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Bulletin SAF 1888


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L’Oiseau à l’oeuf d’or (conte breton) (avec rapprochements et commentaires)

M. Luzel

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X 'VIII.
L'Oiseau à l'Œuf d'Or
(CONTE BRETON )
S 31aouit hol, mar oc'h euz c'hoant,
Hag e cle"r"t eur gaozic coant
Ha na eus en-hi netra ga ou,
Nlès marteze, eut' gir Ile c1 aou.
Heza zo brema pe ll anner,
D'al' c'houl z m'ho de,'oa clent ar ie/',
Eco utez tous, s i Y OU S vo ule z,
Et vous e ntendrez un joli petit conte,
Dans lequel il n' y a pas de me nsonge,
Si ce n'est, pe ut-ètre, un mot ou deux,
Il Y a de cela bien longtemps,
(Juand les poules ava ie nt des dents
vivait, dans la commune de RospiOls , pl'è~ de Lannion,
un jardinier qui avait deux fils. Un jour du mois de mai,
comme il travaillait dans son jardin, il apel'ç:,ut nn oiseau,
si beau, qu ' il n'avait jamai s vu son pareil. Voilà ,un bien
bel oiseau! se dit-il à lui-m ême; si je pOil vais le prendre !
Et il se mit à poul'suivre l'oiseau, et réussit à le prendre, Il
le mit en cage. L'oiseau, dans sa cage, pondit, le lendemain
mat.in, nn œu f, jau ne comme l'or.
Un jour que la femme du jardinier devait aller en ville,
pour porter des œufs à son seigneur, après avoir compté ses
œufs, il lui en manquait un pOUl' faire trois douzaines, .et elle
en était très contrariée. Elle prit alors l'œuf de l'oiseau et le
mit parmi les autres. Puis, elle alla en vill e. Le seigneur
aperçut l'œ uf d'OI', parmi les autres, et il le prit, l'admira et
demanda à la femme du jardinier:
- Quest-ce que c'est que cet œ uf ~
Ma' foi! Monseignelll', il me manquait un œllf, pour
achever me~ t.l'ois douzaines, et, j'ai pris celui-là, qui a été
pondu par \In oiseau que nous avons à la maison.

- D'où vou s vient cel oiseau ~
, C'est mon homme qui l'a pris, dans le jal'din.
- Dites à votre homm e de venir me t.rouver, dimancbe
prochain, et recommandez-lui de m'apporter l'oiseau.
- Je ne manquerai pas de le lui élire, Monseigneu\'.
Le dimanche qui suivit, le jardinier >,e rendit de bon ma ti n
à la vill e, emportant l'oisea n, .dans 8a cage, et accompagné de
ses deux fils. Dès que le seigneur aperçut l'oiseau, il s'écria;
- Dieu, le bel oiseau! Mais que vois-je f Qu'est-ce qu'il a
autour de la tête? On dirait des ca ractères d'écriture ...
Et il lut autour de la tète de l'oisea u que celui qui mangerait
son cœur trouverait, lous les matins, cent écus sous son oreil­
lei'.
- Holà! se di t-il en lui-même, voici quelque chose de mer-
veilleux ! Il faut me céder \"otre oiseau, jUl'dinier.
- Je le veux bien, Monseigneur, puisq u'il vous plaît.
la grand'messe, al'ant de
Quand l'heure fut venu e d'aller à
se rendre à l'égli se, le seigneur recommanda à m cuisinière de
lui cuire l'oisea u pour son dîner et de prend re bien garde de
jeter son cœur, ou de le laisser dérober par le chat, car c'était
le meilleur morceau.
Le seigneur se rendit ensuite à la grand'messe, accompagné
du jardinier. Les deux fil s de ce dernier étaient absents, pour
le moment; ils étaient all és voir les navires, au bord du quai .
Après s'être bien promenés sur le quai, ils revinrent à la mai-
son. Quand ils entrèrent dans la cuisine, la cuisinière était
absente. Ils aperçurent sur la table l'oiseau à l'œuf d'or, plumé,
et son cœur; SUl' un plat, à côté.
Les deux jeunes garçons se nommaient, L ' un Fanch et l'autre,
Allanic. Fhnch, en voyant le cœur de l'oiseau sur le pla l, crut
que c'était un e grosse ceri se rouge, et ravala. Pui s, ils allèrent
jouer, dans le jardin.
servit l'oiseau sur la table, le seigneur
A dîner, quand on

s'empressa de chercher le cœur, et, ne le trou \'ant pas, il de­
manda
- Ou est donc le cœur de l'oiseau, cuisini ère ~
- Comment, Monseigneur, est-ce que vous ne le trouvez
pas '1 .
- Mais non, je ne le trouve pas ; prenez ga rde de l'avoir
man gé vous-même !
- Moi, Monseigneur!.,. P eu t-être que le chat _ l'a dérobé,
par el'emple, ca l' je me suis absentée un moment de la cuisine-.
Et voilà le seigneur désolé, et de mauvaise humeur, si bien
qu'il se leva de table, sans flnir de dîner.
Vers le SOil', le ,'ieux jal'dinier s'en retourna chez so i, avec
ses deu x fils. Ceux-ci couchèrent chacun clans son lit, séparé­
ment, selon leur habitud e. Le lendemain matin , leur mère,
en faisant leurs lits, trouva cent écus en jaunets bl'illallts,
sous l'oreiller de Fa nch.
- Tiens! dil-elle tout étonnée, d'ou vient cet or ~ Et la
voilà bien intriguée. Elle prit l'or, et n'en dit rien à son fil s ;
mais elle en parla à SOIl mari , qui fllt au ssi étonné qu 'elle
Le lendema in matin , elle trou va encore cent écus sous J'oreiller
de Fanch; et chaque matin, de mêm~; si bien qu'ils devinrent
riches, et personne ne connaissait l'origine de leur fortune:
les deux garçons, eux-mêmes, ignoraient tout. Ennuyés de la
vie qu'ils menaient chez; leurs parents, ('eux-ci désirèrent voya­
ger. Leur père et leur mère eurent beau les supplier de ne pas
Jes quitter, ce fut en vain , il fallut les laisser faire à leur tête.
On leur donna de l'argent à discrétion (ca l' l'a rgent ne man­
quait plus dans la maison ), et ils partirent.
ArI'iyes à Gu ingamp, il s descendirent dans une au berge, et
demandèrent il loger. jJ
- Oui , ce l'ta inement., Messeigneurs, leur répondit l'hôtesse,
je VOIlS tra itel'a i de mon mieux .
Ils sOllpèl'ent bicn, puis ils allèrent se coucher. Le lende-
main matin , en fai sant leur lit (il s avaient cou ché ensemble),

