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Bulletin SAF 1889


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Fondation de l’Abbaye de Notre-Dame de Kerlot

Abbé Peyron

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FOND·ATION

DE L'ABBAYE DE N.-D. DE KERLOT (1).

(2) Pierre de Gégado, gentilhomme breton fort riche,
s'intitulant en 1637 « chevalier écuyer ordinaire de la petite
écurie du Roy, capitaine et garde côte de l'Evêché dé Cor-
nouailles »), était · seigneur de Kerlot, en Plomelin, de la
Boissière, en Pluguffan, de Trémillec, en Plomeur, de Lesivy
et Tromelin, en Mahalon, de Cloarec, en Pouldergat, de
Kervénargant, de Kerholein, Le Faouëdic et autres lieux.
Marié à une dame de Trecesson, mais sans enfants, il
songea vers l'an 1651 à employer une partie de sa fortune

en œuvres pIes. . .
Une de ses sœurs, Elisabeth de Gégado, professe de l'Ordre
de Citeaux dans l'abbaye de la Joie d'Hennebont, l'encou­
ragea dans l'accomplissement de ce dessein, et il fut convenu
qu'il fonderait une. abbaye de femmes de cet Ordre, dont
Elisabeth serait la première abbesse. Dès l'année 1651,
quelques mesures furent prises à cet effet, et « (3) comme
Elisabeth de Gégado était simple religieuse renfermée dans
recours à ses supérieurs, M. de Citeaux
un cloître, elle eut
et l'abbesse de N.-D. de la Joye, Mme Le Coigneux, sa tante,
pour obtenir de sortir de son monastère, afin de travailler à
cette fondation. )) Cette autorisation lui ayant été accordée,
elle se rendit chez son frère, accompagnée d'une autre reli­
la fondation fut arrêtée, et par acte du 26 mars 1652,
gieuse ;
passé en la ville d'Hennebont, par devant · Mes Marquer et
Mre Pierre de Gégado, seigneur de Kerholein, déclara
Frollo,

(1) Tous les éléments de cette notice appartiennent au fonds de Kerlot. '
Archi ves départementales, série H de la liasse 84 à la liasse 104.
(3) H. 189. Mémoire de M. de Molac.

qU'Cf ayant dévotion particulière de fonder et établir un mo­
nastère de religieuses de rOrdre de Citeaux », il donnait
pour doter le' nouveau couvent le tiers de tous ses biens
immeubles, la Coutume de Bretagne ne permettant pas qu'il
davantage; mais il demandait que sa sœur Elisa­
en donnât
en fût établie première abbesse cc avec le droit de pouvoir
verrait bon
nommer de son vivant telle coadjutrice qu'elle
être, pour succéder en sa place après son décès», à charge
de faire célébrer à perpétuité deux messes par semaine à
l'intention du fondateur. .
(1) Cette fondation fut acceptée par le Supérieur général
de l'Ordre le 10 juin 1653, lequel après information faite de
commodo et incommodo érigea ledit couvent en abbaye et
accepta Elisa1>eth de Gégadb en qualité de première abbesse.
Monseigneur de Cornouaille donna également son consen­
tement pour que cette abbaye fut établie cc en Pluguffan, au
lieu de Kerdavid ou autre, voisin de Kerlot ». Après qu'on
eut hésité quelque temps entre Kerdavid, la Boissière et
Kerlot, ce dernier manoir, situé en la paroisse de Plomelin,
fut définitivement choisi.
(2) En conséquence de cette érection, le 28 juin 1654, le
du tiers de ses biens pour l'exécu­
Sr de Gégado fit assiette
sa fondation, et le 22 juillet suivant (3) Mme Elisabeth
tion de
de Gégado était mise en possession du manoir de Kerlot
après
sans opposition. Mais ayant commencé quelque temps
à jeter les fondations d'une église, sa sœur Françoise de
Gégado, dame douairière de Pontlo, agissant au nom de

Mme de Trécesson, épouse du fondateur, Pierre de Gégado,

voulut faire opposition à cette libéralité, prétendant que les
biens donnés à l'abbaye formaient le douaire de Mme de
SI' de Gégado, de son côté, prit fait et cause
Trécesson. Le

