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Bulletin SAF 1887


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Documents inédits sur la Révolte du papier timbré en 1675

M. Luzel

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III

DOCUMENTS INÉDITS
SUR LE . MOUVEMENT POPULAIRE CONNU SOUS LE NOM DE

« LA REVOLTE DU PAPIER TIMBRE ) , EN BASSE-BRETAGNE

Le soulèvement des populations de la Bretagne, en 1675,
connu sous le nom de: cc La Révolte du papier timbré, »
n'a guère fixé l'attention des historiens, qui, en général, '
n'en ont parlé que d'une manière foet sommaire. Mme de
Sévigné, seule, est entrée dans quelques détails, mais, trop
souvent, sous une forme légére, pen appropl'iéeau s uj et, et
qui, malgré tout son esprit, ne nous fait pas toujoues ril'e ,
nous auü'es BI'elons.
En 1860, dans là Revue de Bretagne et de Vendée, M. de
la Borderie a abordé le sujet avec détail, et y a apporté ses
qualités ordinaires de claeté, de précision et de critiq lie. En
1884, il a réédité son travail, en un petit livee, imprime chez
Prud'homme, à Saint-BI'ieuc, en y tenant compte des l'aees
documents qui, depuis 1860, avaient jeté quelque lumi èee
sUt' ceetains points l'es tés obscurs jusqu'alors.
Récemment, M. Tempiel', archiviste des Côtes-du-Nord,
a publié, dans les Mémoires de la Société archéologique et
historique des Côtes-du-Nord, année 1885-1886, des [,ié.ces
inédites, d'une impoetance capitale, et dont, malheueeuse­
ment, M. de la Borderie n'avait pu peofiter, en 1884. Ces
piéces sont relatives au soulèvement dn pays de Poher ou
de Carhaix, qui est la région où le mouvement se manifesta
avec le plus d'intensité. Elles se rapportent au pillage et à

l'incendie, par les révoltés, du château de Kergoat, les 11
et 12 juillet 1675.
Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes,
a dit Racine, et ce terrible et sanglant épisode avait été
précédé, d'abord de 'l'émeute de Châteaulin, du 9 juin (sui-
vant le curé Kervella, de Daoulas), où fut grièvemen t blessé
le marquis de Lacoste, lieutenant-général du Roi en Basse­
Bretagne, et plus tal'd, le l juillet, du pillage de la maison
de Mrc Henri Porcher, sr de la Croix, greffier et notaire des
juridictions de Kergorlay, Pommerit et Leslec'h et des con­
trôles et affirinaticlls, en la pal'Oisse de Spézet. Ce ·dernier
épisode, qui n'était en quelque sorte que le prélude de la
sauvage et sanglante tragédie qui, dix joues plus tard, eût
pour théâtre le château de Kergoat, semble ètre resté in­
connu Ù (ous ceux qui ont parlé, jusqu'ici, de ce mouvement
populail'e, et je ne vois pas que M. de la Borderie, ni
M. Tempier, ni aucun autre écrivain y fasse seuleme:lt
allusion. Dans les papiers de la cour royale de Carhaix, _
antérieurs à 1789, que j'ai fait réintégrer aux Archives du
département du Finistère, (lans le coueant de 1886, j'ai
trouvé trois pièces importantes relatives à ce début de l'in-
surrection, dans le pays de Poher, et je crois devoir les
reproduire ici, intégralement, convaincu qu'elles offriront
de l'intérêt â nos compatl'iotes, à ceux de la Cornouaille
surtout, et pounont servir un jour à compléter une histoire
de la Révolte du papier timbré, déjà si bien commencée par
M, de la Borderie, dont!e livre, du reste, ne laisse rien à
désirer, que pour ce qui regarde la Basse-Bretagne, et cela
faute de documents suffisants, comme je l'ai déjà dit.
Je n'ai rien trouvé jusqu'ici sue le combat du Tymeue, en
Poullaouen, entre les iroupes du duc de Chaulnes et les
paysans révoltés, et où l'insurrection fut étouffée dans l e

sang, vers le milieu du mois de septembre; mais, je ne
désespére pas de faire aussi quelqu'heureuse découverte, sur
ce point important, et encore assez obscur, en examinant
minutieusement les archives des communes des envil'ons
de Carhaix.
La répression de la sédition pal' le duc de Chaulnes fut
impitoyable, inhumaine, barbare, et ce qui donne encore
plus d'odieux à sa conduite, c'est qu'il s'en vantait et plai­
santait sur les malheureux paysans qu'il faisait pendre aux
arbl'es qui bordaient les chemins. Je lis, en effet, le passage
sui vant, dans une lettee de lui> datée de Port-Louis, 21 août
1675: « L'on a exécuté à Quimper l'un des plus s8ditieux
« de tous ces cantons, et les arbl'es commencen t il, se pan­
« cher sur les grands ch emins> du costé de Quimperley, du
« poids que l'on leur donne. »
Voici les documents que j'ai annoncés, relatifs au pillage
sr Porcher, au boul'g de Spézet, et à la
de la maison du
restitution d'une partie du mobilier du r:hâteau de Kergoat:

, Monseigneur,
Monseigneur de Marillac, conseiller du Rayet maistre
des requestes ordinaires de son hostel, intendant de
justice, police et finances, en la Genéralité de la pro­
vince Poitiers, commissaire départ y par sa Majesté
en cette province de Bretagne .
Suplie humblement Mra Henry Porchel', greffier et notaire
des juridictions de Quergorlay, Pommerit et Leslech, et
des con trolles et affirmations, en la paroisse de Spéhet.
Disant que les paroissiens du dit Spéhet, ne trouvants
aucun prétexte pour piller et ruiner le supliant que de ce

qu'il avait les greffes des co~trolles et affirmations, et que
ceux de Châteaulin avoient esté bruslés, s'estans, le
dimanche demier jour de juin, attroupès -dans le cimetière
de la paroisse de Spéhet, en grand nombre, pOUl' debvoil' se
jetter dans la maison du supliantpôur le piller et bruslel'
les papiers desdits controoles et d'affirmations, ayant sceu
qu'il s'estait préparè avec ses amis pOUL' se deffendre, ils se •
, retirèrent sans rien faire, et le dimanche suivant, septiesme
jour de juillet, ayans sceu·que le supliant avoit estè obligè
pal,tir pour Rennes, sur le mandement de son procu-

J'eUI', pour le subject d'un procès que sa compaigne y a de
conséquence de plus de quinze â vingt mille livres, tout le
génél'al de ladite paroisse s'estans trouvés â l'issue de ves-'
pres, au son du toxcin que l'un d'eux "fist, entrèrent â
grande foulle dans la maison du ,su[lliant, et après avoir
mangè tout le pain et la viande qu'ils trouvèrent en
grand nombl'c, veu qu'il n'y avoit aucune maison au bomg
où l'on dèbitoit du vin que celle du su pliant, et beu et
fait couller cincq bat'l'icques de vin" ils demandèrent â la
compaigne du supliant où estoit son mary, quoique la
plu pad sca voien t son absence, pou r leu l' déli vrer les cahiers ,
des con(rooles et affi!'n1ations, où la gabelle estoit escripte

pour les brùler. A q uoy leur' ayant respondue qu'ils scavoient
l'absence de son mary et que son clerc avoit pris la fuilte, •
cl'ain(e qu'on ne l'eust maltraité et assas iné,aussy bien que
SOIl mary, s'ils les eusseQit t!'Ouvés, ils montèrent dans la
chambre haulte de ladite maison et, il. coups de hache, coupè­
rent et levèrent les cèruresd'une presse (armoire) y estant; et
emportèrent, non seulement lesdits cahiers de controoles et
d'affirmations, mais encore la plupart de ceux de son greffe
ol'dinai re desdites juridictions et de tabellionnage et de sa
famille, comme aussy la somme de quatL'e cents livl'es,
qu'il avait d'argent monnoye, provenant de la recep(e du '
debit des vins vendus et débités au cartier d'avril, aussy

