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Bulletin SAF 1891


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La Martyre et sa foire

Abbé Peyron

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tA MARTYRE ET SA FOIRE

Albert Le Grand, citant d'Argentl'ée, dit ( qu'au rapport
de quelques-uns Salomon, roi de Bretagne, fut tué près
Brest en un lieu nommé en breton Notre-Dame , du Martyr,
appelé par les Bretons an Itronn Mari ar Merzer, en la pa­
roisse de Ploudiry ... et tient-on par tradition de père en fils
que le grand autel de ladite église est posé sur le lieu où ce
saint roi fut massacré '».
Quel est ce roi Salomon, honoré comme martyr? Est-ce
Salomon III vivant au IXe siècle comme l'affirment Albert
Le Grand et les bollandistes, ou Salomon 1 mort au Ve siècle
comme le veut dom Morice ? Il semblerait que cette seconde
assertion est plus soutenable; mais sans vouloir trancher la
question, il m'a paru qu'il ne serait pas sans intérêt pour
notre société de savoir quelle était, au XVIIe siècle, l'opinion
des habitants mêmes de La Martyre sur l'origine du nom
donné à leur paroisse .
Or, dans un mémoire dressé en 1683 (1) par les fabriques
de La Martyre pour démontrer que les seigneurs de Rohan ,
fondateurs incontestés de leur église, l'ont de tout temps
d'échargée de tout droit onéreux, on établit ainsi qu'il suit
les origines de la paroisse. '
« Déclarent les fabriques que l'église de Notre-Dame a
été bâtie des plus anciens temps, c'est-à-dire de celui de$
incursions et des ravages que les anciens Danois et Normands

ont exercés dans les 6 7 et 8 siècles, en plusieurs endroits
de cette province. Ils firent un gl'and massacre des habitants
du pays, dans la lande ou fut , tôt après, construite ladite
(1) G. 215. Arch. dépal'L
BULLETlN ARCHÉOL. DU FlNISTÈRE. TOME XVIII. (Mémoires). 9

chapelle sous l'invocation de la Sainte-Vierge, mais appelée
du nom de la Martire, arzer en breton, parce que ce fut
dans le même endroit où arriva le carnage ou martyre des
chrétiens qui s'étaient mis en armes pour se défendre; et
cette chapelle fut bâtie pour y prier Dieu pour l'âme de ces
pauvres martyrs. Il y a plusieurs autres exemples aux envi­
rons, co'mme au Relecq, à Daoulas, à Callot.»
La traduction française du nom de la paroisse, Notre-Dame
de La Martyre ou du Matyre, au lieu de Notre-Dame du
Martyr ou ftfartyrisé, pourrait peut-être trouver sa justifica­
tion dans cette opinion des fabriques au 17 siècle.
Quoiqu'il en soit, Notre-Dame de La Martyre, qui n'était
qu'une simple trève de Ploudiry, était pourtant une des plus
riches églises, et, s'il faut en croire les habitants, rune des
plus belles de la province. Cette prospérité avait sa cause
dans les foires de La Martyre, fréquentées par les marchands
du Royaume et ceux de l'étranger, et ces foires elles-mêmes
ne devaient leur origine et leur prospérité qu.'au grand con­
cours de pélerins attirés vers Notre-Dame de L" a Martyre
par les faveurs qu'ils obtenaient ou espéraient obtenir en
visitant son sflnctuaire. "
Cet état si prospère fut menacé à diverses époques, mais
particulièrement vers le milieu du 17 siècle, par la jalousie
de la" ville voisine, Landerneau, et aussi par l'intérêt des
seigneurs de Rohan, qui semblaient regretter les exemptions
accordées par leurs prédécesseurs à l'église de Notre-Dame
de la Martyre et n'auraient pas été fâchés de tI'ansféI'er la
foire au chef-lieu de leur principauté, afin d'en retirer quelque
profit.
Une requête adressée au Roi le 5 août 1667 (1), par les
fabriques de La Martyre, va nous donner des détails inté-
ressants sur l'origine de la foire de La Martyre , sur son

(J) G. 244. Arch. départ.

