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Bulletin SAF 1888


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Les sépultures préhistoriques de Keroullou (Esquibien)

M. Le Carguet

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XXIII.
LES SÉPULTURES PRÉHISTORIQUES
DE KEROULLOU, EN ESQUIBIEN.
Le Cap-Sizun, dans toute son étendue, de la rivière d'Au­
dierne à l'extrémité de la pointe du Raz, sur toutes les pointes,
où la pêche pouvait suffire aux besoins de la vie, sem ble
avoir été occupé par une nombreuse population néolithique .
. Chaque jour, la culture y fait découvrir des stations et des
monuments de cette époque. Mais les labours, qui occasionnent
les découvertes, les font aussitôt anéantir. Que de documents
sont ainsi perdus pour l'étude des peuples préhistoriques!
Une des occupations les plus importantes se trouve à la
de Lervily, qui borne, à l'ouest, la baie d'Audierne. Là
pointe
se voyaient, il n'y a pas encore un demi-siècle, le gaigal de
Bec-ar-Radennec, le peulvan de Créac'h, haut de 7 mètr'es,
et les deux dolmens de Keriapoc, à Pors péré, dont les tables,
malgré leurs dimensions énormes de 4 mètres de côté, ser-
vaient, d'après les légendes, aux Korriquets, à jouer aux palets,
par le travers de la baie, sur les dolmens et les menhirs du
So'c'h, en Plouhinec.
Yiais, sans contredit, lfl monument le plus important de
Lervily était le cimetièr.e de Keroullou, malheureusement
détruit, il ya vingt-cinq ou trente ans. Cependant les sou ve-
nirs des personnes qui en ont fait la démolition et les vestiges
que j'ai recuillis sur place m'ont permis de le caractériser ét
d'en donner une description assez précise.
Voici le résultat de mes recherches:
Ce cimetière, appelé les « Karniguellou ", occupait le point
le plus pittoresque de tout le Cap-Sillll1, Placé sur une r.olline
élevée de 50 mètres, entre la baie d'Audierne, à l'est, et l'arise
du Cabestan, à l'ouest, il dominait la merl de la pointe d~

Penmarc'h à c(~lle du Raz. De là la l'Ile s'étend partout sur
l'Océan et 1'011 y est fl'appé du contra~te que forment les eaux,
relativement calmes et abritées, de la baie d'Audierne, avec les
remO llS et les courants du Raz-de-Sein.
Lors de ~a destl'llction, ce cimetière se composait de deux
tumuli, dont l'nn, t' du phn, avait environ ;=i mètres de
diamètre et était. englobé dans la clôture d'un champ.
L'autre T, iarge de 25 à 30 mètl'es, avait été entaillé au
nord, et sc tl'ouvait, en partie, sous culture. La lign~ angu­
leuse du plan indique le fossa qui le traversait. Ce tertl'e
avait élé nivelé et ne présentait plus que 2 environ de
hauteur. A son som m et., quatre pierres debout, orientées aux
quatre points cardinaux, mesurant 1 95 de hauteur et ressor-
tant de la butte d'environ Om50, formaient un carré de 4 mètres
de côté. Entre ces picl'res, mais entièl'ement recouverte de
ten c, "e trOll l'ait une table l'en versée, me3\lrant :2 mètres. Ces
pierres indiquaient-elles une galerie démolie ~ Je n'ai pu le
déterminer.
Tel était l'a~pec t extérieur él.u monument.
voici ses di"positiol1s int.él'ieures :
Les deux tertres étaient faits de pierrailles rpcouvrant des
terres fines rapportées.
la g rande butte, se trouvait un kiste fait de
Au centl'e T de
quatre pierres et recouvert d'llne dalle qui débordait le coffre
Om15 de chaque côté. Ses dimensions mesuraient
c1'envil'on
1 m50 sur Om85, et Om80 de profondeur. La dalle qui formait
J'extrémité sud du cet'cueil pouvait. s'enlever, mais elle s:aclap­
taiL hermétiquement aux autres parois, par des raîl1 Il l'CS. Il
contenait un squelette de forle taille, reposant sur un lit de
sa ble, la tète '·ers l'ouest, dans le décubitus latéral droit, avec
les membres pel viens repliés, fau te cl 'espace. La Wte éta il
coiffée cl'un e espèce de calotte brune, qui est tombée en pous­
sière au premier contact. Pareil fait a été l'l'marqué clçlIlS up'~
~utre sépulture de Lervily ouverte en 1882,

