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Bulletin SAF 1890


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Le président de Boisbilly (2ème partie)

M. de Blois

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- . .J.t 7 en

XII.
DEUX NorrES D~J M. L' ABB1~ ABGRALL

p Dans la séance du 24 avril .t890, M. le marquis de Bre-
mond d'Ars a déposé sur le bureau une urne CIneralre et cmq
haches celtiques.
Pour ce qui est de ces haches, le procès-verbal fait obser­
ver que l'une d'eUes , en chloro-mélanite~ longue d'environ
cinq centimètres, porte sur le côté une double rainure que
l'on n'a pas jusqu'à présent remarquée sur d'autres spéci-.
mens du même genre.
Le dernier volume des Bulletins et Mémoires de la Société
d'Émulation de8 c6tes~clu-Nord contient une notice de M.
Jules Lemoine sur les moyens employés pour la fabrication
des armes anciennes en pierre. Cette notice signale les rai­
nures long'itudinales qui s'observent sur les bords de quelques
haches en fibl'olite et en chloro-mélanite, et le savant ar­
chéologue attribue ces sillons au sciage pratiqué pour débi­
ter ces pierres en morceaux de dimensions convenables pour
faire ces haches.
On sciait des deux côtés au moyen d'une lame de silex, et
quand il ne restait plus que quelques millimètres entre les
deux entailles on opérait la section ou la rupture en deux .
pleces .

2° Vestiges romains.
Sur ' ]a route de Quimper à Plonéour-Lanvern, au bas du
village de Saint-Guénolé, tout près de la ligne du chemin de
fer de Pont-l'Abbé, dans le tahls nord, on peut remarquer
des tuiles à reboi'ds , des débris de poteries, même quelques
restes de maçonneries avec ciment romain .
;\ u village de Kermath.éano, à [100 mètres environ vers le
sud, M. Paul du Châtellier a signalé depuis plusieurs années

la présence d'une borne ntilliaire dont l'inscription malheu­
reusement a été repiquée par les gens du village, qui vou­
laient y creuser une auge et qui ont été rebutés par la dureté
de la roche.
n est utile d'indiquer tous ces anciens vestiges pour fixer
le parcours de la voie romaine qui allait de Quimper à l'op­
pidum si important de Tronoën et au pays de Penmarch où
l'on trouve de si nombreux établissemerts romains.
En passant par le camp de Kerc'hastel en Plonéour-Lan­
vern, on voit encore environ deux cents mètres de l'ancienne
voie pavée. Un tracé de M. René Kerviler fait passer cette
ligne par Pont-l'Abbé; cette direction paraît beaucoup moins
probable.
Quand aurons-nous une carte eomplète et exacte des voies
romaines et des établissements romains du Finistère .

AnnÉ ABGRALL?

XIV.

LE PRESIDENT DE BOISBILL y

etle~ e."\:llclions commise~ paT les f'ennie)'s et receveLtl'S
des ri/'oits de ports et hâvres en Bretagne.
(SlllTE. )
Dès l'an 1707 , Chaeles Isembert, chargé des cinq gt'osses
fermes etautres fermes unies, voulut se servir de ce titre, et pour
eet effet fit assigner devant le juge des fermes à Morlaix, le 31
octobre1707, le sieur Jean-Alexandre Le Grand et autres négo­
la ville, pour être condamnés à payer le droit de six
ciantsde
solspar cent aulnes pour les toiles chargées par eux au port
de Brest sur les vaisseaux la Paix de Marseille et la Notre­
Règle: intervint sentence le 15 mai 1708 qui dé­
Dame de la
chargea le sieur Le Grand et consorts de la demande contre
eux formée et condamna Isembert aux dépens.
se pourvut-au Conseil et y fit assigner Le Grand
Celui-ci
et consorts en vertu de la commission du grand sceau. Les
demandèrent leur renvoi au Parlement de Bl'e­
négociants
tagne et se défendirent peu ou point du tout au fond. L'affaire
Sr Ferrand, commissaire départi
fut alors renvoyée devant le
en Bretagne, pour donner son avis, par lequel il observe que
l'affaire se réduisait à quatre questions: la première, dans
la foeme, de savoir si le fermier avait pu se pourvoir au
Conseil contre la sentence du juge des Traites de Morlaix
du 15 mai 1708, ou s'il avait dû porter son appel au Parle­
ment de Bretagne. _
La deuxième, au fond, si le droit prétendu par le fermier
de' cinq sols monnaie pour cent aulnes de toiles, pour issüe
et sortie, qui sont six sols tournois est dù, soit en général

dans toute la province de Bretagne, soit en particulier dans
les ports de Brest et autres de Bretagne.
La troisième, si, supposant que le droit soit dû au port de
Brest, les habitants de Morlaix qui y ont embarqué leurs
toiles peuvent s'exempter de la payer; et la quatrième,· si le
droit est dû à raison de six sols ou de trois sols par cent
aulnes de toiles.
Qu'à l'égard de la ferme, le Sr Ferrand croit que le fer­
mier a eu raison de se pourvoie au Conseil, s'agissant du
fonds du droit, et Sa Majesté s'étant réservée la connais~
sance de ces sortes de matières par l'art. 148 du bail de
Charrière, lorsque le titre du dl'oit des fermes est contesté.
Qu'au fond, on ne pouvait pas dire que le droit dont il
s'agit soit général pour tous les ports de Bretagne, puisque
suivant la pancarte il n'est que particulier pour l'évêché de
Léon; que même si cette pancarte estoit le seul titre du
fermier, elle pourrait recevoir quelque difficulté, tant parce
qu'elle n'est qu'une simple copie que parce qu'elle n'a pas ft
. l'égard de plusieurs articles une enlière exécution dans la
Province.
Mais que la possession du fermier parÇl.issait suffisamment
établie par les extraits de compte des baux de Pointeau et
de Templier, qui justifient que le droit avait été levé au port
de Brest par les précédents fermiers; et qu'ainsi, suivant

