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Bulletin SAF 1891


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Les clés et le culte de Saint-Tugen

M. Le Carguet

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XIV.

LES CLES ET LE CULTE DE SAINT TUG:EN
D'après les légendes et les traditions locales .

D'après le père Grégoire de Rostrenen, saint Tugen était
Sa statue le représente comme abbé mitré:
abbé de Primelin.
la main droite porte la crosse; sur la gauche repliée, repose
un livre ouvert; à son ' côté pend une clé; à ses pieds, un
chien, la gueule béante, et un pélerin ag'enouillé tenant un
chapelet entre ses mains jointes.
Les liagiographes le disent né en Basse-Bretag'ne ;
La tradition le fait venir d'Angleterre. .
Il fait partie de 'la pléiade des saints bretons, locaux, qui
n'ont d'autre biographie que celle des traditions et des
légendes.
Ce sont ces traditions et ces légendes qui font l'objet de
sur place, jour par jour,
cette note. Nous les avons recueillies
dur'ant plus de dix ans, de la bouche de centaines de persounes.
Elles expriment la ferme croyance des .habitants du Cap­
Sizun 'et donnent, en quelque sorte, l'explication populaire
du culte voué au saint. Nous les racontons, sans appl'écia-
tion. ni commentaire .

D'abord,
Le nom du saint.
Le compte-rendu de la séance du 19 septembt'e : 1.873 de
l'Association bretonne, l'écrit: saint Ugen;
. Le cadastre, en 1836, Eugen; sa .statue, Thugeœn; les
registres de l'état-civil, à partir de 1700, portent: Tugen;
Eugen; Tugean; 1'ugeant; T'ujan; Eugène; Tnchctn; l'hufJ(m,
etc ... Chaque recteurTécrivait à sa façon. .

La vie du père Maunoir (édition de l'abbé Tresvaux) l'éct'll.:

1'1J,gean.

Le père Grégoire, dans son dictionnaire François-Celti-.
que, dit que c'est le même que saint Toussain, en latin Tus-
san'us et T'ujanus; en breton, Tujan et Tugen.
Dans les prénoms actuels il n'existe pas. Il y a vingt ans,
un seul homme de Primelin le portait. Par abréviation, on
l'appelait: Tuche; Tuge .
Le nom prononcé, seul, se dit toujours avec le T dur.
L'orthographe la plus souvent reproduite est: Tugen.
C'est aussi celle de messire Joachim-René Le Gallo, un lettré,
qui, de l'lle-de-Sein, devînt recteur de Primelin, en janvier

Sans préjuger du vrai nom du saint, nous adopterons,
répandu: Tugen.
dans cette note, le nom le plus
Pouvoirs du saint.
On ne dit rien de sa vie. Il est, de même què saint Hubert,
pour la rage. Mais les pouvoirs des deux saints sont
invoqué
différents. Le premier, la prévient et la guérit. Notre sain t
possède seulement le don d'en préserver.
Une légende explique comment saint Tugen reçùt, de
préserver de la rage:
Dieu, le pouvoir de
Saint Tugen, dans un moment de ferveur, avait voué à
sa sœur. Mais la vertu de la femme est
Dieu la virginité de
une fleur bien délicate ... le souffie même de l'homme est
capable d'en ternir l'éclat. Notre saint, réfléchissant à ces
choses, reconnut que son vœu était téméraire. Mais la
Dieu, il voulut la tenir jusqu'au
promesse qu'il avait faite à
bout. Pour celà, il prit toutes les précautions qu'il était humai­
nement possible de prendre.
Voici ce que fit notre saint:
Jour et nuit, il gardait près de lui sa sœur. Il ne laissait
fClt s'approcher d'elle, encore moins lui parler .
homme que ce
Lorsqu'il était obligé de quitter son monastère, il se faisait
par elle. S'il rencontrait un homme, il la
accompagner
Bll~LETIN ARCHÉOL, DU FINISTERE. TOME XVIII. (Mémoires), 13 .

