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Bulletin SAF 1891


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Chapelle et calvaire de N.-D. de Tronoën en St-Jean-Trolimon

Abbé Abgrall

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ICONOGRAPI-IIE BRETONNE
(Su'Îte .)

Chapelle et Calvaire de Notre-Dame de Tronoën

EN SAINT-JEAN-TROLIMON.

A huit kilomètres à l''Ouest de P'Ont-I'Abbé, à quatte kil'O-
mètres de Saint-Jean-Tr'Olim'On, s'élève la chapelle de N'Otre-
Dame de Tr'On'Oën, au haut d'un plateau d'Ominant la mer
d''Où elle est distante d'envir'On 1,600 mètres .
Cette chapelle d'Oit dater des premières années du XVIe
siècle, car elle présente abs'Olument les mêmes caractères
. que l'église de Tré'Oultré-penmarch, qui a été c'Ommencée en
1;)08. C'Omme cette église, elle est surm'Ontée aussi d'u!1

cl'Ocher cehtral acc'Osté de deux cl'Ochet'Ons qui y sônt reliés
pê1r une galerie. A l'extérieur, ]e côté n'Ord est s'Obre, peu
percé de fenêtres, et à m'Oitié engagé dans les sables app'Ortés
par le vent et qui 'Ont c'Ouvert une vaste étendue de terrain.
Le côté sud, au c'Ontraire, est d'une élégance. re'marquable,
déc'Oré d'un p'Orche et d'une p'Orte sec'Ondaire qui présentent
une grande richesse d''Ornementati'On. Tr'Ois fenêtres s'Ont
percées dans cette façade, et deux dans l'abside carrée. La
fenêtre principale, c'Orresp'Ondant an maître-autel, est divisée
e'O cinq baies et a s'On tympan rempli par une r'Ose c'Omp'Osée
de sept quatrefeuilles. .
Intérieurement la chapelle est f'Ormée d'une nef principale
et d'un c'Ollatéral n'Ord. Le tout est couvert d'une v'Oùte élé­
gante divisée par des arcs-'Ogives et des arcs-d'Oubleaux en
granit, tiéhement m'Oulurés.
Lés deux pri.q.cipales statues en vénérati'On s'Ont celles de
N'Olre-Dame de Tr'On'Oën et celle de sàint Maudet qui devait

être précédemment placée sur un autel adossé à la pile formant
l'entrée du chœur. Près de cette pil~, ôans le bas-côté, on
remarque qu'on a creusé le sol pour prendre de ·la terre à
laquelle on attribue une vertu miraculeuse, et dont on mêle
quelques' pincées aux boissons des malades. C'est une pratique
qui est en usage dans tous les endroits où existe Ulle image
de saint Maudet, COÎl1ri1e on peut le voir â l'ancîenne chapelle
de Saint-Maudet à Édern, où le maître-autel slèboula parce
que le sol éÜ:lÏt complètement miné au-dessous; à la ch'llpeiIe
de Loc-Marzin, en Bannalec, et au bas du cimetière de-Lan- .

deleau, à l'endroit où existait autrefois un oratoire de Saint-
Maudet. Pour l'origine de cette pratique, voir la vie de ce
saint, dans Albert Le Grand, et sa légende récemment publiée ·
par M. de la Borderie. _

Calvaü"e.
Du côté sud, à quelques pas de la chapelle, existe un .
calvaire d'un gnihtl întél'èt ; c'est très probablement le plus
at1cien du pays; à Mup sûr le plus al1cien des calvaires de
premi~r ordre, car d'après les caractèl'es de son arehitecture
et de sa statuaire il doit être antérieur à 1520, tandis que le.
calvaire de Gtlimiliaù date de loSl, celui de Plougastel, 160:2,
Plougàn,ien, 1600, et Pleyben, 16QO.
La masse de ce calvaire e'st de forme rectangulaire et

mesure 4 ;:)O sur les grand côtés, 3 15 sur les deux f)etits
côtés. Tout autour règne un banc de 'Om4Qde hauteur, et
au-dessus .du soubassement, à 1 7Q du sol, court 1!we corn.iche
qui sert de support à une première série de scènes sculptées.
A un mètre plus haut, un grand larmier saillant semble faire
abri au-dessus des personnages et est couronné par une
seconde ran-gée de statues. .

La plate-forme est surmontée de la croix du Sauveur et de _
celles des deux larrons. .

