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Bulletin SAF 1890


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Mégalithes du Soc’h, en Plouhinec

M. Le Carguet

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tES MÉGALITHES DU SOC'II
EN PLOUHINEC (FI~[STÈRE).

, L'une des plus belles stations néolithiques du départe­
ment, celle du Soc'h, en Plouhinec, est destinée à dispa­
raîtl'e, dans un délai assez rapproché. Le partage des
communaux de Poulhan, sur lesquels elle se trouve, est
provoqué en justice. Le morcellement et la mise en culture
des terres détruiront impitoyablement les monuments qui
font l'admiration de tous ceux qui les connaissent.
Quelques mots sur l'ensemble de la statioIl, avant qu'elle
ait cessé d'exister!
Elle se divise en deux parties:
1 Au sud, sur la commune de Plozévet, Ménez-Gor1-'ed ;
2 Au nord, sur Plouhinec, le plateau de Poulhan et du
Soc'h.
lYlénez-Gorred.
cette partie occupent la base de la
Les monuments de
colline. Ce sont:
Une g'alerie sur le bord lIe l'anse de Poulhan ;

Un menhir de 2 mètres, abattu, près de cette galerie;
Une butte, à 60 mètres N .-0. ;
Un menhir de 3 m. 50 c., la « Galoche », à 150 mètres au
~., dans le vallon de Stang-Pors. Les Corriquets jouaient
aux palets, sur cette pierre, avec les dolmens de Poulhan.
Sous ce menhir, est un teésor gardé par un coq rouge. Un
dimanche ues Hameaux (c'est le joue où les trésors cachés
'viennent surtout s'étaler au soleil, aux derniers mots de
l'Evang'ile), un pâtre gardait ses moutons en cet endroit.
Tout à coup, quelque chose lui sauta sur les épaules. C'était
le coq, gardien du trésor, battant des ailes et se préparant à

·IOS
. Le pàlre, etIra'j'é, le saisit et le J'eta loin de lui.
cJw lif(H·· .
Aussitôt le coq se prit à parler: « Si tu m'avais laissé
( chanter sur toi, tu aurais possédé le trésor que je garde.
« Tu m'en as empêché; malheur à toi! » Depuis ce jour, le
« pâtre commença à dépérir, et mourut avant la fin de
« l'année. »

Il. Plateau de Poulhan et du SueJh.
Le plateau du Soc'h forme ' une plaine ondulée, inclinée
vers la mer. Il mesure, de l'anse de Poulhan à la gorge et
au ruisseau de St-They, de 600 à 800 mètres; sa largeur, de
la mel', aux défrichements, est d'environ 400 mètres.
Il comprend trois centres principaux d'occupation:
1 ° Ménez-Créoe ou Ménez-Poulhan;
2° K e-rgangnou, mamelon isolé, au centre du plateau;
3° Le SocJh, à l'extrémité .
Les défrichements ont beaucoup empiété sur la station.
Leurs clôtures, faites des ruines de mégalithes, méritent
aussi description.
Nous passerons successivement en revue ces divisions du
plateau de Paulhan.
Ménez-Créoc. - Cette partie, plane, borde, à l'ouest ]e

port de Poulhan .

On y trouve:
1° Un tumulus de 15 à 20 mètres de diamètre,vers lamer.
Il recouvrait autrefois une petite galerie de dolmens et quel­
ques sépultures isolées. Les pierres du monument ont été
brisées rèz-terre et ont servi à faire une fosse pour l'inciné-
goëmon ; •
ration du
2° La grande galerie de Poulhall, orientée E .-0. , à 50 mè­
tres , N., de ]a bntte précédente. Cette galerie, l'une des plus

belles eonstructions mégalithiques du Finistère, a été repro-
duite plusieurs fois par la geavure, notamment par 1\1. de

préhistoriques et gau-
Fréminville et dans les « Epoques
loises)) de M. du Châtelliel'.
:Mais qu'elle diffère aujourd'hui de ce qu'elle était même
il y a quelques années! Ses pierl'es, que tant de sièeles ont
respectés, tombent , en quelques instants, sous le marteau du