derniel', et environ six escus des con tl'ooles el.affi ernations,
dont il prétendoit s'acquiter tant envers les fet'miel's que
son marchand de ,vins, et plusieurs autres meubles, de la
val leur de cen t livres.
· Et non contants lesdits l'évoltés de ce qu'ils avoient faict,
ledit jour septiesme, ils retournèrent encore le lendemain
en la maison du supliant, avecq Yves Inizan, 'de la pal'oisse
de Saint-Hernin, où estans. enfoncèrent la porte de l'es­
curie, et amenèrent deux bœ uffs gl'as, de la vallem de
soixante livl'es, et tuèrent une génisse de la vall eur de
dix livres, qui a este pel'due, et dellivl'èl'ent lesdits bœuffs
audit Inizan.
Et ensuite, le même JOUI', allèrent au lieu de Penqüel~
Call1och, que le surliant tient en ferme soubs la dame
marq uise de Trévigny, et enfoncèrent les pOl'tes des mai­
sons, emportél'ent tous les meubles quy y estoient, de la
valleur de trante livl'es, el mirent Pierre Abgrall et Mar­
guerite St'eust, sa femme, leurs associés de la rèvolte, en
pocession dudit lieu. .
· Et de plus, dit le supliant que, pendant tout ce désordl'e,
sa compaigne fut obligée de se r èfugier et se cacher der­
rière le grand autel de l'esglise parroissialle dudit Spéhet,
crainte des furi es desdits séditieux, qui la menassoient de
la vie, et n'y amoient pas manquè, sans qu'elle prisl la
fuilt e, dês le commencement du premiet' désordre, et le
sieur Duparc Rouxel, son cousin, qui estoit avecq elle, pOUL'
debvoir les apaiser' par belles parol Gs, fust tellement battu
et maltraité, à coups de pierres, de batons et autres armes,
qu'il a eslé en danger de la vie.
Sy ~ous remonstt'e qu'estant gouverneur et trésOl'iet' de
la confrérie du Sainct Rozaire en la dite paroisse, il aVùit
mis tout l'argent quy y estoit tombé, de mesme oblations
dans un coffre, en la chapelle dudit Rozail'e, et
et rentes,
le dixiesme juillet, trois jours après la première révolte,

MissireJ ean COI'bé; prebtre, força lacompaigne duditsupliant
de luy ouvrir ledit coffre, ce qu'ayant faict, pour éviter la
furie dudit pl'ebtre et avoir sa vie sauff\'e, ledit prebtre pris t
et emporta ce qu'il voullut d'argent et laissa un billet de
dix-huit livres, par lequel il dist faussement que c'estoit
des mains de la compaigne du supliant qu'il"les avoit pri's,
car au contraire; ce fust luy quy prist ce qu'il voullust, sans
compter, et bien davantage que ladite somme.
Le supliant a subject de plainte contre ces révoltés, non
seullem ent de ce qu e dess us, mais encorre en ce qu'ayant
obtenu le bail de la na tte (anna te) de ladit e paroisse, des
sieurs Chanoines du cha pitl'e de Quimpel'tin, leur advenuë
pal' l'assassinat et decedz du deffllnct vicqllaire d'icell e,
pour deux cents livres, il -n'a peu veiller à la conservation
des dixmcs et droicts dépend ans dudit bail ny non plus de
son ménage, tant dan s la mey lhel'ic du P Calloch,
sa maison, son ll'afi c et débits de - ny enCOI'l'e
que de
ses chal'ges de g reffier et de notaire, a u contraire, a es té
ob ligé c1'aband onn el' le tout et de pl'endl'e logement à Car­
haix, ou sa femme et famill e y sont dudepuis, tous lesquels
domaiges et perles remontent à plus de deux mille livres et
qu i causent sa ruine totalle, à moins que, par l'authorité de
bonne justice, il ne puisse en avoir récompanse, et
votre
pour cest effect a recours à _votre g l'andeur pOUl' recquérir:
Qu'il vous plaise, Monseig neur, ayant esgard a tous ce
que dessus, 'adjuger au su pliant ladite somme vers lesdits
paroissiens sollidairement, en tout recepvoir sa plainte et
par y faire droict, circonstances et dépendances avecque
tout effect eL cognoissance de cause poUl' donner tels juge ,
et commissaire qu'il plaira à Votre Grandeur, et ce recepvoir
a la protection et sauvegarde du Rayet de la Justice,avecq
deffences auxdits paroissiens de luy médîl'e ni mesfaire, a
paine de mill e livres d'amande,et"autres paines quy escheent
et obligerez le supliant de prier Dieu pour vostre prospérité.

Permis d'informel' pO, UI' l'information faite et la minut,te
et rapports estre ordonnés ce 'que de raison.
Fait à Morlaix, le 27 septembre 1675,
DEMARILLAC.

Du 26 octobre 1675, , Information d'office faiste pal'
la Cour et siège royal de Carhaix, à la requeste de Mr" Henry
Porcher, greffier et notaire des juridictions de Quergorlay
Pommerit et Leslech, et des controoles et affirmations, en
la paroisse de Spéhet, demandeur et complaignant contre
les paroissiens dudit Spéhet, à quoy a esté vaqué par nous
Séneschal et premier magistrat dudi t siège: subdélégué de
Monseigneur de Marillac, conseiller du Royen ses conseils
et maistres des requestes ol'dinaires de son hostel, inten-
dant de justice, police et finances,en la généralité de la pro-
vince de Poitiel's, et commissaire départ y par sa Majesté, en
ceste province de Bretagne par 1'8xpédition de la plainte
luy pl'ésentée par ledit Porcher de luy respondre, le 27 sep­
tembre dernier, ayant avec nous le soussignant Louis Macé,
cl erc au greffe dudit siège, juré au cas requis Ce jour
vingt et sixiesme d'octobre mil six cents soixante el quinze.
JEAN CORFEN, mesnager, demeurant à présent au manoir
du Stangit, paroisse de Cléden Poher, trefve de Kergloff,
a3gé d'environ vingt et six ans, tesmoin juré, par serment
dire véritté, purgé de conseil et autre causes de valeUl',
examiné et enquis d'office.
Expose, qu'au mois de juillet derniel', un dimanche qu'il
croit que ce fust le premier dimanche dudit mois, eslant en
la demeure de M. Yvon, sieur de la Tour, au bourg paro­
chiaI de Spéhet, où il demeurait lors (comme) domestique,

incontinant après vespl'es, il entendit sonnet' le toxin, et
ayant sort y pOUl' voir ce que c'estoit, il vist une foullede peu­
ples quy couroit vel'S la maison de .maistl'e Henry Porchel',
sieur de la Croix, greffier ordinaire et des affirmations et
controoles dudit Spéhet, et s'estant rendu auprès de ladite
maison, vist que ceux qui estoient entrés dans ladite maison
distribuoient lepaio qu'ils y trouvèrent à ceux qui est oient
au dehors, ne pouvants tous entre!' dans ladite maison. En-
sem blement et en mesme temps, vid aussi roulle!' une bar­
rique de vin clairet hors de la maison, qui fut enfoncée et
beue par les gens qui estoient au dehors de ladite maison,
avec leurs chapeaux, ce qu'ayant veu, il entra dans la
maison, poue tàchel' d'empescher le désordre, et y ayant
tl'ouvè un gl'and nornbre qui beuvoientdans le cellier, et qui
faisaient cou ller le vin qui y estoit, il leur dit qu'ils ne
faisaient pas bien de faire couller ce vin, puisqu'ils en
avaient la disposition. A q uoy tous ces gens, pl'esq ue yvres,
mirent à jurer le Saint nom de Dieu que s'il ne vou­
l'etirer et se meller de ses affaires, qu'ils l'au!'oient
lait se
exterminé de coups. Et ayant sorti et monté dans la cham­
bre, ou il entendait du bruit, y trouva encore un grand nom­
bre de peuples et vist que la pl'esse (al'moire) ou estaient les
dudit sieur de la Croix avait esté en foncée, et
papiers
quantité de papier's rompus et brisés SUI' le plancher, qu'on
lui dit estre les controoles et affimations, et lui deil1andé­
rent pourquoy il voulloit se mellel' de ce qu'ils faisaient, et
que s'ils ne se fust en mesmes temps retiI'é, ils luy auroient.
apris à parler, ce qui l'ob ligea de se retirer; sy dist que
tous estaient des pal'Oissiens de Spéhet, entre lesquels il
ne reconnut que Marguerite Breust et son fils Jean, Olli­
vier Le Grand, appelé BelaiI', charpentier et menuisiel',
demeul'ant au village de Keroelland, audit Spéhet, tant son
apréhension fut grande de voir ce peuple jurer et enfoncer
les meubles de ladite maison et le menace!' de l'assommer,

ce qui l'obligea de se retirer hors du boul'g et quitter le
sel'vice dudit sieur de la Tout'. C'est sa l'cspcinse, Iuy
leue et donné a entendre, qu'il affirme vél'itable et ne savoir
signer, et icelluy le requérant, luy avons taxé pOUl' sa jout'~
née la somme de trente-deux sols.
DE LA BOESSlÉRE MACÉ
Sénéchal.
pour le s,·effc.
VINCENT LE GAC, mesnager, domestique du siem de la
Villcneufve, demeurant au manoir du Squiriou, pal'oisse de
Berrien> aagé d'environ vingtet deux ou vingt et trois ans,

