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Bulletin SAF 1891


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Pècheries et sécheries de Léon et de Cornouaille (suite)

M. Trévédy

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II (Suite) .
PECIIERIES & SECHERIES
(Suite )

nE L ODET AU HUISSEAU DE IIIS.
A partir de l'Odet jusqu'à la limite du canton actuel de
Pont-l'Abbé entre les communes de Tréguennec et de
Tl'éogat, le rivag'e appartenait presque tout entier à l'an-
cienne baronnie de Pont (1). De ce point jusqu'à la limite de
l'évêché, à l'embouchure de l'Élorn, au fond de la rade de
Brest, sauf quelques étroits intervalles relevant du Roi, le
littoral se partageait inégalement, au dernier siècle, entre
le mal'qùisat de Pont-Croix (auparavant de RQsmadec) et la
seigneurie de Névet, le fief de Landévenec, la vicomté du
Faou , et les seigneuries. de Plonévez-Porzay , . Crozon ,
Daoulas, comprises au~refois avec Qu,éménet. dans la vicomté
puis principauté de Léon .
Je n'ai aucun renseignement sur les sécheries qui pouvaient .
exister' ent.l'e le ruisseau de Ris, au fond de la baie de Douar-
nellez, et l'embouchure de l'Elorn ; et je me bOl'nerai à suivre
la côte de l'Odet au Ris. Nous trouvons dans cet espace

deux seigneuries principales; et une troisième seigneurie
de beaucoup moins importante mais très ancienne nous
a[Têtel'a un moment: je veux parler de la baronnie du Pont,
du marqq.isat de Rosmadec, plus tard de Pont-Croix enfin
de la baronnie de N évet.
(1) Pont-l'Abbé est compté d'ordinaire comme baronnie d'ancienneté :
cependant le seigneur de Pont et de Rostrenen demanda une collation de
titre que Charles VIII et la reine Anne accordèrent, eu décembre 1491, et
1505. Pont-l'Abbé prit rang après Derval,
que Louis XII confirma en
de création nouvelle. Morice Pl'. Ill, col.
Malestroit et Quintin, baronnies

La baronnie de Pont divisée en ses trois membres, Pont-
l'Abbé, vicomté de Coatmeur (Plo néo ur) , vicomté de Kerobéran
(Tréméoc), comprenait en plus les seigneuries de Trévilit el
de Kerdégasse (Plonéour) , unies à la baronnie pal' lettres
royales d'avril 1689 (1). De plus, le seigneur rend aveu pour .
les seigneuries de Kerléoguy (Tréogat), de Lestimbeac'h
(Beuzec-Cap-Caval, aujourd'hui Plomeur) et enfin pOUl" la
seigneurie de Lescoulouarn dite baronnie (Plonéour) acquise
par lui en 1706 (2)" _
Selon l'aveu du baron, ses paroisses 'riveraines sont Com­
brit, Loctudy, Plonivel (pal'tie maritime de la commune
actuelle de Plobannalec), Treffiagat, Tréoultré ou Penmarc'h
(pour partie) (3), enfin Tréguennec.
C'est tout le littoral du canton actuel de Pont-l'Abbé, moins
pourtant une partie de Tréoultré et la grande paroisse de
Beuzec-Cap-CavaI, supprimée en 1790,' et dont le territoire
a été réparti entre les communes actuelles de Penmal'c'h,
Plomeur et Saint-Jean-Trolimon (4).
Mais de ce que le baron ne réclame pas la supériorité sur ces
dernières paroisses, il ne faut pas conclure qu'il n'y exerçât
aucun droit, Nous le verrons notamment exercer un impor­
tant droit de pêcherie et sécherie à Tréoultre-Penmarch (5).
(1) Aveu. Ch, IV. fo 343.
(2) Cette seigneurie appartenant anciennement aux Foucaud, acquise
une première fois, en t 55Ü et 1556, par Pierre Le Coing, Sr de Keraneizan,
une seconde, en 1681, par François de Visdelou, Sr de Bienassis, rut
vendue en 1700 par son fils René-François.
0) Le baron ne réclame pas clail'em,ént la supériorité sur la paroisse
qui paraît avoir relevé du Roi; mais il réclame la supériorité dans lés
églises de Kerity, Saint-Pierre, N.-D. de la Joie et autl'es, èt, comme nous
le verrons, il avait à Penmarc'h des droits très importants.
('1) En 173-2, Saint-Jean-Rumon, « plus anciennemen t Kerillis-Trefrumon,
signifiant ville treffiate et église de Saint Rumon ». Aveu f. 310. Du
nom du patr'on saint Rlimon. V; Le Mèn. Bull. 1877. V. p. 137. TronoiJn
et ses antiquités.
(j) C'est le seul point qui nous occupe aujourd'hui. Disons pourtant que
la seigneurie de Kerléoguy était en Tréogat et que à Plomeul' le baron '
réclame droit sut les communs. .