Dans chaque bloc de granit sont sculptés deux ou trois
personnages ou même plus, de sorte que chaque scène com­

prend un ou deux blocs selon le nombre des personnages qui
en font partie. Nous énumérerons les différentes scènes dans
l'ordre où elles sont rangées .
La série des représentations commence au dernier tableau
de la faç.ade est, et elle se continuent sur la façade nord, puis
stfr le côté ouest, en contournant le calvaire dans le sens de
la lecture.
1° Annonciation. L'ange Gabriel, tenant un grand
phylactère, est tourné vers la Sainte-Vierge qui est age­
nouillée sur un prie-Dieu. Entre les deux se trouve un vase
de forme élancée d'où s'élève un lys autour duquel s'enroule

un autre phylactère. Généralement, dans les représentations
analogues de l'Annonciation, ces banderolles portent ces
textes Ave, gratia plena . Ecce ancilla Domini; mais ici il
semble qu'il n'y ait jamais eu d'inscription. Sur le prie-Dieu
de la Sainte-Vierge est un coussin soutenant un livre ouvert.
Le dessous du meuble forme une petite bibliothèque renfer­
mant huit livres d'heures, de différentes dimensions, posés à
plat et ornés de riches fermoirs. ' .
La même disposition de livres dans un prie-Dieu se trouve
dans les sculptures des stalles de la cathédrale d'Amiens.
Côté nord. Les deux scènes de ce côté sont sculptées en
Kersanton et d'un travail très fin, tandis que toutes les autres
sont en grani t. .
20 Visitation.' Sainte Élisabeth s'avance pour embrasser
la Sainte-Vierge.
30 A doration des Ll1ages. Saint Joseph est endormi auprès
de l'âne et du bœnf. Il est coiffé d'un capuce et a son bâton à
côté de lui. . . ..

. La Sainte-Vierge est couchée dans un lit d'osier, la tête
reposant sur un coussin, la poitrine nue, les mains tendues
vers un petit personnage jeune, à chevelure opulente et vêtu

d'une robe longue, qui de la main gauche tient un globe ou
une pomme, tandis que de la droite il montre le ciel. Plus
loin les trois Mages portent leurs présents. Le premier, à
genoux et sans couronne, présente un calice ou une coupe;
les deux autres, debout, et couronne en tête, portent des
urnes.
Quel peut être cet adolescent qui porte un globe et semble
parler à la Sainte-Vierge '?
Est-ce un berger, est-ce un serviteur des magos? Ne
serait-ce pas l'Enfant Jésus figuré sous les traits qu'il devait
avoir à l'âge de 10 ou 12 ans? Il est difficile de . le préciser:
mais ce qu'il faut observer, c'est que toute représentation de
l'Enfant Jésus, nouveau-né, fait défaut dans cette scène.
'Au portail occidental de N.-D. du Folgoët, nous trouvons
la même scène représentée d'une manïère à peu près ana:.
logue, la Sainte-Vierge est aussi dans son lit, ' mais plus cou­
verte, et au pied du lit se trouve l'Enfant-Jésus.
4° Coté ouest. Présentation de l'.Enfant-Jésus au Temple.
, Saint Joseph' appuyé sur un bâton se tient derrière la
Sainte Vierge qui présente l'Enfant-Jésus, nu et debout sur
une table. Le grand-prêtre, revêtu d'une sorte de chasuble et
d'une mitre, les reçoit dans ses bras. "
0° Baptême de Notre-Seigneur. - Le Sauveur est à genoux,
et saint Jean lui verse de l'eau sur la tête avec un pot-à-eau.
Un ange tient respectueusement la sainte robe de N. S. C'est
une tradition que l'on trouve partout où a été figurée cette
scène: au porche de Guepgat, aux baptistères de Lampaul et
de Guimiliau, etc.
Plus loin, on tronve la même représentation répétée presque
identiquement: ce doit être saint Jean conférant le baptême
à un des Juifs venus pour l'écouter.
70 Côté sud. Le premier panneau de ce côté est sculpté
en bas-relief presque méplat sur une seule dalle de pierre; il
est un pe~ fruste et est assez difficile fi interpréter. Il semble

que ce soit un tableau étranger à l'ensemble du monument et
qui est venu s'y interpoler sans faire partie de l'idée primi­
tive. Le persohnage principal est N .-S. assis sur un arc-en­
ciel, les deux mains élevées, dans l'attitude qn'on lui donne .

dans les représentation~ du j uge:ment dernier .
A sa droite on croit reconnaître la Vierge, à genoux et
suppliante; à sa gauche, un ange jouant de la trompette et
deux ou trois morts sortant du tombeau; au haut, un ou deux
anges tenant, semblerait-il, les instruments de la Passion.
Tout à fait dans le côté, Adam et Ève au pied de l'arbre du
. bién et du mal, autour duquel est enroulé le Serpent, et au
, haut dé l'arbre,un ange, les n'lains étendues vers Adam.
Si quelques-unes de ces figures, qu'on peut seulement
soupçonner, éxistent rêellement, c'est là un jugement dernier;