juré pal' serment etc ....
Dépose que,le premiel' dimanche dejuillet demiel', estant
allé de compagnie avec le sieur Duparc Rouxel, chez qui
il demeuroit lors, au bourg de Spéhet, pour tâchel' d'em­
pescher le désordt'e que les paroissiens avoient pl'OpoiSé de
fail'e au sieUl' de la Cl'oix Por'cher, greffier ordinail'e des
controoles et affirmations dudit Spéhet, ainsy qu'il en avoit
eu advis, et qu'ils avoient voullu commencer le dimanche
pl'écédent, où estants et d'abord qu'ils entrèrent dans la .
mai,;on dudit Porcher, entendirent sonner le toxin, et en
mesme temps, tous les paroissiens qui estoient à 'Spéhet
sOI'tirent en foule de l'église ct se jettérent SUl' ledit sieur
Duparc, luy hostè t'ent ses pi stolets et son épée, le frappè­
rent a coups de bâtons et de pierres, de telle manièr'e qu'ils
le laissèrent comme mOt't sur la place, tout baigné de
sang, et l'auroient parachevé d'assassiner, sans qu'ils cru­
rent qu'il étoit mort, et ensuite entrèrent dans la maison
dela Croix, prirent une burriquede vindu cellier
dudit sieur
et la roullèrent au- devant de ladite maison, par dehors,
afin que ceux qui estoient et qui n'avoient pas entré dans
ladite maison, tant elle était remplie de gens, l'eussent beue,
et aussitost qu'elle fut mise hOl's, lesdits paroissiens l'en­
foncérent, à coup de pierres, et la burent avec leurs cha-
peaux, et ceux qui estoient dans la maison leurs bailloient

du pain en pièces, à proportion de ce qu'ils en avoient
besoin, et ayant entI'ê dan s la mai son, parmi la foule, vid
(vit) que le cellier estoit remply de,m onde, lesquels avoient
aussy enfoncée une autre ba ricque de vin, qu'ils beuvoient
avec leUl's chapeaux, et en avoient aussy fait coulIer, et
ayant entendu du bruit dans la chambre où estoien t les pa­
piers dudit Porcher, il monta dans ladite chambre, où il
vid enfoncer la presse,à coups de hache,et plusieurs paysans
piers qui y estoient et les faisoient lire
qui tiroient les pa
pa r un prebtre et une autre personn e à luy inconnue, lequel
prebtre et J'autre pet'sonne inconnue, à proportion qu'ils
lisoient les pa pi ers, les bailloient au x paysans révoltés et
diso ient de les déchirer ou de les mettre a u feu, ainsy
leur
qu'ils auroient voullu, disant que c'estoit la gabelle et les
controoles et affirm a tions ; dit de plus le déposant qu'il "id
deschirer partye desdits pa piers et les foul er a ux pieds, et
d'autre partye emporter pa r des paysans, à brassées, hors de
ladi te maison, sans scavoir ce qu'il s en firent; et vid aussy
plusieurs desdits pa roissiens, dans le- jardin, arracher les
choux et ce qu'il y avoit de légumes de conséquence ; sy dit
qu'il vid jetter quantité de baricques vides hors d'une petite
maison appelée P enquer an Calloch, appartenante audit Por­
cher, qu'ils cassoient et emportoient les douvelles, et. n'a­
voit' connu entre touLle cette foule de peupl e que Ollivier
Le Gra nd , qui se disoit capitaine; de plus, dit avoir oüy
p9.l' Ma rie Le Tilly,.de la paroisse de saint Hel'Oin, que les
bligèrbnt l'appel é Inizan , dit
pa roissiens dudit Spéhet o
Coat-Roux, d'am ene t' deux bœufs de maison dudit P or-
cher, qu'ils prirent de son escut'ye, après avoir enfoncé les
portes Et c'es t sa déposition, luy leue et donnée à en­
tendre, qu'il affirme vérittable, et ne scavoir signer, et
nt , lui avons taxé pour la somm e de
icelluy le requ éra
tren te-deux sols .
MACE,
DE LA BOESSIÈRE ,
Séneschnl. pour le greUe.

YSABEAU BOURIQUEN, Tille d'yves Bouriquen et de Louise
Le Tournier, ses père et mère, demeurant en qualité de ser­
vante domestique avec le sieur la Croix Porcher, au bourg
parochial de Spéhet, aagée d'environ vingt et quatre ans etc ...
Dépose que, le prerniel' dimanche du mois de juillet der­
nier, environ les trois heures de l'après-midy, elle ouyt
sonnee le tocsainct, en l'eglise dudit 'Spéhet, et tost après,
vist enteer dans la derrJeure dudit sieur de la Croix Por­
cher une grande foule de peuple paroissants esmeus, et di­
rent qu'il leur falloient avoil' les cahiers des controoles et
affirmations, et mesme la Gabelle> qu'ils disaient estre dans
ladite maison, afin de les bruller ; et sans vouloir écouter
aucune parolle, se mirent à fouiller toutte ladite maison
et a esfondrer les coffres, aemoil'es et autres meubles qui y
estaient, et pal'ticulièl'ement une presse, qui estait dans la
chambre audessus dn celliel' de ladite maison, dans laq ueIJe
estaient tous les papiers dudit sieur de la Croix, et fil'ent
lire lesdits papiers pal' Christophle Le Boulic, prebtre, curé
de ladite paroisse, qu'ils contraignirent à venir avec eux
pour ce faict, et après les avoir faict tirer, ils en déchirè­
rent une gl'ande partye, et en emportèrent aussy à brassées,
hors ladite maison, sans scavoir ce qu'ils en firent; et ensuilte
roulJérent une baricque de vin hors la maison, audevant de
la porte d'icelle, afin que ceux qui ne pouvoient y entrer, à
cause de la 'très gl'ande foulle, en eussent pour boire,
laquelle baricque ne fut pas si tast mise hOl's, qu'elle ne fust
enfoncée et beue par lesdits mutins révoltés; et les autres
mutins qui estaient dans ladite maison burent aussy et
gastèrent tout le vin qui estoit dans le celliel' dudit sr de la
Croix, et distl'ibuèrent tout le pain qu'ils trouvèrent dans
ladite maison parmy eux et ceux qui estoiant audehol's,
parmy lesquels révoltés elle ne reconnust que les nommés
OUi vier Le Grand, leur capitaine, Jean Le Goayer, le jeune,
le fils de Mal'guerite Breust, nommé Jean AbgraIl, Pierre

Allaire, surnommé Belail', m enuisier de so n mes tie l', les-
quels entrèrent les pl'emiel's dans ladite m aibon; et ledit
Abgrall estoit a rmé d'une hache, de laquell e il enfonça
ladite presse ou estoient les papiers dudit sr la Croix. Sy
dict.que le lendemain, environ les neufs a dix heures du
matin, la déposante vist arriver a udict bourg de Spéhet,
au son du tocsainct, une g rande quan tité de peuples , a l'­
més f'artye de fusils, d'autres de longs batons et fourches
ferrées, pa l'my lesquels elle ne reconnut que ledit Ollivier
Le Grand, armé d'un fusil, Louis Montorot et le nommé
Iniza n, lesquels ensemble, avec quantité d'autres, enfon­
cèrent la porte de l'escurie dudit sr La Croix Porch el', de
l'ordre dudit Le Grand, affin d'avoir deux bœ uffs que la
déposante y avoit mis, et qui apartenoient audit la Croix,
lesquels bœ uff;; ledit Iniza n emmena chez lui. Et ensuitte
furent' tous de compaig nie fouiller la maison presbytéralle
dudit bomg, que ledit La Croix tenoit et tient encore à
ferme, et le verger et jal'din dudit La Croix, pou r y ch et'­
cher du vin et les meubles dudit POl'cher, et mesme la Ga­
belle, qu'ils disoient qu 'il y avoit cach é. C'est sa dé­
position, luy leue et donné à entendre, qu'elle affirme vél'i­
tableet ne scavoir signé. Adjouste la déposante que, le
mesme jour de dimanche, ledit peuple révolté, après avoir
ainsy ranve l'cé les meubles qui estoient da ns la· demeul'e
du dit sr La Croix, ils se l'endil'ent dans une petite maison -
nette a luy apartenante,située auprès de la rue de. P enque r
an Calloch, ou eslants, ils enfoncèrent les portes d'icell e e t
emportèrènt avec eux tl'ois charretées de genets, dix futz
de baricques et quantittè de planches et autres meubles que
ledit sr La Croix y avoit mis .
MACÉ,
DE LA BOESSIÈRE,
pour le greffe.
Sénescbal.
LOUISE L'ARCHANTEC et JULIEN DUGAY, qui déposent en-

suite,ne révèlent aucun fait ou détail qui ne soit déjà. connu
pal' les dépositions précédentes.