(2) Ho 189. Mémoire cité

pour l'abbesse: la dame de Trécesson fut déboutée de ses
et le 19 août 1655 Mme .Elisabeth obtint une
prétentions,
d'appropriement pour tous les biens dépendant de
sentence
ahbaye~ Aussitôt les héritiers présomptifs du Sr de
son
Gégado déclarèrent s'y opposer; même opposition fut faite
par le Sr de Rosmadec, marquis de Molac (1), qui, remarquant
que Kerlot et les autres héritages du Sr de Gégado relevaient
de lui comme dépendant de sa châtellenie de Quémenet,
à l'appropriement du 19 août
déclara ne pouvoir consentir
1655, à moins qu'on ne lui payât une indemnité. cc Ce fut sous
cette couleur que prenant avantage de la faiblesse d'une
religieuse qui n'avait pas l'expérience des affaires du monde,
encore ni monastère bâti, ni communauté de
qui n'avait
religieuses établie dont elle put prendre conseil, il l'engagea
sans la connaissance et sans la participation de ses supé­
rieurs, à passer avec lui,. le 6 avril 1656, un. acte par lequel
Mr de Molac cédait à l'abbesse et à ses successeures tous
et basse jus­
ses droits de fief, juridiction, haute, moyenne
en les deux paroisses de Pluguffan et
tice, prééminences
Plomelin, moyennant 40,000 liv., payables (quand elle le
pourra, et successivement), à condition de plus que l'ab­
besse s'emploiera vers s'On Supérieur général pour obtenir
la permission, en faveur de la marquise de Molac et celles
qui lui succèderont, d'entrer dans le monastère toutes les
fois et quante que bon leur semble'ra, et que la dite marquise
pourra présenter une fille pour être reçue religieuse
de Molac
chœur aux frais du monastère, pourvu que ladite fille ait
la vocation». Par cet acte, Mr Pierre de Gégado, le fon­
dateur se portait caution du paiement des 40,000 liv.
Mais l'année suivante, avant qu'Elisabeth de Gégado eut
payé le capital ou même les intérêts de cette somme, elle
mourut en l'abbaye de la Joie d'Hennebont (21 décembre 1657).

Immédiatement, Françoise de Gégado, dame de Pontlo (1);
ainsi que son fils, le Sr Duval de Pontlo ou Pontloc'h, firent
opposition à la fondation: Mme Françoise de Gégado et
Mme . de Trécesson, apprenant que Mr de Gégado était
gravement malade, vinrent à Kerlot pour obtenir l'annulation
de la fondation, mais celui-ci ne voulut pas les recevoir (2).
Le Sr de Pontlo fut plus heureux, et obtint de son oncle
~évoquait pas la
mourant une sorte de procuration qui ne
Kerlot;
fondation, mais l'autorisait à occuper le manoir de
et, en effet, sans attendre même la mort du Sr de Gégado et
dès le décès de l'abbesse Elisabeth, le Sr de Pontlo (3),
« avec plusieurs gens armés, se saisit des biens réguliers
de l'abbaye, dont il chassa par force les domestiques, et fit
ab;lttre ce qui était bâti, et ruina jusqu'aux fondements
l'église, dont les murs étaient déjà achevés. »
« (4) Le bruit de cette invasion, faite avec irrévérence et
scandale, éclata dans toute la province et obligea le Sr Nicolas
Paget, abbé de Villeneuve, vicaire général de l'Ordre de
Citeaux, commis pour la visite des monastères de Bretagne,
d'implorer le secours de la justice pour sauver les reliques
de cette abbaye des mains profanes de ces usurpateurs,
présenta requête aux juges de Quimper pour faire dresser
procès-verbal de visite de la dégradation des lieux et faire
sequestrer les démolitions faites par le Sr de Pontlo. »
Nicolas Paget, en effet, se présenta à la porte du manoir
de Kerlot pour prendre possession de l'abbaye au nom de
l'Ordre de Citeaux, le 8 janvier 1658; mais le Sr Olivier 1
Salou, sénéchal de Quimper, ne put que constater dans son
procès-verbal l'opposition et le refus du Sr de Pontlo
d'obtempérer à la demande de cette prise de possession --

(2) H. 199, page 118.

Sur la'plail1te de ce dernier, une sentence du 19 janvier 1658

condamne le Sr de Pontlo à lui ouvrir les portes de Kerlot ;
celui-ci en rappela, et, SUl' ces entrefaites, le décès Elu Sr de
étant survenu dans le' courant ,de février, le Sr de
Gégâdo
Pontlo et sa mère, Françoise de Gégado, entamèrent un

procès devant le Parlement de Renne's, dont ils ob~inrent le
21 mai 1658 un arrêt par lequel, sans avoir égard à la fon­
dation faite, ,ils étaient maintenUs en la propriété de tous les
héritages du Sr de Gégado. Eu conséquence, le Sr de Pontlo
Kerlot et à forcer les fermiers de l'abbaye
continua à occuper
de lui en pay'er les rentes. "

Mais immédiatement le Sr Paget, abbé dEi' Villeneuve,
l'Ordre, portait la e-ause au Grand
défenseur' des droits de
Conseil à Paris, pendant que Mme Le Coigneux, abbesse de
l'abbaye de la Joie, agissait près de la reine-mère pour
obtenir un brevet d"abbesse de Kerlot en faVeur de' sa nièce
Anne Le Coigneux, religieuse cistercienne au monastère du

Pont-aux-Dames, au diocèse de Meaux.
Le brevet de la reine pour cette nomination fut obtenu le

21 octobre 1658, et le 16 décembre de la même année (1) Un
arrêt du Grand Conseil, 'rendu dans un sens tout contraire
l'arrêt du Parlement de , Rennes, autorisait Anne Le Coi­
gneux à prendre possession de Kerlot, en qualité d'abbesse.
Sur avis de cet arrêt, Anne Le Coigneux, qui était déjà

près de sa tante à Hennebont, partit pour Quimper le
26 octobre 1658 (2). Un mémoire nous donne les frais du
voyagé et nous montre l'abbesse pa:rtant d'Hennehont « ac-
compagnée de trois religieuses, d'une demoisélle 1 d'un
aumônier, deux hommes à cheval, deux laquais, avec carrosse
chevaux». A Quimper, elle descendit chez les reli­
à six
gieuses hospitalières de Saint-Catherine, où elle passa le .
janvier 1659. Dès son arrivée, le 31 décembre 1658,
mois de