l'h ôtesse trouva cent écus en or sous leur orei ller, Elle prit
l'or et n 'en dit ri en à personne, Le su rlendemai n, elle Irouva
encol'e cent écus, et ainsi ,tou s les matins, et n'en parla pas
davantage. Quand les deux fl'ères \'ou lurent se remettre rn
route et payer le'} l' ecot, l'b Ôtesse lémoigna tant de regl'ets
::le les voir partir , qu'ils promirent de rester encore
quelque;; jours, et, de clélai en délai, il s passèrent un moi8
entir.r dans la mai so n, Pendant tout ce tem ps, l'hôtesse, qui
faisait elle-même le lit cles de ux frères, et ne permettait à
personn e d'en approcber, continu a. de trouver cent écus,
chaque matin , sous leul' OI'eiller. Les deux tils du jardi­
nier se trouvaient bien là, car on les trailait bi en et l'on était
plein d'attentions pour eux, comme bien \'ous le pensez;
ce'pendant, quand leu r mois fut terminé, il s demand èrent à
payer leur éco t, pour aller plus loin. Taules les in slan ces et
les prières pour les J'etenil' furent inutiles, cett e fois.
- Faites-nous notre com pte, bôtesse, afin Ci ue nous partions,
dirent-ils, un matin.
Va llS repasserez par notre ville, vous me paierez,
Quand
Messeigneurs, répondit l'hÔtesse ; qu e cela ne vous inquièle
pas, et, si \' OUS a \'ez été bien clans notre maison, ne manquez
pas cl'y revenir, quand vous repasserez par ici.
Il s lui promirent de s'al'l'êter chez ell e, aù retour. L'hôtesse
appela' alors Fench, un peu à l'écart, et lui dit tout doucement:
- Vous m'avez fait le plus grand bien; aussi, pour vous en
rem ercier, je veu x vous dire une bonne paro:e: Chaque matin,
, en VallS levant, regard ez sous votre oreiller et vous y trou\'erez
--0 cent écus en 0 1', chaque fois .
Fanch sou rit, pensant qu e l'hôlesse plaisantai!., et il n'en
dit rien à son frère. Cependant, tout le long de la roule, ce"
parol es le préoccupai ent et il se di sait en lui-même : Si c'était
pourtant Haï, ce que m'a dit notre hÔtesse de Guingamp?
Quand vint la nuit, ils couchèrent dan s une hÔtellerie, au bord

du chemin . Le lendemain malin, Fanch. n'eut
rien de p~us
pressé ~l1e de rega rder so us sa ri oreiller.
- Cent écus d'or! l'bôtesse (le Guingamp
est surement
ria-t-i l.
sorcière! s'éc
Il mit l'or dans sa pœlle, et D'en clit rien à son fral'e . Puis,
ils se remirent pn rou te, se d irigeant lou joun vers Paris, et,
tO 'JS les matin s, quel fIue fL Ü l'enclmit où iLs conchaient, Fanch
cent éC ll S en 01' sous sa tète. A force cle mar'cher, il s
trouvait
ani vèrent anssi. il Paris. Ils se separilrent. cl lors, et allèren t
cherchel' fortune, chacu n de son côlé.
qu i avait ses poches pl ein es cl'or, descendit dans un
Faneh,
des meilleurs hâlels de la ville, et chér .::ba un maître pour lui
apprendr'e à lire et à écrire, cal' il ne savait rien de tou t cela.
Il s'hab illa com me un prin ce, et dépensa (le même, puisqu 'il
al'êlil de l'or à discrétion . De plu s, il était aussi fort beau
garç:o·n. La fille du roi le vit, UII JOU I', à la promenade, et
deyinl amoureuse de lui. Le vieux roi ne voulait pas donnr:­
sa flll e à un homme qu'il ne con naissai t pas : mai s la princesse
: fit lant d'instances et pria ct supp lia si bien, que :;;on père finit
pal' se laisser flechir et donn er so n consentement. Le HIs clu
jardinier fut donc marié avec la fill e du roi de France, et il y
eClt, à celte occasion, des fètes et des festins magnifiques.
A partir de CR moment, Fanch mena une vie .de déso rdl'e :
il ne fai sait que boire, jouer et cou rir les filles, et on ne le
\'oy~it jümais av ec sa femme. La pauvre princesse en était
co mment fait-il aussi? se disait-celle ; il dépense
désolée. E t
beaucoup, et pourtant, il ne me demande jama is d'argelJt, ni à
mon père non plus. Il y a là quelque mystère, et je veux
• l'éclairci l'. .
., Elle alla tl'ollve!' une vieille sor0ière, et la mit au comant
de toul:.
- Ah! ma paune fill e, répondit la sorcière, votre mari
a mangé le cœu r ùe l'Oiseau à l'mllf d'OI', et, depuis ce j Oli!',
chaque matin, en se levant, ii trollve cent écus d'or, S011S son
BULLETI'i AIICUÉOL. DU FUHSTimE. TOME XV. (Mémoires). 17

ol'ei ller! Si vous pouviez lui enlever le C:Bur de l'oiseau, quel
tréso r vous auriez là !
- Et comment l'avoir, s'il l'a mangé '1
- Faites comme je vous dirai, et peut-êtl'e ré llssirez-vou s
à le tenir: toutes les nuits, il rentl'e ivre, et vou s êtes souvent
forcée de vous lever, pou r lui donn e l' à boire. F aites un
mélange de cidre, de vin , cl'eau-d e-vi e, de poivre, ci e sel,
donnez· lu i tout cela à boil'e, dans l'obscu rité. Il al'a lera ce
mélange détestable, sa ns llés it el', et aussitôt il lui fau cha
vom i l', et il rejettera le C:Bur de l'oiseau. Saisissez-le au ssitôt,
et avalez-le promptement.
La princesse revint chez ell e. Le soir, après avoir mangé il
la ta ble de s:m p~re, elle rern on ta dans sa cham bre , prépara le
puis, elle se mit au lit. Son mari n'ava it pa s pal'll
m élange,
au palais, de toute la joul'llée. Vers l11il\uit, il arri va, ivre
C)IllI~ de coutume. A peine fut-il dans son lit, qu'il demanda
à boi'ri-à sa femm e. Celle·ci lui présenta le m élange qu'elle
avait prépare, et il l'ava la d'un tmit. Mais, au ssitôt il CO I11-
m ença à tou sser el. à vomir, tant et tant, qu'il l'ejeta au ssi le
c EUI' de l'oiseall . La princesse le sh isit sur le chilmp, e t.
l'avala, sans q ue son mari s'en aperçùt.
Le lendemain matin, il y ava it cent écus d'Ol' so us l'Ol'eillel"
de la princesse, et rien so us celui duflls du jardinier. Cela
le surprit.
Que signifie ce-ci ~ se dit- il; si je n'ai plus d'al'gcnt,
p~lr exem pie ! ..
Le jour suivant" il ne trouva rien encore, sous son ore il lel'.
Il en clevint tont II'iste. Ses cama l'ades \'iment le chercber, ne
r ayan t pas vu la veille ; m a is, il refu sa cle les suivrc. Personne
ne sOllp~onnait la cause d'iln cha nge ment si subit., et tou s en
étaient smpris. N 'ayant plu s c1'al'gent, pour mener joyeu se
vie, comme auparal'ant, il devi nt c]"Jl1 camctère aca ri ât l'e et
hargneux , si bien qu e tout le monde l'évitait, dans le pa iais
Sa feml1l e 'avait beaucoup il souffrir de lui , et le vi eu x roi ne