la disposition de l'Ordonnance de 1566 et de l'art. 2 de
l'Edit du mois d'avril 1667 qui porte que ce qui a été tenu et
administré par les receveurs et fermiers de Sa Majesté pen­
dant l'espace de dix ans et est entré en ligne de compte, est
reputé le domaine de la Couronne, il n'y avait pas lieu de le
contester .
Que sur la troisième question, les habitants de Morlaix
alléguaient pour eux qu'ils n'envoyaient leurs marchandises
à . Brest que par trans:t, pour éviter les corsaires, ct que
jusqu'alors on ne leur avait point demandé ni fait payer le

deoit en (lllcstion. Mais le sieur Ferrand troyait que dès que le
deoit était dù à Brest, il devait être regardé comme un droit
local dont personne n'était exempt que par un titre parti­
culier.
Qu'à l'égard de la quatrième question qui concerne la
qualité du droit., l'on voiait que le fermiel' avait supposé
réduit à moitié par l'arrêt du Conseil de 1701 ;
qu'il avait été
s'était tl'ompé puisque cet article ne peut être
en quoi il
appliqué non seulement qu'aux marchandises qui y sont
dénommées, mais que l'exécution en a été sUl'sise par deux
autres arrêts des années 1701 et 1703 ; dans toutes lesquelles
circonstances, le dit sieur Ferrand estimait qu'il y av~it lieu,
faisant droit sur les requestes respectives des parties, sans
s'arrêter à la sentence du juge des Traites à Morlaix du
15 mai i 708, condamner le dit sieur Le Grand et autres
interressez dans la cargaison des vaisseaux la Paix de
et Notre-Dwne de la Règle à payer à Isembert. les
1\1arseille
droits d'issüe et de sortie à raison de six sols tournois pour
cent aulnes de toiles qu'ils avaient fait charger sur les dits
vaisseaux au port de Brest.
Le 10 février 171i, fut rendu un arrêt conforme à l'avis
de Ferrand. On voit que cet avis était absolument contraire
au fermier, puisqu'il fondait son droit sur la prétendue
pancarte du 25 juin 1565, et qu'on n'eut d'autre motif pour

lui adjuger le droit en question que la possession des anciens
fermiers, qui l'avaient levé au port de Brest pendant les
baux de Pointeau et de Templier.
On observe à cette occasion que si cés négociants avaient
été bien défendus au fond, illeut' aurait éte aisé de justifier
que la possession du fermiér n'était pas suffisamment établie
par les extraits de compte de Pointeau et de Templier; car
Pointeau, qui avait levé ce droit pendant la première et la
sixième année de son bail, et Templier pendant les cinquième
et sixième années du sien, suivant les allégations d'Isembert,

avaient fOI'm ellem .mt COIÜI'eVetlll en eela à l'Edit du mois de
juin 157ü et aux eoutl'ats des Etats deR années IG43. 1G45:
etc., ratifiez par Sa Majesté. De plus, il est constant que les
particuliers qui avaient payé des droits à Brest aux commis
de Pointeau et de Templiel' ne l'avaient fait que forcément
ct avec protestation de les faire rapporter, afin d'éviter
l'arrêtement de leur's vaisseaux et marchandises et l'inter­
ruption de leur navigation et de leur eommerce. Ces réserves
même auraient-elles été omises, il résulte néanmoins que
l'arrêt d~l 10 février 17:ll, rendu conlre quelques négociants
peu ins~ruits ne peut servir jamais au fermier pour les ports
de Brest, Landerneau, Le Faoù, Dou1as, Ab0rgrach, Hoscoff,
Pempoull et autres ports de l'Evêché de Léon ou du reste de
la Province, contre la disposition formelle des contrats déjà
cit.ez et celle de l'art. suivant:

Accordent nos seigneurs les commissaires qu'aucuns édits,
déclarations,commission's et arrêts du Conseil et généralement
toutes lettres-patentes et brevets contraires aux privilèges
de la Province, n'auront aucun effet, s'ils n'ont été consentis
par les Etats et vérifiés aux cours souveraines du pays.
Mais pour suivre désormais l'objet principal qui est la
prétendue pancarte du 25 juin 1565, le fermier, voyant que
l'avis du sieur Ferrand, inséré dans l'arrêt du 10 février 1711,
avait jeté des soupçons violents sur la validité de ce titre,
craignit de les augmenter s'il se hâtait de le faire valoir et
de le produire au g'rand jour. Il attendit donc jusqu'en 1723
à faire imprimer l'extrait de lÇl. prétendue pancarte, colla­
tionnée par Touzé et envoya l'imprimé de cette fausse colla­
tion dans tous les ports et hâvres de la Province. L'effet ne
tarda pas à s'en faire sentir. Dès le mois d'octobre, les
sieurs David, du Toya et autres négociants de Landerneau
furent assignés devant le juge des Traites de Brest pour
.être condamnés de payer le droit de cinq sols, monnaie ·
.faisant six sols tournois, pour chaque cent aulnes de toiles