(1) H. 189, page 106.

elle adressa requête au sénéchal de Quimper pour être mise
et le lendemain, 1 jour
en possession de l'abbaye de Kerlot,
de l'an 1659, Olivier Salou, Sr de Toulgoet, sénéchal de
rendait à Kerlot avec la dame Le Coigneux, où
Quimper, se
dressa le procès-verbal qui suit:
« ..... ayant voulu entrer en ladite maison, s'est présenté
Sr du Bogottaye, accompagné de Jean Prouhet,
René Poulain,
son principal procureur, qui a dit que sa belle-sœur Françoise
de Gégado n'avait aucune connaissance de l'arrêt dont se
prévalait la dame Le Coigneux, que Kerlot n'est pas une
abbaye comme on le suppose et qu'elle s'opposait à la pré-
tendue prise de possession. A ce moment a paru dame
Lestriagat, et Marie
Julienne de Jégado, dame douairière de
éga­
de Jégado, dame douairière de Crec'holein, s'opposant
lement à la prise de possession d'une maison qu'elles

possédoient par héritage de leur frère décédé, étant échue

et de dame de Trémillec,
des successions de Jean de J égado
~on épouse. Ledit sénéchal voulant nonobstant induire la
:lame de Coigneux en possession de ladite abbaye, l'ouver­
;ure en a été refusée, avons néanmoins induit ladite dame
m possession réelle et nous nous sommes retirés attendu
Iu'il y avait quantité de personnes armées en ladite mai-
;on. .. i)
Sur ce refus, le 14 janvier · 1659, Anne Le Coigneux
lemanda le renvoi du différend devant le' Grand Conseil. .
(1) Ce fut, cette année seulement, au mois d'août 1659,
Le Coigneux reçut les bulles de ROlI!e la nommant
lue Anne
lbbesse de Kerlot, bulles qui ne furent fulminées que le
1 mars 1660. Nantie de ce nouveau titre, la dame Le Coigneux
'oulut encore essayer de prendre possession de son abbaye;
nais cette fois elle crut plus prudent d'agir par procureur (2);
e 17 avril 1660 Julien Eon, prêtre d'Hennebont, en qualité

de procureur de la dame Le Coigneux, vint trouver Me René
Lagarde, notaire ecclésiastique à Quimper, pour le prier de
et pour
l'induire en possession de l'abbaye de Kerlot au nom
ladite dame; ils partent aussitôt, mais cc arrivés, dit le
à environ trois cents pas de la maison, avons
procès-ve" rbal,
vu la porte cochère et le guichet fermés, et ayant demandé
à des passants s'il y avait du hasard pour aborder ladite
maison, ils nous auraient dit qu'il y avait des gentilshommes
et autres enfermés en ladite maison, qui la gardaient avec
fus:ls et autres armes, longtemps il y a; et crainte de se
commettre en le hasard de la vie, avons mis ledit Eon en
et avons dressé le présent procès­
possession de ladite abbaye,
verbal
Par arrêt du Grand Conseil du 10 juin 1660, ordre fut "
mettre Mme Le Coigneux en possession de Kerlot
donné de
nonobstant les oppositions du Sr de Pontlo, et par arrêté du
Conseil d'Etat du 24 septembre 1660 M. "Aumont, conseiller
chargé de l'exécution des ordres
au présidial de Quimper, fut
Grand Conseil. Mme Le Coigneux, croyant cette fois

avoir raison des opposants, voulut se présenter personnel­
lement pour prendre possession; le 9 octobre 1660 elle partit
de l'abbaye de la Joie, en litière, avec une religieuse, suivie
d'un religieux à cheval, de quatre soldats à cheval, avec
et deux hommes pour conduire la litière. Comme
deux laquais
premier voyage, elle descendit au couvent de Sainte­
Catherine, mais cette fois elle y prolongea son séjour jusqu'en
aavril 1661.
Le lendemain de son arrivée, le 10 octobre, elle partit à
la suite du Sr Aumont pour prendre enfin possession de
Kerlot. Voici le procès-verbal qui fut dressé à cette occasion:
c( (1) Nicolas Aumont, Sr du Stercou, conseiller du roy au
présidial de Quimper, faisons savoir que ce jour 11 octobre

1660, environ les sept heures du matin, se sont présentées
chez moi noble et dévote dame sœur Anne Le Coigneux,
religieuse professe de l'Ordre de Citeaux en l'abbaye du
Pont-aux-Dames, abbesse de l'abbaye de Kerlot, Françoise
de Lopriac, autre religieuse du même Ordre, assistées de
frère Etienne Bidard, bachelier en théologie, confesseur à
l'abbaye de la Joye, de Me Jean Gouesnou, leur procureur,
et Me Michel Le Picard, leur avocat, nous ont présenté un
arrêt du Grand Conse:l du 10 juin 1660 et un arrêté du
Conseil d'Etat du 24 septembre 1660 nous requérant d'ac­
cepter la commission de lesmettre ,à exécution et, ce faisant,
de descendre à l'abbaye de N.-D. de Kerlot pour les induire
en possession de ladite abbaye .
« A quoi inclinant, avons monté à cheval accompagné des

dites dames et autres que dessus, nous sommes tous rendus
aû proche des murailles et remparts de la Clôture dudit
manoir de Kerlot, où étant avons dabord rencontré un cava­
lier monté sur un cheval blanc qui a tiré un coup de pistolet,
et approchant de plus près avons vu en éminence sur lesdites
murailles Michel Poulain, Sr du Val-Pontlo, le fils cadet du