savait qu e faire, La pl'incesse retourna a lors chez la vieille
sorcière, et lu i dit:
-J'a i fait lout ce que vous m'av iez recommandé,etje possède
à présent en moi le ,cœ Ul' de l'oiseau à l'œ uf d'ol'. Mais , mon
mari, dt'puis qn' il ne trou ve plu s ses cent écus, chaqu e matin,
so us son oreiller, est cl e l'enu si méchant, qu e personne ne
peut plu s vivre en pa ix; dans le palais ; il ressemble à un
démon fu l'ieux,
- Eh ! bi en, prenez r.ette bag ut'tte (et elle lui tendit une
baguette bla nche) , Quand l'OUS serez de retour chez vous,
dites : pa l' la vertll de ma bag uett e, qu e mon mari soit trans­
rté à cinq cents lieues d'ici, cla ns u ne île, au milieu de la

m er! El cela sera fait, SUl' le champ,
La princesse re tour'na au pa lrlis , emportant la bag uette de
la sorcière. Au moment où cll e arr'i va, son mari fai sait le
di a bl e, pis que ja mais. Ma is, e lle att endit jusqu'à ce qu'elle le
vît dans son lit, bi en endormi, Alol's , e ll e s'appl'oche de lui,
et le touchant du bout de sa baguette, ell e dit: pa l' la verlu
de ma baguette, qu e m on mari soit transporté à cinq cents
d' ici, dans une île, au milieu de la m er. ! Ce qui fut fait
lieues
au ssitôt, pendant qu'il dormait encore. Quand il se réveilla,
son étonnern entfut grand: Où diable suis·je donc? s'écria-1-
il. Ah ! sOl'cièl'e maudite (c'est sa femme qu'il appelait ainsi), tu
m'as jOll é un méchant tour; mais n 'importe, je te retruuverai,
et tu m e le paiel'as !
Il se mit à parcouril' son îl e. 11 n'y lrouva ni habitation ni
habitant. 11 éprouva le besoin de manger, et fut obligé de se
cont enter ci e patelles et autres coquillages, qu'il1.rouva sur le
rivage, Pendant longtemps, il n'eut pas d'autre nourriture, el
, même pas toujours à discrétion. U n jour, par un temps
m agnifiqu e, il fut étonné de voir le ciel s'obscurcir, tout d'un
coup, Q ue signifie ceci ? i'e dit-il. Et, tôt après, il vit un ai gle
qui descendit sur la g rel'e, et qui se mit <1u ssi à cbercher des
coquillages .

- Quel gl'and oiseau! se dis,1it-il; si je pouvais lui monter
sur le dos, il mA poriel'ait hors de cette lie.
Et il s'ap Pl'Ocha tout doucement de l'ai gle, se cacba derrière
un rochet' et réuss it à le surprendre et a monter sur son dos.
Alors, l'aig le s'éleva avec lui, si haut, si hant, qu'il ne voyait
pills ni la terre ni lamel'. Quand il fut fatigué cie voler, l'oi seau
descend it su r un chêne, an milieu d'un grand bois. Fanch
quitta alol's l'aig le, et descendit à terre. II avait gr-a nd'faim.
Comme il parcoul'ait le bois, il aperçut un cerisie t' COl i vert de
bel les ccrises rouges . Il se mit a en mange:', a vec a vichte. Mai s,
il en a\'ait à peine mangé quelques-unes, qu'il fut changé en .
cheva l. Sous cette form e, il se mit a comir par le bois, en
hennissant. Et, quoique devenu cbeval, il se disaiten lui-m ême :
- - Me yoila bien pris! Est-ce que je res;erai toujours
cheva l, à présent ~
Il aperçut un autre cerisiel', mais dont les fruits avaient un e
cou leu r différente de ceux de l'arb l'e dont il avait manQé.
-- 1vIa foi! se dit-il, à présent, je ne risque plus ri en !
Et il mangea. aussi des ce ri ses de ceL antre al'bl'e. Et dès qu'il
el1 eut mangé quelques-nnes, ii retl'ouva sa fOl'l11 e pl'emièl'e et
recievint homme, comme devant!
- A merveille! se dit-il; je sais, a present, à quoi peuvent
scrVll' ces censes.
Et il remplit ses poches de ceri~es du premier arbr'e, mais il
n'en pr!t pas du second. Alors, il retou rna à Pal'is. Dès e ll
al'l'iVallt dans la vi:le, il alla se placer devant l'église, auprès
de la porte par oi1 la princesse sa femm e se rendait il. la messe.
Il disposa ses cerises sm un e serviette blan che, étendu e SUI'
une petite tab le, comme un marchand de fruits, et attendit.
Personne ne le reconnaissait, car ses habits étaient tout en
lambeaux, et il parai ssa it être bien misérable.
Quand la messe fut terminée, la princesse sortit de l'égli oe,
en voyant de si bell es ceeises, l'envi e lui vint d'en mange r.
Elle envoya sa femme de chambre lni en acheter, et se tint à

