Responsive image
 

Bulletin SAF 1887


Télécharger le bulletin 1887

Le Code Paysan et la Ronde du papier timbré

M. de la Borderie

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


VIII

LE CODE PAYSAN

LA RONDE DU PAPIER TIMBRE

LETTRE A M. LE vIe HERSAR T DE LA VILLEMARQUE
M embre de l'Institut
Président de la Société archéologique dit Finistère .

M ON CHER PRÉSIDENT,
Je vois avec plaisir que les archivistes de Bretagne
veulent bien tenir compte du vœ u exprimé par m'Ji sur les
recherches à faire pour compléter l'histoire de la R évolte du
papier timbré dans notre province, en 1675 .
Dans la 2 livraison de 1887 du BuLLetin de la Sociét.é
archéolog.ique du Finistère, j'ai lu avec intérêt les docu­
par M. Luzel sur le pillage commis à Spézet,
ments publiés
cette année-là, au commencement de juillet. Seulement, je
ne comprends pas bien pOIlI'quoi M. Luzel place ce fait le
1"r juillet, alors qu~des pièces publiées par 1 ui portent, à
plusieul's reprises, qu'il eut lieu « le premier dimanche de
juillet. » 01', en 1675, la lettee dominicale étant F, le

1 juillet tombait un lundi, et le premier dimanche d'3 ce

rnois était, pal' conséquent, le 7 juillet. C'est là la véritable
date du pillage de Spezet; cette date, au reste, est en­
core plus favorable ' à la connexité indiquée par M. Luzel

entre ce pillage et celui de Kel'goët (11 juillet 1675), puis­
que ces deux brigandages ne sont plus séparés que par
quatre jours au lieu de dix, ce qui donne a croire tout a
fait qu e la seconde expédition fut a rrêtée imm édiatement
après le succès de la prt;lmière.
Je s uis donc à cet égard entièrem ent de l'avis de M. Luzel.
Il n'en est pas de mème en ce qui concerne les observa-
tions produites par lui a u sujet de la R onde du p apier tim-
bre et du Code paysan, Il y a la des inexactitudes contre
lesquelles j'ai déjà protesté dans l'Avertissement de mon
petit vol ume sur la R évulte du papier timbré; je m'étonne
qu'on n'ait mème pas semblé tenil' compte de ces protes­
tations. Raison de plus pOUl' y insister en les précisant.-

En ce qui touch e le Code paysan, non-seulement je ne
comprends pas, mais mèm e je ne vois pas les (Jbjections
que l'on oppose jusqu'il présent a son authenticité .
La pièce est informe , dit-on; elle aurait été « fabri­
quée » (c'est-a-dil'e écrite, apparemment) ( dans l'officine
de quelque tabellion. »
Informe, cela veut dire (je le suppose) qu'elle n'est pas
revêtue de toules les formalités légales exigées en ce temps
des pièces dûment reçues et libellées par les (( tabellions »,
c'est-a-clirepal' les notaires. '
Mais cette pièce est le m anifeste de rebelles soulevés,
non seulement contre l'ordl'e politique, mais m ême contre
l'ordre social du temps ~1 ) ; il serait naïf d'exiger d'elle l'ob­
servation du protocole notarial. C'est comme si on lui re­
prochait de n'$tI'e pas écrite sur papier timbré, ce qui était
de rigueur alors pour les actes authenthiques.
(i ) «Rebantur omnia communia» dit, en 'i675, des rebelles affolés
de '1675, le recteur de Plestin (sur son registre de paroisse).

Cette pièce a toute l'au'thenticité qu'un manifeste de ce
gcme peut avoir. L'écr'i ture est incontestablement du
XVIIe siècle et du troisième quart de ce sièCle : je l'ai exa­
minée avec soin, avec l'assistance de mon confrère a l'chi-
viste-paléographe, M, Tempier, archiviste du département
des Côtes-du-Nord; nous n'avons, ni lui ni moi, aucun
doute SUI' ce point. M. Gaultier du Mottay pensait de même.
Quant a feu M. Lamal'e (ancien archiviste des Côtes-du­
Nord) qui le premier> je crois, a appliqué a la pièce l'épi­
thète d'informe, sans préciser davantage et d'ailleurs sans
contester l'époque de l'écriture, je me permettrai de rap­
peler qu'il n'était point paldographe.
Ainsi, d'une pal'I, l'époque de !'écritUl'e n'est pas contes­
table. De l'autre, par son contenu, la: pièce répond très-bien
a ce Code paysan, dont l'existence est positivement cons-__
tatée par la correspondance du duc de Chaulnes. Que veut­
on de plus pour prouver l'authenticité de cette pièce ~
Si l'on veut contester cette authenticité, il n'y a qu'un
_ moyen; c'est de démontrer, par l'examen intrinsèque du
texte, qu'il renferme des idées, des sentiments, en contra­
diction avec ceux des rèvoltés bretons de 1675.
Cette démonstration nul n'a essayè de la faire; quand
on l'aura tentée, on verra ce qu'il y aura a l'épondre. -
Jusque-la, contester sans preuve, sans arguments, l'au':'
thenticité de la pièce, ce n'est pas faire de la critique,
qu'on me permette de le dire c'est faire de la fantaisie. .

