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XII
LA FAUCHERIE DU COQ
NOTE DE M. DIVERRÈS
A la séance du jeudi 27 août 1886 (Proeès- Verbaux.
t. XIII, p. 66), notre sympathique confrère M. l'abbé Pey
ron, secrétaire général de l'Évêché, nous communiquait un
document copié par lui aux archives départementales du
Finistère, consistant en une lettre du 12 ventôse an Il de
l'ère républicaine, adressée par les membres du Conseil
général de la commune de Lesneven aux administrateurs
du même district, donnant « des ordres pour faire dissiper
.les rassemblements d'enfants, qui, suivant l'ancien usage,
se permettaient de promener par les rues la tète d'un coq »,
au temps du carnaval.
La SoCiété 'semblant curieuse de connaître les similaires
de cette coutume, tombée aujourd'hui en désuétude, n·ous
avons fait quelques recherches que nous venons soumettre
aujourd'hui à l'appréciation de nos confrères.
Un article de M. Pélicot, membre de la société protec-
tl'ice des animaux, publié dans le nO 5 de la premièl'e année,
de la Revue de Bretagne et d'Anjou, sous ce titre « Jeux '
cruels en Bretagne », nous apprend, qu'il existait autrefois
chez nous un jeu appelé la faueherie du eoq, quise prati
quait aux environs des fêtes de Noël et du premier de l'an.
L'auteur, qui dit avoir été, dans sa jeunesse, témoin ocu
genre d'amusement, qu'il qualifie de «' saturna
laire de .ce
les », s' expri me ainsi :
« Le jour de Noël, aprés avoir promené leur victime, pen
due par les pieds au haut d'une longue pel'che, une partie
de la journée, les jeunes genl->, ordinairement des conscrits,
se rendent dans un champ ou tout autre enclos désignè à
l'avance. .
« Pendant que la foule arrive et que le champ se couvre
de curieux ;:tvides, on creuse un tl'ou au milieu : on y des
cend le coq et, spectacle ignoble, on le recouvre de terre
jusqu'au cou. On trouve que cette pauvre victime des amu
sements publics ne souffre pas assez, car on piétine la terre
tout autour de la bête, qui roule des yeux effarés où bril
lent la terreur et le désespoir. . . . . . . . . . . . . .
« Les jeunes conscrits choisissent alors celui qui, selon
leur expression, doit avoir l'honneur de combattre le pre~
mler.
« On bande les yeux a ce favorisé de la fortune; on lui .
fait tourner le dos à l'animal, on lui fait faire tl'ois ou
quatre demi-tours, puis on lui met entre les mains une
vieille faulx.
« Le faucheur alors s'avance du côté où il croit rèncon
trer la tête du gallinacé, et il donne de grands coups de
faulx à tort à tl'avers, avec une fureur telle que l'instru
ment du supplice est souvent brisé. Heureux quand le coq
n'attrape rien 1 C'est à ce moment que les cris et les l'ires
sort n'a pas favr)risé est de
se font entendre. Celui que le
venu le but de toutes les plaisanteries. Les bévues excitent
les lazzis et les moqueries des curieux. Puis on passe au
second fauch eur, et ainsi de suite, jusqu'a ce que l'adresse
de l'un ou pl utôt le hasard lui faSse trancher la tête du pau
attendant, la malheureuse bête est lardée
vre coq. Mais, en
donnés ou piétinée par le faucheur qui ne peut
de coups mal
faire attention où il met les pieds. Et dire que ce jeu dure
des heures 1 II etc.
cet article concerne un usage p 3.reil
Nous pensons que
a celui qu'interdisait l'ordonnance de police de Lesneven,
12 ventôse an II.
savant confrère M. Sébillot est de cet avis, et veut
Notre
bien nous communiquer les annotations suivantes, tirées
de ses Études:
« A Ercé (Ille-et-Vilaine), quand on lève la charpente
d'une maison, on tue un coq et on le mange. (Tratlitions
et superstitions de la Haute-Bretagne~ t. II, p. 139).
« La courrerie de coqs est une sorte de jeu en usage aux
environs de Rennes. On plante dans la terre un piquet
surmonté d'un papier, on bande les yeux aux joueUl's qui,
chacun à son tour, armés d'une faulx, sont placés à quel-
que distance du but. Celui qui parvient à faucher le piquet
reçoit, comme récompense, soit un lapin, soit plus génèrale
ment un coq. Ce jeu s'appelle aussi la Faucherie de coqs.
(Coutumes de la Haute-Bretagne, p. 252).
M. Sébillot ajoute :
« Ces deux faits sont des survivances; autrefois, on
sacrifiait véritablement un coq, dont on arrosait les fonda
tions des édifices: Auparavant, à des époques préhistori
ques et en Orient, on les arrosait de sang humain. Le piquet
de bois surmonté d'un papier a remplacé le coq, dans les
communes de l'Ille-et-Vilaine. Dans d'.autres communes,
c'est le coq qu'on fauche. Dans les Côtes-du-Nord, il ya
plusieurs pays ou ce jeu cruel est encore pl·atiqué. Dans
une commune limitrophe de celle ou je passe l'été, un
aubergiste a eu l'idée d'attacher un coq à un piquet et de
distribuer, moyennant un sou, douze petites pierres. Le
coq a.ppartient à celui qui le tue. Mais auparavant, son
sang a coulé, et celui qui lui donne le coup mortel est véri
tablement son libérateui" puisque la pauvre bête est déjà
et couverte de sang. » (1)
mutilée
(i) L'usage de la (aucherie du coq, me dit notre Président, existait et
existe peut-être encore dans la Haute-Bretagne; il ayail lieu dans la
aux environs des fêtes de Noël,
paroisse de Liffré (ile-et-Vilaine), non
M. Guillon, aujourd'hui notaire à Quim
mais à l'époque de la fenaison.
de la manière décrite par M. Pé
perlé, l'a vu pratiquer dans son pays,
licot avec une sensibilité tout à fait digne d'un membre de la société
. protectrice des animaux. C'était un· amusement qui couronnait tradition
la (auchel'ie des foins; au lieu du bouquet que portent ailleurs
nellement
les faneurs et faneuses, au bout d'une perche, on promenait à travers
tête du coq dont le sang avait rougi le gazon. (Lire dans le
la prairie la