qu clques pas de distance, Mais, son mal'i lui dit:
A pp!'o-
cbez, princesse, venez goûte!' mes ce l'ises, avant d'en acbeter"
ca r peut-être ne l' OU S plail'ont-elles pas,
Et la pl'incesse s'a pPl'Ocba, pl'it deux ou trois ' cel'ises, et les
l1Iangea, Et a ussitôt ell e fut changée en caval e ; ct la voilà de
sc meUre à :::aloper pal', les ru es de la ville, en hennissant,
comme un e bête affolée ! Tout le monde fuyait devant ell e, et
sonne ne pouva it l'arrêter,
per
-" Donnez-moi une bride, dit le marchand de ceri ses, et je
l'arrèlerai bien, moi!
On lui donna un e b!'ide, et il al'I'êta faeilern~llt la bèle, lui
tête, mania SUL' son clos, et se mità faire le tO Ul'
mit la bride en
de la vill e, au gl'and galop, \v ec un bâton, qu'il tenait à la
main, il fl'appait sa cèwale, sans pitié, et tout le monrle di sa it :
- Ilia tue l'C1, sûremen t ! assez! assez 1 •••
Mais il ne les écoutait pas, et il malmena tant la pauvre
bête, qll'elle s'abattit SLlr le pavé, épuisée et n'en pouvant plu s.
Alors, le cavaliel' descenJit, t.iJ'a son couteau , et ol/vl'it la
poitrine de la cavèlle. Il tl'o llva dans son estomac le C Le U!' de
à l'œu f ':1'01', le prit et l'avala.
l'oiseau
Puis, il.l'etourna dans son pa ys , L'argent ne lui faisa it plu s
défaut , car, chaq ue matin , il ret.rouvait, comme devant, ses
eent écus, sous ~on oreiller. Comme il'passa it par le bo ul'g de
Plounévez-:vloëdec, il enll'a dan s une aLl berge, et, t l'Ouva ùt le
il en but quelqu es chopines de tl'Op, Il y avait là des
cidre bon,
marchand s de cheva ux , qu i revenaient de la foi!'e de Bre, et on
rommen\:a pa l' se disputel', puis, on en vint aux co ups.
Le pauI'l'e r anch fut battu, ses habits furent misen lam beau x,
ct, co mme il avait d~pensé ses cent écus, dans la journ ée, ca r
il ne l'cgal'dait pas à la depense, et payait à boil'e à t. out le
mondp, dans les au berges, et donnait à tous les pauvres qu'il
StH sa route, on le mit hors de l'auberge , Com-
rencontrait
ment faire'? Il ne voulait pas revenir, clans cet état, chez lui.
Il passa la nui t da ns lm cha mp, et, le lendemain matin , il

trouva, comme tOU jOU1'S, ses cent eC tl s sous sa tête, éIll level' du
Alors, il acheta des hab its, et retou ma chez son père.
·soleil.
Son père et sa mère vivaient encoee, et il s étaient bien
pauvres. Son frère était de retour au ss i, depuis qllel rill e ternp~,
et il n'avait pas fait fortune non plus. Mais, R p~.J 'til' de ce
moment, il yeu du cha ngement, chez le vieux jardiniel' : on
acbetades chevaux, rIes b:ell f",
bâtit une maison neuve, on
des vaches, et Fanch se Illal'ia, peu apl'ès, à la pili s l'iche
penhèl'ès du pays.
Depuis, je n'ai pas eu de ses nouve lles; mai s, s'i l co ntin ua
de trou\'er ses cent écus, chaque ma t.in, sous son oreiller, nOlis
n'avons pas beso in d'être in qlJiets sm son sort.
Conté p,lr Marguerite PIIILIPPE,
de })Iuzunet (Cô tes-du-Nord ;. Mars 1869 .
I1cCtleilii en ùrelon et tradu i l lîUl'
F .-M. LUZEL.
-$o ..... ", T' t ... ~

RapPl'ochemen ts et OOl1lmen tait'es 0
Voici sur ce co nte cles commenta iees et des rapprocbements
f l'obligeance de M . Reinhold Kœbler, conservatenr cie la
\"/eimar, et un des savants les
bibliothèque gl'ancl ducale de
plus compétents en ces matières (1),
Comparez : GI'imm nO 1 n; PI'.B!J!e, Contes pJur la
jeunesse, nO 8; vValdall, Recueil cle contes bohèmes, nO 90;
Haltricb, Contes popLûai res allemancls cles Saxons cle Tran­
sylvanie, n° 6; Hahn, Contes albanais et grecs, n° 36,
Dans le conte de Gl'imm, un chasseul" qui a avalé le cœul'
d'un oiseau et qui, pour cela, chaque matin, lI'ouve sous son
ore iller une pièce ('l'or, et qui possède en ontre lin manleau
par la Vel'tu duquel il est instanta nément tl'an~port.é oü il
al'l'ive clans la maison d'une sorcière et devient
désire être,
amoureux de sa fille. La sOl'cièl'e lui fait prendl'e lin \" om itif,
et il rend le cœur de l'oiseau. La jeune fille s'en empare et
Mais, SU I' l'ordre de sa mère , el le doit amenel'
l'avale en secret.
chasseur à se so uhaiter avec elle sur une montagne éloignée.
est accompli, au~ ,;itôt que formé, et, pendant que
Ce souhait
le chassenr dOI't sur la mont.agne, la jeune fille attache le
mantea u autour de son COI'pS à elle et souhaile d'êt.re rendue à
la maison; ce qui est au%i fait SUI' le champ . Le chasseur,
tl'Ouve alors des berbes, pal' la vertu desquelles il
resté seu l,
est transformé en âne; puis, il trouve encore d'autl'es herbes,
vertu desquelles il redevient homme. Pourvu de ces
pai' la
de!.Ix sortes d'hel'bes, il retoul'l1p., sous un déguisement,
80 1'cière, et la tran-forme, elle et >,a fille, en
auprès de la
âl1e~ses . Mais, bientôt il donne à mange!' à la fille des allires
herbes, el ell e revient à son état nature l.
(1) Ces commentaire~ datent de 1873, et il est probable que
i\1. Kœiller aurait quelqu es additions à y faire aujourd'hui.
Dans le conte de Prœhle, un l11al'cbancl lit, sous les ail es cl'un
oiseau , ces mots : « Qlll mangera la viande de l'oisf'a\l a \l ra
bea llcoup d'argent ; qui man gel'a son cceue deviendra roi, " -
Il se fait cuire l'oiseau, Mais, deu x pet its mendia nt.s vienn ent,
l' ha,ard, dans la cuisine, et, cO lll me perso nne n'est là, il s
nt l'oisea ll, et contin uent lenr chemin, Celui qui a
mange
mange la cbair trouve, 10 ll s les matin s, 50 Ih alel's :"OIlS so n
oreiller, Une aubergiste fa it en sO lte qu 'i l rende cette chair,