A peu de distance de cette sépu lture, vers l'ouest, se trou l'ait
un aut.re cercueil, plus petit, renfel'ruant dix ou douze cl·ânes
et des ossements, rangés sur une couche de sable.
Le tumulus renfermait. encore plusieul's autl'es sépu ltures
ayalltles mêrues caractères.
Tous ces kistes étaient orientés N .-0 . S.-E. et ne con tenaient
pas de terre. Ils étaient fOl'lnés de quatre pierr,es, posées, de
champ, sur le sol m ême, et étançonnées (Jar des ca illoux.
Autour d u grand tumulus, et rangés en ce r'cle, se trouvaient
plu~ de quatre-vingts coffrets, parfois contigus, pal' fois situés
à des di stan ces inégales, mais ne dépassant pas 1 m èll'e. Au
contraire ces cercueils du tumulus, ils étaient enfol1(;és en
terre de Q 25, mais, comme eux, ils étaient fonnés de Cf uatre
pierres et l'ecou\'erts d'une dalle. Les pierres des ex tl'émités
avaient été polies (Jar fl'Otlement; quelljues-unes étaiellt
creusées en for'me de chevd, comme dans la sépulture de
Roscriben, à Audierne. Les coffrets de l'est et du nord étaient
les plus gL'ands et mesuraient en viron omg), sur (Jm;)5. Ceux
de l'ouest étaielll de moindr'cs ditllensions , Le plan repl'Odt.:it
le plu s (JE ·tit, qui ex is te el1,;ore, el m ontre la pose obliqu~ des
deux extrém it és ,
Toute~ ces sépu ltures étaient oL'ientées N .-O. et S.-E. Elles
contena ient su rtout des ossements d'enfants déposés SU I' un
lit de sable et avaient été comblées par une ten e fine et noire.
Une seule sépulture, iodiquée au plan par la lettre V, était
vide. Au fond était disposée une cOtlche de sable sur laquelle
se trou "aient trois galets . Cette sépultul'e était faitP- avec plus
de soin que les au tres et semblait préparée pour une prochaine
inhuma tion .
Les clôtures des champs env irùnnants recouvraien t aussi
des coffrets semblables qui sont indiqués au plan par la lettre S.
Les ossemen ts ont été recueillis pa l' feu M. Stanguennec,
recteur d 'Esquibien, et déposés dans le cimetière du bourg.

Voici maintenant la liste des objets que j'ai trouvés aux
Karn ig uellou :
1° Plus de cent dalles et supports ayant fait partie des kistes
et dolmens et qlli m'ont ser vi à déterminer les dimensions des
sépu 1 tures ;
2 Des galets brisés et des pierres brùlées ;
3° Fragment de hacbe en diorite ( no 1 du plan), en forme
de bourrelet aplati, préserJtant en X Y une coupe elliptique
dont. les axes sont Om040 et Om065 ;
4 Hache en tière en diorite (na 2) dont, les axes de la coupe
mesurent Om050 et Om075 ;
5° Fragment. de hache en diorite ( no 3) à bords fortement
équarris;
6° Pointe de silex triallgulaire, retoucb,ée su r une seu le face ;
l'au tre face faite par le plan d'éclatement; la base amincie et
quelque peu év idée ; ,
7 Fragment de vase f'all S rebord , or'né 'Cl'impressions au
doigt, au pourtour de l'ouverture;
8 Fragment de meule ( M), creu~ée de Om05 à son centre par
le mouvement de va-et-viE'nt, en ligne droite de la molette ;
go Mellie (P) usée su r toute sa surface et presque plane.
Tous ces objets appartiennent à la période néolithique. Mais
bien que l'on m'ait affil'mé l'absence de métal dans le monu­
men t., suffisent-il s pour rattacher entièrement, à cette époqu e,
le cimetière des Karniguellou avec ses nombreuses sépultures ~
Je ne le pense pas, car la form e des' kistes et l'inhumat.ion du
mort habillé ra ppellent l'âge de bronze .
U ne légende des plu s intéressan tes que j'ai recueillie sur le
monument même, en rappelant le serment des frères d'arm es,
des Soldlll'es, le rattacherait encore à une époq ue plus récente.
Voici le résumé de cette légend e :' " Quand le maître mourait,
« on tuait le serviteur pour être son consort dans l'autre
« monde. »
LE CARGUET.
Audierne, le 22 Novembre 1888.