La question de la Ronde du papier timbré est plus dé­
licate, d'autant plus qu'on y a mêlé des questions de per­
sonnes, dont (je cI'ois)on aurait pu s'abstenir. '
J'ai beaucoup connu feu M. de Penguern, et au reste,
dans ce que j'ai a en dire, mon témoignage (s'il en était

par celui d'un
besoin) serait amplement cOrI'oboré amI
commun, qui a eu avec M. de Penguern des relations, non
pas plus intimes, mais plus longues et plus fréquentes
que les miennes: c'est M. le comte de la Monneraye, sé-
nateur et président du Consei l général du Morbihan.
M. de Penguern, quoiqu'on en ait dit, savait fort bien
le breton. Non seulement je l'ai vu traduire, ' devant moi et
pour moi, trés·couramment> quantité de prose . et de vers
bretons. Mais je l'ai vu 'et entendu causer longuement en
breto:1, a Lannion et aux envil'ons, avec nombre de paysans
et d'ouvl'iers.
Il avait des chercheurs qui recueillaient pour lui des
chansons populaires dans les campagnes, c'est vrai. Mais
il en recueillait lui-même directement fréquemment. Non
seulement il me l'a maintes fois affirmé, mais j'en ai éte
temom.
Je n'ai pas eu l'honneur de connaître M. René Keram­
brun (qu i était, je cl'ois, parent de M. Luzel); mais j'en ai
fort entendu parler par 1\1. de Penguel'll, dont il était l'ami
intime, et s'il avait joué vis a vis de ce dûnier le rôle de
« pasticheur D, c'est-a -dire de mystificateur, que
M. Luzel lui prête, il eût abusé de la confiance d'un ami
d' nne façon parfaitement indélicate. Mais je suis loin d'en
étre persuadé.
J'ai entendu dire a M. de P enguern, a propos de plu­
sieul's chants populaires bretons recueillis par lui, ceci :
« J'ai tl'Ouvé, moi-même, la plupart des couplets de ce
« chant el je l'ai complété avec une version recueillie sur un
« autre point du pays par mon am i Kerambrun ou « par
« tell e autre personne», mais le nom d/3 M. Kerambrun
revenait en ce cas assez souvent, ce qui n'a rien d'éton-
nant, vu les relations intimes existant entre lui et
M. de Penguern. Dans le nombre des chants, au sujet
desquels M. de P enguern me dit cela> se trouvaient, j'en suis

sûr, la Ronde du papier timbre et la Vieille Ahès; pour 'ceUe
dernière il indiquait, autant qu'il m'en souvient; ,comme lui
ayant été fomnis par M, Keeambrun, le refrain et les c:ier-
niers couplets de la chanson. "
A Pl'OPOS de la Vieille A hès, permettez-moi, mon 'cher

Président, une courte digression, qui, d'ailleurs, se rat...,
tache assez naturellement à m~n sujet. Après 'la mort d~
M. Guillaume Lejean, on a imprimé sous . sa signature,
dans la Revue Celti(jue, un article où cette pièce est spécla""
lement indiquée comme type des chants bl'etons apocry '
phes; je crois même (je n'ai pas la Revue Celtique SQUS la
main) que je suis noté comme une des vic Limes de cette
supercherie . Or, vers 1850 et 1851, j'étais a Paris, à l'E-
cole des Chal'tes; je voyais souvent M. Le Jean; je lui his,
n on pas une fois, mais deux ou trois fois, la Vieille Ahès.,
que je tenais de M. de Penguel'O (texte et traduction !":
M. Le Jean examina cette piéce en détail, la trouva l!'ès-
curieuse, et expl'ima 'le désir' de la voir publiel' prompte-
ment. Ce souvenir contribua méme" quelques années
a près, à me la faire imprim el' dans l'A nnuail'ehistorique
de Bretagne. "
Revenant à MM. de Penguem, Kerambrun et â la
Ronde du papier timbré, voici ce qui me semble ressortir
des souvenirs personnels ci-clessus l'apportés par moi et "
dont je garantis l'exactitude. ,
M. de Penguern> dont la véracité ne peut être mise
en doute par aucun de ceux qui l'ont connu, et encore
moins par les autres, ' M. de Penguern avait trouvé, re'­
cueilli une partie de la Ronde du papiel' timbré; une autre
paelie ou mème une aull'e version lui avait été communi­
quée pa l' M. Kerambrun. De cette double source SQI,tit le
texte (1) qui fut lu au congr'ès brelan de Morlaix en 1850

