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Bulletin SAF 1891


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Le coq de Quimperlé

M. de la Villemarqué

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


DE ' UIMPERLE
LE CO
Soit dit sans humilier les antiquaires, ils sont un peu
« comme la corneille qui abat des noix » ; je n'ajouterai pas
le reste; le vie,ux françp,is ressemble au latin; on peut d'ail­
leurs lire dans Littré, au mot corneille, la citation tout entière.
Nous nous employons aux choses de l'archéologie de notre
mieux, il est vrai, mais notre zèle n'est pas toujours accom­
pagné de la critique aujourd'hui demandée. '
C'est pour ne pas trop ressembler à la cOl'neille que je
me fais un devoir de soumettre à des gens plus compétents
que moi le résultat d'une découverte qui viant d'avoir lieu
à Quimperlé. .
En creusant les 1'ondatrions d'nne maison, pour la recti­
fication de l'entrée de la rue Ellé, tont contre l'église
de Sainte-Croix, et dans l'enceinte même de l'ancie1lne

église de Saint-Colomban, propriété des Bénédictins, Olt
a découvert, ù environ deux mètres sous terr~, une
figure de coq, où les maçons, le maître en tête (François-
Marie Eon), n'ont pas hésité à voir les anciennes armoiries
la ville. •
Ce coq gisait parmi du sable de rivière, des galets et des .
vases, au fond d'un canal creusé dans le sol vierge et passant
sous la rue Ellé, puis sous le pavé de la crypte de saint
GOUl;loès, pour aboutir à la rivière où il versait les eaux
stagna,ntes. En enlevan't l'enduit malpropre qui l'enveloppait,
on a dégagé la tête du coq, sa crête, son bec, sa gorge, ses
pattes, sa queue retroussée en trompette, son plumage indi­
qué par des traits. Son œil démesurément ouvert a beaucoup
frappé; mais on l'a été surtout de trouver l'oiseau encadré
dans la volute d'une crosse. Observation importante:

c'est une crosse épiscopale ou abbatiale. Au-des.sous,
des chevrons, pointe en bas et pointe en haut, qut ·jouaient
le même rôle en iconographie que les entrelacs, fleurons ou
listels; ils s'arrêtent au bourrelet du manche de la Cl'osse,
lequel a une douille que traverse un trou pour passer la
goupille qui fixait la tige placée dans le bâton abbatial.
Une fissure de la douille et une caSSUl'e témoig'nent
du long usage de l'instrument. La cassure de la gorge est
récente et provient du fait des ouvriers. Elle permet du
reste de juger la matière; 'si on ne peut dire, avec le poète,
materiam superabat · op'us, celle-ci ne manque pas de
valeur; le métal est celui des cloches; il en a la pesanteur
et la sonorité; c'est un mélange de cuivre et d'argent.
:Malheureusement la description que je viens de faire, et
de 1.' exactitude de laquelle on peut juger par la pho- .
tographie, ne répond pas exactement 'à celle qui a été
faite des armoiries de Quimperlé. Guy Le Borgne les
a ainsi décrites ; d'hermines au coq de guetûes, barbelé,
'11tembrez et crestez d'or; M. Pol de Courcy ne pouvait
suivre un meilleur guide; M. Aymar de Blois et son

dernier éditeur, M. Audren, donnent les mêmes armoi­
ries à la ville, et le Maire, M. Savary, les a fait peindre au .
fronton de la nouvelle halle de Quimperlé. Déjà on voyait
figurer au Musée archéologique du Finistère, parmi les
blasons des autres villes de Bretagne, le coq rouge, à crête
d'or, et à barbe et membres de même métal. Qu'un long
séjour en te.rre ait ici altéré la couleur du coq et dédoré sa
crête et ses pattes, rien de plus naturel; mais les hermines
dont Guy Le Borgne sème le champ des armoiries?

Pourquoi font-elles défaut dans la représentation décou-
verte? 1\1. de Blois semble ne pas les croire ancie·nnes; à
l'époque de l'union de la Bretagne à la France, « le roi, dit-il ,
à la ville ». (Notice historique
avait donné des armoiries
sur la ville de Quimperlé, éd. de Clairet, 1881, p. 74). Dans

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le fait, les hermines ne se trouvent pas indiquées par Pierre
Larousse: « La yille de Quimperlé, en Bretagne, dit-il,
porte d'argent à un coq couronné, de gueules.» (Grand
Dictionnaire universel du XIXe siècle, t.y., p. 77, 1869.)
On sait d'ailleurs que l'introduction des fourrures d 'her-
mines dans le blason date du temps où elles furent
apportées d'Arménie par les croisés bretons. Force est
donc de remonter au-delà du XIIIe siècle et de nous
borner au coq seul, tel qu'il est figuré dans la crosse des
Abbés de Quimperlé. Mais auquel attribuer l'insigne abba­
tial? où a-t-il été fondu et à quelle époque? Faute de docu..:
ments, on ne pourrait faire que des conjectures. L'historien
consciencieux de l'abbaye, dom Placide Le Duc, est muet:
et pourtant, dit-il: « il n'y a point d'endroit que je n'aye
fureté pour prendre lumière, ou des murailles ou des vitraux
ou des tombes ou de la boiserie, » (p. 6). Il a même consult~
vainement les deux cartulaires de l'abbaye de Quimperlé .
Nous ne devons pas avoir la prétention d'être plus instruit.
Rappelons-nous seulement le proverbe allemant: UNTER
DEM KRUMM S'rAB IST ES GUT WOHNEN l « il fait bon vivre sou~
la Crosse. »
HERSART DE LA VILLEMARQUE.