Sr de Pontlo, Me Jean Nédélec, avocat, Me Nicolas Le Boyer,

procureur, Louis Le Roi, Jacques L'Estang, notaires, Ma-
thurin Gourven, sergent, et Salmon, père de la dame
Salmon, Pasque Guen, et plusieurs autres personnes à nous
inconnues, étant au nombre d'environ quarante, tous -armés
d'épées, fusils, mousquetons et pistolets; desquels, lesdits
Srs Poullain, Nédélec et Royer nous ont demandé le sujet de
notre descente, leur ayant fait entendre qu'il s'agissait de
l'exécution des arrêts susdits, qu'avons montrés par origi­
naux, et fait sommation d'ouvrir les portes, nous ont pour ré-
, ponse fait refus en disant et jurant que si nous eussions approché
plus près des portes ils nous eussent tiré des coups de leurs
armes; blasphémant le saint nom de Dieu et disant en ces

termes: arrêtez-là ou vous êtes morts, vous et votre com-

pagnie, nous proférant d'ailleurs et à ladite dame plusieurs
et indignes d'être mises par écrit.
injures atroces
« Sommés plusieurs fois d'obéir aux ordres du roi, n'ont
fait qu'augmenter leurs menaces, les fusils et pistolets pointés
et prêts à décharger sur nous ... ce qui nous a contraints à
nous retirer pour éviter l'effet de leurs menaces ... »
" Cet acte de rebellion fut dénoncé au Roi, qui, le 7 dé-
cembre 1660, donna ordre au gouverneur de Quimper d'em­
ployer la force armée pour mettre l'abbesse en possession
En exécution de ces ordres, le sieur Charles de
de Kerlot.
Quernesne, marquis de la Roche, gouverneur de Quimper,
partit le 18 février 1661 accompagné de plusieurs gentils-
hommes, de Ml' le baron de Querméno, 'son gendre, et des
marquis et comte de la Roche, ses enfants; « arrivés à
Kerlot, dit le procès-verbal, avons cherché l'entrée de ladite
maison, frappé à la porte et demandé le sieur de Pontlo. Un
inconnu nous aurait répondu, sans ouvrir la porte, qu'il était
fondé en arrêt postérieur à ceux , de la dame Le Coigneux
d'exécuter les pre­
du Conseil privé du Roi, lui défendant
miers arrêts; lui avons fait nonobstallt trois cotpmande" ments'
, exprès d'obéir; n'ayant pas voulu s'y rendre, nous avons,
dressé procès-verbal de rébellion pour en instruire S." M. »)
" Le Sr de Ponlo, payant d'audace et jouant le rôle de vic-
"time, écrivait en même temps au roi pour se plaindre des
de la part de la dame Le
violences dont il était l'objet
Coigneux, qui « serait venue à main armée et à graIide
troupe de gens, surprendre la maison de Kerlot, au préju­
dice du suppliant. ») (1) C'était un moyen de gagner du
et au mois d'avril 1661, Mme Le Coigneux, désespé-
temps,
rant d'être miseprochainement en possession de son abbaye,
quittait le couvent de Sainte-Catherine pour retourner à
l'abbaye de la Joie. Cependant, le Roi, indigné de la mau-
• ECO , •

vaise foi et de l'obstination du Sr de Pontlo, adressa, le
10 mars 1662, cette lettre au Sr de la Melleraye :
« Mon cousin, ayant appris qu'on avait fait rebellion à la
repression que vous avez ordonnée à M. de la Roche, gou­
verneur de Quimper, je vous prie de donner de nouveaux
ordres pour mettre en possession de son abbaye Mme Le
Coigneux. »
En conséquence, le 1 mai 1652, le duc de la Melleraye,
lieutenant général pour le Roi en son pays et duché de
Bretagne, ordonnait, de par le Roi, au SI' de la Boissière,
l'un des sergents de la garnison de Port-Louis, de se trans­
porter à l'abbaye de Kerlot pour faire exécuter les arrêts
du Grand-Conseil et mettre en possession de ladite abbaye
Mme Anne Le Coigneux.
partit d'Hennebont le 6 mai, accompagnée du
Celle-ci
Sr de la Boissière, avec six hommes de la garnison de Port­
Louis, auxquels devaient se joindre quatorze soldats de la
garnison de Concarneau. Mme Le Coigneux descendit encore
aux Hospitalières de Sainte-Catherine, avec une religieuse
et une demoiselle de compagnie; elle y demeura cette fois
jusqu'au mois de décembre de cette même année, car le
moment n'était pas encore venu pour elle d'entrer en pos-
session; les vingt hommes du Sr de la Boissière ne réussi­
rent pas à intimider les défenseurs de Kerlot, et le Roi
donnait de nouveaux ordres pour se faire obéir, le 12 juin
1662. Le procès-verbal suivant nous apprend comment ils •
furent exécutés et entendus.
« Mre Charles de Kernezne, chevalier du Roy, gentilhomme
ordinaire de sa chambre, seigneur marquis des marquisats
de la Roche et de Coetalmoal, baron de Laz, vicomte de
Curru, comte de Gournois, seigneur châtelain des châtel­
lenies du Keruzas, Pennanec, Languevois, gouverneur pour
S. M. des ville, cité, châteaux de Quimper-Corentin,
evêché de Cornouailles.