(i) Que ce texte breton ne :se trouve point dans la partie de la c6Ilec­

et dont la traduction fut imprimée dans les procès-verbaux
de ce congrès.
· M. Kerambrun, en recueillant les chansons bretonnes
populaires et avant de communiquer ses trouvailles à
M. de Penguern, leur faisait-il une petite toilettc, rejetant
les scories, adoucissant les angles, mettant les beaux
traits en pleine lumière? Je l'ignore. Cela ne serait point
impossible, et il aurait pu l'avouer, car à cette èpoque cela
n'aurait point passé pOLÎI' un crime. Pour M. de Penguern,
là-dessus il était intraitable et n'ajoutait, ne changeait ni
retranchait un iota.
t à l'objection contre l'origine populaire de la Ronde
Quan
du papier timbré, de la Vieille A hes et autres chants bre-
tons, tirée de ce qU '3 M. Luzel ne les a point « retrouvés
dans la memoire du peuple », cet algument purement
négatif est d'une valeur bien faible. o.n n'a pas tl'ouvé,
soit. Cela donne-t-il le droit d'affirmer ou d'insinuel'
qu'un autre, venu auparavant, et qui affirme avoit' trouve,
était un menteUJ''? Car, en définitive, il faut en venir là. Non
urèment : cela prouve seulement que l'on est venu
ass
trop tard. Il n'y a rien qui disparaisse plus aisément>' en
notre siécle, que les vieilles chansons populail'es. Il y a
quelques années j'ai chel'ché et fait recherchel' à Vitl'é (pOUl'
un de mes amis) de vieilles rondes que j'avais chantées
et dansées dans mon enfance avec mes camarades d'école
et dont ma mémoit'e n'avait gardé que . quelques lam­
beaux. Je n'ai rien pu retrouvel' du tout.

lion Penguern déposée à la Bibliothèque nationale, il n'y a pas lieu de
, s'en étonner : beaucoup de fragments de cette collection ne sont point à
Paris; pour ma part, il n'y a pas longtemps, j'en ai acqllis un . qui ne
compte pas moins de 70 pages, texte breton, de la main de M, de Pen­
guern.

Voici ma conclusion, mon cher Président.
Je maintiens nettement l'authenticité du document
publié par moi pOU!' la première fois sous le t.i tre de Code
paysan, titre emprunté à la correspondance -de M. de
Chaulnes, cal' la pièce manuscl'ite ne le porte pas. Si l'on
attaquer cette authenticité par les seuls moyens va­
veut
lables indiqués ci-dessus, ou je répondrai, ou je me ren-
deai volontiel's aux bonnes raisons, s'il s'en trouve, -
qu'on aura produites.
Quant à la Ronde du Papier timbré, l'affirmation par-
faitement certaine de feu M. de Penguern ne me permet
pas de douter qu'il n'eût trouvé « dans la mémoire popu­
laire » au moins une partie de cette pièce. Dans l'A vertis­
sement de mon étude sur la Révolte du Papier timbre,
j'admet tais que l'œuvre populaire eût subi des retouches.
Si l'on veut qu'elles soient de M. Kerambrun, je n'ai pas de
moyen opposant.
Ce que je repousse absolument pour M. Kerambl'un,
c'est ce rôle de mystificateur professionnel, attitré, s'exer­
çant au détriment d'un ami, et qui, vu la confiance entière
de cet ami, n'eût pas été, il faut le dire tout net, le fait
d'un honnéte homme.
Plus j'y songe, plus je suis convaincu que M. Luzel
n'insistel'a ['as pour attribue!' un tel rôle à un ami, à un
parent, à un homme qui, dans l'opinion de tous ses con­
temporains, était tenu pOUl' incapable de celle petite
vilenie. .
Pour finil', je n'eo remercie pas moins M. Luzel d'avoir
tl'ouvé et la Société archéologique d'avoir imprimé les cu-

rieux documents de 1675 contenus dans la 2" liVJ'aison 1887
de son Bulletin. Je les prie J'un et J'autre de continuer, - et
mes
vous, mon cher Président, d'agréer l'expression de
sentiments bien affectueusement dévoués . .

ARTHUR DE LA BORDERIE •

REPONSE DE M. L UZEL

Je ne puis laisser passer cette lettre sans réponse, non
pas tant pOUt' moi que pour mon ami Kemmbrun, qui y est
fort maltraité.
Quand elle a été lue, il. lÇl. séance du 28 avril de la So­
ciété archéologique du Finistère, des protestations se sont
élevées au sujet de l'âpreté de la forme, et quelques mem­
bres ont demandé des suppressions ou du moins des atté­
'nuations, sur certains points. J'ai réclamé po'ur que le lexte
de J'auleur fût rigoureusement respecte et que la lettre pa-
rût, dans notre plus prochaine livl'aison, dans son intégrité
absolue et sans modifications d'aucune sode. Notre Prési­
'dent; M. de la Villemarqué, appuya vivement ma proposi­
tion, et personne n'insista plus dans le sens contraire.

