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Bulletin SAF 1891


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Enquête sur la prise de Quimperlé (1590)

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, XVIII,'

DOCUMENTS IN,ÉDITS

UIMPERLÉ

Par le capitaine DE LA. TREMBLAYE (1590).
• aL , oz
Ce jour vingt et deuxiesme d'avril mil six eents cinquallte
trois, en nostre logis par devant Nous Jean de Pluvié, escuier,
sieur du Vieux Chasteau, conseiller du Roy, sénéchal de la

Cour de Quimperlé, en présance db monsieur le pl' du Hoy, a
comparu noble homme Yves Morice, sieur de Kervagat,
pour Iuy valloir et servir ainsin qu'il
lequel nous a requis,
voira, qu'il soit receu a informer d'office et d'authorité de
quau commencement dEi la Ligue et guerres civilles,
justice,
ùurant et pendant le siege de la ville de Hennebond, assiégée
par le seigneur prince Dombre, en l'an mil cincq cents quatre
vingts dix, le sieur de La Tremblaye, l'un des commandants
et chef de Lal'mée, vint de nuit avecq huict cens hommes ,
lesquels fit marcher vers la ville de . Quimperlé, et y
estants randus, en faict de nuit, se saizirent de lentrée du
costé dudit Hennebond, qu'on appelle terre de Vennes, la
quelle les habitans de la dite ville firent fortifier et munir, et
, néantmoins toutte résistance, y entrèrent par force et sen
rendirent les maistres, la ville n'aiant muraille ny fortifi­
et a mesme temps, commencèrent à mettre
cation. D'ailleurs
le feu, passer au fil de l'espée tous ceux qui s'opposèrent à
leur viollance, ce qui mis,t une telle allarme et fraieur dans
toutte la ville, que les habitans, se voiants de la sorte sur­
prins, sortirent, quittèrent et abandonnèrent leurs maisons ,
et enffans, et se retirèrent tout de nuit, les uns à la
familles
forest proche de la dite ville d'une demie lieüe, et les aultres
causa une telle fraieur, que
es villages circonvoisins, ce qui
et femmes sen allèrent retirer en chemise, avecq ·un
les filles

seul cotillon, et eeux qui ne peurent sen fuir · furent prins
et durand et' pendant ce grand carnage et
prisonniers,
désordre, ils entrèrent et rompèrent les portes des dictes
maisons, pillèrent, vollèrent et emportèrent tout ce qu'ils
trouvèrent, et mirent le feu, le quel brusla les coffres où
étaient les actes, tiltres et garands des bonnès familles de la
dite ville; la quelle guerre civille dura et continua jusques
en lan quatre vingt dix huict, pandant lequel temps toutte la
ville estoit à labandon des gens de guerre, ce qui occasionna
h~s principaux habitans dycelle de rendre ce qui leur resta
du premier carnage et débri, par charèttes, en la ville de ,
Quimper-Corantin ou ailleurs, crainte d'expolliaon. Et
ùurant et pendant la dicte guerre, le secours d'Espaigne,
qui estoit venu pour la Ligue, commandé par dom Dalliva (1)
firent fortifier Blavet, y ayant quatre mil hommes en gar­
nison, et le sieur de Lezonnet pour le party du Roy comman­
doit au fort en Concquerneau, entre lesquels deux forts la
est sittué, et partant, par l'incurtion et
ville de Quimperlé
ravage des gents de g'uerre, la dite ville fut extrèmement
la plus grande partie des habitans de la dite
ruiné, mes me
ville furent ruisnés et perdirent la plus grande partie de
leurs tiltres et enseignements, le tout ayant esté abandonné
la mercy des soldats; supliant estre receu a en informer.
De tout quo y luy avons décerné acte a Iuy valloir et servir.
il apartiendra, et lavons receu a produire témoins,
comme
ce qui l'a faict en l'endroict de damoiselle Louise Geffroy,
veUve de feu noble homme Guillaume Moustel et damoiselle
Janne Lohéac, veuve de feu noble homme Maurice Herveou,
La Porte, et ont en l'endroict lesdites Geffrov
vivant sieur de
et Lohéac presté le serment, après les avoir faict lever la
main et interrogées séparément comme en sulH.
La dite Geffroy, âgée de quatre-vingt deux ans , veuve de

,o r " p t' • ,

(1) Don Juan Daquila.