Savoir faisons qu'ayant reçu les ordres de S. M. en date
du 12 juin 1662, avec la lettre d'attache de Mg!' le duc de
la Melleraye du 15 juin, par lesquels ordres S. M. veut et
entend que la dame Anne Le Coigneux soit mise en posses­
sion de l'abbaye de N.-D. de Kerlot ... Conformément à la
volonté du Roi, nous serions . partis incessamment de notre
château de Trévaré, en notre paroisse et baronnie de Laz
9 juillet 1662 et serions arrivés le même jour en la ville de
Quimper-Corentin, et le lendemain 10, nous nous serions
transportés en l'abbaye de Querlot, avec le R. P. en religion
Estienne Bidard, docteur en théologie et confesseur
frère
ordinaire des dames religieuses de l'abbaye de la Joye
lez-Hennebont, et du Sr de la Boissière, sergent dans la
garnison du fort Louis et autres gentilshommes de notre
et maison, où estant arrivé aurions frappé par trois
suite
la porte, · auquel bruit seroient intervenues
diverses fois à
quelques personnes d'abord à nous inconnues, auxquelles
par le Roy de vider la maison eux
aurions fait sommation de
et tous autres qui occupaient ladite abbaye, l'un desquels
auroit répondu ne le pouvoir faire à cause des défenses
nous
que son maître lui aurait faites de n'ouvrir à personne, ce
qu'ayant pris pour" refus, aurions de rechef sommé par deux
fois consécutives les susdits de nous ouvrir la porte pour y
establir ladite dame Anne Le Coigneux; sur quoi un d'eux
aurait déclaré qu'il ne le pouvait pour les mêmes raisons
nous
et que le pouvoir duquel nous nous servions
que dessus,
n'était qu'une surprise que l'on a faite à S. M. A quoi nous
aurions répondu que S. M. ne se laissait pas surprendre,
et qu'il devait obéir à ses commandements qu'il lui faisait
savoir par nous. Laquelle personne voulant apporter plu­
sieurs raisons pour sa défense et ne pouvant nous les expri­
mer, serait intervenu le Sr du Val Pontloc 'h, cadet du Sr de
Kerolain Pontloc'h, lequel jusqu'à présent nous aurait été
inconnu et nous aurait dit qu'il ne pouvait nous délaisser

ladite abbaye, que S. M. avait. été surprise et qu'il attendait
dans quelques mois un arrêt . plus favorable, auquel nous
reparti qu'il ne s'agissait point d'arrêts dans nos
aurions
ordres, mais bien de nous saisir de sa personne et autres
qui occupaient ladite abbaye par force et violence, d'assem- .
bler les communes pour cet effet et faire b~ttre le tocsin,
lesquelles choses lui aurions fait entendre comme très dan­
gereuses pour lui et l'aurions averti de ce reconnaître
et de ne s~ point rendre criminel de lèse-majesté, comme il
allait faire ne nous ouvrant pas la porte; ce que n'ayant
voulu considérer "ni ouvrir la porte, nous lui aurions déclaré
pour la dernière fois que nous allions nous servir du pouvoir
et autorité que S. M. nous avait mis en mains et l'aurions
et rebelle ce qui nous aurait obligé à
déclaré criminel
nous retirer en l'avertissant qu'il donnait des marques de sa

rebellion, non seulement pa,r ses .paroles, mais encore par
les fortifications nouvellement faites dans ladite abbaye,
parapets au-dessus de la
comme d'une guerite, de plusieurs
grande porte et aux environs d'icelle, qui a été depuis peu
murée de pierr~s de taille, avec des canonnières en tous les
la maison;
endroits de
Et nous retirant avec notre suite pour nous acheminer à
Quimper-Corentin, aurions pris notre chemin par le derrière
de la maison pour mieux connaître la situation du lieu, où
passant, le Sr de la Boissière estant avec nous, et le reste
de notre suite estant un peu plus écarté, on aurait crié de
ladite abbaye par l'une des fenêtres murées, en montrant des
mousquets: arrêtez-vous, retirez-vous, autrement
fusils ou
nous tirerons. Ce que voyant et entendant, ledit Sr de la
Boissière leur aurait dit qu'ils prissent bien garde à ce qu'ils
faisaient, et que c'était une action trop hardie en la présence
de leur gouverneur, lequel nonobstant . n'aurait laissé de
passer avec ledit Sr de la Boissière, le reste de notre suite
ayant été contraint de s'écarter pour ne se pas commettre à

l'insolence desdits fusilliers, et après avoir fait et vu' ce que
rendus à notre hôtel, en
nous désirions, nous nous serions