Je reconnais toute la compétence et l'autorit é de M de la
Borderie, dans les questions qui regardent l'histoire de Bre­
tagne, et même, bien qu'a un degré moindre (M. de la 80r­
del'ie ne sachant pas le bl'eton), dans celles qui ont rappol't
a sa littérature. Mais, ayant sur un point spécial de littél'a-
tUl'e populaire, une opinion contraire a la sienne, longue-
meilt formée et mÛl'ement réfléchie, M. de la Borderie ne
peu t pas trou ver mauvais que je veuille la défendre, par les
moyens que j'ai par devers moi, sans jamais sortir des li­
séance la plus stricte.
mites de la bien
D'abof'd, pour son obel'vation en ce qui conceme la date
exacte du pillage de la maison du notaire Porcher, a Spé­
ze t, qui serait le 7 juillet 1675, et non le 1 juillet, comme
je l'ai dit, je conviens volontiel's que j'ai commis une el'~
reUl', qu'il faut rectifier. Cela vient de ce que j'ai confondu
le premier dimanche de juillet avec le dimanche premier
juillet. Je ne puis qu'être reconnaissant de cette l'ectifi­
cation, qui a son importance.
M. de la Borderie fait tomber l'ur moi seul toules les
rigueurs de sa critique, alors que d'autres personnes, et
des plus compétentes, dont j'ai cité l'opinion, qui va plus
loin que la mienne, du moins en ce qui regarde la Iléga­
tion de l'authenticité du Code paysan, sont épargnées et
corn pIétement passéeR sous silence. Pour le Code paysan,
je l'ai déjà dit, mon opinion n'est pas définitivement for­
mée, mais je penche fort à cl'oire a son authenticité; le té­
moignage du duc de Chaulnes est un puissant argument
en sa faveur,. comme le sont aussi les raisons tirées de la
paléogl'aphie; d'ailleul's, j'avoue mon peu de compétence
pour l~s doc uments de ce gel1l'e. Don c, sur ce point, je suis
enCO l'e très disposé a me rendre.
Il n'en' est pas de même pour ce qui regarde les deux
pièces connues sous les noms de : la Ronde du papier

timbré et la Vieille Ahès, et, sans avoir la pl'étention de
convertir M. de la Bor'del'ie a mon opinion, je réclame le
d l'oit de la conserve 1', jusqu'à ce que l'on ait apporté à l'appui
de l'opinion con traire des a rguments pl us décisifs que ceux
que l'on a produits, jusqu'ici.
C'est là le vl"ai point en litige entre nous, et sur lequel
je crois devoi r insister.
Je me suis occupé, de bonne heure (depuis 1844),des tradi­
tions populaires dela Basse-Bretagne,etje crois y a voir acquis
une certaine compétence. Ce que je pense et dis SUI' la ma-
tière est le résultat d'un e long ue et patiente étude dè la
question, et mon opinion, bien arrêtée aujourd'hui, s'est
formée sur des documents recueillis par moi-même et à
des sources vraiment populaires. Je n'ai, du reste, d'autl'e
prétention que d'exposel', en toute sincérité, le résultat de
mes rechercbes,avec les conclusions auxquelles elles m'ont
conduit, et qu'est bien libre de rej etet' quiconque ne cl'oit
pas devoir s'y ralliel'.
Je nie l'authenticité, comme docum ents vraiment popu­
laires, dc la Ronde du papier timbré et de la Vieille Ahès,
deux poésies bretonnes de la collection de M. de Penguern.
M. de la Borderie, au contraire, soutient l'authenticité de
ces mémes piéces. Voilà le point en débat entI'e nous.
raisons de ma négation:
Je donne pou r

1 Pendant plus de quarante ans (j'ai corn mencê à recueil­
lir des chansons bretonnes en 184:1 et j'ai conserve mes
anciens cahiers, qui peuvent en faire foi ), j'ai minutieuse- .
ment explol'é l'arrondissement de Lannion, et plus parti­
culièl'ement le canton de Plouaret et celui de la Roche­
Derrien, dans lequel se trouve la commune de Pt'at, celle
de l\erambrun, à la recherche des chansons et des récits
.traditionnels du peuple> et je n'ai jamais pu y trouver ni un
couplet, ni un vers, ni le moindre souvenir de la Ronde du

papier timbré ou de la Vieille A hès, que l'on prétend avoir
été recueillis _ dans cette région;
2° M. de la Villemarqué, qui a explol'é toute la Cornouaille
pal,tie du Léon, avec le succés que l'on sait, n'a pas
et une
été plus heureux que moi, à l'endroit des deux piéces en
question: il n'en a pas trouvé la moindre trace;
3° Mme de Sain t- P ri x, qui recueillai t également des
chansons bretonnes, dans les environs de Morlaix et une
partie de l'an ondissement de Lannion, et cela a la même
époque que M. de Penguern et moi, n'a rien trouvé non
plus des mémes piéces. Sa collection, versée dans celle de
nguern, et qui se tl'ouve, confondue avec elle, a la
M. de P e
Bibliothèque Nationale, a Paris, en fait foi;
4° J'ai la conviction iutim e, a défaut de preuves maté­
rielles suffisantes, que les deux morceaux son t des pastiches
de Gui llaume-René Kerambrun, de la commune de Prat,
avec lequel j'ai vécu dans les rapports les plus intimes, et
qui, en 1849 ou 1850, me parla le premier de la Ronde dù
papier timbré et de la Vieille A Ilès ;
5° Vers la même époque, Kerambrun, qui, pendant ses
séjoUl's à Prat, chez son pére, s'était mis,
fréquents
comme moi, a recueillir des chansons populaires, céda
sa collection à M. de Penguern, dont il devint l'associé et
le colfâboratéur, pour la traduction surtout, connaissant
mieux que lui les seCl'ets du dialecte de Tréguier, et en vue
d'une publication, qui est toujours restée a l'état de
projet (1) ;
(i ) Je crois que la rédaction du manuscrit d'un premier volume était
fort avancée, ' quand Kerambrun fut atteint d'une amaurose qui lui fit
perdre la vue et l'obligea à renoncer à son travail. Sur la couverture des
Mémoires de la Société archr!ologique et historiqu.e des C6tes-dn-Nord,
on lisait l'annonce suivante, en i85lJ" alors que Kerambrun était déjà
mort, depuis près de deux ans : Recueil de chants bretons relatifs ana:
Croisades et à la Ligue, trainits et annotés par MM. de Pengnern et
R. [(erambl'un. .