importance et sur les agissements des nouveaux seigneurs
de Rohan pour leur enlever cette source de profit .
( Les fabriciens de l'église de Notre-Dame de La Martyre
demandent justice à Votre Majesté, pour être restitués contre
sentence du 6 mai 1667 du Parlement de Rennes, qui enté­
rine des lettres de jussion obtenues par surprise de Votre
Majesté, au mois d'avril, par dame Marguerite, duchesse de
Rohan, princesse de Léon, touchant la translation en la
ville de Landerneau, de la foire appelée de la artie qui se
tient) de tout temps immémorial, aù bourg de La Martyre ...
C'est la ruine d'une des plus belles églises de la province
qui pel'dra plus de 2,000 livres de rente, ' c'est l'abolition
d'une des plus anci~nnes foires et {les plus fréquentées du
royaume ... Ils reconnaissent, du reste, que l'église tréviale
de La Martyre est sous le proche fief de ladite dame de
Rohan.
« Dès lors de l'établissement de cette église en suceur-.
sale, qui fut fait il y a plus de trois ou quatre siècles (au
XIIIe ou XIVe siècle), il s'y fit quantité de miracles qui
appelèrent une si grande affluence de peuples, que peu à peu
il s'y établit une assemblée solennelle au temps de la fête de
la Magdeleine qu;, depuis, fut convertie en l'une des plus
célèbres foires du royaume, qui s'appelait la foire franche,
d'autant qu'il ne s'y levait aucun péage ni subside. »
Une enquête J'aite en 1618 (1) et dans laquelle les princi­
paux. marchands sont appelés en témoignage, constate en
{( qu'à la foire de La Martyre il vient des vendeurs et
effet
des acheteurs de Normandie , de Tours et d'Angers; un des.
témoins, Jean Bellec) maître orfèvre de Morlaix, qui, CI. depuis
18 ans) hante ordinairement la foil'e , trafiquant de vaisselle
d'm'gent et autres orfèvreries», déclare qu'on y voit nombre
de personnes de toutes qualités; il s'y trouve-des marchands

J., ~ :JJ.

étrangers d'An'gleterre, d'Islande et de Flandre; -on y tra­
fique de tO,utes sortes de marchandises, spécialement de
merceries, chevaux et bestiaux de toutes
soieries, draps,
sortes; on voit donc que les fabriciens de La Martyre n'exa­
géraient pas l'importance de la foire dans leur requête au
roi, qui continue ainsi:
(( Un nommé Alain Le Goff, bâtard de la maison de
à Landerneau,
Hohan, fermier ou receveur de la seigneurie
qui vivait il y a deux cents ans environ (vers 1450), voulut
exiger quelques devoirs sur les marchandises que ' l'on
apportait à cette foire, prétendant le rendre patrimonial ft
cette seigneurie. La dévotion alors se refroidit, les mar­
chands s'abstenant, les cloches fùrent brisées et partie de la
chapelle fut emportée pal' la tempête, de manière qu'il
semblait que le ciel même se voulait opposer à cette inno-
vation; ce qui obligea Mre Yves Courtois, prêtre, fabrique
et gouverneur de cette église, de se plaindre de cette inno­
vation et de remontrer ce qui vient d'être dit à Jan, vicomte
de Hohan, lors puiné de Léon, qui assembla son conseille
gme d'août 1476 et passa un acte par lequel il reconnaît que
cette foire et assemblée s'est établie de soi-même sans aucun
. don ou permission du prince et pour la grande dévotion
y avait à ladite chapelle'et entretennement d'icelle, ce
qu'il
sont les termes de l'acte; il ôte pour jamais pour lui et ses
successeurs le droit de devoir de plaçage et tous autres
subsides à la charge de quelques services et prières (1) el
par autre acte postérieur, promet au trésorier de la fabrique
et gouverneur de la chapelle de faire faire des' caves qui sont
comme des galeries aux lieux circonvoisins de la chapelle
(1) Par un aveu (G., ZH), des fabriciens à la seigneurie de Rohan en '
1673, il est déclaré « que de tout temps excédant la mémoire d'homme on
fait un service tous les jours durant le cours de la gl'ancle foire de La
Martyre au mois de juillet et des processions pOUl' prier Dieu pOUl' le
seigneur, duc cie Rohan, fondateUl' cie ladite église, lesquels senices el
processions se payent des émoluments de ladite foire. »