la ville de Quimper-Corentin; et advenant le 11 e jour de
juillet, aurions tenu assemblée de ville, où ayant fait con­
aux nobles bourgeois de ladite ville les ordres du roi,
naître
leur avons commandé qu'ils eussent à se mettre en état de
prendre les armes et nous suivre au premier commandement
que nous leur aurions fait. Lesdits habitants nous ont
demandé un mois de délai; à quoi nous aurions reparti qu'il
n'était pas en notre pouvoir d'apporter une surcéance aux
habitants et à tous
volontés du roi ... avons ordonné auxdits
autres de ne point fournir aucuns vivres, ni munitions de
guerre, ni autres assistances audit Sr du Val-Pontloc'h ;
laquelle ordonnance aurions fait publier à son de tambour
dans tous les carrefours de la ville et faubourgs de Quimper,
et fait savoir à toutes les paroisses circonvoisines la teneur
de notre dite ordonnance, et se tenir prêts à obéir aux ordres
S. M. A quoi ne voyant pas qu'ils se disposassent, nous

aurions été obligé de convoquer de nouveau l'Assemblée de
ville le 13 en laquelle ils nous ont fait connaître le privi-
lège de la ville de Quimper de ne pas sortir sa milice, si ce

n'est contre les ennemis de l'Etat. Nous rendrons compte au
Roy de tout ce ... ))
Voici cette délibération de la communauté de la ville de
Quimper, à laquelle il est fait ici allusion :
« (1) Jeudi 1? juillet 1662, délibération de la Communauté
de la ville de Quimper. M. de la Roche, gouverneur, com-

muni que les ordres de S. M., transmis par le Sr de la Melle~
raye, pour mettre l'abbesse de Kerlot en possession de son
la part de ceux qui sont
abbaye, et, en cas de résistance de
dans la maison, de faire sonner le tocsin et assembler les
communes pour les obliger par main militaire à vider la
maIson.

La Communauté de Quimper ayant observé que les ordres
de S. M. ne lui sont pas adressés directement, qu'elle est
obligée d'ailleurs à la conservation de ses murailles, qu'elle
est du nombre des communautés qui, par privilège, ne sont
pas obligées d'abandonner leur ville si ce n'est pour repous­
ser les ennemis de l'Etat, et qu'elle ne suppose pas qu'on
Pontlo, prie le Gouverneur de
y comprenne le marquis de
l'excuser de ne le point accompagner; mais qu'elle n'empê­
chera pas que ledit Gouverneur fasse battre le tambour
pour inviter les volontaires à le servir et suivre en cette
occasIOn.... »
(1) Le Roi, informé de cette -nouvelle rébellion du Sr de
Pontlo, ordonna, par arrêt du Grand-Conseil du 30 octobre
« qu'il fut permis à la dame Le Coigneux de faire
et violences con-
informer des voies de rébellion exercées
tenues dans les procès-verbaux du marquis de la Roche,
et de faire assigner Françoise de J égado et son fils Pierre
Poulain, Sr de Pontlo, à notre conseil ». En même temps
le roi ne pouvant compter sur les bourgeois de Quimper
Sr Jacques Malenoë, lieute­
écrivait le 6 novembre 1662 au
nant au Portlouis « de se transporter avec main forte à
l'abbaye de Kerlot pour en mettre en possession madame Le
Coigneux. » Cette fois le Gouverneur du Portlouis, prenant
cent hommes et deux canons, se rendit à Quimper le 30 no­
vembre 1662, d'où il fit sommer le Sr de Pontlo d'avoir sous
jours à, se rendre près de lui à Quimper. Le Sr de Pontlo
voyant ce déploiement de force ne jugea pas prudent de
la résistance et vint trouver le Sr de Ma­
pousser plus loin
lenoë à son hotellerie à Quimper, où il declara qu'il cédait
à la force et abandonnait la maison de Kerlot sans préjudice
de ses droits. En sorte que le 2 décembre, lorsque le Sr de
présenta avec la dame abesse pour la prise de
Malenoë se
la porte du manoir était en effet ouverte, mais
possession,

tous les meubles ou emportés ou brûlés. Si bien que la
dame Le Coigneux en attendant que tout fut ~emis en état
fut obligée de résider encore quelques jours à Sainte-Ca­
therine d'où elle fit venir d'Hennebont 4 religieuses et 1 re-
ligieux pour établir enfin une communauté dont le premier
acte de fondation datait déjà de plus. de dix ans. .
Mais pour être enfin entrée en possession de Kerlot, l'ab­
besse n'en était pas quitte des 'poursuites et violences du
Sr de Pontloch qui ne voulait pas abandonner ses préten­
tions sur ce manoir. C'est ainsi qu'il se crut obligé de pro­
tester par huissier contre l'enterrement des religieuses dans
la chapelle ou dans les dépendances de Kerlot.
(( (1) Sur ce qu'il est venu à la connaissance du Sr de Pontlo
que Sr Anne Le Coigneux, religieuse de l'abbaye de Pont­
aux-Dames, qui à main armée est entrée dans la maison de
Kerlot étant pour cet effet venue jusqu'au point d'y amener
du canon de la forteresse de Port-Louis, avec quelques
. compagnies de gens de guerre du régiment de Champagne
commandé par le Sr de Malno, a fait venir dans ladite
par ce
Maison de Kerlot des religieuses moribondes, afin,
moyen de trouver moyen de les enterrer en la chapelle dudit
Manoir, .et de la faire consacrer comme une chapelle de