puis, elle la donne à mange l' à. sa fill e, Le jeune ga rc;on trou\'e
ensuite des herbes semblables li cc ll es qlle trouve le d l asseul'
du comte de Grimm, et. en fait le mème usage, L'autre
de l'oisean, dev ient roi, après
garçon, qui a mangé le C:J3Ill'
di ffe renl es aven tu res,
\Valtlau, Ul1 cbasseur tue un
Dans le con l.e bohème de
oiseau, et une viei lle femm e. lul dit que celui qlli mun gcrJ le
cœur de l'oiseau tl'ouvera, tous les jou r,;, trois du cats so us son
oreill el', et que celui qui en mangera la tète dev icndra roi,
Il fait cuire l'oisea u, par sa femme; ses de ux fil s man gent ,
l'un , la tête, l'a utl'e, le cœu r, et s'enfuient ensemble de la
maison paternelle.
Le reste du conte bohème e.:;t assez défigu l'e et ne pe llt. pas
t. Je remarque seli lement que ce sont des
s'analyser bl'ièvemen
pomm es qu i opèreo t la [l'aasfo l'ma tion en à ne et la détr uisent
ensuite,
Dans le
con t.e de Trans}' l va nie, Il n p:w\ï'e homme prend
un oiseau , \j ui, chaq ue jOLlI', pond une escarboucle, Un juif lit
sous les a iles cie l'oisea ll celte i0 5cI'i ption : « Qui manw~ 1'H
;e cœur de l'oiseau tl'OU V era, tous les malins, Irois pièces d'or
sous son oreiller : qui mangera le foie de l'oiseau deviendra

- Il achète l'oisea u et le fait cu ire pal' la femm e d' un
pau vre bomme, Mais, les deux fils de celui-ci man gent le cœ Ul'
et le fo ie de l'oiseau, Co mme le jll if résili e le marché, pour ce
moti f, le pa uv re homme chasse de sa maison les delJx cou­
bl es , L' llll d'eux arrive à Rome, et y devient roi; l'a utre va

clam un e a ll t.re ville, et s'y mal'ie. Sa femme lui donne un
vomitif, et il l'end le c:eul' de l'oiseau . Elle ravale aussitôt et
clJasse ~llors son mari. Une sOI'cièl'e qu'il va consulter lui donne
cett e vertu que tou t ce sur quoi on la
ulle .bl'ide, qui possède
secoue sc change en cheva l. A vec celle bride, il cha nge sa
nt., et cheva uche SUI' elle ju sq u'à {{ome, oil il
femme en jum e
l'encon tre ~on frère de venu roi. Il ren cl à sa fem me l'a forme
nawrel le, ell lui enl el'ant la bl'idl" puis llii fait rendre le cœ Lll'
de l'oisea u, au moyen cl'illi "omitif, al)J'ès quoi elle est mise
a moe!.
Dans le conte geec, nn paUVl'e bomm e ~e pr'ocure, pal' une
bonn e cha nce, une ponle d'Ol" que son ma ri e'-'t en voyage, le juif qui lUI achetait les pienes
préeie'lsf's nOlle une intrigue d'amour a vec la femme du pauvre
et la prie, un jouI" cie tuer et de lui cu ire la poule. C'est qu'en
ffet celui qui mangera la tête de la pOille fiera roi, celui qui
mangera ~on CŒur lira dans les cœurs, et celui qui mangera
le foie trouvera, tous les jours, mille piastl'es sous so n oreiller.
lUe la pOille et la fait cu iœ; mais, ses tl'ois fil s
La femme
lUangenl , 1'1111 , la tête, un antre, le C.Bu r, et le tl'Oisième, le
foie. Le jllif, Cil ayant e"l eonllais,an :t', ùjtel'mi ne la mère à
tuCI' ses enfants. :vl ais, comme celui q'lÎ a mangé le Cle lH' de
la poule sa it, pal' cela même, lire clans les cœU I'", il co u naît
IlutenLion cie sa mÈli'e, et il s quittent tou~ les trois la tn !:l ison
ma l.el'l1e Ile.
Celui qu i a lllangé le foie p.p0use LI flliecl'un ['Q i. Sa femm e,
instruite de son secret, lui do nn e un vomitif, et il rencl alors le
foie, qu'elle avale aussitôt. Le ft'èrJ qlli sa it lire dans les cœ lll'S
se déguise C'l1 rnidecin et paev iel1 t il restituer le foie à son fl'ère,
puis, il s vivent Jous les tl'ois en~etnble, clam le royaume de
celui qui est devenu roi .
De cll l'ie:lscs particu larités se rencontrent clans le conte serbe
co ll ection de \V Li.k, n° 23 . Lit, un frère tnJ.n ge la tête
de la
d'un oiseau ct sait, pour cette raison, ce qui se passe su r toute

la te:T0.. L'Htltl'e nW1l 3E' le cœul' de l'oisea u, et trouve, chaque
cent ~éq llin~ :;:O Il S son OI'eiller. Le premier devient roi.
matin,
seco nd l'as~as~ine, pal' haine el jalousie, lui Ollvre le ventm,

y lrouq:\ le CŒu r de l'oisea u et l'avale. Il devient roi, à la
plac:e de son frère. Mais, après quelqlle temps, il lui arrive de
cœllr de l'oi sea ll. Une main blanche apparaît alors,
vomir le
s pourtant. il te sera pal'donné! »
Qlle l'on compare en outre le conte de L'Oiseau/aune, du
Cay lu s, dans Le Cabinet des F ées, t.ome XXIV, '
corute de
- « Cel'li qlli man gera la tête de l'oiseau deviendra
roi; celui qui manger'a le cœur de l'oi seau aura, tou s les
matins, à son le l'el', ce nt. pièces d'ol'; " de Gaal, Contes des
Magyal's, p. 195 : « Celui qni mangera la tête de l'oi sea u
roi ; celui qlli mange l'a le cœur de l'oiseau tl'ouver-a, tous
sera
les jours, 50 du cats sous sa tête; )) Grimm, nO 60: -
« Celui qui mangera le cœur et le foie de l'oiseau trouvera,
tous les jour~, deux pièces d'ol' sous son oreiller; " et
III , p. 102: « Celui qui mangera le cœur de l'oiseau. ))
tome
Dans ces d"I'lllel's contes, que je crois inutile d'analyser ici,
il n'anive pas que celui qui liouve tous les jours de 1'01' sous
son ore iller rende jamllis le cœur ou le foie de l'oi~Nll .l.
Que rOll compare enfin le (;onte de ]'oi~eau H efs lren g (Tati­
Nameh lUI'c, tI'aduction cie !{osen, Leipzik, 1857, t0111 e lI,
p. 291) : « Ceilli qu i mangel'a la tête de l'oi<;eau deviendra
roi ou vizil'.)) Dietrich) Contes populaires russes, nO 9:
« Celui 4ui rnanpera le canard deviendra tZ31' , Radlofl',
Echantillons de littérature populaire de~ p3uplacles tur­
ques de la Sibérie méridioMle, lOIlle IV, p. 477: « Ceilli
qui mangera la t.ête cie .l'oiseall deviend l'a sOllvcI'"in ; reilli qui·
en mangera le cœ'll' et l' estomac del'iendra vizil'. ))
Ici s'al'rêtent les commen1aires de NI. Kœhler.
Ce sont là, comme on le voit, des versions de pl'OVellan Ces
différentes et toutes étl'OiteI1le nt. apparentées à la versin!1 bre-