maçon .
comprend: au S.-O. , 8 piliers debout,
Actuellement, elle
dont six adjacents el deux isolés par l'enlèvement d'une ou
deux pierres; au N .-E. , 4 supports debout, 2 brisés au raz du
sol; un septième gU, au centre' du monumellt, renversé par
l'énorme table qu'il était destiné à soutenie. Deux tables
seules existent: la plus grande, à l'Est, à moitié renvel'sée,
un demi-dolmen; à l'Ouest, une autre table, moins
figure
forte, encore en place, servait récemment d'abri à une voi­
ture. La galerie forme deux chambres: la plus gl'ande, à
l'Ouest, l'autl'e, à l'Est; la pierre de séparation, bien que
diminuée de hauteur, se tl'ouve encore en place. Le moml­
ment devait autl'efois se prolonger vers l'Est; on voit, à
2 mètres en avant de la paroi Sud, une pierre, à fleUl' du
sol, qui semble avoir été la continuation de ce côté.
Deux dispositions des supports du monument sont à noter:
l'inclinaison des piliers vers l'intérieur; est-ce fait inten­
tionnellement ou par le poids des tables? L'agencement de
ces mêmes piliers par imbrication, au lieu d'être par juxta­
position; genre de construction qui rend les côtés. du monu­
ment hermétiquement clos.
Au dire des habitants de Poulhan, les dolmens de cette
galerie étaient des autels de sacrifice. Chaque année, au
mois d'août, Ol~ y immolait un homme afin d'obtenir un
temps favorable pour 1a récolte. Les dépressions de la pierre
à la surface du dolmen renversé auraient été faites pour rece­
voir le corps de la victime et laisser couler son sang. Cette
légende est propre à 1<;1. grande galerie de Poulhan. Nous ne
l'avons trouvée nulle part parmi les nombreuses stations

néolithiques de la baie d'Audiel'ne et du Cap-Si7.un que
nouS avons visitées ou explorées.
Kergangnou. A mi-chemin de Poulhan, au Soc'h, se
trouve le mamelon isolé de Kergangnou, déterminé par deux
plis de terrain, qui desrendenl vers la mel'~ à Pouldolt et à
Poul-Ch'angnou. .
On y remarque: .
1 Sur la butte, un gl'oupe de sépultures, ou petites galeries ~
aux piliers rèz-terre ;
Des sépultures isolées, de la forme des Kist-V ean ;
Un cofl'eet, fait de 5 piel'res ~ et mesurallt, dans œuvl'e:
o m. 45 c. en tous sens;

Un petit tumulus ouvert ;
2 Au N. du mamelon et dans les deux vallonnements,
des substl'uctions en lignes droites, ou couebes, dont l'une,
bordée d'une douve; elles paraissent former une enceinte
dans laquelle se remarquent des dépressions du sol ou tra­
ces d'habitations;
3° Sur le sol, des percuteurs, des pierres à aiguiser, de
nombreux silex taillés, dont les uns, en petite quantité, cou­
verts de dendrites et de cacholong (1) sont d'une haute anti­
quité; les autres, à brisure vitrée, aux arêtes aigües, sont
de facture récente. Les silex de Poulhan étaient autrefois
tl'ès reno~lmés comme pierr~s à briquet. On venait les cher-
cher de loin, et l'habitude était de les tailler sur les méga-
lithes même. Aussi faut-il se méfier des cailloux ramassés
sur le sol. L'année dernière on nous a présenté, à Poulhan,
un plein sac d'éclats de silex; nous y avons à peine trouvé
quelques uns de forme classique, nucléi, pointes, etc., encore
étaient-ils sans patine.
Le Soc'h. Le promontoire du Soc'h, est séparé de Ker-
gangnou, par le vallon de Poullobos. Il s'élève, au-dessus

(1) Patine blanche des silex en terrés .

de la merl d'une hauteur de 32 mètres et domine toute la
baie , de Penmarc'h, à la Pointe-dn-Raz. Il forme une colline
anondie SUl' laquelle était autrefois le cOl'ps-de-gal'de des
douaniel's, aujoul'd'hui remplacé par une maison d'habita-
tion.
• On y voit:
JO Allant du mamelo~l, vers le N., une substl'uctiolL
lig'ne (lI'oite, ù l'O. de laquelle, à une distance de 10
mètres, se ('8ncont.l'ellt,.. à flelll' de terre, des poteries onc­
tueuses;
2° Sur les flancs de la butte, les sépultures les plus nom­
breuses et les plus importantes de la station.
M. Grenot les divise en deux g'roupes que sépare la mai­
son d'habitation:
Au N., le gl'oupe principal, seul décrit dans sa notice, se
développe SUl' une longueur totale de 38 mètres, et forme
Ulle série de 5 chambres. Il est resté tel qu'il était après les
fouilles pratiquées en 1871. Sa notice en mains, on peut
encore aujourd'hui suivre, pas à pas, les travaux qu'il a
exécutés et reproduire, par la pensée, les scènes qu'il a si
bien décrites: l'exploration de la « Salle de danse», et l'ex­
position, sur le dolmen, de la « Tête de nwrt », caillou, aux
formes bizarres, qui attirait le rire et les commentaires bre­
tons des travailleurs, « avec lesquels, entraîné par l'exemple,
« NI. Grenot riait lui-mêma de bon cœur, sans comprendre
« un traître mot aux belles choses qu'il entendait débiter à
« propos du Pen-maro.)) .
Le groupe S, d'une longueur de 14 à 15 mètres, est com­
posé d'une série de petites sépultures rapprochées, ressem­
blant parfois à des Kist-Vean. Une seule chambre, contre la
maison d'habitation, est recouverte de sa table et sert de
soue à porcs. Sllr la pente du mamelon, vers la mer, se re­
marquent quelques sépultures isolées, et une ou deux piel'res
à plat, paraissant être des tables de dolmens·.