, sinon, c'est la « Création du le Seigneur reprochant leur faute
à nos prémiers parents. ))

8 La dernière Cène. Six personnages seulement assis
à table avec Notre-Seigneur. Saint Jean a la tête appuyée
sur la 'poitrine de sdn maître. .
9 Côté est. ' Lavement Iles pieds. Onze personnages. "
Saint-Pierre a les pieds plongés dans un bassin. N otre­
Seigneur est à genoux devant lui.
10 Pri~re au jardin des olimers. ' Notre-Seigneur est à
genoux; les trois disciples sont endormis. Le jardin, selon
les représentations convéntionnelles ' de l'époque, est figuré
par deux arbres en forme de champignons.
DEUXIEME SERIE, RANG SUPERIEUR.
·HoFlagellation. , 1e Sauveur est attaché à la colonne.
Un bourreau tient des verges; le second b(mrreau manque.
Côté nord. 12 La Sainté-Vierge et les trois Marie.
,13oNotre-~eigneur assis, les yeux bandés, outragé par les
solda~. .

Côté ouest. ' 14 Pilate se lavant les mains,

. 1!;)Q Notre-Seig.neur lié, emmen~ p(ll' de~~ bo~rreall.x. '
16° Notre-Seigneur portant sa croix, conduit par deux

bourreaux et suivi des deux larrons qui sont aussi cl)argés de

leurs croix: . '.
Côté sud. 17° Résurrection. Le Sfluyellr tenflp·t upe
croix comme étendard sort de son tombeau, deux des garde.s
tombent à la renverse; deux sont assis et comme endormis;

un cinquième est debout.
18 Descente de Notre-Seigneur aux limbes. .
Les limbes$ont représenté~ par la gueule d'lwmonstre.
De cette gueule ouverte sortent deJJX petits ' personnages
nus, Adam et Eve, personnificationde.s justes de l'Ancien
Testament, qui vont au devant du SaUVelll'. Celui-ci tient un
étendard ou une banderolle.
Cette représentatiod ingénieuse a été imitée dan$ les autre.s
calvaires qui ont été sculptés postérieuremeflt; mais l'idée y
a été moin-s bien comprise, car au lieu d?exprimer le séjour
des justes on a semblé figurer le vérital:)le enfer des damnés; .
on y voit des démons qui précipitent des malheureux·dJlns la
gueule du monstre, de laquelle ~ortent des flammesaQon-
dantes. . .' 1
190 NaZi me tangere. Notre-Seigneur ·après ~a résur-
rection apparaît à Marie-Madeleine qui le prend d'abord

pour le jardinier de l'endroit et qui, après l'avoir reconnu, se
jette à ses pieds et veut embrasser ses genoux: le Maître lui
répond: « Ne me touchez point », naZi me tangere. N. S. tient
une banderolle qui s'enroule autour d'un des arbres.
Là finit la série des tableaux figurés autour du monument.
Sur la plate-forme du massif sont dressées la croix de Notre­
Seigneur et celles des deux larrons. A côté du Sauveur
crucifié sont quatre anges qui recueillent dans des calices le
sang coulant de ses plaies sacrees.
Au pied de la croix du Sauveur sont les statues de la Saint~-
Vierge et de Saint-Jean. "-

Au pied de la croix du bon larron est un saint moine à
genoux, les mains jointes, et semblant être saint François
dt Assise. .
Du côté est, derrière la croix du Sauveur, est représentée
la pieta : la Sainte-Vierge tient sur ses genoux le corps ina­
nimé de son Fils. Deux petits personnages, à ses côtés, et
compâtissant à ses douleurs, relèvent respectueusement son
voile. .
. Derrière la croix du mauvais larron, la Véronique tielllia
Sainte-Face. Derrière la croix du bon larron se voit saint
Jacques, reconnaissable à son chapeau de pèlerin, à son
bourdon et à son aumônière.
Ce monument, que nous venons de décrire, est d'autant
plus intéressant qu'il a servi de Ïnodèle aux quatre autres
calvai,l'es importants du pays, dans lesquels on eonstate le
même genre et le même ordre de représentations. Il n'y a de.
différence que dans la perfection et le style des personnages.
Il semble même qu'on soit fondé à conclure qu'il sort du
même atelier; et d'après tous ses caractères, il a dù être
sculpté à Brest dans l'atelier qui fut dirigé ensuite par
Ozanne, l'auteur et le signataire des calvaires de Pleyben et
de Plougonven.
J.-M. ABGRALL,
Prê.tre .