6 Les textes bretons des deux morceaux n'ont jamais
été publiés, et l'on n'a pas fait connaitre non plus les noms
des chanteurs, ni ceux des localités ou ils auraient été re­
cueillis, ce qui est regrettable, car, les manuscrits n'existant
plus, dans la volumineuse co llection déposée à la Bibliothè­
que Nationale, il nous est impossible de tirel' quelque argu­
ment de la langue, pour ou contre l'authenticité, et, malheu­
reusement, je ne crains pas d'affirmer que les deux pièces
ne se retrou veront pas dans le peuple;
7 Si M. de la Borderie soutient l'authenticité populaire
de la Ronde du pap ier timbré et de la Vieille A hès, parce
qu'elles proviennent de la collection de M.:. de Penguern,
dont la bonne foi était abso lue, il sera logiquement conduit
à soutenÏl' également celle de tontes les autres pièces sus­
pectes qui s'y trouvent, comme un fragment SUI' GUI'vand
de GOëlo, une apostl'ophe de La Fontenelle à son épée, un
fragment intitulé Bétrie, qui est attribué à Du Guesclin,
les Loups de mer, que j'ai insél'é dans le 1 er volume de mes
Gzoerz iou (p. 73), et quelques autl'es morceaux, qui ne peu­
vent résister à un examen impartial et consciencieux;
8 Enfin, Cambry, de Fl'éminville et E. Souvestre, qui ont
parcoUl'u et étudié la Bretagne, à différentes époques, et
inséré dans leurs li vres des poésies bretonnes, pl us ou
moins au thentiq ues, n'ont jamais fait. la moind re allusion
aux deux pièces en question.
Je pourrais produire encore quelques arguments, d'un
ordre plus personnel; mais, je m'en tiens à ceux-là, que je
cl'ois suffisants.
Je ne discuterai pas ici avec M. de la Borderie le degré
de connaissance de la langue bretonne que possédait M. de
P enguern. M. de la BOI'derie me dit l'avoir vu recueillir et
traduire des chansons et converser couramment avec les

paysans bretons, dans leur langue. Je le crois volontiers;
pourtant, cet argument ne peut avoir toute sa valéur qu'au- .
tant que le témoin ' connaitrait lui-méme le breton, de
maniére à pouvoir dire, en parfaite connaissance de cause,
jusqu'a qu el point M. de Penguern et ses paysans se com­
prenaient. Pour moi, je suis convaincu que M. de Penguern
n'avait pris Kel'ambl'un comme collaborateur que parce
. qu'il le jugeait comme plus versé que lui dans la langue .
. Je le tiens, du reste, de Kerambrun lui-méme.
Voici maintenant les raisons et les arguments de M. de
la Borderie au soutien de l'authenticité des deux pièces ;je
laisse de côté le Ca'de paysan, dont l'authenticité me parait
fort probable.
ô M. de Penguern connaissait parfaitement le breton .

Je viens de répondre à cet argument.
2° A l'égal'd du respect des textes populaires: « M. de
« Penguern ètait intraitable et n'ajoutait, ne changeait ni
« ne retranchait un iota », dit M. de la Borderie. C'est
aussi mon avis, et je n'ai jamais manqué une occasion de
le dire . . Aussi, n'est-ce pas à lui que j'attribue les quelques
pastiches qui sont dans sa collection. C'est pour cela enCOl'e
que les pièces qu'il a trouvées sont les mêmes, pour la
plupart, que celles que j'ai recueillies moi-même, et sous
la méme forme et avec les mêmes impel'fections et les
mêmes ·Iacunes, sauf de légèl'es variantes. Nul mieux que
apprécier l'honnéteté et le scrupule qu'il ap­
moi ne peut
portait dans la repeoduction des chansons de nos paysans.
Point de morceaux chez lui d'une antiquité ex~gérée, et
peu d'un goût et d'une foeme irréprochables. II en est de
aussi de la collection de Mme de Saint-Prix;
méme
3° M. de Penguern a di t aM . de la Borderie qu'il avait ·
recueilli lui-même une partie de la Ronde du papier timbre