pour y loger des marchands et pèlerins pendant les foires et
d'en prendre un devoir raisonnable. Depuis lequel temps les
ont eu un plus grand concours de
foires et assemblées
et les marguilliers et gouverneurs ont reçu des
peuples
ont été employées pour l'aug­
oblations considérables qui
rnentation de la chapelle, laquelle est aujourd'hui l'une des
plus belles et des plus grandes églises de la province, dont
toute la subsistance consiste dans le revenu desdites caves ou
et oblations du peuple; elle ' serait ruinée si cette
galeries
foire était transportée à Landerneau.
« En l'an 1560, Charles IX accorda confirmation de cette
et érection de deux nouvelles , l'une qui commence le
foire
jour de Saint-Marc et l'autre huit jours après la fête du
Saint-Saceement; elles ont été encore confirmées par
Henri IV en 1607. Dès lors, les officiers et habitants de
Landerneau en conçurent jalous.ie et firent courir le bruit
que M. le duc de Rohan avait obtenu des lettres de trans­
lation de l'ancienne foire de La Martyre à Landerneau, et,
pour divertir les marchands et pèlerins, ils firent semer des
portant défense de se trouver auxdites foires, ce qui
billets
et fabriques de prendre des attes-­obligea les gouverneurs
paroisses circonvoisines
tations de tous les marcbands et des
transporter sans que le
que lesdites foires ne se pouvaient
public et les particuliers en ressentent un très notahle préju­
». De fait un arrêt du Parlement, du 8 mars 1610,
dice.
clonna gains de cause aux fabriciens de La Martyre, et, au
mois de juillet de la même année, Louis XIII connrma les
trois foires.
Mais, continue le mémoire, « comme les juges et habitants
de Landerneau ont toujours conservé cet esprit de jalousie
contre lesdites foires et principalement contre la plus
'lui est celle de la Magdeleine; au mois de mai
ancienne
1642 ils firent une seconde tentative, et, sous le, nom de
ladite dam~ de R.ohan,. ils obtinrent d~ Lois XIII de.s lett.res

pour la translation de ladite ancienne foire à Landerneau.
lettres furent publiées, les fabriques et mar­
Dès que ces
guilliers de La Martyre ayant fourni leurs moyens d'oppo­
obtinrent un arrêt du Parlement, du leI' mai 1643,
sition,
faisant défense de les troubler dans leurs droits. Depuis
lesdits fabriques ont fait .pour plus de 20,000 livres de bâti­
ment au profit de ladite chapelle et pour la commodité des
forre.
marchands qui fréquent ladite
t: Après tous ces arrêts favorables, il est étonnant que la
dame duchesse de Rohan, au mois de juillet 1665, soit encore
surprendre Votre Majesté en lui supposant des choses
allée
tout à fait contraires à la vérité, jusqu'à dire- que le lieu où
se tient ladite foire est incommode, qu'il n'y .a pas de loge-

ment pour mettre les marchands et les marchandises,
qu'elles ne sont point à couvert, que les marchands sont
obligés de se retirer dans des villages éloignés, que leurs
marchandises sont exposées au pillage et au péril des
voleurs et sont vendues beaucoup plus chères en cette consi­
dération, qu'elle est obligée, aussi bien que ses prédéces­
seurs, de faire faire le guet par ses vassaux, et enfin que les
juges de Landerneau, en étant éloignés, ne peuvent pas y
apporter l'ordre nécessaire.
« Or, il est notoire que le lieu de La Martyre est tout à fait
commode pour tenir la foire, qu'il y a des galeries très com­
pour les marchands et les marchandises, les mar­
modes
chands ne sont pas obligés ' de se retirer dans des villages
éloignés,· d'autant qu'il y a plu.sieurs hôtelleries dans le
bourg capables de recevoir tous les marchands forains qui
viennent y débiter; ils sont à couvert des voleurs, d'autant
que tous les habitants du canton font le guet toutes les nuits
et depuis l'ancien établissement de cette foire il n'a jamais
été dit que les marchands y aient été volés de la moindre
chose ... ») .
. Les requérants auraient pu alléguer à l'appui de leur dire

l'enquête de 1618, citée plus haut, dans laquelle tous les
La Martyre est très commode
témoins affirment que le lieu de
pour la foire , se trouvant sur le passage des routes de Léon ,
et de Tréguier, que rien n'y a jamais été volé,
de Cornouaille
durant la foire c'est le Sr de Brézal qui en a la garde
et que
pour empêcher tout trouble. .
aux archives départementales nous
Les comptes conservés
permettent d'ajouter quelques détails . sur . l'emploi des
la foire pour l'embellissement de l'église. .
revenus de
C'est ainsi qn'en 1637 Il ) marché est passé « entre noble
:Me Pierre Tribolé, sieur de Chantelou , facteur d'orgue à
Landerneau, et honorables Olivier Paugam et Yvon Keraoul ,
N,-O. de La Martyre, pour la construction d'un
fabriques de
orgue dans ladite église » ; le Sr Tribolé s'obligeait à çons­
truire ledit orgue en un an pour la somme de 1,800 livres ;
il devait être semblable à l'orgue des Carmes de Saint-Pol.
Les comptes mentionnent diverses réparations faites à
l'orgue en 1671 par Toussaint Brenel et Jacques Marquer,
d'orgues , le premier à Morlaix, le second à Lander­
facteurs
neau, et, en 1693, par le Sr Dollam. L'organiste de La
Martyre recevait, en 1671, 225 livres de traitement annuel.
En 1666 (2) intervient un autre traité entre François de
prêtre, sieur de Poulbroc'h, demeurant audit
Keroudanet,
lieu, Guillaume Nédélec, curé de La Martyre, Guillaume de
sieur de Kerlaouen et les fabriques d'une part,
Cornouaille,
et d'autre part Jean André, maître sculpteur et menuisier,
demeurant au bourg de La Martyre, par lequel il est déclaré
que la. plus grande partie de la trève par zèle pour la Sainte­
la confrél'Ïe est établie en cette église, demande
Trinité, dont
l'emhellissement de l'autel de ladite confrérie; marché
est conclu avec ledit André pour le prix de 428 livres et le
bois lui sera fourni, « afin que à l'époque de la grande Joire ,

