Bulletin SAF 1887

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Derniers débris du couvent de Saint-François de Quimper

M. Trévédy

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DERNIERS OËBRIS
DU COUVENT DE SAINT-FRANCOIS
DE QUIMPER

Le 27 août dernier, notre confrère, M. Rossi, faisait don
au Musée d'une cheminée en granit provenant du couvent
de Saint-François de Quimper. Nous devons de nouveaux
remerclments à M. Rossi: il nous fait présent aujourd'hui
d'une pierre portant l'empreinte d'une croix et une inscl'ip­
tion et de deux pierres tumulaires rept'ésentant un cheva­
lier et une dame en ronde bosse . Comme la cheminée,
ces trois pierres proviennent de la démolition d'un édifice
qui fut le dernier construit par les Cordeliers de notre ville,
et qui a, le dernier, SUl'vécu au couvent. C'était ce vaste
bâtiment élevé vers l'ouest de l'enclos, parallèlement au mur .
de ville et à la rivière de Steir, et dans lequel siégeaient,
jusqu'à la fin du siècle dernier, le Présidial et quelques-
unes des hautes justices s'exerçant à Quimper.
Les pierres parlent quand on sait les interroger. Celles
'que vient de nous donner M. Rossi ont été témoins de plus
d'un fait dememé inconnu et qu'elles peuvent nous révé-
1er: quelques titres anciens échappes aux -dévastations du
siècle dernier viendront aider leur mémoire et compléter,
leurs souvenirs.

La pierre marquée d'une croix mesure en tous sens
60 centimètres, sur 20 centimètres d'épaisseur. L'angle
supérieur gauche est brisé. Au milieu est figurée une croix.
du genre de celles que porten t les pierres sac l'ées des autels;

au-dessous de la croix se lisent très-distinctement en lettres
majuscules les mots J. BONHOME, et au-dessous la
date 1609.
La pierre nous dit qu'elle a été bénite et posée en cette
endroit par J. Bonhomme en 1609. .
Or, elle a étè trouvèe à deux mètres au-dessous du sol
actuel, à l'assise inférieure des fondations, à l'angle nord­
est du bâtiment récemment démoli. C'est, on n'en peut .
douter, la première pierL'e de cet édifice. Le nom de
J. Bonhome (Jean Bonhomme) est le nom du Gardien ou
supérieur du couvent à cette époque.
Le mur nord de l'édific.e démoli subsiste encore.
Au sommet intérieur de ce mur se voit une console figu­
ra nt un anp-e tenant dans ses mains un cartouche, an K
armes de Quimper, avec la date 1610. Tout à côté, cette
date est répétée dans l'inscription suivante, gravée au linteau
supérieur d'une fenêtre (1) :
S - HOM MO- DE
BONO-TIESATRO-SVO- ·PFE
RT-BONA-MTI-12-1610 t
Il faut la lire ainsi (BO)NUS HOMMO.DE.BONO.THESAURO.
SUO. PROFERT. BONA. M (AT) T (H.E) 1. 12. 1610.
En effet, ces mots sont empruntés au chapitre 12, verset
35 de l'Évangile de saint Mathieu.
Est-il téméraire de dire que .le nom du Gardien Jean
Bonhomme a déterminé le choix de ce vel'set ~ Et ne peut­
on supposer que les Cordeliers, en gravant ces mots sur la
pierre, ont voulu perpétuer l'éloge de leur Gardien et peut­
être le souvenir de sa libéralité?
(i) L'angle gauche de la pierre est brisé; mais la restitution de l'ins-
cription est bien facile. .

Ce qui nous importe surtout, ce sont les deux dates 1609
et 1610. Elles marquent le commencement et l'achèvement
des travaux de construction.
Le dernier nécrolofJe conservé il, la mairie de Quimper,
et les titres conservés aux Archives m'ont permis de dt'es­
ser la liste assez complète des gardiens du couvent depuis
la fin du XVIe siècle. Jean Bonhomme était, pour la pre­
mière fois, gardien en 1602.
il, " ce titre que, le 13 avril, il prit jugement contre
C'est
Troïllus de Mesgouez, ce petit gentilhomme bas-breton que
la faveur de Cathet'ine de Médicis porta à une si haute for­
tune. Troïllus avait épousé, en 1563, Claude du Juch, veuve
de Rolland VI de Lézongal', seigneur de Pratanras. Comme
héri tière de Raoul, son père, Claude du Juch devait aux Cor­
del iers une rente annuelle de 30 livres (1). En 1567> la rente est
due depuis quinze ans . Les Corde liers sont contraints d'assi­
gner; mais ils n'osent s'attaquer au favori de la Reine; et
ils r:itent (c'est leur droit) Guyonne de Kerouant, détentrice
de l'immeuble hypothéqué il, la rente. Fatale habileté!
Guyonne est la plus intrépide plaideuse : elle va. épuiser les
juridictions; et, corn me elle est protestante,elle se donnera le
plaisir de porter cette affaire perdue d'avance il, la Chambre
de l'Édit. La procédure dure 14 ans; et, le 10 juin 1581,
Guyonne est condamnée, sauf son recours.
Enfin, Troïllus et Claude du Juch intervinrent. Le 10 dé­
cembre 1582, ils transigèrent : ils payèrent 250 écus d'ol'
pour les 30 années arriérées en promettant le paiement
annuel de la rente poul'l'avenir. Mais Troïllus, malgré ses
charges lucratives, le pillage de l'abbaye de
pensions, ses
Landévenec, n'avait pas d'argent pour les Cordeliers.
(i ) Raoul du Juch, de la branche cadette de cette maison, était sei­
gneur de Pratauroux. C'est il ce titre qu'il avait établi la rente.