Au delà de Tréguennec, Plovan . Tréogat, Pouldreuzic,
Lababan relevaient du Roi.
la limite nord de Pouldreuzic, commençait une vaste

seigneurie formée de l'ancien fief de Tivarlen (Landudec),
autour duquel s'étaient successivement groupées, depuis le
XIIIe siècle, par· mariages ou par acquêts la baronnie de
Pont-Croix et les seigneuries de Poullan, Tromelin (Maha­
lon), Kerlaouénan (id), Suguensou (Beuzec), d'autres encore.
Toutes ces seigneuries, moins Suguensou (1), avaient éLe
unies à celle de Rosmadec pour former le marquisat, érigé
en août 1608, en faveur de Sébastien' de RosJiladec et qui
prit le nom du berceau de sa maison.
Quelques années plus tard, avant 1638, deux acquêts
importants unirent au marquisat le gr::md fief de Quéménet
(chef-lieu Stang-Rohan, tm la paroisse d~ Pluguffan), et la

• baronnie du Juch (Ploaré). Après cette adjonction et celle
de Suguensou, et bien que diminué par plusieurs aliénations
vers le milieu du XVIIe siècle, (2) le marquisat cont.inué
en 1719 sous le nom de Pont-Croix, comprenait encore:
1 Dans le canton de Pont-l'Abbé la partie rurale de
et quelques possessions en Loctud)T , Plonivel:
Plobannalec
Treffiagat et Plomeur, comprises en l'aveu sous le titre de
baillage de cap Caval ; (3) .

(1) En i 608,. Suguenso.u n'était pas aux mains du marquis. Cette sei­
gneurie avait été donnée en mariage à Jeanne de Rosmadec, devenue en
152~, femme de Vincent de PIŒlUC. Son fils et son petit fils en rendent
aveu. Après celui-ci, la seigneurie passa à sa fille Anne qui, en 161 :1,
épousa Pierre de Rersaudy. Suguensou est revenu aux mains du marquis .
de Rosmadec, par acquêt sans aucnn doute; le marquis en prend le litre
en 1 n!t. (Bapt. à Saint-Corentin de Quimper. '20 janvier).
Je ne puis insister aujourd'hui sur la formation du marquisat de
Hosmadec. J 'y reviendrai quelque jour .
("1) Entr'autres celle de Rosmadec. Le marquis de Rosmadec, en même
temps qu'il acquit Quéménet et le Juch, avait acquis le comté de Crozon.
Il semble que ce fut · trop à la fois: il fallut vendre. Crozon, notamment,
l'nt aliéné en 1 ü51. .
(3) Ces domaines paraissent avoir été donnés avec rétention de souve­
à des filles de nvarlen mal'iées à des seigneurs de Pont.
raineté
Nu 851. .« Ramage SUl' le manoir de Rerlyen (Loctudy), baillé autl'efois