p'renait sur ses épaules. Lorsqu'il était fatigué, il s'asseyait
et ne laissait la jeune fille s'écarter qu'après s'être aSSuré
qu'il n'y avait aucun homme dans les alentours. POUl' celà,

il frappait de son bâton les broussailles et jetait des pierres
par dessus les fossés. Si un oiseau s'envolait d'un champ, il
permettait à sa sœur d'y aller, persuadé que là où se tenait
un oiseau, ne pouvait se trouver un homme.
Cependant la sœur du saint était belle. Un jeune homme
la vit passer avec son frère et devint amoureux d'elle. Ne

pouvant lui parler, tant le saint était sur ses gardes, le jeune
homme usa de ruse. Connaissant la manière de procéder du
saint, il prit un oiseau entre ses mains et alla se cacher sur
le passage de saint Tugen et de sa sœur, à l'endroit où ils
avaient l'habitude de s'asseoir. Arrivés en ce lieu, le saint
s'arrêta et se mit à jeter des pierres autour de lui. A la
première qui tomba dans son champ: le jeune homme
lâcha son oiseau, et le saint permit à sa sœur de s'éloigner.
Aussitôt le jeune homme s'avança vers elle et se mit à lui
parler. Aux premières paroles qu'il prononça, notre saint,
. surpris d'entendre une voix étrangère, s'élança sur le fossé,
et, voyant que toutes ses précautions avaient été inutiles,
s'écria dans un transport de sainte colère ': «Mieux vaut
« commander une bande de chiens enragés que garder une
« seule femme! ))
Après la mort du saint: à cause de la sincérité du vœu
qu'il n'avait pu accomplir jusqu'au bout, Dieu lui donna la
garde de tous les chiens enragés de la contrée .
La clé, emblème de son pouvoir.
Saint Tugen, comme saint Hubert, a pour attribut de son
pouvoir, la clé. Sur la foi des guides, beaucoup de touristes
prennent pour la clé du saint la grosse clé de'la porte de son
église. Ils en font souvent des croquis. La véritable clé du
saint, la clé miraculeuse, se trouve au presbytère de Prime-

lin. Elle a plutôt la forme d'un poinçon. Elle est conservée
en argent de la forme d'une vraie clé.
dans un reliquaire
ci-après la reproduction que nous devons
Nous en donnons
à la bonne obligeance du clergé de Primelin.
D'ou vient, à notre saint, cet attribut de son pouvoir? Les
léO'endes répondent encore à cette question. D'après l'une,
la clé a été apportée du ciel par un ange:
An alc'hue-ma, Christenien,
A so digacet da S. Ugen (sic)
Gant un rel ur firmamant,
Pa vou e peden ar sant. (1)
Cette légende a été introduite par un guerz ancien. Ce
est exotique ; nous ne nous y arrêterons pas.
guerz
Une légende, toute locale, donne une autre explication.
Elle se rapporte à la construction même de la chapelle.
L'église de Saint-Tugen a été, dit cette légende, construite ,
par les Anglais (2). Ceux-ci avaient, parmi eux, un architecte
(1) Cette cIe, ehrétiens, a été apportée à saint Tugen par un ange du
firmament, quand le saint élait en prière. '
('2) La grande tradition du Cap rapporte que ce pays a été longtemps
sous la domination des Anglais.
Nous avons trouvé, dans les registres de l'état-civil d'Esquibien, après
un acte du 19 ja'nvier 15GO, une pièce de vers d'un recteur de l'époque se
rapportant à une invasion ou à un passage de troupes. '
Nous la donnons ci-après :
« Hélas pauvre laboureUr
« Vivras-tu tous jours en pleur
« Auras-tu toujours lalarme
« De ces malheureux gensdarmes.
« Ceux qui estoit logez chez moy
« Estoit vestuz de chamoy.
« Il ont tout rompeu mon mesnage
« N'est-ce pas ung grand dommage.

« Il ont emmesné mes vaux

« Mes moutons et mes toreaux
« Et mes deux bonnes charmes

c( Qui sont maintenant perdues.