En 1599, ceux-ci sont contraints d'assigner de nouveau;
et une sentence du 13 avril 1602, alloue 20 années de la
rente; ce qui veut dire qu'elle n'avait pas été payée de-
puis 1582 (1 ). .
Jean Bonhomme n'était plus gardien en 1605; mais il
l'était de nouveau en 1608 et 1609. En 1612, il était défini­
teur de la province de Tours (2) j en 1613, il reprenait le
titre de gal'dien, qu'il eut jusqu'à 1618.
C'était, a ce qu'il paraît, un religieux d'un haut mérite.
Docteur en théologie, il avait la science et en méme temps
l'art d'enseigner. L'Evèqu e, ChaI'les du Liscoet, en le nom-
mant théologal, puis pénitencier de COl'nouaille (1613) (3),
loue la pureté de ses mœurs, sa soumission à la régie, sa
fermeté et sa sagesse au gouvernement du couvent et le
succés de ses prédications j et l'éloge est conçu en des
termes si flatteurs, qu'il a dû embarrasser l'humilité du
pauvre religieux (4).
Le Théologal de Quimper avait comme prébende la pa­
roisse de Carnoët (5); c'était un mince revenu j il avait même
paru insuffisant à deux docteurs en théologie qui s'étaient
successivement démis (6) . Jean Bonhomme sut se contenter
de ces pauvres émoluments et voici l'usage qu'il en fit :
En 1616, il comparut devant les notait'es royaux de
Quimper, « avecdispense de sa Sainteté et de la généralité
(i) Sur ces procès, voir au fond des Cordeliers. Arch. dép.\ les trois
pièces E E. 3 et AB. i et 2; et sur le pillage de l'abbaye ae Landé­
"enec, voir la Notice de -M, Du CHATELLIER sur Quelques couvents.
(2) C'est-à-dire « Assesseur ou Conseiller d'un général. » TRÉVOUX.
(3) Théologal. Docteur qui prêche ou enseigne la théologie. Le Con­
cile de [laIe (1431 ) et la pragmatique sanction avaient établi un théolo~al
dans loutes les cathédrales. Le Concile de Trenle aalfecté une prébenae,
dite Théologale, à cette fonction. TRÉVOUX _ .
Pé)!itellcier . Celui qui a litre ou pouvoir de l'Evêque d'absoudre les
cas réservés à l'Evêque.
(4) Voir les provisioJ1!s Arch. dép. Cordeliers. CD i et 2.
(5) Canton de Callac (Côtes-du-Nord). .
(6) Id. Provisions.