défunt N : H : Guillaume Moustel, demeurant en cette ville
de Quimperlé, purgée de conseil, affection et sollicitation,
quen lan quatre vingt dix, en laquelle année elle
dépose
lors jeune fille, en lun des mois
pouvoit avoir dix neuf ans, et
d'octobre novembre ou décembre, (2) sy bien luy souvient,
et durant le siege de Hennebond, assiegé par le
pandant
nuict, et sans que les habitans
prince Dombre, en faict de
la ~ite ville de Quimperlé en scussent aucune nouvelle ny
eust. defl'ence, le sieur de la Tremblaye ' des.­
quil y .
tacha de l'armée dud. seigneur prince sept à huict com­
et vindrent vers la ville de Quimperlé, et estant
paignies
par la quelle on entre de venir de I-Ienne­
proche de la porte
à Quimperlé, autour de la quelle on avait faicte
bond
et estoit gardée par quinze
guelques petittes fortiffications,
a saize personnes, ledit sieur Tremblaye y fist meptre
et poser un pétart, ".lequel ayant faict ' son effet et breche,
enleva et emporta la porte, tellement que le gros des troupes
qu'il avait emmené entrèrent, en faict de nuit, dans la ville,
en la quelle les habitans estoint lors en leurs lits couchés et
endormis, ce qui donna une telle espouvante, que la plus
grand part, mesmes filles et femmes en chemises avecq
à la forest de Carnouet, les autres
cotillons, allèrent les uns
aux villages et parroisses proches de cette ville, mesme la
dict quelle coucha avecq défunte damoiselle J anne
déposante
femme et espou$e de defl'unct N : H : Charles
H.ozerc'h,
Morice, ayeulle dudi.ct requérant, en une tenüe proche de

cette ville, en la quelle la dite Rozerc'h, en faict de nuit,
estoit obligée de se retirer, où elle s'y rencontra, et de là elle
se retira en la paroisse de Guiscri,f, et demeura la ville
dautant que la plus grande partie des habitans~
deserte,
femmes et filles, furent obligés de se retirer, pOUl' esviter
aux cruaultés et furies de lennemy ; sy dit que lennemy y
('2) Le chanoine Moreau dit au mois d'avril.
. BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTERE. TOME XVIII. (Mémoires ) ~ 7

resta presques quinze jours, pendant et durant le quel temps,
il y exercèrent touttes sortes d'hostillités, par enfondrements
bruslements: mesme emportèrent tous meubles
de maisons,
portatifs et rompèrent les coffres où pouvoint estre la plus
grande part des garands des familles, furent perdus, des-
chirés et égarés; et quelque temps après, un secoUl' Espai-

gnol vint au sec our de la Ligue, commandé par dom Jouan,
lequel pendant le temps qu'il sejourna: print son logement
où. elle demeure, luy appartenante, et d'ailleurs,
. en la maison
pour le Roy au fort de
le sieur de Lezonnet commandoit
Concquerneau, et dans ses contrariettés des deux parties du
ftoy et de la Ligue, cette ville Fust entierrement ruisnés,
pendant la continuation de la guerre civille ; dit pareillement
avoir congneu deffunct N : H : Charles Morice et J anne
et ayeulle du dit deff., lequel Charles estoit
Rozerc'h, ayeul
fils de Jean Morice, lesquels Morice prenoint toujours .la
quallité de noble, se disant dextraction noble, et qu'ils ont
outres leurs armes ès paroisses de Saint Michel, Saint Col-
et chapelle de Nostre Dame, une vittre du costé de
10mb an
lepitre, en lesglise du couvant des Jacobins, armoié de
leurs armes et alliances; et est sa déposition, laquelle elle
affirme contenir veritté, et ne pouvante signer, a cause de sa
cadussité, a prié son fils Jean Moustel de signer pour elle.
Signé. J. Moustel.
Damoiselle Janne Lohéac veu. de deffunct N : H : Maurice .
Herveou, vivant sieur de la Porte, themoigne jurer dire
veritté, comme elle a cy devant faict, agée de soixante-qua­
torze ans ou environ, purgée de conseil, affection et sollici­
quatre vingt. dix,
tation, enquise, dict quen .lan cincq centz
par le sieur de La
cette ville fut prinse, en faict de , nuit,
Tremblaye, un mois duquel elle ne peuH se souvenir ni
cotter, ce qui donna une telle espouvante aux habitans, que
plus grande part furent contraintz de quitter et abandonner
tout de nuit la dite ville; les uns se retirèrent à Quimper-