et de la Vieille A !lès, et que le re>Jte lui venait de Keram­
brun. Je crois bien qUtl la mémoim fait un peu défaut à
M. de la Borderie, et je suis convaincu que tout venait de
Kerambl'Un, dans les deux pièces;
4° M. de la Bordel'ie affirme, et je le crois parfaite-
ment, . que M. Guillaume Le Jean, le cèlèbre voyageur,
communiqua, en 1850 ou 1851, la Vieille Ahès, ne
• à qui il
faisait aucune objection à son authenticité. M. Le Jean, à
cette époque, s'était peu occupé de poésie populaire, et son
opinion est d'un poids assez léger, dans la matière. Du
pastiches bretons, selon
reste, il a lui-méme fabriqué des
la mode de l'époque, et j'en possède un de lui, assez long
et fort curieux, et avec des prétentions histol'iques, comme.
toujours;
5° Si, ajoute M. de la Borderie, vous n'avez pas trouvé
dans la mémoire du peuple la Ronde du papier timbré et
III Vieille Ahès, « cela vous donne-t-il le droit d'affirmer
« ou d'insinuer qu'un autre, venu avant vous, et qui affirme
(c avoir trouvé, était un menteur ~ » (Voilà un bien gl'OS
mot!) « Non, assurément; cela prouve seulement que
« vous êtes venu trop tard. Il n'y a rien qui disparaisse
« plus aisément, en notre siècle, que les vieilles chansons
« po pulaïres. »
J'en aurais long à dire là-dessus; mais abrégeons.
Induire de ce que je n'ai pas trouvé telle ou telle pièce -'
que nul autre n'a pu la trouver ou ne la trouvel'a, ce serait,
certes, une prétentio9- téméraire; mais, c'est du moins une
présomption qui n'est pas à dédaigner, surtollt lorsque les
autres chercheurs les plus heureux n'ont pas mieux réussi
je n'ai pas voulu dire autre chose.
que moi;
Je suis arl:~\lé frop tard, dites-vous.
je ne suis pas arrivé trop tard ·! M. de Pen­
Mais non,
guern n'a communiqué la Ronde du papier ttmbré et. la

Vieille Ahès qu'en ,1849 ou 1850, et c'est aussi l'époque ou"
Kerambrun m'~n fit pal;t, comme de l'apostrophe de La
Fontenelle a son épée, les Moines de 'I'Jle-Vel'te et quelques
autres, qu'on n'a pas retrouvés depuis, dans la mémoire du
peuple. 01" comme je l'ai déja dit, j'ai commencé ma col-
lection en 1844, et j'ai toujours cherché depuis. J'ai exploré
la commune de Prat, qui était celle de Kerambrun, et ou
je passais, tous les ans, la majeure partie de mes vacancés,
autant que Kerambrun lui-même, et je puis affirmel' que
peu des chansons qu'il était possible d'y trouver ont du
m'échapper. Et puis, les vieilles chansons populaires ne
disparaissent pas, dans notre siècle, aussi aisément queJe
dit M. d~ la Borderie, en Basse-Bretagne du moins; il s'en
faut de beaucoup, et M. de la Villemarq ué doit être de mon
avis là-dessus. J'ai déja publié deux assez gros volumes de
chansons populaires bretonnes, et j'en prépare un tl'oi­
sième; plusieurs des pièces qu'ils contiennent sont an­
ciennes et ont été recueillies en 1844 ou a différentesépo­
ques ultérieures; beaucoup de mes chanteurs et chanteuses
sont morts; eh bien, je pUIS affirmer que, malgré l'époque
éloignée et les pr08rès de la langue françai"e,dans le pays,
il n'est pas une seule de ces pièces que je ne puisse retrou­
ver, au besoin, non pas dans une seule bouche ou une seule
commune, mais dans plusieurs bouches et plusieurs com-
munes, mème assez éloignées les unes des autres . Je suis
prêt a tenter l'épreuve, devant témoins.

Je ne suis donc pas arrivé trop tard, et cet al'gument ne
pOI'te pas.
6° J'arrive a pl'ésent à une phrase dont j'aurais peut-être
demandé l'atténuation, daus l'expression de la pensée, si
M. de la Villemarqué ne nous avait :;.ffi·rmé que 'tous les
mots de la lettre de M. de. la Borderie étaient voulus,
avaient'été pesés et qu'il n'y avait rien a y changer. La ·,