au préjudice des droits dudit Sr du Val et de ses
religieuses,
co-héritiers, qui sont les propriétairesdudit Manoir, l'ayant
reçu de l'héritage de feu Périne de Jégado, leur mère, ce
qu'ils font opposition qu'aucune religieuse ne soit
qui fait
enterrée audit Manoir, hi ses dépendances ... (ni que l'Evêque)
bénisse aucune appartenance de ladite Maison pour servir
de cimetière .... ))
Ce qui était plus grave, c'est que le Sr de Pontlo né
pouvant se résigner à voir la Maison de Kerlot occupée par
la dame Le Coigneux, s'adjoignit quelques g~ns sans aveux
et BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. - TOME XVI. (Mémoires).

parcourant à mains armées les. moulins et fermes dépendant
de l'abbaye de Kerlot, rançonnant les fermiers et les obli­
geant, par toutes sortes de mauvais traitements, à verser en
ses mains le prix des fermes dû à l'abbesse. Cet état de chose
devenait intolérable; Mme Le Coigneux porta plainte et, le
novembre -1663, elle obtint du Grand-Conseil un arrêt
ordonnant d'infOrmer contre les violences du Sr de Pontlo et
de ses complices. De plus, le Roi, le 19 janvier 1664, ordon­
nait au Sr de la Melleraye » de se transporter sur les lieux, en
personne ou par tels officiers et soldats, en tel nombre qu'il
jugera nécessaire pour que la force demeure à S. M. et à sa
justice. » En conséquence, le Sr de la Melleraye fit injonc­
tion, le 24 janvier, au Sr Gouvello de Vaucouleurs, comman-
dant à Concarneau, d'exécuter ladite ordonnance.
En même temps, le 1 mars et jours suivants, enquête était
faite sur les déprédations et brigandages du sieur de Pontlo
et complices. Cette enquête volumineuse (1) commence
amSI:
« Le 2 mars 1664, M. Paul du Vergier, Sr de Mesguen,
conseiller du Roi, premier magistrat de la Cour royale
d'Hennebont, à la requête d'Etienne Bidard, confesseur des

religieuses de l'abbaye de la Joie, chargé de l'enquête sur
les exactions du Sr de Pontlo aux environs de Kerlot, logé à
Quimper à l'hôtellerie de Notre-Dame, vis-à-vis la grande
Eglise, nous sommes, le 3 mars, rendus à l'abbaye de Kerlot,
à la porte de laquelle nous avons trouvé la dame Le Coigneux
assistée de trois religieuses, laquelle nous a prié d'enquérir
. sur les lieux; les témoins n'osant se transporter à Quimper "
à cause des viole~ces qu'ils ont reçues et reçoivent journel­
lement des Srs Pontlo Kerolain et Duval Pontlo, son frère,
qui résident ordinairement audit Quimper .... Le '* mars,
nous sommes rendus au Runnec, à demi-quart de lieue de
Kerlot, où nous avons trouvé Mre François de Vaucouleurs,
Ul H. 199.

commandant à Concarneau, lequel nous a déclaré que,
ordre de S. M., il s'était rendu audit lieu pour nous
suivant
prêter main-forte.... »
L'enquête continue, grâce à cette protection efficace, et le
brigandages du Sr de Pontlo, ordonne,
. Roi, informé des
21 avril 1664 (1), « que le sieur de Pontlo Kerolain, Petit­
Jean, son domestique; Louis et Rolland Péron, teinturiers
à Quimper; La Montagne, valet du Sr Lestriagat; le fils de

Lîbertin; le frère cadet de Ladonne, nommé Dupuis; Duguet
et Cornet, sergents, tous complices dudit Pontlo, seront pris
au corps et amenés sous bonne garde ès-prisons de notre
pris et appréhendés peuvent être. »
Grand-Conseil, si
Il faut croire que cette ordonnance n'eut pas son plein
effet, car nous voyons, deux ans plus tard, le 2 mars 1666 (2),
le Sr de Pontlo envoyer des notaires à Kerlot pour signifier
à Mme Le Coigneux qu'il s'opposait à la bénédiction
d'abbesse que s'apprêtait à lui donner Monseigneur de Cor­
nouaille. Le procès-verbal des notaires constate qu'à cette
« cette dame a fait fermer la porte et a refusé de
sommation
faire aucune déclaration, disant qu'il n'étoit pas besoin que
Sr Duval eut entrée, parce que la cérémonie de sa béné­
diction lui feroit mal au cœur. » Malgré cetté bravade,
l'abbesse "de Kerlot ne se sentait pas en sûreté dans un mo­
nastère isolé, exposé à un coup de main des Srs de Pontlo ;
elle se résolut donc à transférer l'abbaye dans les faubourgs
de la ville de Quimper. Le 20 mars 1667, elle ad.ressa une
à Monseigneur de ' Cornouaille, qui
requête dans ce sens
approuva ce projet, et la communauté de ville de Quimper,
par sa délibération du 10 juillet 1667, autorisa l'établissement
des religieuses de Km'lot au manoir de l'Isle, en la paroisse
Saint-Mathieu.