N ICOLLAS PONTHOU, laboureur de tert'e, demeurant au vil-
lage de Kermenien, en la paroisse de Spéhet, aagé d'en­
viron vingt cinq ans, tesmoin jUl'é par serment etc ...
Dépose que, le premier dimanche du m ::iis de juillet, s'es­
tant rendu au bOUl'g de Spéhet à vespres, et incontinant
que les vespl'es furent dictes, comme il sOl'toit de l'esglise,
il vid le sacriste qui sonnoit le tocsainct,et en mesmetemps,
tou s les paroissiens s'estants attroupés se jettèrent en foule
dans la maison du sr La Croix Porcher, lesquels d'abord
roullèrent une baricque de vin audevant de la porte, par
dehors, laquell e en· mesme temps fut enfoncée, à coups de
pierres, et fut beue par ceux qui ne pouvaient eptrer dans
la maison, tant elle estait remplie de monde, lesquels don­
naient du pain à ceux qui estoient dehors, entre lesquels il
ne put reconnoistre que le fils de Marguerite Breust, appellé
Jean Abgrall, et le nommé Pierre Allaire, dit BellaiI', le,,­
vid dans le cellier et monter dans la chambre où
quels"il
estaient les papiers dudit Porcher, tant du greffe, controole,
que autres papiers dom estiques, lesquels Ab­
affirmations
gl'all et Belair paroissoient estre les chefs de la révolte, et
la plupart de· tous ces gens s'enyvrèrent du vin qui estait
dans le cellier, et ce qu'ils ne purent boire le firent couler
dans le celliel', et après qu'ils se furent retirés, le déposant
entra dar s la maison, où il vid que toute la place de la
de la maison et le cellier estaient remplis de vin, et ladite
maison toute foullée, et ayant monté dans la chambre, vid la
presse où estoient les papiers enfoncée,et un grand nombre
de papiers déchirés SUl' le plancher; sy dict que, après que
lesdicts attroupés eurent faict ce désordre, ils allèrent dans
une autre maison appellée Penquer an Calloch, que ledict
Porcher tenait en ferme de deffunct seigneUl' marquis de
Trévigny, et jettèrent se qu'il y avait de meubles hors d'i-

celle et emportèrent quantitté de baricques et autres meu­
bles et genêts qui y estoient ; et ensuitte vid ladite Mae­
guerite Breust se mettee en posession ùe ladicte maison, et
y est depuis demeurée Sy dict que, le lendemain, il entendit
sonnet" et estant allé voir ce que c'e.stoit, il
encore le toxin
an, de la paroisse de Saint-Hernin, qui
vid le nommé Iniz
apartenoient audict Porcher, et les
amenoit des boeuffs, qui
luyayant hostés, il dit au déposant qu'il avoit pesché de
les' luy hoster, et le déposant ayant quitté ledict Inizan
pOUt' allet' parler à Baboucou, sergent, il vid encore ledict
amenoit lesdicts boeuffs, et en tendit que le
IDizan qui
métayer de Crec'hallain, et plusieurs
nommé MODtorot,
autres de la paroisse de Spéhet l'avoient aydé à les prendre
amener. Et environ huit jours après, estant allé de la
part de la compaigne dudit Porcher chez ledit Inizan, de­
mander les boeuffs qu'il avoit amenés et visiter la maison
an et les crèches en despendans, ct'Oyant les y
dudit lniz
tt'ouver, la femme dudit lnizan luy dict qu'il n'avoit que
faire de chercher, et que lesdits boeuffs n'avaient pas esté
jours dans leui' posession, les ayant vendus; dict de
deux
prèsant, lorsque ledit Porcher acheta lesdits
plus qu'il fut
boeufs dudit Inizan, qui fut environ trois ou quatre mois
auparavant, et le pris en fut fait au dir'e de Jean Cadet et
de Jacques le Tournier, pour la somme de' quinze ècus. -
C'est sa déposition, laquelle luy leuë et donné à entendre,
affit'mé véritable et ne scavoir signer.
il a

MACÉ,
DE LA BOESSIÈRE,
Seneschal. pour te greITe.
Pour l'audition de six témoins, soixante sols .
III
Le pillage de la maison du sr de la Croix Porchet" au
bourg de Spézet, n'était que le premier acte de cette som-

bl'e tragédie. Le second acte, plus tel'l'ible et plus sanglant,
se passa dans la commune de Saint-Hernin, au château
de Kergoat, appartenant a M. Le Moyne de Trévigny, et
l'impitoyable répression du duc de Chaulnes constitua le
dernier acte.
troisiéme et
Je n'ai l'ien trouvé, dans les papiers du greffe de la Cour
royale de Carhaix conce l'l1ant le pillage et l'incendie du
château de leel'goat, ou la plupart des paroisses de la haute
Cornouaille étaient l'eprésentées par un nombl'e plus ou
moins considérable de leurs habitants, so uvent accompa­
gnés de leurs prètres; mais, mon collègue l'a l'chi viste des
Côtes-du-NOl'd M. Tempier, a été plus heureux, et il.a pu­
blié, dans les Mémoires de la Société archeologique des
C6tes-du-Nord, volume de 1885-1886, un document du
plus haut intérêt, à savoir : l'enquête judiciaire relative à
cette affaire, provenant d'un dossier de procêdure du fonds
de la seigneurie de Plestin et Lesmaës. En 1680, nous dit
. M. Tempier, Malo-Joseph Le Moyne de Trévigny, seigneur
de Kergoat et propl'iétaire des terres de Plestin et Lesmaës,
était en procès avec l'un de ses vassaux, qui lui contestait
ses dl'Oits de mouvance SUL' une maison située au bourg de
Plestin. Les actes manquaient, el, pour établil' la preuve
de la destruction de ses titres, le seigneur de Kergoat Pl'O­
duisit, au cours de la procédure une copie des dépositions
qui relataient toutes les circonstances de la dispersion et du
brùlement de ses, archives.
Ne pouvant reproduire ici les dépositions de tous les té­
moins, qui sont nombreux, j'en donnerai une seulement,
celle du notaire royal Michel Renault, qui suffira pour don­
ner une idée de l'exaltation et de la sau vagel'ie de celte
sédition. On y verra que ce qui se passa au château de
Kel'goat, les 11 et 12 juillet '1675, ne fut que la repl'O­
duction exagérée et plus sanglante de ce qui s'était passé,
le 1 el' du même mois, au bourg de Spézet.
BULLETIN ARCHÉOL . DU FINISTÈRE. · T. XIV (Memoires). q,

« Information faite ' à la requeste de Missire Malo-Joseph
Lemoyne de Trévigny, chevalier, seigneul'de Trévigny et
du Kel'goët, et damoiselle Sillvie-Catherine Lemoyne, ell­
fans de deffunts Missire Toussaint Lemoyne de Tl'évigny,
vivant, chevalier, seigneur marquis de Trévigny et du Ker­
goët, et de dame Phélipe du Quengo, poursuivant l'exécu­
tion de la plainte pal' ladicte dame du Quengo, leur mère,
pour le pillage, incendie> assasins et désordres faits au châ­
teau du Kergoët, au mois de juillet dernie l', à quoy a esté
vacq ué par nous, sénéchal et pl'emier magistrat du siège
royal de Carhaix, comm is et subdélégué pal' Monsieul' de
Marillac, conseiller du Royen ses cODseils,' maistt e des
estes ordinaires de son hostel, et commissaire départ y
req u
pour la punition des séditieux de nostre pl'Ovince, ayant
pour adjoint le soubz sig na nt, notaire et procureUt' dudict
Carha is,commis juré en tel cas requis, e n nostre logis audict
Cal'hais, ce jour vingt sixiesme septembre mil six cents
septante et cinq.
«Maist l'e MICHEL RENAULT, notaire royal de ceste cou!', âgé
d'environ tl'ente cinq a ns, demeurant en ceste ville de Car:"
h ais, thesmoin juré pal' sermant dire vé!'ité, purgé de con­
seil et autres causes de fabveur, examiné et enquis d'offiée.
que, SUL' l'avis qui fut donné à Monsieur le Gouver­
Dépose
neut' de ceste ville, l'ullziesme demie l', que les pésants du
canton sortoient, aux sons de toxains de plusieurs paroisses
ensembles et rendus proche le chasteau du Kergoët, et
l'auroient assiégé, s ur la vespl'ès dudict jour, il ot'donna à
l'instant que tous les habitants de Carhais se fussent mi.s
soubz les armes pour aller le landemain, douziesme du
mesme mois, fait'e lever ledict siège. Et ledict landemain,
les habitants, ayans Monsieur le Gouverneul' a leur teste,
se rendirent, environ les quatre h eures du matin, SUI' la
butte, avant a1'l'i ver au pont du moullin dudict chasteau de
Kergoët> dans le grand chemin conduisant de Carhais à