émérite qui avait taillé et disposé, par terre, toutes les
pierres du monument, avant d'en commencer les fondations.
mirent à bâtir, ils s'aperçurent que le sol était
Lorsqu'ils se
plus mou du côté sud, et le monument penchait. Alors, que
faire pour le redresser et ne pas pel'di'e une seule des pierres
t~illées par leur grand architecte? C'était bien simple: au
sur la tour, ils le mirent à côté.
lieu de mettre le clocher
Saint-Tugen, accolé à sa tour
C'est pourquoi l'église de
massive, possède un léger contrefort figurant une flèche
hexagonale. Cette flèche, bien proportionnée avec le reste du
un digne couronnement de l'édifice.
monument, ferait
Lorsque les Anglais furent chassés du pays, ne pouvant
emporter leur église dont ils étaient si fiers, ils en enle-
du moins la clé. En traversant la baie du Cabestan,
vèrent,
la clé tomba à la mer. Tout le monde, dans le Cap, ignorait
ce fait, lorsqu'un jour on prit un lieu de grande taille. Le
pris se sentait ' attiré, malgré lui, vers '
pêcheur qui l'avait
St-Tugen. Après avoir ouvert son poisson, il trouva
l'église de
Frappé d'inspiration,
dans son ventre une clé toute rouillée.
présenta cette clé devant la porte de l'église. La clé entra
toute seule dans la serrure. Miracle, cria-t-on ! C'était la clé
du saint qui ne voulait pas que son culte disparût du pays.
On fit alors, de la clé, l'emblême de la puissance de saint
Tugen et son église où le miracle avait eu lieu fut appelée:

« Ilis Sant-Ugen an A lj'e. l)
Usages de la clé.
Dans beaucoup de chapelles dédiées à Saint-Hubert il est
d'usage d'appliquer la clé du saint, chauffée au feu, sur les
« Encore mont il plus faict
« Il mont lié et garotté il mont ...... »

A 400 mètres sud-est du bourg d'Esquibien se trouvait un gros bastion
en terre, Corn-ar-Voulouart, aujourd'hui démoli. Il devait être un cent['e
d'occupation, ayant vue sur la baie d'Audierne et sur celle du Cabestan.
le pauvre recteur, émule du poète
C'était un mauvais 'voisinage pour
Ronsard. ' ,

morsures faites par les chiens enragés. Ce sont ordinaire­
ment les maréchaux qui sont chargés de cette opération. A
Tugen, bien que la clé, en forme de poinçon aigü, soit
Saint-
appropriée que celle de Saint-Hubert, pour une cauté­
plus
risation profonde, nous n'avons rien trouvé qui indiquât
semblable pratique. Il est vrai que notre saint ne passe
pas pour guérir la rage, mais pour la prévenir.
La clé du saint servait beaucoup autrefois à piquer de

petits pains, de la longueur de la main, que l'on vendait le
jour du pardon. Ces pains, ainsi bénis, se conservaient indé­
sans moisir. On les appelait: Bara an Alve. Ils
finiment
la propriété de guérir la rage des dents. Cet usage
avaient
est presque tombé en désuétude. Aujourd'hui, pour guérir
les maux de dents, il faut, par soi-même ou par tierce
la chapelle ou vider la fontaine du saint.
personne, balayer
Cette pratique est très usitée.
la clé du saint est de bénir,
Mais le principal emploi de
par attouchement, les petites clés en plomb, dites: « Clés de
Saint-Tugen ». Des marchands de Pont-Croix et d'Audierne
les fabriquent et viennent les vendre, sùr la place, le jour du
en ont débité trois grandes caisses.
pardon. Cette année, ils
Ces clés portent, de côté et d'autre du panneton, les initiales
du saint: S. T. Bénies, elles p1'éservent des chiens enragés.
Traditions de la rage.
Dans toute l'étendue du pays que Dieu lui a donnée à
garder, le saint oblige tous les chiens enragés à accourir
vel'S son église, avant de mourir (1); ils ont à lui l'encire
compte de leur conduite, afin que le saint prévienne le mal
auraient pû occasionner. Les chiens, pour se sous­
qu'ils
traire à cette force surnaturelle qui les attire dans une
(1) Saint Hubet't, au contraire, passe pour éloigner les bêtes enragées
des lieux où son culte est honoré. (Pèlerinage à Saint-Hubert, en Ardennes,
par le marquis A. de Ségur.)