2° Dans le canton de Pont-Croix, Esquibien, Beuzec,
Meillars, Plouhineé, Pont-Croix et Primelin;
3° Dans le canton de Plogastel, Landudec, Plovan, Plo­
zévet, Plonéïs, Plogastel, moins la trève de Saint-Honoré
relevant de la baronnie de Pont, · ainsi que Lanvern et
Plonéour ;
4° Dans le canton de Quimper, les trèves ou paroisses de
Bodivit, Plomelin, Pluguffan, Penhars, et même partie
de Saint-Mathieu de Quimper, au fief de Quéménet ;
5° Dans le canton de Douarnenez, le marquis était seigneur
. de Poullan et tenait sous le fief du Juch Ploaré-Douarnenez ;
il avait été jusqu'à 1649 seigneur de Plogonnec; et enfin il
tenait en arrière-fief Pouldergat, dont la seigneurie proche
était au marquisat de Kerharo et à la baronnie de Névet ;
GO Enfin les fiefs du Juch et de Quéménet s'étendaient au-
delà du Ris dans la paroisse de Plonévez-Porzay, où le
marquis réclamait la supériorité.
En résumé, sous le marquisat de Pont-Croix se trouvaient
une paroisse presque entière de Pont-l'Abbé, six . de Pont­
Croix, cinq de Plogastel, trois de Quimper, trois de Douar­
nenez, enfin Plonévez-Porzay, en tout 19 paroisses.
Mais le marquisat était loin d'être compact comme la
baronnie de Pont-l'Abbé: il n'avait que l'arriere-fief sur des
seigneuries importantes comme celle de Kerharo (Cléden­
Cap-Sizun), qualifiée marquisat, Guilguiffin (Landudec"
au baron de Pont, mariage faisant entre lui et une fille de la maison de
Ti varlen. »
N" 855. « Ramage sur le manoir de Trévelop (Plonivel), partie du droit
advenant d'une fille dudit Tivarlen au sieur de Kel'arret, en leur mariage. »
En 142.0 (contrat du t 4 février), Marie, fille de .Jean 16r de Rosmadec,
devint femme de Hervé, sire de Pont-l'Abbé.
Quant à Plobannalec, le marquis de Rosmadec avait transporté son fief
en cette paroisse au sieur de Rercorentin, dont le S" du Haffont, sgl' de
Lestrédiagat, était H~'ant cause, en t 730. (Aveu de Pont-Cl'oix, 1 \.l88-2.0il).

Kerarret et Lesoualch (Beuzec), Lezurèt (Primelin), à laquelle
appartenait la ville d'Audierne. (1)
Ajoutez que les diverses seigneuries étaient emmêlées,
les unes dans les autres. Ainsi le Juch, dont le
enchevêtrées
.. lieu est en Ploaré, a des domaines en Esquibien et
chef
Plobannalec. Quéménet, dont le chef-lieu est en Pluguffan,
possède le bourg de Poulgoazec, vis-à-vis d'Audierne, et la
trève de Bodivit, au bord de l'Odet (Plomelin) : ces deux
extrêmes sont interrompues en I..,andudec par le
possessions
fief de Tivarlen. .

La baronnie ancienne de Névet, dont le chef-lieu avait
été transporté vers 1377, de Plogonnec en Plonévez­
Porzay, (2) s'étendait sur Poullan, Plogonnec, Pouldergat et
Ploaré, que limite au nord-est le ruisseau de Ris. En 1649,
le baron avait acquis du marquis de Pont-Croix le fief de
en Plogonnec, et était ainsi devenu seigneur de
Quéménet,
cette paroisse . .
11 nous faut voir le baron de Pont, le marquis 'de Rosmadec
et le baron de Névet exercer leur droit de pêche et sécherie.
trois seigneuries vont nous reIiseigner.
Les aveux des
A. Baronnie de Pont-l'Abbé .
L'unique aveu de Pont-l'Abbé conservé aux Archives du
Finistère est du 29 septembre 1732. Il est rendu par Mire
Jean-Théophile d'Hernothon ', chevalier de Saint-Louis, '
(1) On lit à l'aveu n° 801 : « Seigneurie de ramage suivant la coutume
sur le .manoir de Guilguiffin, baillé il y a 275 ans environ (en 1155) à
Guillaume de Tivarlen, juveigneut', sans rétention de chefIrente.
de Tivarlen), pas­
Guilguiffin et Kerharo (probablement détaché aussi
en tfl!J8 à Jean de Plœuc, seigneur du Breignou, pal' son mal'iage
sèl'ent
avec Anne de Tivarlen, héeitière des deux seigneuries. .
Quant à Keraret, on lit au n° 5)7 qu'il « avait été donné en partage de
la maison de Tivarlen' à ... dame de Kerôuzène. fille cadette de la maison. »
Paf'I:nalhe~r les archives du Finistère ne possèdent aucun aveu de ces .
selgneunes.
('2) Aveu de Névet (16 juin lGH\ arch. du Finistère) .