que les dits marchauds avaiellt fait clH\rger' à Landerneau,
dans le navire Marie-Magdelaine, en conséquence de la
déclaration faite le 18 aoùt 1723 au bureau du dit port par
.Jean Enays, maitre du bateau.
Une sentence du 11 octobre 172f débouta Cordier de ses
prétentions. Il adressa alors une requête au Conseil, et sur
cette requête à laquelle était joint un imprÎl;né collationné de
pancart.e faussement dite du 25 juin 1565 inter­
la prétendue
vint au Conseil, parties non ouyes ni appellées, l'arret du 6
mars 1725 auquel les suppliants sont opposans. En cOIlsé­
<-plenee de cet arret surpris SUL' la foi de l'extrait collationné
fait par le sieur 'l'ouzé, Cordier jette tout d'un coup le trouble
et l'allarme dans tout le commerce de la province de Bre-
tagne. Il commença ses tentatives par la ville de Morlaix,
considérable par son commerce de toiles, et, dès le 12 ou le
15 mars 1725, ses commis et préposés exigèrent le ving­
tièine de la valeur des toiles, miels, cires, papiers et autres
marchannises qui sortent par mer de ce port et qui y entrent
en vertu du dernier article du chapitre intitulé Tréguier et
Morlaix, dans la prétendue pancarte du 25 juin 1565, dont
voici la teneur: et des autres marchandises que l'on fait
entrer et ysser par mer de la dite recette on prend le ving-
tième. .
et marchands de Morlaix et les capitaines
Les négociants

et maîtres des bâtiments français et étrangers qui fréquentent
ce port déclarèrent d'abord s'opposer à l'exécution dudit arret
du 6 mars 1725 et plus tard ne consentirent à payer les
droits prétendus par Cordier qu'avec protestations et ré­
serves.
Ceux de Landerneau en usèrent de même, on leur récla­
mait les droits en vertu de l'article de la prétendue pancarte
au chapitre de l'Evesché de Léon ainsi conçu : et ne payept
rien les nobles et gentilhommes du pays à cause de leurs
faitiz et y a encore d'issüe pour cent de toile, cinq sols .

SUI' les 81lleefai.tes, les maÎl'es. échevins et communauté Je
l\loI'laix se'pourvurent au Conseil, soutenant dans leut' re-

quête que depuis la réunion de la province à la couronne et
même dès fort longtemps auparavant, tous les dl'oits de
POl'ts et hùv['os de la dite ville et port de Morlaix consis­
taient, savoir: trente sols pOUl' l'entrée de chacun tonneau
de vin hors Bl'etagne, cinq sols pour l'entrée de chacun
muids de sel et vingt sols pour l'entrée de chacun ton-
neall de fel' tant sur los habitants que forains , qu'ai!lsi les
droits de sortie exigés nouvellement pour la sortie de la
chaux, des cuirs. suifs et autres graisses dans lesquelles le
fermier veut même comprendre les beurres, étaient une pure
exaction. Ces droits et aucuns autres que les trois ci-dessus
cités n'ont eu aucune exécution depuis plus de deux siècles
que 1a ville ayant été prise, pillée et brûlée par les Anglais,
. le 2 juillet 1522, cette calamité fit périr tous les titres de ses
fl'anchises et immunites, mais que sa longue possession sup- '
pléait à tous ces titres.
Les habitants de Landerneau suivirent le merne exemple.
Les députez et procureur syndic des Etals appuyèrent ces
réclamations. Alors les fermiers généraux, sentant leurs pré­
tentions insoutenables, abandonnèrent leurs principes et
maximes domaniales et proposèrent comme moyen de tran­
saction d'abaisser à six sols pour cent aulnes de toiles le
droit sur la marchandise sortant de Bretagne.
Les gens de Morlaix rejettèrent toutes ces Pl'opositions de
modération, et les fermiers allèrent inquiéter le sieur du
Moutier, directeur de la ferme des devoirs à Bedon, lui fai­
sant sommation de payer dans le jour le droit du villgtième
du pl'ix cIe seize pipes et cent quatre Larriqùes d'eau-de­
vi.e faisant trente-et-un tonneanx, à raison de trente s01s la
peint.e et les quatre sols pour livre en outre. Les dits droits
c-xigés en vertu de la dite prétendue pallcal'te suivant le der­
n ieI' al'ti.cle du chapitre de Redon dont voici la tenenur: et

Je toutes autres deill'ées conduites pal' la l'i vière, le ving'-
tièmede ce qu'elles sont vendues sur le lieu, excepté la·ines qui
sont l'l'anches el menbles pel'cées. Et ne trou ve-t-on pris
qu'il soit rien levé d'éperons ni de harnoys et était accoutUmé
àutrefois ètl'e levé la moitié des dits droits à l'Ille .
Les députez et procul'eul' syndic des Etats, informés de
celte nouvelle tentatiYe~ l'epl'ésentèl'ent au Conseil qu'il n'avait
jamais été question en Bretagne de ce prétendu deoit qui
irait à ruiner le pJ'oduit des fermes des devoirs, impots et
billots et pal' conséquent mettrait la Pl'ovince hors d'état
d'acquitter le don gt'atuit et ses autres charges, etc., etc.
Sur toutes ces plaintes, il fut ordonné aux fermiers de
surseoir l'exécution de l'arrest du 6 mars 1725 et de ne plus
exiger le payement des droits en vertu de la prétendüe pan­
carte, mais seulement des soumissions de payer les dits
droits s'il était ainsi ordonné par Sa Majesté en connaissance
de cause.
Cela n'empêcha pas leurs receveurs, commis et préposez
d'exiger de plusieurs particuliers timides et ignorants et

