d'un ouvrage bien fait, destiné à
avoir tout le succès qu'il mérite; mais, à côté de celui-là,
que de pu1lications mal comprises et mal rédigées .!
peut-être, qu'en parlant :de
Certains auteurs croient,
questions peu connues et qu'ils ne connaissent pas davan­
tage ils seront prophètes si on ne les contredit pas ; ils
pour eux, écrire c'est une carrière et elle
l'espèrent, car,
n'est hoilOrable, admirable même,' que pour les écrivains,
assez nombreux, heurensement, absolument consciencieux
et de grand talent. .
La soumission la plus absolue à la vérité n'a jamais exclu
la valeur la plus réelle et le succès.
Pour moi, je n'avais pas à en faire une carrière; tout lé
monde sait que je n'en avais pas besoin et que sij'ai travaillé
pendant tant d'années, c'était uniquement pour satisfaire mes
d'autres, je ne pensais même
goûts et, au contraire, de bien
pas au plus fort de mes études et de mes recherches à avoir
·des éditeurs. . .
Je voyais simplement, dans les notes que je prenais;
l'expressio'n des vérités que j'étalS arrivé à découvrir et qui
tirer des conclusions.
devaient me servir à en

Je ne me suis décidé à écrire l'-histoire d'un temps où tout
le monde voyait trouble, que pour arrêter le flot toujours
et des erreurs.
montant des écrivains fantaisistes
sur des preuves irréfutables, auront
Mes idées, basées
maintenant force de loi et j'espère que je n'aurai plus
à rectifier d'après le texte de mes prédécesseurs
d'hérésies
ou de mes contemporains qui ont eu, maintenant, connais­
ouvrages.
sance de mes
Je compte bien n'avoir plus besoin de marquer leurs écrits
et de les exécuter; je désirerai bien n'y être pas
au bon coin
et ne m'occuper exclusivement que des conclusions à
forcé' '
tirer de mes découvertes, ne citant les écrits des-autres que
pour approuver et non pour blâmer.
La tâche est moins ingrate; aussi j'étais heureux quand
M. Audren de Kerdrel, notre éminent président du Congrès
archéologique de Bretagne, tenp en 1890, à Dinan, m'invi­
tait. au cours d'une séance, à répondre au discours de mon
collègue, M. Le Cerf, député des Côtes-du-Nord, au sujet
de ses fouilles préhistoriques.
La réponse que j'ai faite peut être résumée ainsi:
Fouille très bien dirigée ';
Mémoire excellent ;
Conclusion parfaite.
n'en ai pas dit toujours autant.

Ces questions d'âges, de provenances et de races offrent,
en effet, bien des difficultés lorsqu'elles s'appliquent à des
, monuments si anciens SUl' lesquels l'histoire écrite est
muette.
, ' J'~i osé parler, cependant, en voyant des certitudes par la
,répétition des preuves,
sil en­
J'ai puisé ma force d'aujourd'hui dans les études
.cieuses' de mon passé ; j'ai beaucoup cherché sur place la
vie préhistorique; j'ai lu les mémoires des autres, contrôlé
les dires et vu ·les fautes,

Voilà tout le secret 'de ma hardiesse actuelle. J'ai la certi­
tude absolue de ce que j'avance et ce n'est que dans ce cas,
et après avoir froidement étudié pendant des années, que
l'on peut se permettre l'affirmation.

Baron HALNA DU FRETAY.

NOTES COMPLÉMENTAIRES.

, Communication ayant été faite à M. Audren de Kerdrel,
président du congrès archéologique de l'Association bretonne,

tenu à Dinan, en 1890, du mémoire important de M. le baron

RaIna du Fretay, qui invoque son autorité; il a pleinement
reconnu la justesse des assertions de l'auteur; il s'en réfère, ,
d'ailleurs, au procès-verbal des séances du mercredi et jeudi
3 et 4 septembre, huit heures du matin, du congrès breton,
rédigé sous ses yeux, par M. de Calan, et dont voici un extrait
considérable:

« Cette réunion est entièrement consacrée à l'étude des
antiquités préhistoriques.
La parole est donnée à M. Le Cerf, député des Côtes-du­
Nord, sur la question no 1 du programme, ainsi conç~e : '