mestre de camp d'infanterie, héritier de son frère aîné Fran­
çois-Joseph, conseiller au parlement de Bretagne. Ce dernier
.wait hérité la baronnie de son père François-Joseph, con­
tnus ses conseils; maître des requêtes de
seiller du Roi en
son hôtel, acquéreur, avant 1685, du marquis de Richelieu. (1)
Cette date si récent.e (29 septembr~ 1732) ne doit pas
effrayer. Ouvrez l'aveu: vous reconnaîtrez bientôt que la
date ne lui donne qu'un faux air de jeunesse. Les notaires
rédacteurs ont reproduit exactement les anciens aveux. Je
en toute révérence qu'ils n'étaient pas des
crois pouvoir dire
Saumaise ou des Mabillon et qu'ils ont eu peine à lire ces
écritures (2). Peut-être aussi ne comprenaient-ils pas
vieilles
bien ce qu'ils lisaient? C'est bien heureux! Ilso ont reproduit
servilement, sans oser rien changer, ce qu'ils lisaient avec
hésitation, ce qu'ils comprenaient mal; ils ont fait, sans y
penser, de l'archéologie; et plusieurs des articles de l'aveu
nouS reportent à l'origine de la baronnie (3).
gros volume in-4° de 380 folios de velin,
L'aveu forme un
760 pages bien remplies.
soit
Plusieurs de ces pages sont consacrées au droit de pêche 0
du baron.
Et d'abord à l'énoncé des droits généraux, f 7, 1'0, on lit:
« Droit de pêche dans l'étang salé au pied du château, 0
dans la rivière de Pont qui d'écharge à l'embouchure du

(1) Aveu. ln fine. La date de l'acquêt n'est pas indiquée. Je ne puis,
malgré toutes mes recherches, la donnet' que approximativement. o
(2) Hévin. Questions féodales, p. 20.
(3) C'est ainsi par exemple que le baron réclame (en 173"2 !) droit de
lenle à tous oiseaux de proie, comme vautour, épervier, faucon, gerfaut,
sacre, lanier, aigle, tagarot, émérillon, etc., et généralement tous oiseaux
qui vivent de grip, de rapt et de. rapine, qu'on dresse ou apprivoise, etc. »
fG 8, l".
En un autre endroit (fo 12, ro) il dira: Le sergent voyel...... « doit
le juge et le procureur fiscal le jour o des plaids, préparer
aller prendre
l'auditoire, leur présenter d.es baguettes blanches ..... » La vérité est
que le sergent se tenait u'ne baguette ou vet'ge il la main.
BPLLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. 0 TOME XVIII. émoires). 10

hàvre de l'Ile-TudYlqui se nomme la pêche de Poulmarch, _
et dans toutes les mers qui environnent les terres de la
et exclusivement à tous autres; _
baronnie, prohibitivement
et à ce propos droit de mettre en mer telle quantité de
bateaux et d'hommes pêcheurs qu'il avisera.
« Droit de pêcherie et sécherie dans toutes les paroisses du
fief. qui sont riveraines de la mer, qui consiste à permettre
d'aller à la pêche et de sécher les filets et les poissons sur les
sans laquelle permission et le paiement des droits
communs,
accoutumés expliqués dans les anciens titres, personne ne
à la pêche ni mettre bateaux et filets dehors. »
peut aller
C'est surtout ce dernier paragraphe qui nous intéresse.
baron par droit de sécherie entend nOIl­
Vous le voyez: le
seulement la sécherie du poisson, mais celle des filets qui
servent à le prendre. En vertu de la maxime: Nulle terre sans
seigneur, il est maître des terres vagues improprement
appelées commu,ns, et il ne permet d'y sécher qu'à des con­
qu'il va énoncer plus ~oin dans r enumération des
ditions
paroifise. .
droits en chaque
Ces droits sont surtout mentionnés à l'article de Tréoultré
Penmarc'h; ils sont compris sous le titre de 'Darrantage,
marénage~ sécherie et pêcherie (1).
Les deux derniers mots se passent d'explication, les deux
demandent Ulle :
. autres en
Que veulent dire les mots 'Darrantage, 'Darrant ou 'Dan'an-
téur, que nous trouverons un peu plus loin? que véut dire .
marénage? .
On peut sans doute rapprocher le mot 'Darrantage et 'v ar­
ra-nt du verbe ' 'Darrer. D'après nombre de dictionnaires,
'Dal'rer c'est pêcher ou prendre
notamment celui de Littré,
les tortues au moyen d'une sorte de lance, nommée 'Darre .