Ce fut par contrat (1) du 9 décembre 1667 que les dames
la demoiselle
de Kerlot firent l'acquisition de ce manoir de
Marg\lerite Faucheur. Enfin, le 10 décembre 1667, elles
obtinrent du Roi des lettres-patentes, les autorisant à quitter
Kerlot pour Quimper. Nous les donnons presqu'in-extenso,
car elles renferment des renseignements assez curieux sur

les raisons qui motivèrent cette translation.
« (2) Lettres patentes du 30 décembre 1667. Nous ... Roi
de France ... à tous présents et avenir, salut. Nos chères et

aimées les abbesse et religieuses de l'abbaye de N. -D. de
Kerlot de l'Ordre de Citeaux nous ont fait connaître que .
ladite abbaye est située à une grande lieue de la ville de
sur un grand chemin, exposée
Quimper-Corentin, toute seule
est au contre des décrets
à toutes sortes d'accidents, ce qui
de tous les conciles .. '. et encore contraire à la sûreté de ladite
estant
abbaye, notamment à cause de notre armée navale
souvent à Brest, qui n'est qu'à trois lieues de ladite abbaye,
les soldats viennent jusqu'auprès ,d'icelle et font quelquefois
beaucoup de désordre dans les lieux en dépendant, et que

sa situation est fort malsaine, y ayant un grand lac d'un
côté et un grand bois de l'autre, ce qui cause souvent des
maladies dans ladite abbaye et même si dangereuses qu'il y

est mort déjà qUal)tité de religieuses et domestiques, et toutes
ces incommodités empêchent qu'il ne s'y présente des filles,
ait quantité dans la ville de Quimper et ez-environ
quoiqu'il y
er leurs jours clans ladite abbaye, si
qui souhaiteraient pass
elle était dans un lieu plus sûr et plus propre pour la santé,
Ce que les exposantes ayant fait connaître tant à l'Evêque
Sr abbé de Citeaux, ils leur avaient
de Cornouaille qu'au
permis de transférer la fondation de ladite abbaye, à quoy
la ville de Quimper ayant aussi
les syndics et habitants de
consenti, et à cette fin assigné un lieu clans un des fauxbourg

de la ville, les exposantes y ont acquis un emplacement
et elles nous ont très humblement requis de
convenable,
leur pourvoir de nos lettres sur ce nécessaires. (A ces
sont autorisées· à s'établir à Quimper avec les
causes, elles
privilèges et droits attachés à leur établissement de Kerlot),
à charge qu'elles sont tenues de faire les mêmes prières à
Quimper pour la prospérité, santé et conservation de nos
États, qu'elles étaient obligé·es faire à Kerlot. »

L'établissement de l'abbaye à Quimper assura aux reli­
gieuses une sécurité qu'elles n'avaient pas à Kerlot, mais ne
termina pas le différend entre elles et les héritiers du Sr fon­
dateur. Le Sr Pierre Poullain, Sr de Pontloch, échappa par •
la mort au bannissement auquel il avait été enfin condamné;
(1) mais Guillaume de Pontloch, son frère, continua les
cependant qu'il
procédures contre l'abbaye de Kerlot; voyant
lui · serait impossible de faire annuler complètement la fQn- .
dation, il changea de manière de procéder et, ce qui de prime
abord peut paraître étrange, il espéra l'entraver précisément
en ne contestant plus à Anne Le Coigneux la légitimité de

titre d'abbesse. .
son
En effet, comme nous l'avons dit en commençant, par acte
passé le 6 avril 1656, Mr de Molac, châtelain de Quemenet,
à l'abbesse ses droits de fiefs sur Kerlot, moyennant
cédait
. le paiement de 40,000Iiv. garanti par le Sr fondateur. Ce
paiement n'ayant pas été effectué, et à la mort du Sr Pierre
de Gégado et de sa sœur Elisabeth, les héritiers contestant
droits· d'Anne Le Coigneux, à l'abbaye de Kerlot, ce fut
les
à eux que s'adressa Mr de Molac pour réclamer l'indemnité
40,000 fI'. comme répondants de l'actif et du passif de la
des
succession de Pierre de Gégado. Aussi après avoir inutile-
ment, pendant dix ans, contesté à la dame Le Coigneux sa .
qualité d'abbesse, déboutés par plusieurs arrêts de leur pré­
tention, ils durent ressentir une certaine satisfaction à laisser

la propriétaire de Kerlot aux prises avec les revendications
d'indemnité du marquis de Molac; celui-ci, en effet, s'adressa
dès lors à rabbesse pour lui réclamer les 40,000 liv. qui lui ,
étaient dues par l~ contrat du 6 avril 1656; il s'en suivit un
procès qui ne dura pas moins de trente ans et ne fut terminé
que par une transaction du 19 juillet 1699, par laquelle
rabbesse de Kerlot, Mme Elisabeth Sachot consentait à payer
au marquis de Molac une indemnité réduite de 40,000 à
22,000 liv. Il ne fallut donc pas moins de 50 ans pour aplanir
toutes les difficultés parfois étranges soulevées à r occasion
de cette fondation dont le récit m'a paru devoir intéresser la
Société archéologique comme monument caractéristique de
notre histoire locale au XVIIe siècle.
L'ADnÉ PEYRON .