lon ne. Poul'tant, dans cette del'Oière, l'bi :;:toi l'e dn second frèl'e
inco lllpl èle et l'eSle en l'ail', en q1lelque sO I'le. Il est vrai qll e
est
la co nleU 5e ne lui fait manger aur.un e partie de l'oisea u, mais
à tort, sa ns clollte. Je n'ai pn, ju sq u'ici, tl'ollver en BI'etagne
une ve r'sion qni (10 nne s..lti~fac lion S: Il' ce point; mais je ne
dé;<('spÈ're pas d'y anÎ ver.
l\ot.re co ni e, dans la nombreuse di l'e r<;ité de~ vel'sions re­
cueillies un peu de tou s le.'; r.6tes, et qui doivent avoi r une
or igin e or'ientale, est établi SU I' cieux agents 0 1 den re'iso rts
pr'incipalJx: celcl i (le l'oiseall merve illeux, ettcelui du frllit
de l'herbe qlli fait pousser des com e;; an fronl, 0:1 allonge
c1émes ur'ement le nez , ou enfin rnélamol'phose les perso nn es
qlli en man gent en lin animal, lin cheva l 011 une jument, I1n
âne ou un e ftnesse ordi nail'emen t, Pllis lent' l'e,titü e leur forme
alUl'el le. Il faut .Y ajouter' le Illanteau mel'veilleux, qui trans-
pone oü l'on dès im. .

Cette seconde partie semble e m pl'LlI1 tée a u con te très repand Il
des trois talismans, qui sont ot'clinairement: un manteau qui
transporte oil l'on ~on llaile, un cha peaa ou un manteau qui
rend invisible, et cie, guêll'e<; ou de;; botte;; de sept lieues ou
dal'antage. D'autres fois, le~ troIS obje t~ sont: ulle baguette qui
transporl e imméd iatement le béros OLI il désire, ou qui oUl're
tout ce qui est fel'm3; un e bo Il':ie inép'li~able ; un siffiet qui
accout'ir 58,000 homme" dè, qu'on y souffle, Oll bien
fait
enco re un bâton qui renferme le même 11 0mbl'e de soldat~ ,
dans autant de compal'tim ents.
POLIr cette partie, on pOi l l'l'ail ajoutel' de nombreuses remar­
qu e" complémentaires à ('elle, de VI. Reinbold [(œbler; j'en
elllp l'lll1terai quelques- un es seil lement au savant recueil de
M. Cosqu in , Contes populaires de Lorraine . Notre conte,
co mme presque tou s les co ntes à lalismans, se divise en trois
parties : 1° le béros trouve le talisman ·et en jouit paisible­
ment. ; 2° le talisman 1 ui est dérobé; 3° il retrou ve son talisman .
Dans ses commentaires, que la crainte seule d'être trop long

m'empêche de repro::lnirè,sinon sommairement, \1. E. Cosquin
sicilien, nO 8, de la collect.ion Pilré; un con te
cite un conte
italien l'e.::uei lli il Hom') (T he Folle-Lore of Rome, by miss
sie, Londl'e~ 187-1, p. 12:)); un conte catalan de Ron­
dallayre (3" partie, p. 5'31, et un conte estbonien (collection
!üelltzwilld, nO 23). Il cite également le livre de Fortunatus,
publié à A'lg.:.;bùUI'6, en 15:10 .
Fortunatus, égal'é dans UI1 bois, il reçu de Dame Fortuna
une boul'se, qui ne se vd e jamais, et ila enlevé, par l'Li Se, ail
un chapeau qui Y OpS tran~porte oil vous
snltan d'Alexandrie,
vonlpz. En mourant, il laisse à ses deux fils, Ampeclo et
Anrlalo?ia, ces objds me l'vei lieu x. A ndalosia se met à voyagee
avec la bourse, et se la laiRse dérober par Agrippine, fille du
roi d'Angletel'l'e, dont il s'est épl' io;;. Il l'etourne dans son pays,
Pl'end à son ft'èl'e le chapeau, et, s'étant introduit clans le palais
clu l'oi d'Angletel'l'e, il enlèl'e la princesse et la tl'a nsporte, par'
le moyen nu chapeau, clans une solitude d'Hibemie. Là se
tl'ouvent des aI'bl'es chaq:,és de belles pommes. La princesse
désil'ant mange l', An lal osia Illi remet les objets merveil-

leux ct gl'impe sur l'arbre. Cependant, AgI'ippin e dit en
sOllpirant : - « Ah! si j'étais seu lement dans mo11. palai, ! »
Et allssitôt., par la vertu dil chupeau, elle s'y trollve. Ancla-
osia, bien clé,olé, cne dans re désert et, pres~é pilr :a failli, il
mange deux pommes, qu'il a cueillies : aussitôt il lui pous~e
cieux comes. Un ermite entend ~e, plaintes Pt. lui indicJlle
cI'alill'es pommes, qili le débal'I'a"sent cie ses co rn es. Andalosia
pl'end rle~ del lx sOI'te;; cie fl'uit!> : al'ri\'é ~\ Londl'e~, il \'encl des
pl'emière .~ pommes il la pI'incés3e ct se pl'ésen le en~lJ ilr, comme
médecin, pOile Il1i enle\'e l' les eomèS qui lui ont pousse. Il
!l'Ouve l'occas ion de reprendre ses obj('t<; merveilleux; puis, il
tran <;porte la pl'ince"lse dan, I1n COli vPGt, où il la laisse.
Je po~sède un e version bretonn e clu co nte des JI'ois talisman s
très l'appl'ochee de celle-la.
M. Garrin de Tassy a Lraduit ur ll1~nllsç['it cl~ 19- bil~lio~hèglle