même direction, vont, viennent, écumant, exerçant leur
leur rage sur tout ce qu'ils trouvent. Malheur à qui
colère et
n'est porteur de la petite clé
les rencontre en cet état, s'il .
bénie, emblème du pouvoir du saint. Vite, il faut jeter la
clé devant l'animal. Le chien enragé s'accroupit dessus, la
broie entre les dents et donne le temps de se sauv~r. C'est
ainsi que la clé du saint préserve des chiens enragés. On ne
cite aucun exemple du contraire.
Mais le pouvoir du saint ne s'arrête pas là ; il prévient
après la morsure, la rage non déclarée:
aussi,
Les chiens mentent à saint Tugen, le plus qu'ils peuvent,
cherchant à cacher leurs méfaits pour éviter le châtim~nt
qu'ils ont mérité. Vite, il faut les devancer, pour avertir
soi-même le saint. Tout homme mordu doit cour;r immédia-
tement vers la chapelle, en invoquant saint Tugen. Pas de
perdre! Sitôt arrivé, faire trois fois le tour de la
temps à
fontaine et regarder au fond de l'eau. Si l'eau réflète la figure
rien à craindre! Le chien n'est pa·s encore
de l'homme,
venu; le saint a entendu la prière et exercé son pouvoir.
"l'eau reproduit l'image d'un chien, c'est
Au contraire, si
que l'animal a déjà passé et caché ce qu'il a fait. Saint Tugen
n'a pu prévenir le mal et le patient tombe en rage à l'instant.
D'après la tradition, les gens atteints de la rage étaient
enfermés dans la prison du saint. C'est une chambre obscure,
aux étroites fenêtres, sans air, ni soleil, aux murs nus,
suintant l'humidité, à gauche du grand portail. On y mettait
les personnes enragées, pour attendre la mort. Entre leurs
accès de rage et de désespoir, elles priaient le saint d'inter-
céder pour adoucir leurs derniers moments. Des prières
publiques se faisaient en même temps dans la chapelle. Elles
par les vociférations de ces
étaient souvent interrompues
malheureux.
La tradition parle encore d'une coutume plus barbare .

Ces misérables, liés sur la place du village, recevaient le .

viatique qu'on leur présentait au bout d'une latte. Puis,
lorsque les spasmes répétés du mal les avaient rendus
inconscients de leurs actes, on les étouffait entre deux
couettes de balle surchargées de corps lourds. Cet usage
nous a été confirmé par le récit de plusieurs faits qui, pour
nous, sont tout avérés. Il a été pratiqué même au commen-
cement de ce siècle dans une famille de Goulien. C'étaient
les gens de Saint-Tugen, les parents même parfois, qui se
chargeaient de cette lugubre exécution. Ils étaient mus par
un sentiment de pitié, allié à une sorte d'instinct de défense
personnelle. Là où le saint, pourtant si puissant, ne pouvait
plus rien, ils croyaient faire œuvre pie en mettant eux-
mêmes un terme aux souffrances des malheureux enragés
qui étaient susceptibles de communiquer leur mal.
D'après les croyances, la rage se déclare dans l'espace de
neuf lunaisons, nao loariad, à partir du jour de la morsure.
Nous n'avons trouvé, nulle part, trace de l'emploi des
remèdes spécifiques de la rage, en même temps que l'invo-
cation à Saint-Tugen. .
Culte du saint .
. Le culte de Saint-Tugen,. à Primelin, est très ancien.
L'église actuelle, partie ogivale, (1) partie de la renais­
sance, (2) des XVc et XVIe siècles, n'est que la chapelle
des anciens seigneurs de Ménez-Lézurec. (3) Sur la porte de
la prison du saint se trouve l'inscription: MASSON, 1593.