cette phrase, qui m'a un peu je l'avoue,
VOICI,
awsI que presque tous les membres présents de notre
Société.
« Ce que je repousse absolum ent, dit M. de la Borderie,
« c'est ce rôle de mystificateUt' professionnel, attitré,
« s'exerçant au déll'iment d'un ami, et qui, vu la confiance
« entière de cet am i, n'eût pas été, il faut le dire tout net, .
(c le fait d'un honnête homme. 1) •
Vous étes dUl'JMonsieur, pour ce bon el doux poëte,dont
la vie, bien qu'assez coude, fut féconde en déceptions de tout
genre, et qui n'a jamais mérité d'être jugé si sévèl'emenl.
Mais, rassurez~vous, le rôle coupable et déshonnête dont
vous parlez n'a pas été joué par Kerambrun,au détriment d'un
am i. En 18'19 et 1850, la science des traditions populaires
était encore à l'enfance, et l'on s'amusait, dans le meilleur
monde, à des jeux d'esprit de ce genre, qui passaient pour
de simples exerçices littérail'es, et que l'on excusait volon- .
tiers, pourvu qu'i ls fussent réussis. Vous le dites vous­
méme, du l'este : « M . Kerambrun, en recueillant les chan-
« sons bretonnes populaires et avant de communiquel' ses
« trouvailles à M. dé Penguel'l1, leu\' faisait-il une petite
« to ilette, rejetant les scories, adoucissant les angles, met-
(( tant · les beaux traits en pleine lumière? Je l'ignore. Cela
(( ne serait point impossible, et il aurait pu l'avouer, cal',
« à cette époque, cela n'aurait point passé pour un c\'ime.»
Non, mais aussi il faut avouel' que la distance est mince de
ces manipulations à la constitution de toutes pièces d'une
poésie populaire ou prétendue telle. Depuis 1849 et 1850, le
point de vue a bien changé; mais, je pense qu'il n'est pas
juste de juger les hommes de 1830, 1840 et 1850 avec les
idées et la critique d'aujoud'hui, Qui donc songe enCOI'e à
reprocher a Walter Scott, à Julien Tl'avers, a Cambry, a
Emile Souvestre, a Pl'Osper Mél'imée,et à tant d'autres,leurs

podiques et innocentes (innocentes pour l'époque) super-
cheries, qui ont fait nos délices, dans le temps, et dont nous
aurions tort de leur en vouloil', aujourd'hui" ? Seulement, un
momen t vien t où il faut dévoilel' soi-méme la fiction et faire
connaltl'e la vérité, toute la vérité. C'est ce qu'ont fait
J. Travers et Prosper Mérimée, ce dernier, avec beaucoup
en mettant les rieurs de son c6té; et c'est ce
d'espr'it, et
qu'eût fait également Kerambrun, je suis intimement con­
vaincu, s'il avait vécu. Ne forçons donc pas la note; tenons
compte des temps, des cil'constances et de l'état de la science,
et nous serons dans la justice et la vérité. Ne soyons pas
" plus sévére pour Ker&mbrun qu'on ne l'a été pour Souves­
"tre, Mérimée et d'autres. Kerambrun était un galant
homme, incapable de vilénie, mais poëte aussi, de l'école
de 1830, et, à ce titre, moins rigoureux que M. de Penguern,
en fait de critique et d'exactitude historique. Il faisait des
pastiches bl'etoos, en 1849; aujourd'hui, s'il vivait en­
core, il publierait des chansons et des contes populaires
bretons, avec la méthode et selon les idées et les progrés
actuels de la science.
Pour conclure: Je vou s abandonne le Code paysan, dont
je n'ai jamais contesté fOl'mellement l'authenticité, me con-
tentant d'exprimer de légers doutes, comme vous pouvez le_
voir à la page 67, 2° livraison du Bulletin de la Societé "
archéologique du Finistere; mais, j'ai mon opinion bien
arrêtée SUI' la non authenticité populaire des deux pièces:
La Ronde du papier timbré et la Vieille Ahes. Vous me
semblez aussi ferme dans l'opinion contraire, et je n'ai pas
la prétention de vous convertir a ma manière de voir,
ni l'envie de me fâchel' de votre contradiction. Une
seule chose pourrait peut-être nous mettre d'accord: Ce
serait une enquête minutieuse et impartiale,entrepl'ise dans
l'al'rondissement de Lannion, où l'on dit que les deux pié­
ces ont été trouvées. En 1872, j'ai déjà demandé, pal' la voie

-de la presse, une enquéte semblable, el l'on a fait la sourde,
oreille. Je suis encore tout disposé à l'entl'eprendre, avec
deux ou trois autres personnes compétentes, et on pourrait
méme l'étendre à d'autres piéces dont, l'authenticité popu­
laire est sérieusement contestée. Les Anglais, vers la fin
du siècledern.ier, procédèrent ainsi, à l'égard des poésies
est temps encore, pour notre Basse­dites ossianiques. Il en
Bretagne; mais, que l'on se hàte pourtant, avant que sonne
l'heure du fatal: Trop tard!
F.-M. LUZEL.