surtout des étrangers le pay81nent actuel de ces prétendus
droits alléguant qu'ils ne pouvaient recevoir les soumissions
que des regnicoles et gens solvables.
Dans ces circonstances, les députez et procureur général
syndic des Etats s'étant ~endu~ .au mois de septembre 1726
à la chambre des comptes de Nantes pour y assister à l'exa­
men des comptes du Trésorier général de la Province, ils
voulurent faire dresser des procès-verbaux en bonne forme
de la prétendüe pancarte du 25 juin 1565, ils entrèrent pour
cet effet aux archives de la chambre avec des commissaires
d'icelle et virent alors par l'examen qu'ils firent de cette
pièce que ce prétendu original n'est qu'une misérable copie
de plusieurs écrituresdiITérentes, sans date, sans intitulé,
sans signature, sans acte de dépôt et généralement dénuée
apparence d'autenticité, etcomme ils avaient en main
de toute

un . exemplaire de l'imprimé collationné, ils furent étonnez
de ne pas trouver à la fin de ce prétendu original farrest
du 25 juin 1565 .
En effet, quelle surprise de trouver dans la éoUation l'ex-
trait ou compulsoire d'une pièce, un arrest dont il n'y a pas
le moindre mot ni le moindre vestige dans l'original?
Cette surprise engagea les députez et procureur général
syndic des Etats à chercher ailleurs cet arrest du 25 juin
1565, qu'ils voyaient à la f!n de l'imprimé de cette prétendüe
collation et ils le trouvèrent à la fin d'un autre registre con­
tenant le procès-verbal de la réformation de la. pancarte de
la prévoté de Nantes, lequel registre était attaché par un
bout de m blanc à la copie informe dont on vient de parler.
Ils découvc'irent ainsi l'imposture de Ferreau et du commis­
saire trompeur ou trompé qui l'avait favorisée.
La fraude fut constatée par des procès-verbaux réguliers
en date des 18 et 21 septembre 1726, SUI' lesquels s'appuyè­
rent les députez et procureur général syndic qui se rendirent
à la cour après les Etats tenus à Saint-Brieuc au mois de no-
vembre 1726 et obtinrent la décision du conseil du 24 mars
1727 qui ordonna de rendre aux négociants de la province
de Bretagne toutes les soumissions qu'ils avaient ci devant
faites envertu de l'arrest du 6 mars 1.726, dont l'exécution
demeurerait sursise.
Les fermiers firent part de cette décision à leurs préposés
en Bretagne et les invitèrent à s'y conformer. Mais celui de
Morlaix, au lieu de rendre purement et simplement aux négo­
ciants de la ville les soumissions qu'ils avaient faites, voulut
que cela fut fait secrètement dans le but évident d'empêcher

qu'il ne restât aucun vestige 1 de la violence que le fermier

avait faite au commerce en exigeant les soumissions 2 de la
nécessité où il avait été de les rendre.
Les habitants au contraire chargèrent le juge et les con­
suls de se transporter au bureau des ports et hâvres avec

Andren et Vizien, notaires, qui dressèrent procès-verbal au ..
tentique de la suppression des soumissions.
Les négociants de Landel'neall tinrent à prendre des pl'ê­
cautions à peu pl'ès pareilles. Mais là le receveur des droits
inventa plusieurs subterfuges pour se dispensér d'abord
d'obéir aux décisions du Conseil. On ne sait pas si dans tous

les autres pOt'ts ethâvres de Bl'etagne, on a eu la même at-
tention pour constater l'exécutiou ou lïnexécutiol~ de la dé­

eision souveraine du 2 1 mars 1727. Mais il est évident que
cette négligence ne peut et ne doit jamaispréjlldicier' ni au
généeal ni aux particuliers de la province après des actes
aussi authentiques. '
Il semblait donc que, la fausseté de la prétendüe pancarte
du 25 juill 1565 étant suffisamment découverte, on ne devait
plus en entendre parler désormais non plus que des arrests
surpris SUl' un extl'ait infidèle de ce faux titre. Mais la pro­
vince n'a pas joui longtemps du calme qu'elle avait lieu d'es­
pérer et les fermiers y ont suscité de nouveaux troubles dès
le mois de juin 1728 en vertu de cette même pancarte.
U Il arrêt du conseil du 13 avril 1728 .ayant révoqué les
exemptions de droit 'sur les grains, farines et légumes et
l'établi les droits qui se percevaient avant les arrêts du 28
Qctobre 1719 et 30 septembre 1721, les commis des fei'mes
unies de Sa Majesté commencèrent aussitôt à exiger diffé-
rents droits sur les bleds chargés dans les ports de la pro-
VlTlce.
Aux observations des négociants, les fermiers répondirent
qu'à la vél'ité les droits réclamés ne se percevaient pas avant
les arrêts sus indiqués, mais que cela provenait uniquement
de la négligence de leurs commis, et qu'ils étaient fondés
en titre pOUl' en exiger le payement. Or, pour tout titre, ils
apportent l'extrait de la prétendüe pancarte ' collationnée par
Touzé et justement décriée.
Enfin, sans tenir compte d'aucune représentation, les rece·

veurs, commis et préposés, n'hésitèrent plus à exig'er l'ac­
quittement des dl'oits sur les grains, farines et légumes et ù
saisir en conséquence toutes les marcha.ndises de cette sorte
dont les droits d'entrée ou de sortie n'auraient pas été payés
anx bureaux des ports, ensemble les vaisseaux où les dit.s
gl'ains seraient chargés. .
En effet, les nommés Jean Gueguenou, maître de la bar­

que la J.Vlarie-Anne, de l'isle de Tudy et Pierre L'Orphelin,
maitre de la barque la Charl.otte-Urbane, de Quimper, ayant
été trouvées le 22 juin et 3 juillet 1728, dans les ports de
et de Concarneau, le premier avec sept tonneaux
Quimpel'
de seigle qu'il avait chargés au port de La Forest pour le
compte du sieur de Menesmeur Desprez, négociant à Quim­
pel'; le second avec deux tonneaux huit boisseaux d'avoine
et deux tonneaux viùgt boisseaux de blé noir qu'il avait
chargés au Pont-l'Abbé pour le compte des sieurs Barbe et