Quimper Corantin. Où estans, arrivèrent deux paisants, qui
les dévancoient, armés 'de chacun un fusil sut' !'épaull e, les­
quels, à leur abord, firent entendre qu'ils estoient avecq la
dame marquise de Trévigny> à quy apartenoit ledict chas­
teau et iL ses enfans, et pout' le justifier, montrèrent deux
escrits de ladicte dame et pt'ièt'ent MonsieUl'le Gouverneur
de leur donner deux notaires royaux pour l'édiger leurs
conditions par escrit, ce qui, leut' accorda; et leur donna le
dépoi:l.ant et maistre Le Houllier, et mis entt'e les mains du
déposant lesdits escrits. Et ensuilte luy et ledict Houllier,
accompagnés de ses paisants incognus, se transportèrent
audict chasteau de Kergoët, et estans à l'arrivée et avis du
portal de la court, ils virent un corps mort, tout nud. Et
ayant demandé qui s'estoit, lesdicts deux paisants ct d'au­
tres qui arrivèrent, aussy incognu au déposant, luy dirent
que c'estoit le corps du sieur de Kervilly, ageant de ladicte
Et ayant entI'é dans la pl'8mière coU!' dudict chas­
dame.
teau, vist un autre corps mort,sul' les doüves de la première
court dtidÎct chasteau, qu'on luy dist estre le cochet'. Et
entré qu'il fust dans la cour principalle dudict chasteau, vist
plusieU!'s p~rsonnes incognues, qui transportoient touttes
sortes de hardes et meubles dudict chasteau. Et ayant dit à
ces deux paisants qui les conduisoit qu'ils ne debvoient pas
laisser ainsy transpot'tet' lesdicts meubles, puis que ladicte
outtes demandes, les deux paisants
dame leurs accordoit t
se mirent lo.rs en debvoir d'arrester tous ceux qu'ils voyoient
transporter de.s meubles et hardes, et les fixent mettre dans
un mulon, auprès de la porte de sortie du grand corps de
Et Perrine Le Pelloux, de Ca l'hais, y jetta aussy un
logis.
pacq uet qu'elle a voi t prise. Eni' endroit, in tel'vin t ledict
Jan Le Coz, qui sallua le déposant et luy dist que Madame
it au couvent de la Chapelle Neufve, à Saint Sauveut',
esto
et l'ayant prié d'entr8l' dans le grand corps de logis, comme
il passoit, vist, au millieu de la court, un paisan nommé

Olliviel' Flol's, qui tenoit un grand sac l'emply de papiers,
sous le coude de son bras gauche, auquel le déposant ayant
remonstré qu'il ne debvoit' ainsi enlever les garentz dudict
chasteau, il fist l'éponse que c'estoient les siens et qu'il.se
fust meslé de ses affaires, ou qu'il ne s'en fust pas bien
tl'Ouvé. Ce qui obligea le déposant de continuel' son chemin
dans ladicte maison, à l'entl'ée de laquelle il vist plusieurs
paysans incognus, qLii coupoient du plomb, et ledict Le Coz,
luy ayant fait passel' pal' une sall e basse et un petit degré,
le fist sortir dans .l'errière court, où il y av oit une wande
quantité de paysans, qui beuvoiont du vin à cscuellées, à
une bal'ique qu'ils avoient enfoncée, et la plus part soubz.
Et ledict Le Coz, ayant pris une escuellée de vin, pria le dé­
posant d'en boire, ce qu'il refusa , ayant plus de peul' que
d'tmvie de boi l'e. Il r'emarqua le feu dans un pavillon du
costé du nord de ladicte erl'ière cour, sans qu'il apperceust
qu'il y en eust en autres endroits. Apl'ès quoy,ledict Le Coz,
maistre Yves Le Roux et autres paysans incognus au dé­
posant le conduisirent audict couvent de Saint-Sauve uI',
pour émontrel' sa commission, et ledict Le Houllier; à la
so rtie dudict chast.eau,trouvèrent un petit garçon qui em­
portoit une vieille picque l'ouillée, que le déposant pl'int par
l'OI'dre dudict Le Roux; et vis t, dans un petit chemin, un
paisan, avec des sabo ts aux pieds, qui rendoit le demie!'
soupi!'s, et 11ne vieille femme quy lui tenoit la teste, et un
autl'e, de l'autre cos té dudict chemin, .en pareil estat. Et
estans rendus a udict couvent de Saint-Sauveur, . y vist une
grande mul titude de paisans, dans le cimetière et aux en­
virons d'icelluy. Et les ayans s:111ués et sonné la clochette
d udict cou vent et demandé à parl er à ladicte dame, l'un des
relligieux carmes deschaussé dudit couvent luy fist o~vcr-
tUI'e et aud ict Houlliel', et trouvérent ladicte dame dans
l'allée d'embas du jardin, à laquelle ayant fait enten(!t'e le
subject de la commission, elle pria le déposant et ledict Le

Houlliel" au nom de Dieu, de faire tel que les paisans, ses
subjects, auraient !':ouhaitté, pour avoir sa liberté et sa vie,
qu'elle craignait parmy un si grand multitude de paisans
mutins. Sur quoy le déposant et ledict Le HoulliCl' se reti­
réren t, et fl)rent envoyés, comme aussy lesdicts Coz, Roux,
François Guillou, de Keréven, et Nicolas Rivoal, et quel­
ques l'eligieux, dans une chambra a udict couvent, où l'acte
fut raportée ; dit qu'avant le raport dudict acte, luy et ledict
Le Houllie l' demandèrent a ux paisans s'ils voulloient qu'il
eu st été l'aparté sur papier timbré. Il s dil'ent que non, et
qu'ils ne voulloient plus de papier timbré, et menassèrent
le déposant el son consort de la vie, s'ils ll'eussent accom­
ply sa volonté. Et au mème temps, ledict Coz tira de sa
pochette un papiel" dans leq uel estait escl'it la fOl'n1UlI e de
l'acte qu'ils souhaittaient et qu'il falloit suivre a leurs dis­
crétion, mesme d'y ajouter telle cla use qu'ils auroient
voullus. Et ayant fait entendre qu'ils faillait al!sc1icts Le
Roux et dénommés dans ledict acte avenir ensemble avecq
déposant et Houlliel', notaire, jusquf}s a u
ladicte dame, le
ge de Goavannee, n'ayant carractère dans ledict cou­
villa
vent, qui relève de la jmidiction royall e de Landelleau,
dirent qu'il falloit mettre le g rément proche led ict village de
Goavannec, rellevaot en partie de Carhais, et que cela
suffiroit; et que si ladicte dame ou autres ses héritiers se
seroit voullus relever contre ledict acte, il n'am'oit pas agy
par justice envel's eux, mais c13 la maniére qu'ils fai soient
d'ordinail'e. SUl' quoy, le déposan t se retit'a et s'en retoul''':
nèl'ent, fist lecture sur la croix dudict cimettière aux pai­
sans y estans, a haute voix, duquel ils voulloient avoir
empl e connaissance, et ensuite se rendit, en la compagnie
dudict Le Houllier, en leur demeure, a Carhais, par le che­
min du pont du Provost et le village de I( e"gallet. Ledict
acte en datte du douziesme jour juillet der'nier, dont ledict
déposant est saisi, et des billets escrits et signé de la main

de ladicte clame, €t a dellivr'é des co pies du mesme acte il.
P ie lTe Cah'é, de I(ervègant, de I§!- tl'cuffvc de Roudouall ec,
Ja n Ol'ga nt el Gabl'iel Le l3 org nc, du yillage de Quernouët,
Lbrans Lorans et enfan s, Le Hairon, et a u lres, dont il ne
Et dit que tous lesdiets paisan s. estoient armés
se souvient.
lTés. . Et est "a déposition, luy
de fourches et batons fe
leue et affirmée, et a signé. Ainsi signé : Rouault de la
Boissière, sénéchal, et A. Chauveau, commis adjoint.