au 8 juillet 1667~ il établira au-dessus de l'autel un. retableau
dont le çhâssis. d-p. eourol!nement repré~~ntera Notre-Seigneur.
ressuscitant, dans le châssis de l'autel sera l'image de N.-D .
de la Mercy. » On devait lui fournir, pour garnir les cô.tes de
l'autel, les images. de saint Marc et de la Trinité, déjà exis­
tantes dans l'église.
En 1675 (1) M. Le Roy, maltre orfèvre à Morlaix, fournit
à l'église, pour le prix de 1,500 livres, une cro.ix et 6 chan­
deliers d'argent. A. la même époque Louis Bodilis est chargé
çle faire un second é.tage au reliquaire pour y mettre les
offrançles d,es morts. Ce reliquaire porte la date d~ 1619.
En 1679, (2-) 600 livres sont allouées. au Sr René H~rvé,
. horlog{3r à Lantréguier, pour l'établissement d'une horloge ' .

dans la tour.

En 1697, traité" était passé avec le Sr Kerandel, archit~cte ,
pou~ \a con.structiol1 de la sacristie .
Un~ nouvelle chaire à prêcher remplaça l'ancienne en
1713, (3) mais il paraît qu'elle ne fut pas construite dans
d'exc~llentes conditions de solidité, car, à peine vingt ans
plus tard, nous trouvons traèes d'une contes,tation des plus
vives entre les tréviens et les pr-êtres, tOl~chant la solidit~ de
la chaire. En 1639) le père Gardien des Récolets de Lander­
neau, ayant reçu mandement de Mgl' l'évêque de Léon pour
prêcher à La Martyre, le curé ne voulut pas le laisser monter
en chaire, disant qu'il y avait danger pour la vie. Les parois­
s,i~ns:, qui prétençlaient la chaire suffisamment solide, y
{lvaient fait monter·, pour l'essayer, le père Gardien et son
cOqlpaguon, q~lÎ y fir~n~, comme s'exprime un mémoire des
Tréviens à ce sl~et, « les démonstrations et mouvements que
~ont d'ordinaire les prédicateurs, ce. qui montre qu'on pouvait
y pl.'êcher sans se casser les membres ». Les tréviens firent

appeler deux menuisiers, qui constatèrent la solidité de la
chaire; mais les prêtres ne voulaient pas se laisser con­
vaincre, et, comme l~ Révérend père Recolet se disposait un
jour à prêcher de l'autel au coin de l'épître, de\lx notaires
vinrent, séance tenante, lui notifier qu'il ne sera payé de ses
prédications s.'il ne monte en chaire; à quoi il répondit qu'il
avait l'or~re de ses s\lpérieurs de n'y pas monter. Dans un
mémoire que les tréviens adressent à l'évêque à ce sujet, on
insiste en ces termes sur les inconvénients qu'il y a à prêcher
de l'aut~l : « ce qui fait que, le sexe féminin (pour 'mieux
entençlre) prenait le pas au devant du masculin et que les deux
sexes se jetaient à foule dans le deva.nt et le haUt de l'église. »
Je ne sais, au juste, comment finit cette discussion , mais il
est probable qu'il n'en coûta pas beaucoup aux paroissiens
de La Martyre pour consolider- leur chaire de manière à la