Simonnet,' négociants à Quimper, furent assignés par les
employés de Carlier devant les juges des fermes à Quimper
pour être ordonnée la saisie des deux barques, agrez et
apparaux, ainsi que les grains dont elles éta' ent chargées.
. Les marchands et négociants de Quimper intervinrent
dans cette affaire et soutinrent que la prétention de Carlier
n'était rien moins qu'une concussion publique et une inno-
;vation contraire aux privilèges et immunitez de la Province
et à 13:ppssession où elle était de ne payer aucuns droits sur
les grains depuis sa réunion à la couronne et même long­
temps auparavant ....... Qu'il était inoui que Carlier eut la
témérité d'exiger des nég'ociants des soumissions de payer
les droits sur les grains conformément à cette prétendue
pancarte, pendant que depuis un an, Carlier avait été con-
. traint par arrêt de rendre aux négociants de Morlaix, Lan­
derneau et autres les soumissions arbitrairement exigées.
Le juge donna gain de cause aux patrons de barques et
aux négociants et Carlier au lieu de se pourvoir par appel

au Parlement de Bretagne cont.re cette sentence, s'empressa
de présenter au Conseil une requeste pleine d'artifice, de
fraude, de fausseté, de supposit.ions et de calomnies, il eut
même garde d'appeler en cause Gueguenou L'Orphelin, les
sieurs Desprez, Barbe,Simonnet etles négociants de Quimper,
et son exposé mente,ur surprit l'arrêt du 9 novembre 1728
contl'e lequel les parties condamnées forment opposltioIl.
Appuyé SUl' cette première décision , Carlier n'a pIns
o'al'dé aucune mesure et les marchands et nég'ociants de Bre-

tagne se sont trouvés en proye aux pOUl'suites les plus
CI'Lantes. Tous les poets ont retenti de saisies de vaisseaux
ct. de geains faites pat',les commis, et comme si ce fermier
n'avait pOUl' objet que d'écraser les faibles restes du com­

merce de ce pays, il a ordonné à ses commis de ne plus se
servir d'lluissiers pris SUl' les lieux, mais d'huissiers du Par­
lement ou de Pl'ésidiaux afin de désole!' ou de ruinel' plus
sùrement les marchand,s pal' la multiplication des frais. On
en jugera par les faits suivants. "

Le sieur de Penanprat Le Blouch, négociant à Pont-Croix,
ayant en vertu de passeport du sieur controlleur génél'al des

finances chargé dans le bâtiment le Saint-Jacques, d'Au-
dierne, trente, tonneaux de frome:nt, six tonneaux d'orge et
quelques toiles pour , la de_ stination de Saint-Sébastien en
Espagne, le maître de ce bâtiment étant pret à faire voile
pal' un temps très-favorable se rendit au bureau des Ports
pour prendre son brieux de sortie; mais le receveur refusa
de le lui expédier jusqu'à ce qu'il eut payé divers droits sur
les grains de la cargaison. Le maître avisa le sieùr de Pe-
nanprat de la difficulté soulevée pal' le receveur et après de '
longues discussions le navire put partir le 17 septembre

1728, mais "seulement après que le sieUl' de Penanprat eut
fait sa souniission de payer les droits réclamés s'il se trou­
vait Jans la suite qu'ils fussent düs et donné en outre caution
bourgeoise qui signa sur le champ. Cet employé, dès le 6
BULLETIN ARCHÉOL. DU FIN[STF~RE. - TOME XVII. (

novembre 1728, IH sommation au sieur de Penanpl'at de
payer ùes droits se montant ensemble à 22l} li". 5 s, n IL
suivant la prétendüe pancarte du 25 juill 1565, et conformé­
ment aux ordres de la compagnie , protestant faute de
payement de le faire contraindre par corps comme pou.(' 105
deniers de Sa Majesté.
Le sieur de Penanprat exposa ses défenses et s'en remit
pour le surplus à la décision que donneraitle conseil SUl' 1';11-
tel'vention des Etats. Mais l'avidité du fermier ne lui permit
pas d'attendre cette décision. Il fit contraindre son débiLeul'
par saisie exécution de ses meubles le 15 décembre 1728, le
sieur de Penanprat renouvela ses précédentes réponses, on
passa outl'e malgl'é cela à la saisie et exécution de ses
meubles.
Dans ces circonstances, l'affaire fut portée devant le juge
des traites de Quimper, qui, par son ordonnance du 3 janvier
1729, fit deffence de passel' outre à la vente des mel1bles
exécutés que les parties n'ayant été ouïes et accepta l'offre
du sieur' de Penanprat de consigner entre les mains du sieur
Guével, négociant àAudierne, les droits contestés. Le pl'ocès
sULvait son cours lorsque Carl.ier fit faire au sieur de Penan-
prat la dénonciation d'un arrêt du conseil, rendu SUI' sa
requeste le 15 février 1729 et dont voici le dispositif:
Le Roy, en son conseil; a évoqué et évoque à soy et à son
conseil, l'appel interjeté par le dit Carlier de l'ordonnance
rendue le 3 janvier 1727, par le juge des traites de QuimpeJ',
SUL' la requeste du dit sieur de Penanprat et tout ce qui s'en
est ensuivi, fait Sa Majesté deffense aux parties de procéder
. ailleurs qu'au conseil, à peine de nullité, de cassation , dE'
procédure, etc. .
Comment le fermier a-t-il osé, pour surprendre ainsi ]e '
conseil, supposer un appel qui n'exista jamais et supprimer
de;; faits importants qui auraient anéanti ce prétendu appel
quand mêm e il aurait existé. Mais ce n'est pas la seule