Quand la révolte fut apaisée et la tranquillité rétablie,
M. Le Moyne de Trévigny réclama des paroisses qui avaient
pris pad au pillage et â. l'incendie de son château de Ker­
goa t, un e ind emnité pour la perte notable qu'il avait éprou-
vée. Une lt'ansaction intervint, le 23 juin 1678, entt'e Mgr de
évêque de Quimper, prenant en main les inté­
Coëtlogon,
rêts des paroisses, et Messire Henry Barin, curateur du
sielll' de Trévigny, par laquelle vingt paroisses s'enga-
geaient â. payer à M. de Trévigny la somme de 64,800 livres.
comm e l'acte contenait celte close : « Que néanmoins
Mais,
« MonseigneUt' le ma l'quis de la Coste, li eutenant du Roy
«( en Bl'etagne, leur a voi t promis qu'en cas qu'ils rappor­
« tassent des meubles, de leur faire mbais de la valeUl' des­
« dits meubles, » la so mm e fut réduite â 49,800 livres, après
les l'estitutions faites (1).
(i ) Voici, d'après cette transaction, la part afférente li chacune des
vingt paroisses, daus le paiemeut de cette indemnité de fJ,9,800 livres.
Gouriu et ses trèves... ;>,;>001. Lannedern .. , . . . . . . . . 6001.
Guiscriff. . . . . . . . . . . .. 3,000 Loqueffret... . . . . . . . . . :1. ,fJ,00
Scaër. .. . .. .. .. . . .. . 2,000 Huelgoet... . . . . .. . .. . 800
Leuhan ............. , 800 Plouye .......... .... 2,;>00
Treogan. . . . . . . . . . . . . fJ,00 Plougar-Carhaix. . . . . . i ,;>00
Motreff. . . . . . . . . . . . .. :1. ,q, ;>0 Pou llaouen. . . . . . . . . .. 3,600
Plévin .... . . . . . . . . .. :1. ,MW Saint-Hernin. . . .. . . . .. fJ,,000
Cléden. .. . . . . . .. . . .. i,(J.OO Spézet. . . . . . . . . . . . . . ;>,000
Kergloff. . . . . . . . . . . . . :1.,800 PlounevezeL... . . . . . .. :1.,600
Landeleau. .......... 2,000 Plounévez-du-Faou. . .• 9,000

J'ai aussi trouvé,_ parmi les papiers de la Cour royale de
Carhaix, un mémoire des meubles qui furent restitués. Je
le repr'oduis in extenso; il pourra donner une idée de la
richesse du mobilier du château de Kergoat, avant le pil­
lage,
26 septembre 1675. Soubz (signé), Messire Louis-
Corentin le _ C01're, commis au greffe de la Cour et Siège
royal de Carhaix, et faisant pour le sieur greffiel' civil et
criminel et Gal'de des Sceaux dudit siège, certiffie et raporte
que, requis par Messir'e Malo-Joseph le Moine de Trévigny,
seigneur marquis dudit lieu, damoiselle Silvye le Moine de
Trévigny, sa sœur, héritiel's soubz béneffice d'autre Messit'e
Toussaints le Moine de Trévigny, vivant, seigneur marquis
dudit lieu, et aussy héritier, aux qualités qui seront cy-après
establyes, de défuncte dame Phelipe de Quengo, dame mar­
quise dudit lieu de Trévigny,leur mère, je me suis, ce jour,
vingt et sixiesme de septembre mil six cents soixante quin­
ze (1), sur l'heure d'une heure de l'après-midy dudit jour,
transporté de ma demeure jusques a la demeure du sieur
de Pouloudu Dupays, scise en la rue du Fil de ceste ville de
Carhais, pour y faire estat et mémoire des meubles qui y ont
estés rendus, provenant du pillage faict au chasteau 'du
Ket'goat pal' les habitans des paroisses de Sainct Hernin,
Spéhet, Gourin, Motl'eff, Landeleau, Tréogan, Plouyé, Plo­
névézel, Poulaouen, Benien, Loq uevret, Plonévez-du-Fou, et
plusieurs au tres, assemblés par son de toxcin, pour assièger,
piller et incendier ledit chasteau, où estant, ledit sieur de
Pouloudu m'a déclaré que, de, l'ordre de ladite deffuncte
dame de Trévigny, il a receu quelques meubles qui luy ont
(1.) La date de la transaction est du 23 juin 1.678, et celle de la rédac­
tion du mémoire de restitution de meubles est du 26 septembre 1675 j il
semble qu'il y ait là un désaccord, à moins que les restitutions n'aient
commencé avant la transaction de 1678, ce qui est fort possible.

ont estés renùus pal' divel's pal,ticulieI's, lesquels il m'a en
l'ep l'ésentés et consistans
l'endroict
Scavoir :
pièces de tapiceI'ye de haulte lice relIevés de soye
Deux
reprèsantants une party e de l'histoire d'Alexandre, des-
doublés.
aussy de haulte lice, en
Deux autl'es pièces de tapicerye,
aussy desdoublès. En lambeaux.
figures,
, Deux mOl'ceaus de tapicerye, pareillement en figures,
ausssy desdoublés .
Deux piesces de tapiceI'ye de haulte lice, en verdure
aussy desdoublés, et trois morceau de pareille tapieel'ye',
descoupés,
Un tableau en taille douce, percé d'un conp de foul'che
lence ,
Deux pantes de lict de velous violet relevés de broderye
tout neus (neufs), deschirés en quelques
d'or et d'argent,
et percés de coups.
endroicts
mesme lict de broderye, tout neus,
Deux contenances du
quoy que aussy percés et deschirés.
broderyes de deux pantes d;or et d'argeant em boe.tis (f)
Les
qui n'ont pas encore servis.
cantonières de brocard d'or et d'argeant, l'une
Deux
ayante sa frange de mesm e et l'autr~ sans frange,
rideau de pareil brocal'd, sans frange ni doublul'e.
Un costè de soubastement du mesme lict, aVE,cq sa frange.
Un morceau descoupé d'une pante du mesme !ict, sans
frange.
Une piesce de cl'épine d'or et d'argeant, ayante servie au
mesme lict.
garnitur~s de deux chaises et de deux tabourais de
Les
mesme brocal'.
Une pante de daml;1,s vert avecq une crépine d'or et
.d'argeant.

Une pièce de pareil damas semblant avoir sel'vie de tapis
de table. .
Deux l'ideaux et une cantonière d'un autre lict, aussy de
damas vert, avec une courtepointe de mesme, garnie d'uaé
frange fausse.
Un rideau, une cantonière et quatl'e pantes de damas
rouge avec leur. frange d'argeant.
. Deux rideaux, deux cantonières de taffetas l'eié, sans
frange. .
Une bande de camolot blanc, point dongry (de Hongl'ie)
de soy (soie) et de laine. .
. Une cantonièl'e d'ouvl'age point d'Angletaire, my-soyet
my-laine, avecq sa doublure de tabis. aurore, descousue et
faisant partye d'un lict de mesme façon, apartenant en pro­
pre à ladite damoiselle de Trévigny, ladite cantonière pal'oi­
sante toute neuve.
Une demye aulne de cl'épine de soy servante au mesme
li ct.
Trois garnitul'es de chaises d'ouvl'age de laine, point
. d'Ongry _
Une chaise avecq sa garniture de damas vert a fl'ange
d'argeant.
Une cantonièl'e de drap l'ouge avecq une dantelle d'argeant.
Un rideau de port de Paris> l'ouge, à fond d '01'.
Un autre eideau de port de Paris, bleuff et blanc.
Un costé de housse de lict, de port de Paris, l'ouge e
blanc, avecq une canlonière de mesme.
Deux lem beau de tapicel'ye de cuir argeanté, à fleur:
hachés et coupés.
bleuffes,
Le hault d'un manteau juste de drap d'Espaigne noir.
Une simare d'estamine grise .

Deux camisoles de satin blanc, l'un à fleurs> l'au tee uni
Un justacorps de velo ur noir, tout deschiré.
Un pourpoin de drap d'Espaigne grirs .