(3) Je ne mentionne pas ici le droit de poissons roya ux énoncée au f 7 1'0) •

(1) Fol 139, y O,

Ce n'est pas à ce sens que nous pouvons nous attacher. Le
mot a lin autre sens que signale le dictionnaire de Trévoux!
varrer, c'est mettre e'n mer, laire 'voile. Le varrant ou
varranteur serait donc celui qui met un bateau à la mer, par
exterlsion, le maître du bateau, l'armateur; et le varrantage
serait le droit exigé du varrant. Je m'arrête à cette traduc-
tion du mot: les détails qui suivent vont, je crois, la justi-
fier (1) ,
Le mot marénoge s'explique assez naturellement: on peut,
rapprocher du mot mareyeur, qui veut dire
semble-t-il le
pêcheur à pied ou marchand de marée. Le marénage serait
le droit payé par l'un et l'autre, plus ordinairement par le
premier.
L'énoncé de ces droits est très long et peu clairement
exposé: je vais essayel' de le rendre plus clair en l'abré-

geant. , .
L'année est partagée en deux saisons de pêche: 1 de
Pâques à la Saint-Jean-Baptiste (2l1 juin) « chaque homme
pêcheur » doit 45 sols monnaie, et chaque varI'ant marié ou
l'ayant été, vingt-cinq sols monnaie payables au jour de la
Toussaint. Le varrant célibataire n'est pas soumis au
(1) V. le curieux et instructif mémoire. Penmarc'h et les barons de
Pont, par M. l'abbé Peyron. (B',U. de' ta Société arch., XVII, 'le partie,
p. '271). L'auteur a lu vaccant'1ge dans une procédure de 1709 édifiée à la
requête du baron de Pont. L'aveu de 17:l'l permet de lire tantôt vaccan­
tage tantôt va1'rantagè. L'aveu de Pont-Croix de la même époque (1730),
dit varantage. M. l'abbé Peyron adoptant d'après la. procédure la leçon
vaccantage, suppose ce mot dérivé du breton baghea qui veut dire navi·
guel' par divertissement. Le droit de vaccantage serait celui qui serait
perçu à propos d'une licence analogue à notre l'ôle de plaisance: Mais
M. Pe~rron trouve (très ,naturellement) ce séns trop restreint, et propose
d'entendre par v:1ccanteurs les hommes d'équipage employés par les
. maîtres pêcheurs.» « D'autant, dit-il, que nous allons voir le procureur
fiscal exiger de chaque maître de barque )a déclaration du nombre
d'hommes d'équipage. »
Ce qui justement nous semble démontrer que le varrantwr est le
maître de la barque, c'est lui seul qui peut passer cette déelaration.

. dro.it. (1) 2.0 De la fête de saint Jean à celle de saint Michel
(24 juin-29 septembre), c( est dû la moitié seulement des
fêtes de Noël. ))
sommes ci-dessu.s, moitié payable aux
Ces deux saisons de pêche ne comprennent au plus que
six mois ou la moiti~ de l'année. (2) Pendant les six autres
mois la pêche est libre; et le baron entend bien que les
pêcheu,rs e~erceron.t leur industrie et en retireront quelques
profits; la preuve, c'est que la redevance due pour la pre­
mière saison, finissant au 24 juin, ne sera exigible qu'à la
Toussaint (1 novembre) et la redevance due pour la seconde,
au 29 septembre, n'est due qu'aux fêtes de Noël
finissant
(25 décembre).
la pêche sans autorisation entraîne la saisie
L'exercice de
et confiscation des poissons pêchés et des instruments de
pêche, Qt la condamnation de chaque homme en trois livres
outre le paiement des droits qu'il aurait dù
d'amende
acquitter.
la baronnie déclarés dans
Tels sont. les anciens droits de
des aveux du 29 mars 1480, rendu par Pierre du Pont,
du 11 novembre 1494, rendu par sa veuve Hélène de
par sentence du sénéchal de Quimper,
Hohan, et reconnus
du 5 juin 15[16, au profit de Jean du Quelenec, etpar arrêts du
Parlemen:t du 24 octobre 1564, au profit de Jeanne de Maure,
veuve de Jean et tutrice de son fils, et du 9 octobre 1674, au
du duc d.e Hichelieu (3). .
profit

(1) Cette dis.ti,nction entre l'homme marié ou veuf et le célIbataire n'est
pas particulière à Pont-l'Abbé. La seigneurie de Coatfao (PlugufIan) exi­
geait dans le fief de l'évêque de Quimper « deux œufs de chaque maison
où il y a gens mariés, un œuf de chaque veuf ou veuve. ». et ne demandait
rien aux célibataires. Aveu de 1638, arch. du Finistère. Promenade à
Pratanras et Coot/a.o. Bull. de la Soc arch, t. IX et X.
(2). Elles pourront même n'en comprendre guère que cinq. Pâques ne
tombe qu'aux derniers jours de mars au plus tôt puisqu'il est le dimanche
ap11 ès la pleine lune qui suit l'équinoxe ('21 mars) et peut tomber l~
25 av.ril.