rendre accessible sans danger au plus foug'ueux prédicateur.
On peut croire aussi que si les fabricieos regardaient un
peu à la dépense lorsqu'il s'agissait du mobilier de l'église,
c'est que depuis quelques années ils étaient en délicatesse
avec le clergé de la PÇlroisse, touchant l'administration des
deniers de l'église. Le 26 mai 1736 (1) le St' Joseph Le Hoy,
sieur du Parc, procureur fiscal de la juridiction de la princi­
pauté de Léon, dénonçait plusieurs abus à. ce sujet dans la
trève <;le La Martyre.
( Les revenus, d~t-il, en sont considérables et rapportent
près de 2,000 livres en biens fonds, sans parler de près de
800 livres ' que l'on retire des boutiques et autres logemenls
pendant la foire et des offrandes qui y tombent pendant
le cours de l'année ; or, les marguilliers se rendent récipro­
quement leurs comptes, à: l'examen desquels, à la vérité, le .
Général assiste; mais, comme dans ce Général il se rencontre
plusieurs gens qui aspirent à devenir marquilliers, ils y

passent bien des choses en décharge, ce qu'ils ne feraient
pas s'ils n'envisageaient qu'on agira de même à leur égard~
ct s'ils avaient l'attelltion d'y appeler M. le recteur. » C'est
ainsi, ajoute le procul'eur fiscal , que cc contre les défenses de
l'évêque ils prennent de 50 à 70 livres pour la confection des
comptes, qui devraient se rédiger gratuitement, et qu'ils
achètent une barrique de vin, pendant la foire, des deniers
de la fabrique q u' ils consomment entre eux et les délibérants
contl'c les défenses à eux faites par l'évêque. )) .Peu après
{",eUe époque, le 20 juin 1738, ce sont les marguilliers qui
portent plainbe, à leur tour, à Mgr l'évêque de Léon -contre
leur curé qui vent les empêcher de porter les reliques en
procession, (2) c( l'emontrent les mal'guilliers de La Mar­
tyée que, depuis le mois de décembre 1737, ils auraient
obtenu des reliques de Rome; qu'ils avaient postulées par
plusieurs suppliques faites à Notre Saint-Père le Pape;
Votre Grandeur les a reconnues, ainsi que les Bulles qui les
accompagnent et permis les fidèles les vénérer et assister
aux processions qui seront faites le second dimanche de mai
et le jour du jeudi de la grande foire, au mois de juillet,
auxquelles ces saintes reliques seront portées à la dévotion
des fidèles. Or, les suppliants, le Général et les peuples des
paroisses circonvoisines qui s'attendaient à voir célébrer
cette solennité le dimanche 11 mai. s'étaient assemblés en
grand nombre à cette intention, ,mais ils furent frustrés de
. cette espérance pal' le rerus obstiné et capricieux du Sr curé
Jacques Pouliquen, de laisser porter les relique's par les
personnes désignées et destinées à ce .
. « Jean Pengreuc'h et Alain Guéguen, son gendre, avaient
fait leur offrande de 13 livres 5 sols pour reconnaissance du
bonheur dont ils espéraient jouir en portant ces reliques. Le
curé refusa de les laisser porter; on lui fit sommation par

huissier, il l'e!:3ta insensible et se saisit même des clefs de
l'armoire de la sacristie où étaient lesdit~s reliques , scandale
. d'autant plus grand que c'est le curé lui-même qui a publié
ces processions et invité à faire des offl'andes pour avoir
l'avantage de portel' ces saintes reliques.... On craint que

pour la grande foire de juillet il ne fasse le même refus .
Ainsi, la fréquentation de l'église de La Martyre , où la dé-
votion attirait un grand nombre de peuples, se diminuel'a ,
les t'l'ais et les prières que les tréviens de La Martyre ont
fait pour se procurer lesdites reliques à dessein de ranime!'
la piété des fidèles deviendraient inutiles .... Vous plaise en
conséquence ordonner, Monseigneur, que le jeudi de la foire
ct le second dimanche de mai chaque année, les reliques
soient portées autour du bourg par deux laïques pieux et
vêtus duement selon l'usage pratiqué dans tout le diocèse.
La dernière phrase de cbtte supplique nous donne peut-être
la raison de l'opposition du curé, car, en dehors des prescrip­
tions liturgiques qui recommandent de faire p'orter solen­
nellement les reliques par des clercs, le. curé trouvait tians
doute peu convenable l'accoutrement usité par les porteurs
et qui consistait à revêtir le surplis' sur l'habit laïque et à
porter sur la tête une sorte de bonnet de coton. Si ce fut là
vraiment la raison de l'opposition du curé de La Martyre au
désir de ses paroissiens, tout porte à croire qu'il n'eùt pas
gain de cause, car il a fallu plus .d'un siècle pour abolir
complètement cet usage quelque peu abusif .

PEYRON, Prêtre .