Deux courte-pointe de toille imprimés piCqllés.
. . Deux cattelonnes bleuffes, tout13S hachés et pel'sés.
Un voile de calice, de satin blanc, à broderye d'or.
Deux moreeau de tapicerie de Turquie, deschirés.
Une pièce de tapicerie de damas et un morceau d'un
a.utre.
Une pandule desmontée, en trois piesces.
Deux bodr'iers de broderye, coupés et deschil'és.
Deux autres bodriers en entiers .
La moictyll d'un mantelet de velous gris desdouhlé .
Un bocquet de plume.
Trois morceaux de bouracan bleuff, ayant servis à
manteau.
Une robe de chambre detoille impl'imée .
Deux autres robes de chambre, toutes deschirées.
Deux hault de chausse gris, l'un de soy et l'autre .d'es­
tamine.
Un justacorps gris, un autre justacOl'ps bleuff, tout des-
garny.
Une jupe d'esiamine sur soy.
Un petit pourpoin de tabis gris.
Un calice et une platine (patène) d'argeant,
Une soucoupe d'argeant doré.
Un grand goblet d'argeant doré,
Une couvertme d'un plus grand goblet, aussy d'argeant
doré,
Un vinegrier d'argeant.
Six flambos d'argeant, de différante grandeur.
Une bouteille de gros verre garny d'argeant.
Un mOl'ceau d'un bacin d'argeant.
Quatre culières et huict fourchetes d'al'geant, pesants
ensemble trente et neuff marcs et demy.
Une petite coëtte de plume et un matelas .
Une paire de pistg1etS damasquinés d'or et d'argeant.

Une petite table de bois carré: une ault'e petite lable .
Un caré de miroir de bains; un mortier de bains .
- Cincq gamitures de chaises de port de Paris, blanc et
bleuff. .
Un morceau d'un caré de miroir doré.
Une piéce d'un cabinet de bains.
Lesquels meubles, avecq quelques autres et papiel's luy
aussy rendus, estaps confusément dans un bahut, sont de­
meurés en pocession dudit sieur de Pouloudu pour les
représanter, lorsque requis sera. Et a signé.
. JAN Dup Aïs .

Ce faict, me suis, à la susdite requeste, randu au couvent
des Dames Ursulines de cett~ ville, aux fins de pl'océder à
pareil estat de ce quy y a esté rendu, pl'ovenant dudit pillage
du Kergoat, où estant, la dame Supél'ieure, venue au par-
~ louer, m'a déclaré qu'on luy a rendu audit couvent les
meubles cy-aprés.
Scavoir:

Sept piesces d'un lict, d'ouvrage à point d'Engleterre;
Dix garnitures fons de chaises et six dossiers, aussy d' ou­
Vl'age ;
Une cantoniére de velous violet, avecq sa broderie d'or
et d'argent emboutis;
Cincq fons et six dossiers de chaises de point d'Ongris ;
Quatre piesce de frange de soy de différentes façons;
Une piesces de petite frange, de diverses couleurs;
Deux piesces de tapicerie, l'une de haulte lice, l'autre de
bergame;
Plusieurs pi~sces de lict, de àifférentes estoffes et couleurs;
Une courte-pointe de damas vert;
Si x f ms de chaises de damas vert, deux dosiers, un
rideau et une cantonière, de mesme estoffe ; -

Cincq pièces de lict de camolot blanc, à bande d"ouvl'age;
et une cantonnière de mesme estoffe j
Un morceau de camolot blanc;
Une piesce d'ouvrage pOUl' des chaises, avecq une autre
pies ce de pain t Dongrye (de Hongrie).

Une piescede lict de broca\' g,'is j
Un p'arement d'ostel, à fond d'argeant j
Quatre chasubles;
Deux devants d'ostel;
Quatl'e coussaints, une seinture, un miçal (missel), sept
piesces de tapicerie bleuff et isa')elle de damas caffas ;
Un rideau de damas cl'amoisy;
de camolot blanc, un autl'e mOl'ceau de
Un mOl'ceau
.Iict, de deap de feille mOl'te,
camolot rouge, une piesce de
un ciel de lict, de camolot rouge;
Trois cOUl'te-pointe de soy;
' Une courte-pointe d'indienne j
Cincq morceau de ligatlil'e bleuff j
Deux couveetures de cal'osse, un siège de carosse et tl"Ois
boutons,
Trois chaises de dt'ap;
piesce de lict, de drap jaulne, avec la suspante j
Une
Un tapis de table, de macade ;
Un tapis de table jaulne, avecq de la fl'ange;
tapis de table,jaulne, avecq de la t'l'ange;

Cincq morceau de cotton blanc j
Quatre morceau de tabis oreee:

Une courte-pointe de lict, de brocar d'or, sans doubllll'e j
Trois morceau de tabis incarnat;
Un morceau de tapicel'ye de Turquie;
Une housse de taffetas bleuff, une housse à cheval, feille
say j
morte, avecq une frange de
Un tapis de moucade;
Une piesce de lict, d'3 drap jaulne;

Cincq piesces de cuir doré et quantité de petits morceaux;
Une couverture de chariot et une couvel'ture de mulet;
Un manteau de livrée;
Deux justacorps de livrée;
Plusieurs morceaux de tapicerye de haulte lisse, coupés
et deschi f'és ;
Sept placques de lustre, sans les chandeliel's ;
Cincq coettils ' et un tl'aversin vides;
Quatl'e plats, une masarine, une assiette d~estain ;
Une coëtte de plume et un matelas;

repre-
Lesquels meubles ladite dame Supérieure offre
santer et rendre, lors que requis sera. Et a signé
S. ANGÉLIQUE du St-Esprit .
De tout quoy j'ai raporté le présent procés-verbal a
valloir et servir comme il apartiendra, soubz le signe dudit
seigneur de Trévigny authorisé, en tant que de besoin, par
Mre Henri 8al'in, chevaliel', seignem dudit lieu, conseiller
du Royen sa cout' de Parlement de Bt'etaigne, qui a pareil­
elle
lement signé, comme aussy ladite dam de Trévigny,
lesdits jour et an :
SILVIE LE MOINE DE TRÉVIGNY .
MALO-JOSEPH LE MOINE DE TRÉVIGNY.
BARRIN.
LE CORRE
Cor.lmis au Greffe.
Ce jour, vingt et septiesme septembre mil six cents
soixante et quinze, a comparu au tablier du greffe dud.it
Carhais le révél'and pére priem des Carmes deschaussés
de St-Sauveur> lequel a déclaré qu'on a reçu au couvent les
meubles cy-après, pl'ovenants dudit pillage du Kergoat,dont
la description ensuilt :

Et premiel'
Un aube avecq de la dentelle;

Un rideau de lict avecq un des siel,à grandes fleurs jaulnes,
d'or;
façon
Une eschel'pe noire, avecq une crépine d'argeant;
Un siel d3 lict, de satin rouge, avecq une petite crépine
d'or'

Un justacorps gris-blanc, doublé de taffelas noit', à bou-
tons aque noir; .
Deux petits rideaux à fleurs et à fond d'argeant, doublés
de satin rouge et crépine d'or;
Le dosier d'un fauteuil à fleurs et fond d'argeant, do~blé
de bouguerain rouge;
Un corset de fieul', avecq des manches de taffetas blanc,
avecq de la guimpe noire, deschiré et bruslé ;
Un bassin d'argeant à annal (anneau) ;
Un esgaire (aiguière) d'argeant;
Un flambeau d'argeant ;
Une mouchette d'argeant ;
Une cornete à dantelle; un peti.t tablier; un bodrier
garny de boutons à queue rouge et fond blanc; une cula le .
,'ange, à guipure d'argeant; une laise de satin blanc; une
demye aulne de satin blanc reyé; un justin et un pourpoin
de satin blanc, à feus piqués; une camisole blanche cot­
e; une nape de lin et six serviettes; un méchan t lin­
tonné
ceul; un pourpoin sans manches, à fleuron d'arge3nt; deux
rideaux de lict, avec un siel à fieur blanche; une petite
guipure blanche, à fond rouge; des table tes de chagrin
noirs, garn is d'argeant, avecq sa plume; un livre intitulé :
Praticque des Sérémanies de l'Esglise; un autre livre inti­
tulé; Hary Damier f; un autre intitulé: A madey Guy
Merey?; un autre intitulé: Les Excès de Michel, seigneur

de Montaigne?; deux morceau de tapicérye deschires (1) ..
De tous lesquels meubles) fors de la vesselle d'argeant et
elle
tabletes, qui y ont estés rendus à ladite dam de :Tré­
vigny, ledit révérand père prieur s'en charge pour les repré­
santer, lors que requis sera. Et a signé:
Frère DONATIEN de St-Joseph, prieur.
De quoy a esté l'aparté acte par le soubz-signant, commis
au gl'effe dudit Cill'hais, à valloir et servir comme il appar­
tiendra, ledit jour et an que devant.
LE CORRE
Commis au greffe .
A Daoulas, sur un registre de l'etat-civil, on lit, à la fin
du registre, une note du recteur Kervella, conçue en ces
termes: « Il est à l'emarquel' que le 9 juin 1675, jour de
« la feste de la Très-Sainte-Trinite, il y eut une revolte
« à Châteaulin, où le marquis de la Coste fut blesse, pour
« avoir seulement voulu faire publier quelques édits, comme
« il était lieutenant du Roy en ces quatre évêchés de Basse­
« Bretagne, ce qui a causé un grand désordre en ce canton,
« jusques à que quelqu es particuliers et gens de neantz
. « ont faict soulevel' la populace contre tous les officiers et
« receveUl's de Sa Majesté, contre la Noblesse, la Justice et
« contre l'Esglise même, dont ils estaient les membres.
« Dieu veuille nous maintenir dans la foy que nous avons
.« solennellement confessé et que ces insensés, pOUl' ne pas
« les appeler encore du titre qu'ils méritent) taschent de
« toutes leurs forces de détruire, pour suivre leur brutalité
« et vivre comme des bestes. »

(i) Le second et le troisième de ces titres de livres sont rendus mé-
connaissables par l'orthographe de l'homme qui écrit: Les Excès au
lieu de : Les Essais de lIfichel Montaigne.