Monuments et antiquités de l'époque préhistorique, dans le
département des Côtes-du-Nord.
M. Le Cerf expose qu'en faisant des fouilles en la commune
de Saini-Guen ... , il découvrit plusieurs chambres souterraines,

communiquant entre elles par des couloirs et aboutis~ant à
une chamhre plus haute à ciel ouvert. ..
·Les chambres voûtés sont vides; la chambre à ciel ouvert,
,au contraire, a été comblée avec de la terre dans laquelle on
, rencontre des cendres et des débris de poterie, provenant très

probablement d'un foyer extérieur, ce qui ne permet pas d'y
voir des sépultures. M. Le Cerf intime à penser que ces

chambres servaient de demeure à une populatation de Tro­
glodites.
M. le baron Halna du Fretay déclare se ranger à ses con­
clusions.
La ~parole est ensuite donnée, sur la même question du
programme, à M. le baron Halna du Fretay pour la lecture
d'un mémoire sur les stone-kists ou coffres en pierre renfer­
mant des cadavres repliés sur eux-mêmes, et qui, d'après
certains savants, seraient contemporains des dolmens ou
même leur ~eraient antérieurs. M. du Fretay 'combat cette
opinion en faisant remarquer que si on attribue à ces coffres

une si haute antiquité, il est impossible d'expliquer l'état de
conservation des cadavres et surtout des étoffes et tissus qu'ils
renferment. Lorsque le christianisme a banni l'usage de l'in-
cinération, c'est-à-dlae aux premiers siêcles de notre' ère,
voilà où doivent se placer les stone-kists.
M. Félix Robion, correspondant de l'Institut, professeur
honoraire à la Faculté des lettres de Rennes, commence
ensuite la lecture d'un mémoire sur les antiquités préhisto­
riques en général et celle de la péninsule armoricaine en
particulier. Il s'attache d'abord à combattre les préjugés, trop
, longtemps accrédités dans la science, préjugés d'après lesquels
:on affirmait, comme évidente etuniverselle, la lente succession
des âges de la pierre taillée, de la pierre polie, du bronze et
du fer et même de la pierre éclatée en lente succession des
'quatre types divers (système de Worsaë). Il fait observer que
la séparation chronologique de ces types et surtout la longue
durée des premie'rs, reposént sur des faits très peu nombreux,
contredits par d'autres faits, et, par conséquent n'ayanf tout

aU 'plus que ,la valeur d~hypothèses gratuites, ~'ils ne se
réclament pas de l'hypothèse encore plus anti-philosophique
qu'anti-historique d'un passage instinctif et fatal d'une v'ie

presque bestiale à la vie civilisée (système de }.,I. de Mor-
dillet).
L'auteur du mémoire prend soin de rappeler cependant qu'à
leur arrivée en Europe, les premières populations de la Gaule
ont dû subir des conditions distinctes très difficiles; et, par ·
suite, descendre à une condition sociale. assez infime dont,
plus tard, l'arrivée d'autres tribus les ont aidés à sortir .
On peut donc admettre chez nous un âgs, sinon de la pierre
seule, du moins de la pierre et du bois. Mais M. Robion
invoque le bon sens pour repousser l'affirmation, tant de fois
répétée, que des types divers et diversementsperfectionnés
d'instruments de pierre n'aient. pas pu exister simultan~ment
par divers usages et connu aussi d'artistes diversement
habiles. .
M. Robion fait remarquer en même temps que le minerai

de fer, affleurant quelque fois 'le sol, dans notre patrie, il a pu
y avoir, chez nous, un premier âge de fer dont l'oxidation '
aurait fait disparaître les produits enfouis dans le sol; les
navigateurs phéniciens revenant de îles Forlingues, ont pu
aussi établir des dépôts d'étain sur nos côtes .
. Quant au cuivre et par conséquent au bronze, comme il
n'existe pas chez nous, on n'a pu y parvenir que tard par le
fait de communications commerciales perfectionnées;
L'auteur passe rapidement sur les sépultures armoricaines
antérieures aux dolmens, sur lesquelles nous avons à peine
des conjectures. Mais il aborde largement la question récem­
mment soulevée par M. le baron du Fretay sur l'universalité
de l'incinération, hors la Judée, dans tous les temps anté­
rieurs au christianisme. M. Robion démontre que l'inciné­
ration des corps humains était inconnue à l'Égypte et à l'Asie,
que les deux rites, incinération et inhumation, ont exipté dans
l'ancienne Grèce et dans l'ancienne Italie; qu'ils ont existé
successivement mais dans un ordre varié dans toutes les
contrées de la Germanie, et, simultanément, dans l'immense
IJULf"ETIN ARCUÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XVIII. (Mémoires). 17 .

et riche nécropole de Hallstad; enfin, que dans la Gaule
même, les sépultures et inhumations sont, aux temps préhis­
toriques, les plus répandues de beaucoup ... Il donne son
adhésion aux conclusions de M. le baron Halna du Fretay en
ce qui concerne les dolmens de notre péninsule, c'est..:à-dire
le fait général de sépulture à incinératiofJ, et à mobilier de
pierre avec un emploi tout à fait exceptionnel du métal. »

· (Bulletin archéologique de' l'Association bretonne, t. IX,
pp. XXVIII, XXIX, XXX et XXXIII, Saint-Brieuc, Pru­
dhomme, 1891.)