(3) L'aveu de 173'Z ne vise pas les deux aveux de 1480 et H9'1 : je

A l'approche de Pâques et de la Saint-Jean, points
de départ des deux saisons: un sergent du seigneur va
tians chaque paroisse à l'issue de la grand'messe ;); et
par « un ban et cri public i) il annonce (c qu'un juge ou un
notaire du seig'neur viendra dans chaque paroisse aux jours
et heures indiqués pour recevoir les déclarations de ceux qui
veulent mettre un bateau en mer ou aller à la pêche cc avec
soumission de payer les droits )). C'est à cette condition
seulement qu'il leur est remis une permission par écrit,
HOUS dirions aujourd'hui ùne licence. Tous les noms des
varrants et pêcheurs sont inscrits sur un rôle signé du jug'e
ou du notaire et du greffier.
C'est sur ce rôle que le seigneur pourra, (c en cas de non,
paiement, faire procéder à l'exécution sur les biens des
pecheurs et varranteurs pour les sommes ci-dessus énon-
cees )).
Les eedevances ci-dessus copiées dans l'aveu de 1732
étaient anciennement payées par les varrants et pêcheurs de
Combrit, Loctudy, Plonivel, Treffiagat, Tréoultré Penmarc'h
et Tréguennec; mais dans le cours des siècles quelques
changements s'étaient produits.
Dans la période de deux siècles et demi qui sépare les
deux aveux de 1480 et 1732, la valeur monétaire a considé­
rablement diminué: pour que la redevance payée gardât sa
valeur primitive, le chiffre nominal aurait dù être notable­
ment augmenté. Or c'est le contraire qui s'est produit.
Le droit de 45 sols pour la première période' de pêche et
trouve cette indication dans le mémoire de 1709. Ce mémoire vise les deùx
arrêts du Parlement; mais omet la sentence de 154.6, visée dans l'aveu
de 1Î32.
Ces dates marquent, jato1ment, plusieurs transmissions de la
baronnie. Su r ce point Lettr(',.~ sur la haronnie de Pont-f Abbé (p. 26
et '1.7), j'aurais quelques compléments à faire à ce travail et 1,Ine rectifi­
cation. Le duc de Richelieu se démit de la baronnie par acte du 6 juillet
1 li81 en faveur de Louis Armand, marquis de Richelieu. Celui-ci n'était
pas fils du duc, comme je l'ai écrit, mais neveu; son pèrè, Jean-Baptiste
du duc, était mort en t6J·~.
Amador, frère cadet

de moitié pour la seconde a été réduit pour une partie des
pêcheurs de Penmarc'h, et pour la plupart de ceux de Treffia­
gat (1).... Bien plus! ... les pêcheurs de Combrit ne sont
plus individuellement assujettis au paiement du droit: le
général de la paroisse a obtenu anciennement un abonnement.
On lit au fo '241 :
« Sur le général de la paroisse de Combrit, selon les
anciens titl'es, il est dû un droit appelé pesche.rie, sécherie,
varrantage et mm'énage apprécié anciennement et abonné
par le général à la somme de 100 liv. 10 s. monnaie pour
avoir la: permission continue d'aller à la pèche dans les
côtes de la baronnie du Pont, en payant la même somme
annuellement. De laquelle (somme) les deux cinquièmes
ont été cédés par les barons de Pont' à M. de Rosmadec (2).
Il ne reste payable à cette seigneurie (de Pont) que les trois
autres cinquièmes montant à 72 liv. 4 s. 9 deniers, qui se
paient annuellement par les mains du procureur terrien en
charge et qui se lèvent sur la paroisse avec les tailles et
rôles dus à Sa Majesté. » ,
Dans cette même paroisse de Combrit se trouve l'ile Che­
valier; et dans l'île les « ruines d'un vieux château qui sui­
vant la' tradition était une maison de plaisance des ducs ,
nommé communément Castel~ar-Roué Guinvarch; lequel a
été cédé aux barons de ,Pont avec généralement tous les
droits royaux des ducs à la réserve de la seule souveraÎ-
neté ». (3)
Autour de l'ile est une grève propice à la sécherie du
poisson. Les barons y ont anciennement établi un droit
, spécial que voici: (f 254 VO).
(1) Il est cependant à savoir que à Tt'éoultré les pêcheurs au:'dessous du
pont Minou seuls paient 4, ') sous, ceux au-dessus du pont ne paient que
35 sols. A Treffiagat, les pêcheurs de Lehan et du bourg de Lechiagat
(à l'entree du Guilvinec) seuls paient 1,) sous, les autres 35 seulement.

