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Bulletin SAF 1890


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Luttes bretonnes modernes

M. Rodallec

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III .
IJES LUTTF~SnRETONNES NIODERNES

N OTES DE NI. RODALLEC.

On ne voit plus lutter que dans quelques communes du
Finistère, des Côtes-elu-Nord et du Morbihan, et principale- ..
meut dans la commune de Scaër.
C'est dans cette dernière commune que les luttes se font
uvee le plus de solennité.
Tous les ans, le lendemain de la fête patronale qui a lieu
le uernier dimanche du mois cl 'aoùt, le tambour Je ville, sur
un signe du maiee, monte sur l'estrade des binious. Il
annonce que l'on va se rendre au Champ des luttes; il
montre, en les énumérant,l(ts prix qni sont exposés autour
d'un cercle porté sur un long bàton, consistant en chapeaux,
mouchoirs, rubaus, etc., plus le grand prix, un beau moulDll,
tenu en laisse par l'homme qui porte les prix.
A près ceLte publication, le maire et les commissai.I'es des
luttes, précédés du porte-prix, du tambour et des binious, se
renuent au Champ des luttes, suivis de la foule.
Le lieu où se donnent annuellement les luttes de Scaër est
admirablement disposé à cet effet. C'est une vaste prairie,

entourée d'arbres séculaires, qui encadrent d'une façon pit­
toresque l'arène où vont combattre les jeunes athlètes.
Les commissaires et les gendarmes, pour former la lice,
rangent le public dans les lieux qui lui sont assignés.
Le cercle portant les prix est planté au milieu de l'arène;
le mouton est attaché au pied · du bâton du cercle et les juges

de camp se trouvent à l'entour.
Ce jury est composé du conseiller général, du maire et de
trois conseillers municipaux, anciens lutteurs, désignés par
leurs collègues. '
RULLETIN ARCHÉOL. DU FJNIST]~RE. - TOME XVII. (Mémoires).

Le tambouJ:' annonce que les luttes sont ouvertes; quel-
ques jeunes lutteurs s'avancent alors vers les juges du camp
et demandent un prix. On leur donne un mouchoir; ils font
le tour de la lice, le èhapeau d'une main, le prix de l'autre,
demandant un concurrent.
Le concurrent ne se fait pas attendl'e ; un jeune homme ft
peu pl'ès de même âge et de même force se présente. Il est
agréé par son concurrent et par le jury; aussitôt les luttem's
quittent leurs chupens et leu es gilets, ne conservant que leur
pantalon et un forte chemise en toile, ils essayent leu es
forces. Celui qui se sent le plus" fort ou qui est le plus
ardent. attaque son adversaire; l'un ou l'autre est terrassé,

mais le plus souvent le saut n'est pas bon: les deux épaules
li' ont pas touché le champ; le public crie: neket lam. Un
commissaire dit aux. lutteurs que le saut ne compte pas. Ils
recommencent avec plus d'animationeneore, et luttent
jàsqu'à ce qu'il y ait un résultat. Lorsque ce résultat se fait
attendre et que le jury voit que les lut.teurs sont épuisés, on
leur dit de se séparer et de partager le prix. Généralement
ils se rangent de cet avis; mais j'en ai vus, comme de bons
coqs de combat, ne pas se rendre aux avis paternels des
commissaires, et lutter jusqu'à complète extinction de leUl'S
forces.
Après cette première catégorie viennent des lutteurs plus
forts q ni se disputent les beaux foulards et les chapeaux.
Lorsque tous ces prix sont gagnés~ on annonce que l'on
va lutter le grand prix.
Généralement le plus fort lutteur de la commune où se
tiennent les luttes s'avance vers les commissaires et leur
demande le mouton. On le lui donne; il le jette sur son
épaule et, tête nue, fait le tour de la lice, demandant un
adversaire. Il a déjà fait la moitié de son tour et personne
ne se présente: s'il fait le tour entier sans être arrêté, le
prix lui appartient. Alors le public, craignant de voir le

('omb~1t cesser, l'aut.e de combattants, crie ùe toutes ;;es
Hars-ta ! Hars-ta !
t'orees:
- Enfin ce mot est répété dans un coin de la lice par un
Pendant que les deux lutteurs
lutteur qui accepte le défi.
font leur toilette, on suppute leurs chances et l'on fait des
pal'is, Mais les voilà au milieu du pré; ils s'abordent en se
donnant une poignée de main et souvent en faisant le signe
(le la croix,
Ils s'entreprennent., et on peut juger par la tension de leurs
et par les chemises qui craquent des e.ITorts qu'ils
muscles
J'ont pom' gagller' le pl'ix et les applaudissements des spec­
Lateu rs.

Enfin l'un d'eux est terrassé; mais il est bien rare que les
la terre, car ce sont des lutteurs forts
deux épaules touchent
(·t agiles. Cependant après deux ou trois combats, un cri

Lam-eo! poussé par les compatriotes du
formidable de
)Ie sont pas de la même commune, ou, dans le
vainqueUl', s'ils
cas contl'aire, pal' ses amis, annonce que le sau.t est donné, Le
est porté t'Il triomphe sur les bras de ses amis et
vainqueUl'
reçoit leurs félicitations, et le vaineu est consolé par les
trouvent toujours un prétexte à sa défaite .
siens, qui
.Te dirai, en teI'minant, que ces luttes engendrent rarement
des rancunes, et j.'ai souvent vu le vaincu prendre le vain­

queur dans les bras et l'élever au-dessus du sol, ce qui
ce derniel' comme son maître; mais,
signifie qu'il reconnaît
camarade lui rend la pareille en l'élevant â
dans ce cas, son
son tour dans ses bras.

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