nn tionale pt pu blié, dans la Revue orientale et américaine
(anoée 1865, p. 148), un conte bindoustan, qui a aussi pluo
d'un point de ressemblan ce avec le mien. Je m'abstiens de
par~equ'il est un peu long,
l'analyser ici,
Uo conte kalmouck de la col lecti on de Siddhi-Kùr est éga­
If' ment apparenté au :'onte breton.
. On trouve des versions de la mème fable: en Ecosse, ra
1 ria ode, en Allemagne, dans 'Ia Silésie au tri ch ien ne, en
Roumanie, en Italie, en Sicile, en Norwège.
Enfill, dans les Gesta Romanorum (chap. CV de la tl'aduc­
Le Violiel' des histoires romaines), nous
tion intitulée :
trouvons le récit snivant, qne nous abrégeons, ne sd tœclio
leetori, mal gré le charme de 1..1 narration, dans son vi eu x style
dn commencemenî du XVIe siècle.
« Daire (Dul'ill s), y est-il dit, . règna g l'andement sagf',
qui eut trois eofan ts, qu'il aima moult tendl'erilent. » En mou-
1'8nt, il donnü tout so n IH)I' itage ù l'aîné, au p:li.né, tont ce qu'il
acquit, et au cadet, nommé JOtlatha~ , ses joyaux, consistant en
lin ann ea u d'Ol', un fel'd1ail ou monile et un manteau précieux .
« L'anneau avail telle grâce, que q!li en son cloy le POl'loit,
étoi t de tous aimé, si q Il 'il obtenoit tOllt ce qu'il demandoi t. »
Le fel'mail aussi faisait obtenir à celui qui le pOI'tait sur sa
poitrine tout ce que son C.:Bur désirai.t. « Et le drap pl'écieux
étoit de telle vertlleuse et semblabl tj compl8ctiol1, qlli reneloit
celui qui dess lls se met toit au lieu oll il vouloit être souda.i­
nement. ))
Le cadet alla aux ecoles, emportant l'anneau seu lement.
Mais, par malb eur, « une jeuoe pucelle moult belle rencontra,
en la place de laquelle en son c:eur fut amoureux. » La belle
lui déroba son an neau, et il s'en revint vers sa mère, qui lui
. dit: « Je t'avI)is bien dit que tl.l te gardasses de la déception
des femmes .• Et ell e lui donna ensuite le fermail, qui lui fut
enlevé, de la même mar.ière. Et il revint encore vers sa mere,
qui lui dit:· « Jà pour deux fois que tu as été cléceu par

la cau telle et déception des femmes ", et finit par lui donner
aussi le drap ou manteau précieux. Par la vertu de ce manteau,
Jonatbas et sa perfide compagne furent transportes tous les
deux dans un désert alheux . « La fille fut moult dolente cl"estre
là arrivée. Lors commença à dire à son amoureux Jonathas
qu'il la lairroit là aux bestcs sauvages dévorer, si elle ne lui
rendoit la bague et le fermail. » Ce qu'elle pl'omit de -fa ire.
Mais, la nuit, comme ils dormaient tous les cleux SUI' le
à elle, puis dit: « Plèust
manteau, la traitresse le tira tout
à Dieu que je fus se là Ol1 j'étois avant d'estre ici! n Et elle y
fut aussitôt transportée, et JOllatbas resta seul dans le désÇl't.
Le pauvre hornme fllt mou lt dolent à son réveil. La faim lui
chargé de fruits, il en
yint, et, ayant. rencontré un arbre
« et fut ledit Jonathas fait par la commenstion cluclit
mangea
fmict adoncques ladre, » PIns loin, il man ge du fl'llit d'un
autl'e arbl'e, et le voilà guéri aussitot de sa lèpre. Il empol'te
des fruits des d~llX arbl'es. et, comme il cheminait plus ou lu'e,
il ani\'a près d' nl1 château et rencoiltra dellx hommes, qui lui
demandèrent qui il était. Il l'épondit qll'il était mérlecin. On
le conduit au cbâteau du roi, et il y guérit un lépreux, qui s'y
fruit dont il avait mangé
trouvait, par le moyen du second
dans le désert. Il fllt généreu sement récompensé et on le re­
dans son pays. « Son amoureuse étoit fort malade.
condu isit
bruit vole partout que Jonatbas étoit très-grand médecin .
Il fut envoyé quér il' pal' elle: point n'étoit cogneu d'elle ni
d'au~un, mais longtemps avoit qu'il la connaissoi t, lui. S i lui
\'OUS voulez oue je vou s donne
clist: Ma très-ch ière Dame, si
:"anté, il faut premièrement que \'ou.' vous confe:"siez cl~ tOIlS
les péchés qu'avez commis, et que vous _ rendiez tout de
l'aultru y, s'il e~t ainsi qlle aucune chose vous en ayez; tOlit
a.llrement, jamais ne serez gllar·ie. Lol's ell e se confesoa, il.
hau lte vo ix, comment ell e avoit trompé un nommé Jonathas,
cl'ung anneau, d'ung fermail et d'ung drap, et comment elle
l'avoit laissé aJ bOLlt du monde, dedans une forest entre les

