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XVI.
Voie romaine, conduisant de uimper à l'oppidum
de 1'ronoën, en St-Jean -Trolimon. •
Dans la séance du 30 avril dernier, notre honorable confrère
M. Ducourtioux, directeur des contributions directes, expri-
mait le vœu qu'on se servît du tracé du plan eadastral pour
étudier le réseau des voies romaines dans notre pays. En
effet, en examinant la carte d'assemblage de " certaines com-
munes, on remarque l'existence de grandes lignes presque
droites, qui ne correspondent pas en tous points à nos routes
actuelles, lignes qui se continuent dans les communes' voisines
et qui réunissent deux centres de population séparés par des
distances assez considérables. .
Lorsque, le long de ces chemins anciens, aujourd'hUi en
partie disparus, on rencontre ou l'on trouve signalés des
vestiges romains, on est à ju'ste titre fondé à croire qu'on est
en présence d'une de ces vieilles voies dont le conquérant
avait sillonné le pays et qui reliaient les points les plus
importants de leur occupation. .
Comme dans les bureaux de la direction se conserve le
dépôt du cadastre de tout le département, il n'y a pas d'endroit
qui offre plus de facilité pour cette étude; et après les recher
ches et les constatations faites sur les plans, une excursion
sur le terrain est le meilleur moyen de contrôle pour déter
miner et fixer ces parcours, parfois fort problématiques. C'est
ce que nous avOns réalisé pour un tronçon de voie ancienne.
Notre sympathique confrère a bien voulu nous inviter à
prendre part à ses études, et comme premier objet de nos
recherches nous avons pris le chemin qui joignait Quimper à
l'ancien oppidum de Tronoën, en Saint-Jean-Trolim~n, centre
de population depuis longtemps complètement disparu, autre-
fois très importan~ dans le pagu~ du Cap-CavaI (caput caballi),
penn marc'h, ' tête de cheval.
Ce tracé, en effet, est remarquable dans les différentes
feuilles du plan cadastral, et la liglle de communication suit
presque continuellement le chemin actuel de Quimper à
Plonéour-Lanvern, en se prolongeant au-delà. Après un
. examen préalaJ:>}e ~ur l~s carte$ et l).n relevé des principaux
points d~ çe parcours, nous aVQns voulu çornpl~ter nos re-
Cih~rcJ.w~ par 4n vQyag~ SlJ.r les lieux, afin de mieu~ reconnaître
ensemble l'exactitude de nos observations et le constater sur
pll!CB. Deux aiIpables çomp, agnons ont bien voulu se joindre
~ QOl,lS et ajouter .ainsi plus de cl).arme à notre excursion.
C'.est ~ la, date du 29 juin dernier que nous avons fait ce
voyage ;et tout d'.abord, (Hl sortant de Quimper par l.a route
de Pont-l'Abbé, ,nous passons au pied de l'ancien établisse-
ment' romain qui dominait le Bourlibou, sur l'emplacement
oceupé par l'école normale d'iQstjtuteurs etle jardin Caugant.
La, r01)te, quj p'est autre que celle de PQl1t-l'Abbé, s'engage
ensuite sur le terrain de penhar~ et au bout de quelque
cent mètres passe ~ penanguer, où Fon signale, à main
droite, la présence de tuiles à rebord et les re~tes d'ulle motte.
Près du moulin de Melgven, une rectlfication quitte l'ancien
tracé, mai~ celui-cj est toujours vj~ible à travers les clJ,ltures .
En -apprpcQant de I\.erhuenllec, en Pluguffan, et pendant
plu~ d'un kilomètre au-delà, l'anciepp.e voie apparaît. dans
touta sa largeur, environ 2!l mètres. ,A ~erlagade'c, çonnu
sous le QQm de TY-Lipic, on laisse à gauche le chemin de
' Pont-l'Abbé pour se diriger sur PIQnéour; et à quelque
distance, sur les terres de Kereuret, section D, parcelle 1047,
on trouve del,lx champs nommés Parc-Méné-ar-Reün, où l'on
. remarque trois petits tertres qui recèlent des briques à rebord.
L'up de ces tertres a été fouillé par M. du Châtellier, qui y a
. découvert l'emplacement d'une habitation gallo-romaine,
. renfermant beaucoup de poteries, des fragments de va~es
samiens, une statuette en bronze et uné monnaie fruste. Au
nord de ces champs est la garenne proprement dite: Méné
ar-Reün, no 104ti, tirant son nom d'un beau tumulus exploré
parM. du Châtellier en 1879, et qui a fourni un grand vas'e
gaulois de Om3ti de hauteur, et un poignard en bronze.