Tels sont les monuments qne .l'on rencontre: en parcourant.
la lande, de Poulhan au Soc'h.
Les cl6tures. En revenant. du Soc'h, vers Poulhan, le
long des clôtures qui bordent les dpfrichements, on trou~Te :
'1 En face du Soc'h, à 100 mètr'es de dist.ance, les Cal'nou­
Bras, grande galerie détruite, dont les pierres et quelques­
uns des dolmens sont englobés ùaus les mul'S des fossés;
2° Les Carnou-Bian, à 100 mètl'es S.-S.-E. des précédent.s :
on y voit deux huttes; .
3° Le C7?éoc, en face de Poulgangnou. Quelques dépres­
sions du sol et deux pet.ites buttes. ou Torge/~J paJ'aissellt
des traces d'habitations.

Ill. Détermination des . mégalithe~.
M. de Fréminville considère le principal monument du
Soc'h comme un sanctuaire druidique.
Les riverains de Poulhan disent que toute cette station
était un village de CorriJcs. Un jour les Corrigans enlevèrent
un enfant d'un village voisin, du Drégan, et lui substituèrent:
dans son berceau, un de leurs petits nains. La substitution
ne fut pas remarquée. Ces enfants grandirent. Les Corrigans
s'étonnaient de voir le leur prendre de la ·taille. Ceux du
Drégan, plus étonnés encore de ce que l'enfant qu'ils élevaient
se retirait toujours, comme paf' instinct, lorsqu'il était laissé
seul, au village des Corriks. Cependant, avec l'âge, il finit
par perdre cette habitude.
Pour ' M. Grenot; ces monuments sont· « une suite de
« chambres sépulcrales indépendantes, construites au fur et
« et à mesure des besoins à côté de celles déjà eXIstantes,
« auxquelles on adossait les nouvelles après avoir détourné
« pour un instant une partie de la terre du tumulus qui les
« recouvraIt. »

Ces sépultures sont de différentes sortes :
1 . Galeries simples;

2° Galeries adjacentes ;
:)0 Tumuli avec chambre unique;
[.0 Tumuli avec galerie;
5° Kist-V ean ;
GO C~frret , diminutif des Kist-Vean.
L'incinération était le rite usité de ces sépultures. Cepen
dant on y constate aussi l'inhumation directe: dans le groupe
midi du' SocÏt , d'après la notice de lVi. . Grenot, et à Ménez­
Corret, où, racontent. les habitants de Poulhan, s'est trouvé,
sous un dolmen , un squelette replié sur lui-même.
Us est probable qu e les sépultures appartiennent à difl'é-
rentes époques .
Cependant, des fouilles de M. Grenot, ressortent ces
aractères :
Que certaines chambres avaient un dallage;
Qu'elles avaient contenu un revêtement en bois;
Que les décorations de~ vases sont circulaires et en relief;
Qu'il y a trouvé des ornements métalliques, 8 pièces.

Ces traits suffisent, malgré les 2,500 silex (1) recueillis
par M. Grenot dans les sépultures mêmes, pour rattacher
principalement à l'âge du bronze les még'alithes du -Soc'h et
de Poulhan. .
H. LE CARGUET.
Audierne, 23 avril 1890.
NOTA. Les monuments du Soc'h et de Poulhan ont été
ma"~-avril 1871 par M. Grenot, ancien professeur
explorés en
de QUImper. Le compte-rendu de ses travaux a été
du collège
fait à la Société aeadémique do Brest. .
mus(~e de Kel'nuz possède toute la collection des objets
par M. Grenot .
recueillis
Vers 1882, M. du Châtellier a lui-même exploré un tumulus
de Kel'gangnou .
Le musée de Quimper ne possède que deux objets de cette
stalion : la hache n' 20 de la vitrine C, tl'ouvée en 1884 à Ménez­
GOl'red et le couteau eu silex, n' 26 (étiquette chamois) de la
provenant du Loc'h. ' . .
vit,'ille B,
([) Lettre inédite de M. GI'enot, du 20 j ilin 1871, à l'un de ses travail-
leurs du Cap-Sizun. .