imposture dont sa requeste est chargée, ce n'est au surplus
qu'un libellé coutl'e le juge (*) de Quimper, c'est que le fer­
mier s'imagine être impunément en droit d'imposer au
conseil, par des surprises et des suppositions sans fin, qu'il
croit tout permis pour autoriser ses vexations dans la
province, etc ...
'U ne de celles que le sieur de Penanprat eut à subir de la
part des commis de Caelier, c'est la vaeiation successive du
tarif des droits réclamés. Ainsi on exige tantôt 1 liv. II sols,
tantôt 5 liv. 8 sols paL' tonneau de feoment, et tantôt 1 li\'.
4 sols, tantôt 31iv. 12 sols par tonneau d'orge, puis ensuite
li sols par tonneau d'orge et 4 sols pour livl'e en sus du
1 liv.
et finalement dans l'acte du 16 avril 17291e receveur des
tout
ports d'Audierne ne prétend plus que 12 sols avec une sou­
mis,sion de payer plus gl'ands dl'oits s'il e!;it ordonné par le
conseil.
Voici d'autres val'iations : le 26 septembre 1729, le sieul'
de Penanprat, propriétaire du batiment le Saint-Jacques,
d'Audierne, alors chargé de 33 tonneaux et 6 boisseaux de
sardines et de toiles d'Olonne: pour Saint-Sébas­
fèves, de
tien, en Espagne, fit sommation au sieur Billard, commis de
à Audierne, de lui délivi'er les brieux et expéditions
Carlier
pour la sortie du dit batiment en payant seulement le droit
de brieux ; refus de Billard qui réclame le payement préa-
,lable en autre droits de 59 livr. 17 s . pour le chargement des
fèves. '
Le 3 janvier 1730, le dit sieur de Penanprat adresse les
mêmes sommations de délivrer les expéditions nécessaires
pour la sortie du navire le Saint-Denys, d'Audierne, chargé
de 18 tonneaux de fèves, de sardines et de toile d'Olonne,
pout' aller à Saint-Sébastien, et cette fois le sieur Billard
(*) Le sieur de Merigo, gentilhomme de la province, président du prési­
du présidial, lieutenant général de l'amirauté et président juge de
dent
ferme à Quimper-Corentin.

réclama le droit de brieux seulement, ne demandantaucull
droit pour les fèves.
Le 1.5 février, le Saint-Jacques, d'Audierne: chargé de
30 tonneaux de froment et de 6 tonneaux de fèves, de toile~
d'Olonne, de cuir's verds, de peaux de vache, etc. , devait
partir pour Saint-Jean-de-Luz; le commis refusa de recevoir
le simple droit de brieux, mais préleva le droit de 12 sols
par chaque tonneau de froment, n'estant dus aucuns droits
snI' les fèves suivant les ordres à lui adressez le 21 novembre

Le 18 mars 1730 le commis d'Audierne exige du sieur
de Penanpr'at ou du sieur de Ménez-Bien, sa cautiOll, le
payement immédiat de 21 liv. 12 sols pOUf droits de so['tie
de 30 tonneaux de froment, chargés au port d'Audierne pour
Saint-Jean-de-Lm~, dans le batiment Saint·Jacqu.ps, d'Au-
dierne.
Les négociants protestent alors le même jour: le sieur de
Ménez-Bien Le Barz, négociant à Audierne, est sommé à
son tou[' de payer la somme de 20 liv.·-3 s,3d. pOUl' dr:oit de
iiortie des ~ains par lui chargés au port sur le batiment la
~'VIarie-Hélène, d'Audierne, commandée par Me Henri Guillon .
. Nouvelle protestation de l'interressé. Le commis, furieux,.
multiplie les actes de procédure, le 22 avril ; après second8
sommation au sieur de Ménez-Bien, on passe outre à la
saisie et exécution de ses meubles; le même jour accomplis-
sement de semblables formalités chez le sieur Le Boulch de
Penanprat; le 31 mai, ordre au sieur Fily, dépositaire volon-
taire des meubles saisis sur le sieur de Penanprat, et au
sieur Larcher de Villaudren, dépositaire des meubles du
sieur Le Barz de Ménez-Bien, de les représenter le 1 juin
etc., en la ville de Pont-'Croix, pour être vendus en la ma­
nière accoutumée et des denier's en provenant être le dit
Carlier, payé de ce qui lui est dù ~n principal: intérêts et
frais, etc ...