de la province» et fonda tt'ois messes pat' an, il, perpétuité,
mémoire à dire après vèpt'es, chaque dimanche,
plus un
pour lui, ses amis et ses bieofaiteUl's. Pout' (',ette fondation,
donna au couvent 150 li vres tournois eo Fièces de 16 et
de 8 sols provenant des fmits de 8a prébende de Camoët (1),
Cette fondation semble faite eo prèvisiot:'. d'une fin pro­
chaine: en effet, après 1618, le nom de Jacques Bonhomme
n'apparaît plus aux actes du couvent.
En méme temps qu'il jugeait sur les cas r-éservés à
l'évêque et qu'il prêchait la théologie à la cathédrale, Jean
Bonhomme remplissait ses devoirs de gardien. Il ' semble
qu'il se donna beaucoup de soins, après lestl'oubles de la
Ligu e, pour rétablir l'ordre du couvent. Ces soins le firent
l'adver i:iaire, mais l'adversaire heureux des plus grands sei­
gneurs de Cornouaille: le baron de Pont, le sire du Juch, le
seigneur de Quéménet.
Les barons de Pont étaient trés anciennement bienfai­
teurs (2); mais bien certainemtnt n'étaient pas fondateurs
du couvent de Saint-François : cette glo(re appartient à
l'évêque Rayna ud, et c'est injustement que le P. Gonzague
(1578) et ceux qui l'ont suivi ont prétendu en . dépouiller
l'Evêque au profit du baron de Pont (3).
La baronnie avait « ses armes en supériol'ité et une
« grande tombe élévée, joignant le balustre, vis-à-vis du
« sanctuaire (4) ». C'est en cet enfeu qu'avait voulu être
inhumée, f?n 1383, dans l'habit des frères, P étronille de
Rochefort, dame de Pont (5). .
Le baron du Juch était fondateur de la chapelle dite dn
(i ) Cordeliers. M. 4"
(2) Nécrologe, i383-i425-i508 .
(3) ..M . . LE MEN. Monog. de la cathéd. Conll'à. La notice de Jean
BEAUJOUAN et les explications doot je l'ai fait suivre.
(ll;) Aveu du 29 septembre 1732, fO i9, vo. Arch . dép,
(5) Nécrologe, 8. Kal. aug. 1,383.

Juch, qui formait l'aile droite du choeur; et il y avait deux

tombes élevées et une grande vitre à ses armes (1).
C'était aux seigneurs ayant des prééminences dans les
entretenir les intersignes. Or, en 1612, les
églises d'en
vitres de Pont et du Juch étaient brisées ; et, malgré les ré­
clamations du gardien, les seigneurs ne se mettaient pas en
réparer.
peine de les
La baronnie de Pont était alors aux mains d'Hélène de
Beaumanoir, fille et héritière de Toussaint de Beaumanoir,
vicomte du Besso, maréchal des camps et armées du Roi,
mort à 36 ans, en 1590, d'une blessure reçue devan t Ancenis.
Après la mort tragique de son premier mari, René de
Toul'nemine, baron de la Hunaudaye (2) (1609), Hélène
était devenue femme de Charles de Coni, marquis d'Acigné.
La seigneurie du Juch était à la même époque, aux mains
d'Amaury Goyon, baron de la Moussaye, du Juch, etc,
chevalier de saint Michel, conseiller d'État d'épée, etc. (3).
C'est à ces personnages que s'attaqua « humble et dév6t
religieux» Jean Bonhomme. En 1612, il leur donna une
assignation en réparation des vitres. Il obtint du Parlement
un arrêt favorable, le 12 mai 1614; et, sans perdre un
moment, quatre jours après, il faisait notifier l'arrêt avec
leur déclal'ant que «( faute à eux de satis­
commandement,
« faire à l'arrêt, il disposerait des droits honorifiques aux
(( termes des arrêts (4). »
(i) Nombreux: actes du Nécrologe constatant l'inhumation de seigneurs
du Juch" ln capellâ suâ cum parentibus 8uis. "
(2) Hélène maltraitée, disait-elle, par son mari, se plaignit li son cousin
Toussa int de Guémadeuc. Celui-ci provoqua René de Tournemine : une
rencoutre eut lieu il cbeval, suivant l'usagl~ d'alors. Tournemine tua son
adversa ire; mais il reçut lui-même uue balle dont il mourut uu an plus tard.
(3) Un an plus tard, il aurait fallu dire marquis de la Moussaye. La _
terre fut érigée en marquisat,en i615. La seigneurie du Juch fut acquise
vers i6M par le marquis de Rosmadec.
("') Fonds des Cordeliers, EE. 3. Le commandement eut son effet,
car nous voyons plus tard le baron de Pont et le marquis de Rosmadec,
devenu seigneur du Juch, en pOSilession des vitres armoriées.