('2) Nous verrons cela plus loin. '

(( Sur chaque bateau qui pêche et sèche autour du château
de l'île (Chevalier) droit appelé de quipage (1) qui consiste,
suivant les anciennes inféodations,. à prendre huit deniers
SUl' chaque bateau, somme à payer en la ville du Pont le
jour de l'Ascension. Faute de paiement, l'amen,de de 7 sols
6 deniers est de droit encourue et elle est recouvrable de
droit sans condamnation, par exécution et vente des meubles
dès le lendemain de l'Ascension. » ,
Voilà un droit qui n'est pas onéreux pour le pêcheur. Un
denier est la douzième pœrtie d'un sou, huit deniers c'est huit
douzièmes ou deux tiers d'un sou: moins de deux centimes. ,
pour ce prix une (o.is payé obtenir le droit de pêcher ~ans
des eaux poissonneuses et le ,d,l'oit de sécher sur une belle
plage aspectée au soleil et pendant toute l'année, ce n'est
pas cher! Et qui serait asse.z malavisé pour laisser vendre '
ses meubles en s'obstinant à ne pas payer l'amende de sept
sols et. demi encourue de plein droit? '
heureusement reproduits par les notaires du
Ces chiffres
demier siècle nous reportent à une époque extrêmement
reculée, à l'époque où un denier et un sou étaient quelque
chose!
En résumé, supposez un varra nt marié et pêcheur. Il
payait ses deux droits de varrer, de pêcher, de sécher, 105
sous par an ; et, s'il voulait se donner le luxe de pêcher et
sécher à l'île ChevaLer, il ajoutait à cette somme 8 deniers,
ou 2/3 de sous. Quel varrant pêcheur de nos jours ne serait
trop heureux de ne pas payer un droit plus élevé?
Pour les contraventions même différence! D'après l'aveu, /
naviguer sans autorisafon c'est s'exposer à la confiscation
du bateau, et une amende de 3 livres. D'après nos lois ac­
tuelles naviguer à la petite pêche sans rôle d'équipage c'est
en courir l'amende de 100 francs, plus celle de 25 à 50 francs

(1) Fau t-il lire d'éq Itipage '! Peut-être. Ce n'est pas chaque pêcheur, ,c'est
le bateau qui paie le droit. '

par homme- embarqué, les deux contraventions pouvant être
cumulées
Au dernier siècle: le baron de Pont-l'Abbé déclarait que
« le droit de pêche considérable autrefois ne rapportait plus
que cent livres de revenu. )) (2) Nous l'avons vu, en effet: mal.

gré la dépréciation progressive de la valeur monétaire, la
pourtant le
redevance avait été réduite. Avec quelle peine
baron obtenait-il le paiement de cette minime redevance!
C'est ce que nous apprend le mémoire récemment publié.
pas â mentionner à propos de droit de pêche nombre
Je n'ai
-de merlus secs dus par des villages : cette redevance est
titre que
due comme cheffrente, ou rente féodale; au même
les gelines (poules), boisseaux )- ou écuellées de blé ou d'avoine,

les livres, sous, deniers ou même oboles dus . par d'autres
villages.
Voilà pOUl' les droits de pêcherie et de séchel'ie du baron
de Pont.
Mais la paroisse de Tl'éoultl'é-Penmarc'h relevait du Roi~
aux derniers siècles, et sans doute auparavant des ducs.
la pêche du merlus et SUl'tout de
C'était le lieu principal de
la morue. Les dues n'auraient-ils pas eu une pêcherie sur ce
point? On a signalé en effet une pêcherie ducale dans la rade
de Poulbra-s, en avant de Kerity; et cette pêcherie était
abritée par une jetée en pierres de taille dont on voit encore
pas l'existence
'des vestiges (3). M. de Fréminville n'affirme
la pêcherie ducale: il dit simplement que le port de
abrité par une longue jetée, et il ajoute: « On
Kerity était
retrouve encore des vestiges de cette jetée en pierres de