Corentin, et les autres à laforest de Carnouet, bois et vil­
lag'es proches, mesrne elle fut contrainte de se sauver avecq
son père et mère et touttes les familles, tellement que ladite
ville demeura toute déserte et abandonnée au pillage, et
pendant le temps que les troupes dudit Tremblaye y furent,
qui fut près dé quinze jours, sy bien lui souvient, ils y exer­
cèrent toutte sorte d'hostellité, ravage et emportans tout ce
y:u'ils rencontroint, par feu ou autrement, pillans 'et vollans
tout ce qui estoit dans les Inaisons, romp ans les coffres,
emportaris, brullans et deschirans les actes que contenoient
ces coffres des maisons; et quelque temps après, on y
envoia une armée Espaignolle, à Blavet, commandé par le
sieur dom Jouan, la quelle armée estoi venüe au secour de
la Ligue, et de laustre costé, le sr de Lezonet, pour le service
du Roy, avoit troupes et garnisons au fort de Concquerneau,
les quelles trouppes des deux parties, pendant ledit siege,
pillèrent et ruisnèrent la dite ville, la quelle, nestante sernée
ny fermée de muraille, estoit a la bandon des armées; sy
dit avoir eongneu N : II : Charles Moriee, vivant sieur Beau­
bois, lequel estoit fils de Jean Morice, lequel Morice elle a
toujours ouy tenir dextraeon. N :, et qu'ils ont une vittre en
lesglise des reverands pères de Saint Dominicque, lès Quim-
perlé, du eosté de lespitre, armoié de leurs escusons et
armes, avecq les 8:llianees, outre celles qui sont aux aultres
vittres des autres eglises de cette ville, laquelle déposition .
elle dit contenir veritté, et n'ayant peu signer, a raison de
son age, a prié N : H : Louis Gnédon, de signer pour elle,

signé L : Guesdon.
De tout quoy a esté raporté acte au dit Morice, a luy vall.
et servir comme il 'apartiendera, soubs son signe lesdilts jour
et an. Signé Jan de Pleuvié, sénéchal, Bonavanture le Livee,

pl' du Roy, Yves Morice et J. Rozé pour le Greffe. Signé
par coppie F : Du Val.
Collationnée à -autre coppye par nous Notaires royaux

héréditaires de la sénéchaussée d'Heunebond nous apparües
et rendües avec la présente; ce saiziesme jour de may mil
six cenz quatre vingt treize.
J. GUERO,
LEMARCHADOUR.

notre royal. notre royal.

Jf Jf

~ous faisons suivre cette enquête de 1653 des relations du

chanoine Moreau et de dorn Morice sur la prise de Quim-
par les troupes du Roi, bien que ce ne soient plus des
perlé
documents inédits. Nous éviterons ainsi à nos lecteul's le
soin de les aller chercher dans les livres devenus assez rares.
D'abor.d le chanoine Moreau:
SURPRISE DE QUIMPERLÉ.

: Audit an 1590, l'armée du prince de Dombes (1), fils aîné
de Montpensier, lieutenant général pour le parti du Roi en
Bretagne, et qui avait succédé au seigneur comte de Sois­
sons, qui avait été ci-d~vant prisonnier à Nantes, avait son
armée au pays vannetais, vers Auray, pour la plupart cava­
lerie. Au mois d'avril audit an, vinrent de nuit à Quimperlé,
où commandait François Duchastel, sieur de Mesle, lors -
marié à la dame de la Porte-Neuve. Arrivant donc entre la
minuit et le point du jour, pour faire leurs approches plus
laissèrent leurs chevaux au bout du pavé, <.'t
secrètement,
arrivant à pied sans faire aucun bruit jusques à la porte de
la ville du côté de Vannes, appliquèrent les pétards. Il y
avait une sentinelle sur la muraille au~dessus de la porte, qui
bruit de celui qui atta.chait le pétard, et
entendait quelque
demanda deux ou trois fois: Qui va là? et l'autre lui répon­
dait toujours: Ami. La sentinelle croyant que ce fùt quelqu'un
(1) Henri de Bourbon, prince de Dombes, père de Marie de Bourbon, qui
fut la première femme de Gaston, duc d'Orléans, frère de Louis XIII. .