(1) Voir surtout le clocher, toute la partie ouest et le portail sud; ce
dernier est remarquable par l'harmonie de ses proportions.
("l) Principalement deux arcades, au cintre surbaissé, dont le voussoir forme
pendentif; elles sont soutenues par trois colonnes massives, cylindriques,
avec chapiteaux romans imitant l'ordre ionique. L'état de délabrement de
cette partie la ferait rattacher à une période architecturale plus reculée.
(3) L'un d'eux est inhumé dans une Crypte sous le maître-autel. Ses
armes, avec la devise: /l'ide et O;lere. se trouvent en plusieurs endroits de
la chapelle et au manoir de Lezurec. . '

Certaines parties, reconstruites, portent des dates bien plus
récentes.
Mais avant cette église, existait un autre monument
par les soubassements nord de la chapelle, et par
indiqué
les cordons de petites pi erres cl e la partie est. (1) Cet ancien
être sous le même vocable.
édifice devait
pardon a lieu le dimanche qui ' précède la Saint-Jean.
la veille au matin. C'est un lieu de pèlerinage
Il commence
très fréquenté. Un guerz ancien dit que l'on y venait de toute
la Bretagne. Nous y avons remarqué, tous les ans, surtout
les costumes de Fouesnant, Coray: Châteaulin et quelques­
uns du Morbihan. Autrefois ceux-ci étaient les plus nom­
breux. On peut évaluer à plus de douze mille le noinbre des
la chapelle. Le
personnes qui défilent chaque année devant

augmente les années où l'on a signalé
nombre des pèlerins
des chiens enragés. .
Souvent des rivalités existaient entre ces étrangers. Des
s'engageaient pour établir la prédominance de chaque
luttes
d'usage que chaque paroisse y amenât
pays. Il a été même
lutteurs attitrés. Les luttes étaient mises sous la pro­
ses
tection du saint qui passe également pour modérer la rage des
combattants. . .
Plusieurs fois on l'a vu paraître au inilieu des combats,
sa crosse entre les deux armées. Plus souvent
étendant
encore, au m!lieu des troupeaux menacés par des chiens

(1) Voir, en outre, le rétable de l'autel de la Vierge, 1694; les sept pan­
neaux peints des fonts baptismaux, représentant les sacrements; 1679-
J 703 ; le catafalque, 1642, avec son distique scindé par des ruines;

Qui speculum cernis
CUl' non mortalia spernis
Tali namque domo
Clauditur omnis homo.
(A la vue de cet emblème, pourquoi ne méprises-tu pas les choses mor­
telles, car pareille demeure attend tout homme) ?

enragés. Alors il est accompagné d'une bande de chiens
écumants de rage, qu'il. mène avec son bâton: comme un
troupeau de moutons.
Sa puissance se manifeste surtout à l'approche de sa fête.
Quelques jours avant le pardon, la-. cloche de son église
change de son. Elle chante plus gai. De jour en jour, 'son
carillon devient plus clair, plus joyeux, si bien que l'on
répète, en manière de dicton:
Bravaad a ra son clonc'h Sant-Tugen,
Tostaad a ra ar pardon!
La cloche annonce l'arrivée du saint. Le jour de sa fète,
le vent souille toujours du nord-ouest, c'est-à-dire d'Angle­
terre. En commémoration de sa venue dans le Cap-Sizun,
le saint monte sur sa barque, et, poussé par ce vent, vient,
chaque année, assister à la procession de son pardon.
Saint Tugen est en grande vénération dans tout le Cap­
Sizun. C'est le saint le plus populaire de la contrée. Ses
actions merveilleuses, ses miracles, ses apparitions: se
racontent à toutes les veillées.
Son nom se prononce avec le plus grand respect, et pres-
que toujours ainsi: « Aotrou Sant Tugen beniguet 1 » « Saint
Tugen le béni. »
H. LE CARGUEr .

Audierne, le 2.9 juillet 189\.

(1) Le son de la cloche de Saint-Tugen devient plus beau, son pardon
approche.