Responsive image
 

Bulletin SAF 1889


Télécharger le bulletin 1889

La 27ème Session du Congrès des Sociétés savantes

M. Hardouin

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


LA VINGT-SEPTIEME SESSION
DU CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES

I. La vieille Sorbonrie a vécu et c'est d'hier à peine
que le retentissemerit a cessé des tant mémorables cérémonies
de l'inauguration de la nouvelle, en tout l'éclat de sa vaste
et monumentale structure.
'Mais, précédemment, lorsque s'ouvrit, le 11 juin dernier,
pour être close le 15 du même mois, la réunion annuelle des
représentants des Sociétés savantes des départements et de
Paris, la transformation de l'antique édifice n'était, encore
qu'au paroxysme de la fébrile intensité des derniers travaux.
Seuls, quelques-uns des corps de bâtiments primitifs, émer­
geaient encore d'un indescriptible chaos de décombres et de
pousslere.
Une installation telle quelle du Congrès n'y fut pas mO.lhS,
en dernier lieu, improvisée.
L'occasion s'est déjà présentée et elle a été saisie de faire
allusion au désarroi matériel qui résulta de cette tardive
détermination (1). "
Il n'y a donc point autrement à y revenir sinon pour rappeler
que l'accueil ménagé aux membres du Congrès par,le dépar­
tement de l'instruction publique et des beaux arts"en redolJ.pla
l'hospitalière courtoisie. _
Ce fut un suprême adieu à la Sorbonne d'autrefois. Elle ag.o­
nisait. Le règne expirait du classique amphithéâtre h,lÏ-même,
tant et depuis si longtemps connu dans l'univers entier des
lettres, des sciences et des arts. Sa gloire éta,it passée. Il
n'aurait plus, désormais, à défier tous les efforts tentés ou à
tenter pour y introduire à suffisance l'air, l'espace et la

lumière. Les regards devaient ne s'y plus tristeme,nt
l1) V. Bulletin 'de ta Société archéologique duFinistère, t. XVI, p. XLVIII.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XVI. (Mémoires). 24

détourner de l'aspect des grotesques essais de portraitures
et d'allégories décoratives qui s'y étalèrent. Enfin le spec­
tacle, unique au monde, allait à jamais disparaître, du con­
traste que la 'France se complut si visiblement à perpétuer
. entre la destination du local et son insuffisance croissante.
contemporains,· en effet, purent ou pourraient oublier
Quels
qu'aux jours de solennités, les cortèges où, si souvent, des
réunirent aux plus hauts dignitaires de
têtes couronnées se
l'enseignement public, de l'Institut et de l'Etat eurent à subir
le contact et non pas seulement la vue du tumulte et des
assauts inénarrables auxquels se complut, de son côté, la
houleuse multitude des jeunes lauréats ct des autres compé­
titeurs d'une place sur les bancs vermoulus de l'hémicycle
tribunes à l'avenant?
ou de
C'en est fait de ce passé. Son originalité n'est plus que
du domaine de l'histoire. Désormais, dans la vaste étendue

la Sorbonne neuve, la tenue du Congrès fera beaucoup
plutôt défaut à l'espace, que l'espace à cette tenue .
. II. La vingt-septième session n'avait été devancée que
de quelques semaines, par la célébration du Centenaire de
par l'ouverture de l'Exposition universelle .

L'affiuence des visiteurs était d'ores et déjà une marée
montante.
espérer un accroissement du nombre des parti­
Elle faisait
cipants au Congrès et, par suite, un temps d'arrêt aussi dési­
la tendance de ce nombre à diminuer
rable que désiré, dans
d'année en année, tendance dont la sollicitude du départe­
ment de l'instruction publique avait continué à se préoccu­
per. Il n'y a point eu déception. Du commencement à la.fin
du Congrès, les sections des sciences et d'économie sociale,
entr'autres, ont accusé en même temps qu'un redoublement
de l'activité de leurs travaux, une augmentation notable de
leur effectif. .
$ous la dénomination de Réunion des délégués des So-