(1) Art. 3, 4, 8 du décl'et du 19 mars 18")'2. Voilà des lois qui coûtent à
appliquer!
("1) Mémoire de 1709, publié pat' M. l'abbé Peyron. Ci-dessus p. l 't7.
(3) M. de Courcy. Hin. de Nantes à Brest, p. \liS,

taille, qui s'étendait depuis Kel'ity jusqu'au rocher nommé
la Chaise, qui en est à un quart de lieue. » (i )
Je n'ai trouvé dans aucun des titres et documents que j'ai
pu consulter mention expresse de la sécherie ducale de
Penmal'c'h; mais son existence doit paraître vraisembable.
Enfin, non loin des sécheries concédées par le baron de
Pont, ou du moins dans les mêmes pal'ages, se trouvait une
sécherie seigneuriale établie là appa)'emment en vertu de
concession ducale. Nous la trouvons mentionnée dans un
acte de 1442, sous le nom de sécherie du Pont. .
Alain IX , vicomte de Rohan et- de Léon, Edouard son
oncle paternel, Loyse de Rohan, fille d'Edouard, veuve de
Patri de Châteaugiron, et J ehan de Rostrenen, son second
mari, transigent sur la difficulté que voici: Alain VIII, père
de Alain IX, a partagé (et tt'ès parcimonieusement) son frère
Edouard : il avait promis en plus une rente de 200 livres à
sa nièce Loyse~ lors de son premier mariage, et « avait
assis la somme de six vingt dix livres (130 liv. ) ès paroisses
de Trégueuses et de Tréfiron, en la châtellenie de Conq et
de Quimperlé, avec uae sécherie nommée la sécherie du
Pont. )) (2)
La table de dom Morice inter'prèLe le nom de Pont par
Pont-l'Abbé (3). L'indication « châtellenie de Conq et de
Quimperlé» m'avait fait d'abol'd accueillir avec quelque
l'interprétation du savant historien; mais à la ré- .'.
defiance
flexion , je pense qu'il ne se trompe pas.
Les noms des paroisses Trégtwuses et Tréfiron sont assu­
rément mal écrits. Au lieu de Trégueuses est-il permis de
lire Trég'Unc, paroisse située 'dans la châtellenie de . Cuncar-
neau? C'est douteux. Oü trouver d'ailleurs, en ces parages,
une pal'Oisse dont le nom se rapproche de .celui de Tréfjron?

(1) Antiquités du Finistère, Ir, p. Il L

Jl) Morice Pro II, col. 135't.
, (3) Mariee Pr, II, col, 1834,

Je pense que au lieu de l'régueuses" il est permis de lire
l'réguennec, et au lieu de Tréfiron je lis Tref-Rumon (ancien
partie de la paroisse
nom de Saint-Jean-Trolimon) faisant
de Beuzec et relevant du Roi au dernier siècle, et peut-êtee
des ducs anciennement (1). Le nom de sécherie du Pont
s'explique naturellement ou par le voisinage de la baronnie
ou par l'origine de la sécherie qui a bien pu autrefois appar­
tenir, au baron.
faut le rappeler d'ailleurs: le vicomte de Léon est voisin
Pont: ne possède-t·il pas, comme seigneur de .
du baron de
Quéménet, la paroisse de Pl.omelin et celle de Plouhinec?
Bien plus, entre Plonéour et la mer, touchant Tréguennee,
il possède la seigneurie de Trégale~ (2),
Quant à l'indication châtellenie de Gong et de Quimperllf,
n'y attachons pas plus d'importance qu'elle ne mérite. Que
perdu au fond de la baronnie de
savons-nous si ce domaine
Pont n'était pas rattaché à une des seigneuries ducales de
Conq ou de Quimperlé? D'ailleurs les parties en l'acte de
1442 sont-elles si bi'en informées de ce point?
J. TRÉVÉDY .

(1) On peut faire une expérience: éCl'ire l'un au-dessous de l'autre, en
caractères gothiques. l'rég Ileuse·~ et Trégnennec: on reconnaîtra une
extrême ressemblance' entre les deux mots qui ont le même nombl'e de
lettres. .
(2) C'est comme seigneur de Trégalet que le vicomte de Bohan el de
Léon, bienfaiteur de l'église de Penmarc'h, y avait ses armes.