Il est deux documents, insérés dans le livre de M. de la
Borderie, sur lesquels j'aurais été heureux de trouver aussi
quelques l'enseignements, dans mes recherches, soit aux
Al'chives du département, soit dans celles des communes.
Je veux parler du Code paysan, auquel semble fa il'e allu­
sion le duc de Chaulnes, et de la chanson satirique connue
« La Ronde du Papier Timbré » ; mais je
sous le nom de
n'y ai pas réussi.
L'authenticité des deux pièces est contestée, Slll'tout celle
de la demière. Celle-ci, assure-t-on, au rait été recueillie,
vers 18'19 ou 1850, par M. de Penguern, dans le pays
de Tl'éguier. Elle a été publiée', pour la première fois, en
traduction seulement, dans le Bulletin de l'Association
bretonne, session de 1850, à Morlaix, sans indication
du chanteur, ni de la commune où elle aUl'ait été trouvée,
ce qu'il eut été pourtant intéressant de connaître et eut per­
mis de juger si le manuscrit est de l'écriture de M.de Penguern
ou d'une main étrangère, comme on a pu le constater pour
d'autres morceaux de la collection . Dans la volumineuse
collection manuscrite de M. de Penguern, qui est aujour­
d'hui àla Bibliothèque nationale, à Paris, non seulement il
n'existe aucun renseignement à cel égard, mais, la pièce ne
s'y trouve méme pas, ni en bl'eton ni en français. Je cmis,
du reste, qu'il ne faut pas trop se prévaloir de cet argument,
car un grand nombre d'autres morceaux, indiqués a ux ta­
bles, ont également disparu. D'un autre côté, on sait déjà
que plusieurs morceaux très suspects se sont glisses dans la
collection de M. de Penguern, et celui- ci me paeaît être de
ce nombre. La bonne foi et la sincérité de 1\1. de Penguern
sont ici à l'abri de tout soupçon; mais, il a été parfois induit

en er'l'eUI' pal' d'habiles pasticheul's, qui ne scntai en t pa~
toute l'impol'tance de leul' supercherie, au point de vue his­
torique, et dont le plus instruit, un vrai poëte, éCI'ivant éga-
lement bien en breton et en français, était un de mes amis.
M. de Penguern ne connaissait qu'assez imparfaitement le
breton, et recueillait peu par lui même; mais, il avait des
chercheul's, qui exploraient pour lui les campagnes et lui
rapportaient ce qu'ils y découvraient. Il recopiait tout lui­
même, de sa propre main, et, vers 1849, quand il songea à
pu blier le résultat de ses recherches sur nos poésies popu­
laires, il s'était associé un traducteur et collaborateur, fort
au courant, celui-là, des secrets du dialecte tl'écorois : c'était
le poëte dont j'ai pal'Ie plus haut.
J'ai connu quelques-uns des chercheUl's qu'employait
M, de Penguern,et dont le plus actif ètait un porteur de
contraintes, du faubourg de Keranpont, en Lannion, nommé
Le Dantec,
La Ronde du papier timbré est donnée comme étant popu­
laire dans le pays de Tréguiel' .. J'ai bien pal'couru et bien
fouillé ce pays, à la recherche des traditions orales de tou te
SOI'[e qu'on y pouvait découvrir, de 1840 jusqu'aujourd'hui;
je crois avoir recueilli à peu prés tout ce qui s'y était con­
servé de chansons et de récits anciens, et je n'ai jamais pu
rencontrer ni un couplet, ni un seul vers, ni le moindre
souvenir de la chanson satirique en question; elle ne figul'e
pas nonplus dansla collection de Mme de Saint-Prix, l'assem­
blée à Morlaix et aux environs, et M, de la Villemarqué
lui-même n'en a trouvé au~une trace, ni dans la Cornouaille,
ni dans le Léon, Sans affirmer, d'une maniére absolue, que
le poëte distingué auquel j'ai déjà fait allusion (et pourquoi
pas? Il s'appelait Guillaume- René
ne le nommerai-je
Kerambrun) en soit l'auteur" je dirai que je me souviens fort
bien qu'il m'en parla, dés l'année 1849. La piéce, en tout
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. T. XIV (Mémoires). 1)

cas, que l'auteur en soit M. Kerambrun ou un autre, est l'Œm­
vre d'un homm e instruit, d'un lettré non contemporain de
l'évènement, et ne saurait être attribuée à un vrai poële
populaire; le peuple ne la connaît pas, en Basse-Bretagne.
Ce ne sont pas là, me dira-t-on, peut-être, des preuves
absolument concluantes contre l'authenticité de l'origine
populaire de la pièce. Je le veux bien; mais, ce sont du
moins de sérieuses présom ptions. Si, quelq ue jour, un cher­
cheur plus heureux la retrouve, dans la mémoire du peuple,
je reconnaîtrai très- volontiers mon erreur. Mais, je ne crois
pas que j'aie à faire cette confession, pas plus qu'à l'endroit

de la VieiUe A hès.
Vous devez vous l'appeler, Messieurs, qu'il adéjà été ques­
tion de ces deux pièces (le Code paysan et la Ronde du papier
tlll~bré) , dans nos réunions, et qu'à la suite d'une lecture fort
intéressante de 1..,,1. Le Men, à la sèance du RO mars 1878, au
sujet de différents soulèvements des paysans de la Cor­
nouai ll e, les membres présents à cette séance se livrèrent à
une discussion assez prolongée sur l'authenticité des deux
pièces en question. Tous suspectaient fortement cette au­
thenticité, et notre Pré"ident, M. de la Villemarqué, dont
l'opinion est d'un si grand poids pour tout ce qui regal'de
les chants populaires, s'exprima en ces termes, que je lui
demande la permission de rappeler: « Je ne crois nulle­
« ment à l'authenticité du Code paysan; il ama été fabri­
(l que dans l'officine de quelque tabellion.
« J'ai vain ement cherché à me procurer un,e version
« queloonque de la chanson sur la Révolte du papier tim­
« bré; d'au tres pomron t ètl'e pl u~ heureux.
« Je donnerais beaucoup pour un texte breton ancien con­
« tenant le cri: Torr-he-benn! Suidas (et non César), au­
« quel on fait honneur de l'avoir conservé, dit seulement
« des guerriers Gaulois: « Poussant un cri sauvage (Ils

« vont au combat.) »

MM. Faty, Le Men, et quelques autres membres, ajoute
le Bulletin, pal'tagent l'opinion que vient d'émettre M. le
Président, au sujet du Code paysan, ot pensent que la
chanson de la Réoolte du papier timbré ne parait pas offril'
un caractère d'authenticité mieux établi. i)
POUl' moi, a l'égard du Code paysan, je suis moins incré­
dul e, bien que ses pl'euves d'authenticité laissen', aussi à dé­
sirer; mais, le duc de Chaulnes en a signalé l'existence,
dans une lettre a Colbert, MM, Gaultier du Mottay et Tem­
pier en ont trouvé une copie du XVIIe ou du XVIII" siècle,
au x archives des Côtes~du-N ord, et ces raisons .. sans étre
absolument suffisantes (cal' la pièce est inform e, paraît-il),
ne soht pas sans valeur .
. Quoi qu'il en soit, je no crois pas que la pièce ait une
origine vraiment populaire . .
F.-M. LUZEL,
Vice·président do la Société Archéologique du Finistér ••