eiétés des beaux arts, des départements, la section, originai-
rement dite des arts décoratifs, a continué sa transformation
en un Congrès spécial et concurrent de plus en plus suivi (1).
Il importe aussi de noter, en passant, que peu de jours
après la clôture de la vingt-septième réunion des délégués
des Sociétés savantes, c'est-à-dire le 24 juin dernier, s'ouvrit
le très intéressant Congrès international, qui eut pour objet
la conservation des œuvres d'art et des monuments (2).
Ainsi que l'an dernier, l'assiduité aux seances de la section
. d'histoire et de philologie, s'est imposée comme un dtwoir
au délégué de notre Société. Il ne pent donc, quant aux
autres sections, que de se ' référer aux résumés quotidien­
nement publiés par les soins des présidents et secrétaires de
chacune d'elles (3). ' '
Le moment est venu ,de faire succéder, sans plus de
retard, à des préliminaires anecdotiques qui ont paru 11 ·être
point dépourvus de tout intérêt, un rapide aperçu des
mémoires lus ou des communications échangées au CùUl'S
des séances de la section déjà indiquée. En terminant et fI:
titre de complément, il sera dit quelques mots de la séance
de clôture du Congr~s.
III. Comme précédemment, la section d'histoire et de
philologie a été présidée par M. Léopold Delisle. C'est dire
l'excellente méthode et toute la distinction avec lesquelles
la tenue des séances a été dirigée. L'éminent érudit était
assisté de MM. les vice-présidents de Rozière et Gaston
Paris, tous deux ses collègues de l'Académie des inscriptions
et belles lettres, et de M. le secrétaire Gazier.
Les lectures ou communications relatives à l'histoire ont
été nombreuses. Tout autrement nombreuses, encore étaient­
elles dans l'énumération inscrite au programme.
, (1) V. Jountal officiel du '14 juin 1889. p. 2750 et s.
Cl) V. D()tamment le compte-rendu publié par le Temps (15 et 16 juillet
1889. Supplément). '
(3) V. Journal officiel des 12, 13, 14, 15, 16 et 17 juin 1889 •

Chacun sait que l'histoire de la représentation provinciale
n'est pas seulement restée à entreprendre; que ses sources .
elles-mêmes sont encore, pour la plupart, à publier sinon à
explorer: aussi le Comité n'avait-il pas, à raison de l'impor-
tance hors ligne du sujet, cessé de le mentionner sur les
programmes annuels .
Le Comité a vu sa persévérance couronnée d'un plein
sncces.

En effet, dès la première séance, l'honorable M. Baudel,
proviseur du Lycée d'Albi, a donné lecture d'un bref mais
intéressant mémoire traitant du mode d'élection et des attri-
membres des Etats du Quercy durant les der-
butions des
années du XIVe siècle. L'évêque de Gahors en était alors
le président né. A la suite d'observations fort érudites de
M. le vice-président de Rozières, l'auteur du mémoire a été
à continuer et à compléter ses recherches (1). .
invité
Incidemment,M. le chanoine Muller, du comité de Senlis, -

a signalé l'existence aux archives de la même ville, d'un
rouleau de parchemin, du XIVe siècle, qui ne serait autre que
l'original des procès-verbaux d'une tenue des trois Etats de
la langue d'Oil, à Paris, en 1356 (2). Sur la proposition de
M. le Président Léopold Delisle, la notice de M. Muller a été
renvoyée au Comité. -
C'est en ces circonstances que le délégué de la Société
archéologique du Finistère a présenté un aperçu sommaire
d'Etats dans l'ancien duché de Bretagne, anté­
des tenues
rieurement à sa réunion à la couronne de France en 1532"
Le même délégué a fait en outre remarqner qu'avec et par
les progrès, du cheminement vers cette union, redoublèrent,
naturellement, l'importance du rôle des Etats et la fréquence
de leurs convocations. Il a rappelé qu'en Bl~etagne l'institu­
toin atteignit à un 'degl~é de vitalité et d'inflnence qui ne se
(1) V. Officiel des 10,11 et 12 juin 1889, p. 2685 et s.
("~) Ibid., P'. 2712 •