Après avoir laissé Kéreuret à droite, la route passe sous
le chemin de fer de Qu.imper à Pont-l' Abbé, traven~e le vallon
et rencontre le village de Saint-Guénolé qui a dû être un
centre d'habitation d'une certaine importance. Là, dans le
talus droit de la route, donnant sur un petit jardinet qu'on
nomme encore: Ar-Veret (le Cimetière), section de Kergonian,
no ti93, on voit des débris de maçonnerie romaine et des tuiles
à rebord; plus loin, dans un coin retiré, nous trouvons une
meule romaine en granit.
Un brave fermier du village s'offre complaisamment pour
nous guider et nous fournit d'excellents renseignements. Il
nous conduit d'abord dans un premier clos, nommé Liors ar-
C'hanab (jardinet du chanvre), où l'on trouve des débris de
poteries, des tuiles et des cendres; puis dans un autre clos
qu'il appelle Parc-ar-Rannou (champ despartages ou des lots),
no ti71, et dont le sol était rempli de substructions. Pour le
mettre en état de culture, on en a retiré plus de cent charre
tées de pierres.
Ces deux clos sont entourés de forts talus, qui ont bien
l'air d'anciens retranchements.
Enfin il nous fait voir, plus au nord, dans la direction de
la Boissière, un vaste champ nommé Parc-Keravel, no ti62,
dans lequel on trouve également bonne quantité de briques.
Quittant Saint-Guénolé, nous reprenons la route de Plo
néour, et de distance en distance, surtout aux points où l'on
a fait des travaux de rectification, on reconnaît d'un côté ou
de l'autre le parcours de l'ancienne voie, notamment entre
Ty-Goff et le ruisseau, ainsi que dans le vallon du moulin de
la Villeneuve.
BULLETIN ARCUÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XVIII. (Mémoires). 15.
Un jalon important à signaler c'est, au nord de la chapelle
de Languivoua, à 1BO mètres au sud de la route, une butte
très élevée, renfermant des tuiles à rebord .
La route traverse le bourg de Plo néo ur où elle se croise avec
le chemin de Pont-l'Abbé à Pont-Croix, qui pourrait être
aussi plus tard l'objet d'une étude spéciale; puis elle s'avance
vers le sud-ouest par Kerbesquar, Peri-ar-Prat, Kerlaouédec~
et près de Lespervez où l'on a' signalé des tuiles. D'autres
débris de tuiles ont été trouvés aussi à qu.elques centaines de
mètres au nord du village de Castellou. Dans ces parages
encore on semble remarquer, à certains endroits, les traces
de la voie ancienne, dans sa largeur primitive.
Puis les délimitations habituelles disparaissent, les talus
n'existent plus; et le chemin, sous forme de simple sentier ou
de voie charretière entre dans les méjou, vastes champs
remplis de riches moissons, dont les innombrables parcelles
ne sont déterminées que par des pierrés bornales. Plus loin,
après avoir passé Kervroyen et Kerfélest, aux approches du
village du Stang, le chemin reprend toute son ampleur .
Se poursuivait-il autrefois jusqu'à l'étang et jusqu'à la mer,
et cette ligne formait-elle la limite nord du camp de Tronoën?
Ou bien la route véritable conduisant au camp est-elle celle
qui s'embranche à Keroulé pour passer à Tréganne et aboutir
à la chapelle actuelle de N.-D. de Tronoën ? Il est bien difficile
de le préciser; et même l'hypothèse la plus probable est que
ces deux voies desservaient autrefois le camp, qui devait
avoir une très vaste étendue.
Les fouilles remarquables pratiquées par M. Paul du Cha
tellier, et qui lui ont fourni de si intéressantes trouvailles, ne
peuvent déterminer qu'une partie du tracé de cette importante
occupation. (V. le Bulletin monumental, no 4 1877, et le
le Congrès archéologique de France, session de Vannes, 1881,
Le plan cadastral, dressé vers 1830, n'indique aucune divi-
sion parcellaire pour ce vaste plateau formant un carré de
plus d'un kilomètre de côté, délimité au nord par l'étang, à
le village du Stang, à l'angle sud par la
l'angl.e nord-est par
chapelle de Tronoën, et à l'ouest par la mer. Maintenant cet
quelq~es chaumières y
espace immense est cultivé et divisé,
il est probable que jamais on ne pourra
sont dispersées, et
indiquer exactement l'espace de l'ancienne occupation, car le
terrain primitif a été couvert par des apports de sable; l'ancien
sol arable, les substructions et les débris romains et gaulois
se trouvent sur certains points à deux ou trois mètres en
contrebas du sol actuel.
Cette voie, que nous avons suivie, ne devait pas s'arrêter à
Tronoën, et tout nous porte à croire qu'elle continuait jusqu'à
. Penmarc'h et Kerity, qui semblent aussi avoir été occupés à
cette époque reculée, et sont assez riches en vestiges romains .
J.-M. ABGRALL,
Prêtre .