bestes, Lors dit Jonathas incoogneu : {( Dis-moi Oll sont
ces choses, EII ma chambrr, dit la fill e, Lors elle bailla les
clefs à Jonathas, qui les trois joya ulx tl'ouva en son arche, Ce
il lui bailla du fJl'emier fruiet que il avait mangé, puis
fait,
ça la fille à crier lam entablement, car elle devint
comm en
JO ll ::t tlJas s'ell a lla à sa mère, Tou t le peuple fut de
lépreuse,
son retour joyeulx, Il racompta tOlltes ses malédictions, et.
enfin mourut. II
Ce co nte de l'Oi seau allx œu f' d'or doit être une fable my­
thologique, et les panisans des intel'pl'etations mythiqu es ,
semblent êtl'e sO llvent dalls le vrai, du reste, malgré
qui me
des exagérations in contestabl es , en expliqueraient assez
facilement tQus les ëpisodes, toules les phase", P OU l' eux, l'œu f
autre cIJose qlle le soleil, que :)o nd tous les matins
d'or n'est
une poule noir E', qui est la Nuit. L'oiseau de notre conte, avant
toute altél'ation, c1evnit être aussi une poul e noi l'e, Voici ce que
dit, pal' exemple, M, An ge lo de Gllbel'llatis, da," s son sa\'ant
ouvrage de la Mythologie zOulogique (toin e J, p, 338-39), à
propos d'nn conte russe d'Afan&ssieff, apparenté d'assez pl'ès
il. notre conte breton, pour la donnée et le myth e, sinon pOUL'
la forme:
« Dans le 53 conte dll cinquième livï'e d'Afanassieff, le
jeune hél'Os, sur le conseiL d'un jeune homme inconnu, va
chercher so ns les racin e" d'un bouleau uo canard, '-lui pond un
jOlll' (le malin ), un œ uf d'or, et le lendemain (le soir), '!ln œ uf
d'argent. Sur sa poitrine sont ecrits en lettres d'or les mots
suivants: {( Celu i qui mange sa tête deviendl'8 roi; celni qni
mange son CLeU l' cl'achera de 1'01' , , Il le porte à sa mèl'e, ail
mom ent OL1 son père est absent, et al! cell e-ci a une intrigue
amolll'euse avec un genti lhomme. Le gentilhomme lit l'ins­
cription er, Jel1 l'es cl'or etdità la feml1le de faire cuire le canal'd ,
Mais les cieux fil s de la maison le pl'éviennent: pendant que
leu l' mère est à la messe, l'un l,lange la tête et l'autre, le cœU l',
Les deux frères prédestinés, l'un à devenir roi, parce qu'il a

mangé la tète du canal'd, et l'au tre, parce qu'il en a man gé le
cfi ur, à répan(he de 1'01' pa l' la bO ll c.he, s'enfuient loin de lellr
mère pel'fide ( pl'obablement leul' belle-mèl'e), qui les persé­
cute, en l'absence cie leur pèl'E', Ils ,IITivent à un enclroit oi.!
deux routes se c l'o i~ent et 011 t:e tte inscription se lit, sur Iln e
colonne : « Celu i qui prend à clroil e (à l'est) deviendl'a roi;
celui qui se diri ge à gau che (à l'ouest) cleviendl'Il riche, » -
L' un cl es deux suit à droite, et quand le matin a l'l'i \'p, il se
lève, fait ses ablutions et s'hab ill e, II appl'Cnd qll e le vieus l'ai
(Ie yiellx soleil ), est mort et qll 'on lui eencl a l'église les honn eul's
fu nèbres, Une .ordon na nce pOI'te que cel u i dont les cha nclelles
s'allumeront d'elles-mêmes sera le nouvea u Iza l'. 0 1 ', la chan­
delle du jeu ne homm e prédestiné s'allume spontanément., et il
est sur-le-champ proclamé roi. La fill e du vieux roi (l'AlH'ore),
l'econnaissant en lui le mari qui lui est pl'écl estiné, l'épouse et
lui fait avec son annea u d'or (le disq ue solaire) une mmqu c
sur le fl'ont (co mme Râma le fait ;\ l'éga rd de Sîtâ) . Le
jeune homme (le Soleil ), apl'ès être demeulï:) quelque temps
av ec sa fi ancée (l'Aurore), veut aller dans la direction qu e ~on
fl'ère a pl'ise (c'est-a-dire à ga uche, à l'uu est). Il emploie beau-
coup de temps a traverser différentes contrées (c'est-a- dire qu e
le Soleil décrit l'arc du ciel, qui s'élève au-d essus de la terre)
et tl'OUVe enfin son frère (dans le ciel occ idental, vers le soleil
couchant), q ui est au sein des grandes richesses. Des mon­
es d'or s'élèvent dans ses appartements ; chaque fois qll'il
tagn
crache, de l'or lui sort de la boucbe ; la place manque pour
loger tan t d'or (le ciel du soir est une masse d'or), Alors, les
deux fl'ères partent ensemble retrou ver leur pauvre vieux père
(le soleil pendant la nuit). Le jeu'ne frère s'en va à la recberche
d' une fiancée ( probablement, de la lun e argentée), et la mé.:
chante mère (la belle-mère, la Nuit) est abandonnée.
Ici aussi la légende est entièrement mythiqu e. Nous voyons
dans les deux frères tantôt le cr2pu scule et le soleil, tantôt les
deux cr~puscules , tant.ôt la lumière du printemps et celle de l'au-

o ÂI

(/(', (Ill
Ill ' Il i,
Il h, \

Il f .

tom ne, tantôt le soleil et la lune, mais, dans tous les cas nous
avons cunstamment les Açvins (les lucida sidera d'Horace),
c'est-à-dire deux divinités, deux êtres célestes en relation
étroite avec les phénomènes de la lumière lunaire et solaire. "
comme les mythologues expliquent nos fables · popu­
Voilà
laires, et il fant reconnaître qu'aucun autre système n'a aussi
facilement raison des bizarreries de toute sorte et des merveilles
dont elles sont remplies; mais aussi, cette facilité même à
trouver explication à tout, jusqu'aux moindres détails, hit
naître des doute sérieux sur la valeur scientifique de ce système
d'j nterprétation.
Je ne pousserai pas plus loin mes observations et mes rap­
prochements, qu'on trouvera déjà bien longs, peut-être; mais
je ne veux pourtant pas finir sans appeler de nouveau l'atten­
tion sur l'impor ance et l'abondance des traditions orales de
toute nature de la Basse-Bretagne. Le rameau des contes my­
thologiques y est surtout d'une richesse étonnante. J'ai déjà dil,
et mes recherches ne font que me confirmer tous les jours dans
cette opinion, qu'en cherchant bien, on finirait par trouver
chez nous presque toutes les fables vraiment anciennes et
populaires que l'on rencontre dans le reste de l'Europe, et
même en Asie. Il ya quelque temps, j'en ai encore recueilli une
preu ve nou velle.
Un ouvrier de la manufacture des tabacs de Morlaix,
nommé Vincent Coat, m'a conté le conte du Trésor du roi
Rhampsiniie, mêlé à une autre fable, que l'on trouve aussi
isolée, et reproduisan t tous le1: épisodes du récit d'Hérodote,
dans le livre lI, Euterpe, chap. 121 de ses Histoires.
Les générations se sui vent ét se transmettent sans interru p':'
tion ces fables merveilleuses, dont qllelques-unes semblent
aussi anciennes que l'humanité même.
... Quasi cursol'es vitaï lnmpada tradunt.
F.-M. LUZEL.
BULLETIN AllCHÉOL. DU FINISTÈRE. - TOME XV. (Mémoires). ~ 8