rencontre dans aucune des autres provinces représentées
par des députés de chacun des trois ordres. Les Etats de
Bretag'ne, a-t-il ajouté, semblent, à vrai dire, n'avoir guère
acquis une consistance définitive et un fonctionnement régu­
lier qu'au déclin du XIVe, voire qu'au commencement du
XVe. siècle. En outre, le tiers Etat ne se fraya que tard et
qu'imparfaitement, surtout avant 1532, l'accès de rAssem­
blée. Il n'y compta qu'un nombre plus ou moins restreint
d'officiers des juridictions d'origine ducale, appelés comme
à représenter les communautés d'habitants des cfiefs­
tels
lieux des mêmes juridictions .
Le regret a été exprimé que dans l'ouvrage de longue

haleine ou dans le petit nombre de monographies qui ont été
aux Etats de Bretagne (1), la période initiale de
consacrés
leur histoire ait été à peine effleurée. La tâche qui con­
sisterait à faire succéder à des données aussi insuffisantes,
la publicatiQn et la mise en œuvre des documents qui ont
point de plus en plus?
survécu, ne s'impose-t-elle
Par suite de son importance et de l'~nnonce de mémoires
la question concernant la mode d'élection et l'étendue
des pouvoirs des députéê aux Etats provinciaux sera, selon
toute apparence, reproduite l'an prochain.
Une seconde communication avait été préparée. Elle se
référait aux transformations successives et à la disparition
du servag'e dans les différentes provinces françaises. Natu­
rellement devaient réapparaître, à ce sujet, en ce qui con­
cerna notre Bretagne, les droits dits de mote et de quevaise,
usements locaux dont la ténacité fut sans égale. Mais un ajour­
la question sur le programme,
nement avec le maintien de

(1) V. notamment: 1 DE CARNÉ. Leg Etats de Bretagne. Paris, Didier,
1868 et 1875, in-8° et in-I2., 2. vol.
~o Du BOVET DE KERORGUEN. Recherches SUl' les Etats de J736. Paris,
Dumoulin, 1875, 2. vol. in-8° . .
3° Du CHATELLIER: . « Ce que devint la représentation provinciale. »
Nantes, Guéraud, 1875, in-8° .

parut préférable. Cette seconde communication, de la part du
délégué de la Société archéologique du Finistère, avait
la lecture d'une magistrale
effectivement été précédée de
notice de l'honorable M. Molard sur l'esclavage et le servage

en Corse au XIIe siècle, lecture suivie d'un renvoi aù Comité
pour la publication d'un acte d'affranchissement d'une serve,
datant de 1115.
et pour épuiser les indications qui peuvent intéresser
Enfin,
plus ou moins spécialement notre province, il doit être fait
d'un vœu: celui de voir maintenir la question
ici mention
aux mines et salines de France sous l'ancien régime,
relative

c'est-à-dire la 10 question. La section avait favorablement
accueilli un consciencieux mémoire de M.l'architecte Borrel,
sur les mines de la Savoie, et les salines de la
de Moutiers,
Tarentaise. Il en avait été de même des indications fournies
par M. Le Héricher sur les salines de Normandie. A sontour,
l'histoire, si curieuse à tous égards, des marais salants du
et de la Loire-Inférieure veut n'être pas négligée.
Morbihan
Un digne et vénérable érudit, M. le chanoine Arbellot, de
Limoges, a fait de l'exploration des sOUrces aux quelles
Grégoire, de Tours, eut à puiser pour son histoire ecclésias­
tique, le sujet d'une intéressante communication (1).
A citer aussi le curieux itinéraire d'Yolande de Cassel, en
Normandie et en Bretagne, retracé par M. l'archiviste dépar­
temental du Nord, Finot, d'après les comptes inédits conservés
à Lille (2).
Les livres dits de raison, les actes, titres ou documents se
aux confréries, aux établissements de charité, à
référant
l'instruction publique ou privée, à la tenue des foires et
marchés, aux fêtes et divertissements populaires d'autrefois, .
ont continué à devenir la matière de toute une série de
lectures ou de discussions.

(1) Jo'urnat officiel du 14 juin, p. 2745, 1 col.
(2) V. Ibid. 12 juin.

