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XIII.
UNE VISITE A L'ÉGLISE DE LOCTUDY.
En ce moment s'exécutent dans la vieille église romane
d'importants ,travaux de restauration, sous la
de Loctudy
direction de M. Gout, architecte du Gouvernement, d'aprés
des plans qui ont été longuement étudiés sur place et qui
ont figuré avec honneur au Salon de 1886.
La Société archéologique du Finistére ne peut se désin
téressser de ce qui concerne les plus vénérables de ses mo-
numents; aussi ai-je cru bon de communiquer quelques
notes prises au cours d'une récente visite à cet édifice.
Les travaux devaient consister princi raiement à con solider
a en
quelques parties dont la stabilite était compromise,
d'autres qui menaçaient absolument ruine, à
reconstruire
refaire les charpentes et les toitures. Il y avait surtout à
rendre a de vieilles pierres, aux colonnes, aux arcades, aux
bases sculptées et aux chapiteaux lem caractère véritable
qui avait disparu sous un épais badigeon et même avait été
complétement modifié dans les trois chapelles absidales, où
un peintre en bâtiments avait cru devoir couvrit' les fûts des
d'un enduit en faux marbre et transformel' les
colonnettes
chapiteaux du XIIo siècle en chapiteaux corinthiens en y
peignant des feuilles d'acanthe.
procès-verbal du 20 juin i887, t. XIV, p. 66" d'autres remarques très
intéressantes de M. l'abbé Peyron, et d'importantes citations de M. le
vicomte de Blois).
Dans un compte de fabrique de l'église Saint-Mathieu, de Morlaix,
pour l'année 11>1>7, on ti'ouve l'indication suivante, qui a trait au même
Item se descharge d'avoir poyé audict maistre et compaignons dudict
eupvre (la reconstruction de l'église) pour courrir la poulle, le jour de
[(aresmepresnant, la somme de cinq solz dix deniers monnoye. Voir
aussi dans l'excellent ti'avail de notre vice-président M. Trévé(ly : Pro
menade dans Quimper, p. 129. La courre de ta poule blanche par les
bouchers de Quimper.
Tontes ces réparations sont maintenant fort avancées
,dans les chapelles de l'abside, dans le sanctuaire et le
déambulatoit'e qui le contourne. Le tl'anssept sud a été entiè
rement renouvelé avec quelques autres parties des 'murs
latéraux; l'arc triomphal, a l'entrée du Ch<;BUI', a èté sur
monté d'un pignon ou jable qui émerge en dehors des toi
tures et qui marq uera extérieurement la délimitation entre la
nef et l'abside. La voûte du sanctuail'e a été refaite en briques,
mais dans sa forme aricienne en cul-de-four; puis les voûtes
des chapelles absidales ont été consolidées au moyen , de
chaînages de fer qui sont visibles en ce moment, mais qui
disparaîtront sous les nouveaux enduits dont ces voûtes
seront revêtues.
Les anciennes sculptures ont été débarassées du badi
geon et des peintures qui les engluaient, et, ici, il convient
de rendre hommage au soin scrupuleux avec lequel les ou
vriers se sont acquittés de ce travail; le fel' des marteaux ·
et des ciseaux n'a point entamé la pierre, et les feuiIla:ges
bizarl'es, les enroulements, les ornements variés ont reparu
dans leur caractère archaïq ue. Parmi les suj ets traités dans
ces sculptures, il est bon de signaler le Christ en croix,
reproduit dans un des chapiteaux du c6té sud et sur une
des bases de la chapelle absidale du milieu.
Notons que le pavé primitif était en contre-bas du pavé
actuel et que, pOUl' dégager les bases sculptées des colon
abaisser le niveau d'environ
nettes de l'abside, il a fallu
60 centimètres. Les bases des colonnes du sanctuaire et,
par , conséquent, de toute l'église sont enfouies a une pro
fondeur de 75 centimètres, comme on a pu le constater par
un sondage fait il y a deux. ans. Ce niveau ancien sera-t-Il
rétabli un jour? C,ela aurait l'incon venient de mettre le
pavè de l'église en contre-bas du sol extérieur, mais on don
nerait ainsi a l'édifice plus de hauteur en lui rendant son
caractère ancien et en faisant apparaître de nouveau les
sculptures curieuses qui ornent toutes les bases.
Ces ['emaniements d'un vieil edifice permettent parfois de
découvrir certains détails d'exécution et de construction
qu'il est impossible d'observer en dehors de ces circons
tances: c'est ce qui est arrive à Loctudy. Lorsque les
chœur et des chapelles absidales ont éte enlevées
toitures du
on a pu constater qu'elles recouvraient des dallages en
larges pienes schisteuses et qui primitivement formaient la .
couvel'ture de ces parties du monument.