Tous ces faits, (;ollstatés par des actes autentiques, ne
montrent que trop la vexation du fermier. Mais on ne peut
~e dispenser de rappeler ici une autre procédure qui donnera
une nouvelle idée de son déchaînement et de ses excès.
Le sieur de Kergoz Horellou, négociant à Quimper, ·ayant
chargé des grains dans la barque le Saint-Pierre, de
Quimper, suivant passeport, fit ~ommation au receveur des'
ports de la dite ville les 8 et 9 octobre 1728 de délivrer les
expéditions nécessaires à Louis Le Mignon, maître de la dite
barque, pOUl' aller à sa destination en payant le droit de
brieux seulement, se soumettant au surplus de payer tous
drois dûs pour le transport des dits grains s'il était ordonné
ell connaissance de cause, offrant même de consigner réelle-
ment ~e montant de ces préténdus droits pour parvenir à la
délivrance des brieux, etc ...
Le receveur n'eut aucun égal'd aux offres ni à la consig'na­
Lion du sieul' Le 'Mignon et lui refusa ses expéditions. Cepen­
dant le bâteau partit, mais ayant relâché à Brest; les commis
de Carlier saisirent et arrêtèrent cette barque et son charg'e­
ment et donnèrent assignation à Le Mignon devant le juge
de Brest pOUl' en voir ordonner la confiscation. Le juge
donna tort au préposé des fermes, et après le jug'ementi Le
:\lignon sortit de Brest pour continuer sa route; mais la
saison étant mauvaise, il se trouva forcé de relâcher à Morlaix.
Là , malgré la sentence provisoire du mag'istrat de Brest, le .
r.wmmé Bourgeois, homme flétri par divers décrets et juge­
ments pour fraude et malversations dans ses emplois, fit une
llouvelle saisie et arrêtement de cette barque et de son.char­
gement.
L'affaire fut portée devant le juge des Traites de Morlaix
qui déclara la saisie tortionnaire et mal faite, etc: Or
malgTé cette seconde sentence qui était aussi exécutoire par
provision, les commis du bureau de Morlaix firent décharger
les grains et dégraier la barque, disant qu'une lettre du fer-

mier était plus exécutoire et avail plus de fOl'~e que tous les
jugements de la Province.
Il est évident que ces deux saisies et ces deux procès q uc
le sieur de Kergoz Horellou et Le Mignon eurent à essuier
contre le fermier leur causèrent un dommage , infini pal' la
rupture du voyage, le dépérissemellt des grains, le loyer
des matelots pendant cette interruption, la cessation de lellr
commerce, la privation des profits qu'ils auraient faits SUL'
les grains s'ils étaient arrivés à propos à leur destination ,
etc, ' Cependant Carlier interjette appel de ces deux sen­
tences de Brest et de Morlaix au parlement de Bretagne.
Mais ayant éludé le jugement par des chicanes multipliées,
il a depuis traduit au Conseil le sieur de Kergoz Horellou et
I,e Mignon, .
est certain qu'un des principaux privilèges de Bretagne.
c'est que ses habitans ne peuvent point être traduits hors
des tribunaux de la province pour plaiùer ; c'est ainsi qu'en
pense Charles VIII dans sa déclaration du 7 juillet iM)2 ,
art. 2.
Hem. Aussi nous avons voulu et declaré. voulons et décla-

rons par ces dites présentes que nos dits habitans et sujets
de notre dit pays et duché de Bretagne ne soient et ne seront
traités ni convenus en première instance ailleurs que par
devant les juges du dit pays et ùuché, de barre, ainsi qu'ils
ont été d'ancienneté et que si aucuns par committimus, pal'
privilèges des Universit.ez ou autrement s'efforcaient de faiI'~
le contraire~ que aux exécuteurs d'icelui ne soit obéi.
Le même prince s'exprime encore plus fortement.dans son
édit du mois de novembre :L493, al. 9.
Item. Qu'en dérogeant aux droits , libertezprééminences
de notre dit pays de Bretagne esquel nous avons voulu mai n­
tenir 110s dits sujets de Bretagne, depuis que le dit pays est
en nos mains , et de ce octroyé nos lettres de confirmation Cil

forme düe, plusieurs ont fait et font traiter, citer: ajourner

et convenir iceux nos sujets hors icelui pays en première
instance et autrement qu'en la forme ancienne et accoutumée'
du vivant de nos prédécesseurs ducs de Bretagne. La quelle
chose est grandement préjudiciable à nos dits sujets et à la
foule, charge et détriment de la chose publique. Nous avons
statué, ordonné et déclaré, statuons, ordonnons é~ déclarons
par édit et ordonnance irrévocable, que dorénavent nos
dits sujets d'icelui pays de Bretagne ne seront plus traitez,
convenus ni mis h01'S le dit pays en première instance pour
quelqne matière que ce soit ou puisse être, soit par vertu de
committimus, mandement de scholarite ou autrement.
Louis XII en parle dans les termes suivants dans son con~
trat de mariage avec la royne Anne, duchesse de Bretagne,
du mois de janvier 1498, art. 4.
Item. En temps que touche que les sujels d'icelui pays ne
soient point tirez hors d'icelui, en première instance ni autre­
ment que de barre en barre et en cas du ressort du parle­
ment de Bretagne e~ en düe de dro"it et génération de justice
en la manière accoutumée du temps des du,cs prédécesseurs
de notre dite cousine. Nous, sur ce voulons, entendons,
accordons, prometton~ les y entretenir pour en user en la
forme accoutumée de toute ancienneté.
Ce privilège a depuis été confirmé successivement et de
règne en règne par tous les rois vos prédécesseurs et par
V. M. même dans les contrats qu'elle a ratifiés. Mais quand
il ne serait pas aussi certain et aussi général qu'il est pou;
tous les sujets et habitans de la province de Bretagne, ]e
bien de la naviguation et du commerce ne demanderait-;l
pas que l'on en fit jouir les marchands, négociants et autres
personnes qui ne tirent leur subsistance que du commerce et
du service de la mer? Et n'est-ce pas les mettre dans l'im­
puissance de se deffendre ou dans la nécessité de se ruiner
que de les traduire à tout propos hors de leur pays pOul'

plaider en vertu d'évocations surprises snrla ~implc requcste,
l'artifice, la chicane et la fl'aude du fermier?
Tout ce qui s'est passé à Concarneau, La Forest, Pont­
labbé, Audierne: Quimper, Brest, Morlaix, à l'égard des
marchands, négociants et maîtres de barque est arrivé et.
arl'ive encore tous les jours à Nantes, Guérande, Vannes,
Hhuys, Auray, Hennebont, Portlouis, L'orient, Redon,
Muzillac, Penmarch, Pontcroix, Quimperley, Lannion, ett; . .
à l'égard des marchands, négociants et maîtres des vaisseaux 1
poursuivis et persécutés sans relâche par Carlier.