La philologie et la biblïographie se sont fait aussi leur

part dans les séances. Celles-ci au déclin de la session, n'ont
pas laissé de quelque peu languir.
A une communication de M. Haillant sur les patois vosgiens,
M. Paul Labrouche, archiviste départe­
a succédé celle de
mental des Hautes-Pyrénées, qui a fait part du projet, en
d'un bullaire de la province ecclésiastique
voie d'exécution,
de Gascogne, entreprise que M. le Président Léopold Delisle
s'étendre à toutes les autres provinces (1).
voudrait voir
Dès le 12 juin, sur la dix-neuvième question, ainsi conçue:
« Etudier quels ont été les noms de baptême usités suivant
« les époques dans une localité ou dans une région; » s'est.
engagée une discussion aussi intéressante qu'animée à
laquelle ont pris part, notamment, avec M. Léopold Delisle,
et les abbés
MM. Rebouis, de Boislisle, le chanoine Rance
et Vignat (2).
Muller
L'événement de la séance de clôture fut, sans contredit,
M. Renan. Quel auditeur oserait essayer de
l'allocution de
l'attraction exercée par le charme de la parole de '
décrire
l'orateur et tout spécialement par les souvenirs évoqués au
sa tant spirituelle causerie, qu'ils eussent trait au
cours de
tout éliséen des relig'ieux et professeurs de l'ancien
séjour
France, ou à la prédilection de l'éminent acadé­
collège de
pour la vie en province?
micien
Est-il, d'après M. Renan, bourgade, si obscure, si
puissent découvrir à l'état
délaissée, fùt-elle, où ne se
latent, et explorer à loisir, en fait d'imprimés, comme de
manuscrits anciens, des trésors sinon absolument inconnus
Paris où la vie du travailleur
au moins inaccessibles dans
s'épuise, se consume, on subit, faute d'air respirable et d'es-
pace, une inéluctable asphyxie? .
Dans sa conviction, étayée d'anecdotes intimes et piquantes

(1) V. Officiel du 14 juin, n° 2743', 3 col.
(~2) V. ibid. du 13 juin, p. 2712 3' col·. -

au plus haut degré, là, c'est-à-dire hors de Paris, et nulle
autre part, jaillissent les sources inépuisables, les sources par
excellence de toute supériorité en matière de travaux scienti-
fiques ou littéraires. .
Ainsi mise à souhait, en veine d'entrainement et de belle
hùmeur, l'assistance, encore plus nombreuse que de cou-
tume, ne fut pas moins alerte à saisir et à couvrir d'applau­
dissements aussi fréquents 'qu'unanimes, les allusions fort
spirituelles de M. le Ministre de l'Instruction publique à la
thèse paradoxale et d'autant plus séduisante, à laquelle
s'était complu, avec tant d'expansive iusistance, l'illustre
écrivain. Sa conclusion pratique n'impliquait-elle point la
translation à Tréguier, son pays natal, sinon même à Rosma- .
banion, en Perros-Guirec, de la biblï"othèque entière dli
Collège de France? .
un éloquent
Les applaudissements redoublèrent après
à la conciliation entre hommes
appel de M. le Ministre,
sans acception d'opi~.iohs politiques. Ce fut au nom
éclairés,
du pays, hélas! trop cruellement éprouvé, que M. le
Ministre réclama instamment cette conciliation, dût-elle
n'être que passagère et ne survenir que dans la sphère de
l'exploration des périodes successives de l'ancien régime,
pour y faire jaillir la vérité sur les hommes, sur les insti­
tutions et sur les gloires de l'époque (1).
. En somme, l'accueil fait aux délégués n'a pas été moins
gracieux qu'exceptionnellement brillant à la soîrée officiellè
dont fut suivie la séance de clôture du Congrès.
La conclusion de l'aperçu qui vient d'être présenté se
pressent facilement.
Elle peut ou plutôt elle doit se réduire à la réitération du
vœu qu'au temps ' d'arrêt marqué par la vingt~septième
session dans la décroissance du . nombre des membres ainsi
que des travaux des réunions annuelles, succède une ère de
progrès continu. .
Quimper, 29 aoù~ 1889. ,
HENRI HARDOUIN .

(1) V. Jou1'nalofficiel du 16 juin, p. 2783, discours de M. Renan, et p.
'lllH et S., discours de M. le Ministre Fallière!'! .