C'était bien la pratique ancienne dans plusieurs églises
voûtées; pour écarter tout danger d'incendie, on .supprimait
les charpentes; et la toiture était remplacée par une terrasse'
formée de larges dalles offrant une pente convenable pour
l'écoulement des eaux du ciel. Mais si ce s'ystéme de cuu-
vertme assez bon pour les édifices du Centre et du Midi,'
offre des inconvénients dans un pays brumeux et pluvieux
comme la Bretagne. Les pierres de nos contrees sont
poreuses, les joints, quelque soigneusement qu'ils soient
maçonnes, laissent peu à peu passer les infiltrations qui se
manifestent sur les voûtes pàr des taches verdâtres, signes
d'une humidité pe['sistante. C'est ce qui est
manifestes
anivé à Loctudy; et pour obvier à cet inconvénient, pour
ne pas exposer les voûtes à se dégeader insensiblement SOI1S
l'action de cette humidité, on a dû recouvrir ces terrasses
d'une toiture en ardoises reposant sur une charpente.
Les mêmes inconvénients se sont reproduits dans d'autres
mouuments, et pour y remediel' on a eu reCOUl'S aux mêmes
moyens; notamment à Saint-Front, de PéTigueux, où l'on ,
est allé jusqu'à couvrir d'une immense et unique toiture les
trois grandes coupoles qui couronnent J'édifice. Dans la
restauration de ce monument l'architecte, M. Abadie, a cru
pouvoi.r supprimel' ce toit et rétablir à ciel ouvert les cou
poles et les anciennes terrasses. Les travaux sont-ils faits
avec assez de soin pour empècher désormais toute -inti 1-
tl'ation ~ Pourra-t-on éviter les mêmes mécomptes à l'église
du VCêu- National de Montmartre où ce même architecte à
adopté le méme systéme de dallage dans les parties qui ne
sont pas couvertes par les coupoles? Je le souhaite, mais
sans l'espérer, car non loin de nous s'est faite une expé
rience qui n'est pas pour encourager dans cette voie; à la
basilique de Sainte-Anne d'Auray les bas-côtés sont cou
verts en dalles de granit, et malgré l'habileté, malgré tous
les soins qui ont présidé à ce travail. les voùtes qu'elles
protègent sont, au bout-de quinze ou seize ans, imprégnées
d'humidité.
POUl' en revenir à Loctudy, apl'ès avoir . décI'it succinc
tement les travaux et leur avoir donné la part d'élog~~ que
je crois juste, faut-il passer, sans rien l'elever qui puisse
mériter la critique ~ Les archéologues sont sévéres, trop
sévères quelquefois pour les architectes. Pour ma part ce
pendant je dois avouer que je regl'ette un pal,ti pris exces
sif de tout remettl'e à neuf. Il ya certaines fenêtres qui ont
été complètement renouvelées et dont les ébrasements et
les tableaux un -peu détériorés , il est vrai, auraient fait
dans leur état frusté qu*avee ces pierres '
meilleur effet
toutes blanches qui feront tache longtemps sur la teinte
grise des mu!'s anciens. J'ai vu entailler et enlever à granos
coupsde maillet des blocs à peine écornés et qui résistaient
avec opiniàtreté aux efforts de l'ouvriel', et cela, pour re
lancer à leur place d'autres quartiers qui seront plus mal
maçonnés et qui seront moins solidement reliés au reste
du mur.
Dans ces nouvelles pierres et dans toutes celles du trans
sept sud, pourquoi a-t-on adopté une ciselure si fine au lieu
d'imiter autant que llossible la taille de l'époqu e romane?
Dans le transsept nord,aprés avo il' enlevé les enduits
qui couvraient le mur à l'intérieur, on a retrouve le cintre
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. - - T. XIV (Mémoires) 22
d'une fenêtre primitive qui montait presque jusqu'à la
voûte. Mais c'était trop tard, semble-t-il, car la fenêtre
qu'on a faite en face, dans le transsept sud, est placée a.
un niveau beaucoup plus bas, et même l'architecte a ag
gravé sa faute en lui faisant un pendant à la même hau
teur, dans la brauche du nord, malgré la présence du cin
tre primitif qui reste là com me un témoin accusateur.
Selon toutes les apparences, j'architecte se trouvera aussi
dans un grand embarras pour établir la charpente des bas
côtés, s'il ne se résigne à surélever les murs latéraux, car
avec les dispositions actuelles les fermettes viendront né- _
cessairement eouper d'une maniére disgracieuse les arcs
doubleaux qui rejoignent ces murs aux piliers de la nef.
Et maintenant, après avoÎl' fait la juste part de l'éloge et
du blâme, nous pouvons nous réjouir finalement en voyant
un monument aussi précieux-que l'église de Loctudy sauvé
d'une ruine prochaine et consolidé encore pour bien des
siécles.
L'abbé ABGRALL.