DEUXIÈME LETTRE DE M. DE LA BORDERIE
à Monsieur le Président de la Société archéolvgique du Finistère.
MON CHER PRÉSIDENT,
Sur l'èpreuve de ma lettre je trouve, à la suite, la réponse
de M. Luzel. Si j'avais assisté à la séance où il a fait cette
réponse, j'aurais eu le droit de lui répliquer. Ce droit, je l'ai
encore, j'en use.
ne répondrai rien aux longues thèses SUl' les chants
populaires authentiques ou non, quoiqu'il y eût beaucoup à
dire. M ais ce n'est poin t mon but.
Ici, comme dans ma premiére lettl'e, je ne veux qu'une
chose : maintenir des faits qui sont à ma connaissance per­
sonnelle, sur lesquels j'ai le droit d'être cru.
1° Le premier, c'est que M. de Penguern savait le breton.
On conteste ce fait, sous prétexte que moi je ne sais pas
le breton .
Mais j'en sais plus qu'il n'en faut pour discerner si deux
interlocuteurs parlent breton ou français. Et (c'est peut­
être une illusion) je me crois assez d'intelligence pour
voir si ces deux interlocuteurs s'entendent ou ne s'enten­
dent pas, SUl'tout lorsqu'ils me disent qu'ils s'entendent.

Quant à l'hypothèse qui prétendrait que M. de Penguem
et ses interlocuteul's bretons, tout en ne se comprenant
pas, faisaient mine de se comprendre, apparemment pour
me mystifier, cette hypothèse est d'une telle natUl'e que je
n'épl'ouve pas le besoin d'y rèpondt'e .
. D'ailleurs, il y a plus: je vous ai dèjà dit, dans ma pre-
miél'e lettl'e, mon cher Président, que j'avais lu et commu-
à M, Le Jean le texte breton de la Vieille Ahès avec
niqué
sa tl'aduction par M. de Penguem, et que M. Le Jean (qui
savait le breton aussi bien que personne) ne trouva rien a
y reprendre. J'ajoute (pour mettre les points sUI' les i)
que M. de Penguern avait improvisé cette traduction, à
Paris, devant moi, en quelques minutes, sans dictionnaire.
Cela pl'ouve apparemment qu'il savait assez de breton '
pour causer avec les paysans bretonnants et recueillir d'eux
des chants populaÏJ'es.
2° M. de Penguern, qui savait le breton, dont personne
ne suspecte la bonne foi, m'a dit très positivement qu'il
avait recueilli lui-méme une part je des couplets de la
Vieille A hès et de la Ronde du papier timbré, et qu'une
autre partie de ces couplets provenait de versions a lui
M. Kel'ambrun (1).
fournies par
Ce n'est point ici chez moi un souvenir douteux ni obs­
CUI'; c'est un souvenir trés net et tr'ès précis. C'est de ma
part une affirmation très positive d'un fait qui m'est pet'­
sonnel, et je ne reconnais a personne le droit de venir, sur
un fait de ce genre, me dil'e, sans preuve, que « la
mémoii'e me fait un peu défaut. »
3° On me reproche d'avoir beaucoup maltraité M. Keram­
brun et d'avoir été très dur pour lui.
Ce reproche, parfaitement injuste en ce qui me concerne,
tombe en plein SUl' mon honorable contt'adicteur .

(i) Quant à Bétl'ic, à Gurvand, à Fontenelle, etc., comme M. de Pen­
guern ne m'en a jamais parlé, je n'ai rien à en dire, et je ne m'en
préoccupe d'aucune façon.

Posons d'abord qu'au point de vue moral aucune assi-
milation n'est possible entl'e les pastiches ou artifices litté-
raires qui ne s'adl'essent qu'au public, comme ceux des
Mérimée ou des Walter Scot, et les mystifications d'ordre
pl'ivé par lesquelles on abuserait de la confiance et de 'la
candeur d'un ami.
Quand je me l'appelle la boime foi entiére, la conviction
profonde avec laquelle M. de Penguern me parlait des
chants populaires ou fragments de chants populail'es à
lui ,foumis pal' M. Kerambrun; quand je me représente
quelle eût été son indignation s'il avait pu soupçonner une
fraude, je ne puis m'empêcher de penser et de dire que si
M. Kerambrun a fait ce qu'on lui prêle, il aurait fait là un
trait.
trés-vilain
Mais, je l'ai déjà dit et je le répète, d'après tout ce
que je sais de M. Kerambrun, je le considèl'e comme un
galant homme, parfaitement incapable d'un trait pal'eiL
Voilà comment je le {( maltraite » !
Et ceux qui m'accusent de le « maltraiter») sont ceux-là
même qui s'obstinent, malgl'é mes [ll'otestations, à l'écraser
sous un tel pavé!
Pel'mettez-moi de vous dire> mon cher Président> que je
trouve cela, moi aussi, un peu âpre . ..
Et veuillez, je vous en pl'ie, une fois de plus, agréer l'ex­
pression de mes sentiments affectueusement dévoués.
ARTHUR DE LA BORDERlE .
Je me contente de déclarer que je maintiens tout le
contenu de ma lettl'e insérée plus haùl, ne trouvant aucun
argument nouveau dans la nouvelle lettre de M. de la Bol'­
derie et ne voulant pas prolonger davantage ce débat, dont
le point en litige ne peut ètl'e définitivement élucidé que
par l'enquête que j'ai proposée. ·Je dirai seulement que
M. Le Jean, dont on invoque le témoignage, s'ost prononcé
contre l'authenticité des deux piéces, dans la Reoue Celti-
que, t. II, 1873, p. 67. F.-M . ·LUZEL.