dllfallbourg qui faisait ses nécessités de nature, ne donna
Sitôt que le pétard fut attaché, on le fit jouer
pas l'alarme.
uvéC un tel effet qu'il emporte la porte de la ville et donne
l'entrée libre à l'ennemi, qui entre en foule, où trouvant.
la française, en
l'habitant, capitaine, soldat qui dormaient à
eurent bon marché, car ils ne rendirent aucun combat, et
ûeux qui restèrent furent tous tués; les autres furent pris à
rançon. Plusieurs cependant" se sauvèrent, tant d'hommes que
et filles, par la rivière, du côté de Cornouaille, l'un
femmes
desqùels fut le capitaine et sergent, qui arrivèrent au point
du jour à Ballanec et au Faouët, plusieurs femmes et filles,
qui avaient couru toute la nuit en cet équipage comme brebis
sachant le sort de leurs parents;
errantes, bien désolées, ne
Les habitants de Quimperlé avaient,dès le commence­
ment de la guerre, fortifié l'abbaye noire dite de Sainte­
Croix, où ils avaient resserré ce qu'ils avaient de plus cher,
comme av~ient fait plusieurs des 'environs, tellement qu'il y
avait un grand butin. Aussi les principaux de la ville y
logeaient toutes les nuits, qui se .défendirent jusques au
matin; mais voyant de si grandes forces, qui étaient environ
se rendirent vies sauves, et
mille hommes bien armés, ils
tout le butin demeure aux soldats, encore y eut-il quelques­
uns qui furent retenus prisonniers et payèrent rançon. La
ville était bien riche en ce·temps-là, si bien que la perte de
ce ravage fut très grande.
Voilà comme la négligence d'un capitaine guère expé";
rimenté et habitué à prendre s.es aises,'comme était celui-ci,
porté de ruine où il commandqit, ayant l'ennemi, fort des

six mille hommes, à huit lieues de lui, et la place n'étant pas
autrement forte, dort lui et ses soldats sur la plume, se
confiant en quelques sentinelles des pauvres de la ville, qui,
rien à perdre, ne s'embarassent guère de la vie des
n'ayant

autres.
Les ' chefs de ceUe surprise étaient les sieurs de la Trem-

blaye', poitevin, de la Bastinaye, qui depuis, en l'an 1596.
fut assassiné en la forêt du Pont-de-l'Arche, près Vernon,
par quelques particuliers ennemis qu'il avait. Il me semble
que le sieur du Lescoët y était aussi, lequel fut tué au siège
en une sortie d'Espagnols: Je n'ai pas ouï
de Camaret,
h~s autres.
nommer
Cette ruine arrivée à Quimperlé pal' leur faute, ils moyen­
partis, et par ce moyen se
nèrent une neutralité des deux
soucièrent peu de faire la garde; aussi bien il ne leur était

rien resté après le pillage que ce qui était trop pesant. Le
sieur de Mesle, capitaine, pour son commencement au fait
la guerre, ayant reçu cette honteuse escorne, se retira
tout honteux au Châteauga~, près Landeleau.
Histoire de ce qui s'est passé en Bretagne, pendant les
guerres de la Ligue, et particulièrement dans le diocèse
de COl'llouaille, par M. Moreau, chanoine dudit diocèse,
conseiller au presidial de Quimper W·édition, 1836, p.75) .

Dom Morice ne fait que résumer le chanoine
Moreau

quoique natif de Quimperlé:
« La prise de Hennebond ne fut pas la seule expédition du
« prince de Dombes, dans la Basse-Bretagne. Tandis que
« ses troupes étaient occupées à ce siège, un détachement
« de son armée, sous les ordres de la Tremblaye et de Bas­
« tenais, fit une entreprise sur Quimperlé: qui réussit heu­
« reusement. Ces deux chefs, arrivés un peu après le minuit,

« firent mettre pied à terre à ' leurs gens, pour faire leur
(c approche avec plus de précautions. Celui qui portait le
«pétard arriva jusqu'à la porte, sans être aperçu: la senti­
« nelle entendit bien quelque bruit; mais, comme elle crut que
« c'était quelqu'un du faubourg, elle ne donna pas l'alarme.
« Le pétard ayant été appliqué fit son effet et enleva la porte.
e( Les royalistes entrèrent aussitôt, et, comme ils trouvèrent

« tout le monde endormi, il n'y eut presque point de combat.
« Quelques-uns furent tués, d'autres faits prisonniers' et mis
« à rançon. Le gouverneur, qui était François du Châtel,
« sieur de Mesle, se sauva presque nu avec plusieurs femmes ,
« passa la rivière et se retira du côté de Cornouaille. Ce
« n'était point assez d'être maître de la , ville, si l'on n'avait
« l'abbaye de Sai~te-Croix. Les habitans l'avaient fortifiée,
fi: dès le commencement de la guerre, et y avaient renfermé ce
« qu'ils avaient de plus précieux. Les principaux d'entr'eux
« qui y couchaient, toutes les nuits, se défendirent jusq u' au ma-
« tin; mais, voyant de si grandes forces et n'ayant point de se-
« cours à espérer, ils se rendirent, vies sauves, et tout le butin
« demeura aux troupes. Le gouverneur, honteux de s'être
« laissé surprendre, s'étantretiréensamaison de Châteaugal,
« ceux de Quimperlé, pour,n'être plus exposés, dans la suite,
« à de p.areils inconvénients, se ménagèrent la neutralité
« entre les deux partis. »
(Dom Morice- et dom Taillandier. Histoire
ecclésiastique et civile de Bretagne).