Il semble, en effet, que cc fermier ai t donné le signal à ses
receveurs, commis et préposez pour se déchaîner tous à'la
fois et en même temps contre les marchands, négociants et
g'ens de merde la province. On n'entend parler dans les
ports que de saisies et d'arrêtements de vaisseaux et de
grains, d'exécution et de ventes de meubles, et même de
contraintes par corps pOUl' payer d.es droits sur les grains,
farines et légumes, en vertu de la préte~ldue pancarte du
25 juin 1565. Et quoique dans ce faux titre il ne, soit fait
aucune mention' des farines ni des légumes, on a vu les
commis de Carlier soutenir que les farines et les légumes
étaient compris sous le nom générique de grains. Les fèves
et les pois étaient aussi des grains pour ces hommes affamés,
comme on le voit par la sommation du 26 septembre 172n:
où le nommé Billard exig'e 36 sols par tonneau de fèves,
comme pour les bleds, etc ... On les a vus ensuite se désister
de cette folle interprétation, ainsi qu'il est justifié par les
sommations du 3 janvier et, 15 février 1730, sans restituer
cependant les sommes qu'ils avaient exigées et perçues de
plusieurs négociants et maîtres de navires pour cet article;
car on est informé que plusieurs particuliers, voyant que
Carlier empêchait par toute sorte de voy es de fait l'exécu­
tion des sentences provi" soires rendues contre lui par les
juges de .la Province et qu'il poussait l'insolence jU,squ'à

menaece d'obtellie des lettl'es de eadlet contre le sieur de
Pcnanprat et les autres négociants qui s'opposaient à ses
innovations; on est dit-on~ ini"onné qu'ulle infinité de per­
sunnes effrayées des menaces et des procédés violents dll
fel'mier, pour éviter la saisie de leurs grains et de leues
vaisseaux, la perte d'un temps favorable ponr le départ de
leurs bâtiments et pOllr la vente de leu1's marchandises et
denrées, la c.%sation de lenr commeJ'ce, l'abandon de leurs
coreespondans, les frais, le trouble et l'inquiétude des procez ,
les chicanes, les surprises et les évocatiolls du fermier , ele ..
etc ... , ont payé aux conlJùis de Carlier tout ce qu'ils ont
exigé en prenant leurs quittallces , ou mème sans quitlanee.
sauf à se pourvoir contre ledit Carlier pOUl' ces exactions.
Il est même certain que les sommes qu'il a ainsi touchées
sont tI'ès considérables. ' ,
~Iais quelque chose qui anive, il est aussi très-constant que ,
tuutes ces sommes ne peuvent tourner au pl'ofit du fermier ,
ca!', si contl'e toute évidence; le dl'ojt se trouvait dù , comme
il n'a jamais été compris dalls le bail de Carlier non plus que
dans celui de ses prédéce'sseuI's, el que Carlier même ne
s'est avisé de l'exiger qu'à la till de la seconde année de son
hail, il est évident qu'il doit tOlu'neJ' au profit de , Votre
Et si au contraire ]e droit lI'est pas du , comme les
:Majesté.
suppliants le soutiennent, c'est une pure concussioll dont. la
moindl'e peine doit êt.re ùe condamner ce fermier n la l'est"­
tutÎon du quadrüple, et à tous les dépens, dommages et l11té­
l'êt.s , lucre cessant, pel'tes et retal'demeuts des mal'chauùs:
négociants, capitaines et maîtres de navil'es.
Après des preuves si authentiques et en si gr'and nombre
des variations , des injustices et des exactions perpétuelles
des fermiers, n'y-at-il pas lieu de s'étonner de la témérité
<-wec laquelle ils ont osé charger leur mémoire, du 10 mars
1730, d'un pompeux éloge sur leur modération dans la

pCt'eeptloll Jes dl'oits dont V. 1\'1. leur a confié l'admillis­
tration.
Telle est l'histoire des tentatives que les fermiers ont fai t.
depuis près de deux siècles pour fail'e revivre de prétendues
pancartes, ou fausses ou abrogées, même avant la réunion
de la Bretagne à la Couronne. Tel est le détail des voies de
d'imposture et de fraude dont Cordier et Carlier se sont
fait ,
servis pour sUl'prendre les arrêts du conseil des 6 mars 1725,
9 Ilovembt'e i 728 et autres qui évoquent toutes les différentes
branches de cette affaire au conseil, et telle est enfin l'op ....
pression et le tl'ouble que toute la Bretagne, qui n'a pour
unique ressource que la navigation et le commerce, sOl/fflo e
de ]a Pâl't de Carlier et de ses commis depuis l'arrêt du
13 avril i728.
Il est facile maintenant de proposer les moyens d'oppo­
sition de la pl'ovince.

(A suivre.)

- " li r$25 . a----