Le seigneur de Quémenet avait devant le Présidial le
droit de menée, c'est-à-dire le droit de faire juger les af­
faires où il était partie, aux: plaids généraux du Prési­
dial (1).
Le 25 octobre 1616, les plaids généraux tenaient. Me Jean
Capitaine, procureur fiscal de Quémenet, siégeait. Il se léve
et demande selon la formule d'usage « si quelqu'un a affaire
au seigneur, ses officiees ou par la menée. )) Dév6t religieux
Jean Bonhomme se lève a son tour et demande que « le sei­
gneur de Qu,émenet fasse quelque gratification aù couvent
pour l'occupation qu'il fait céans pour l'exercice de sa
juridiction. »
Croiea-t-on que le procu reur fiscal de Quèmenet repousse
cette dema nde si simple ~ Les a vocats plaident, le procu-
, . reul' du r oi donne ses conclusions favorables à la de­
mande; et le siège, audience tenante, condamne le sei­
gneur de Quémenet « a payer à l'avenir une somme an­
« nuelle de 12 livres tournois pour a ider aux réparations
« et couvertures du couvent (2). ))
Quand j'aurai dit le nom du seig neur de Ql,lémenet à
cette époque, personne ne songera à lui imputer cette rèsis-
tance de mauvais goût. En 1616, le fief de Quémenet était
encore un e an nexe de la principauté de Léon; et le sei- .
gneur étai t le fameux Henri II, duc de Rohan, qui allait
devenir le chef du parti protestant. En 1616, il préparait le
soulèvement du Midi, et il n'avait cure de son fief de Qué­
menet. L'ad versaire des Cordeliers c'est le procureur fiscal;
mais quel tenace adversaire! Il n'exécute pas la sentence;
et, douze ans ap rès, en 1628, le gardien des COI'deliers de-
(1.) La menée est le droit qu'a le seigneur d'avoir un jour pour se
délivrer aux plaids avec ses sujets. TRÉVOUX. Trois siècles auparavant,
la menée était un devoir et non un droit. V. dans HÉ VIN, le curieux
indroduit par le ùuc Jean V, en 1420. Questions, notamment .
changement
HW et 357 .
(2) Cordeliers, L. M. 3.

mandait exécutoire «comme étant au nom de Jean Bon-
homme, défunt précédent gardien (1).» .
Peu aprèR, le fief de Quéménet va passer en autres'
mains; et les Cordeliers n'aul'Ont pas à citer en justice le
nouveau selgneur.
Sébastien (I), marquis de Rosmadec et de Molac vient
d'épouser Renée de Kerohent de Kergoumadec (( le plus
riche parti qui fut lors en Bretagne ». Il achète Crozon et
le fief de Quémenet don t les terres confinent à ses terres de
Pont-Croix (2). Gouverneur de Quimper (1634), il résidera
souvent à son hôtel cie la paroisse Notre-Dame cie la Chan­
deleur. Il laissera à la ville des preuves encore visibles de sa
munificence (3), et il suivra l'exemple de ses ancétres qui
Dnt été les bienfaiteurs> les intimes amis des Corcleliers (4) .
..... Mais il faut relirer la paL'ole à cette première pierre
qui la garde trop longtemps; les autres seront plus discrètes .

Les deux pierres tumulaires ont été relevées au rez-de­
chaussée : elles pavaient l'âtre d'une cheminée et les
figures étaien t toumées vers le sol. Les rondes bosses repré­
sentent un chevalier et une dame.
Le chevalier est brisé au-dessus des reins: il porte une
sorte de justaucorps très-court; les cuisses et les jambes ne
(i) Cordeliers, L. M. 3.
(2) Je n'ai pu retrouver la date exacte de cet acquêt qui se place avant
:1.636. Henri de Rohan avait quitté la France après la paix d'Alais
(28 juin :1629) et ses biens de Bretagne confisqués avaient été donnés au
prince de Condé : c'est sans doute à la suite de cette cO llfiscation que sc
fit la vente de Crozon et de Quémenet.
(3) li bâtit le couvent des Ursulines (1621), rebâtit en grande parlie
de Sainte-Catherine (:16M.l , etc.
l'hôpital
(6,) Ce sonlles expresssions du écrologe H6,9-H,,80-i6,88-16,92-1500.

sont pas armées. Les pieds s'appuient sur une figure mutilée,
qui doit être celle d'un chien. _
La figure de la dame est entiére. La tète repose sur un
coussin; les cheveux sont courts; les mains dans l'attitude
de la prière; la robe a plis droits descend jusqu'aux pieds
sur un çhien. Ces deux statues sont assuré­
qui reposent
ment du XVe ou XVIe siècle.
Quels personnages représentent-elles? C'est ce qu'elles
ne nous disent pas. Les maçons trouvant les deux piel'res
de trop grande dimension, l(js ont rognées en long et en
large. Nul doute qu'elles n'aient été empruntées a quelque
Peut-être la seigneurie à laquelle apparte­
enfeu du couvent.
nait l'enfeu négligeait-elle cette sépulture, ou se refusait-elle à
payer la I;ente fiXée par la. fondation? Auquel cas les Corde­
liers ont pu enlever les tom bes et les employer aprts une som­
mation du genre de celle que nous avons vu Jean Bonhomme
faire â la baronne de Pont et au baron du Juch .
III
La cheminée que le dessin de M. Bigot fils rend pré­
sente aux yeux, a été trouvée dans une salle du second
étage (1): Cette pièce n'était pas, comme on l'a dit, la salle
d'audience du Présidial, c'était la chambre du conseil. Un
bail du 22 décembre 1657, par lequel le couvent loua pour
(i) Voici la description qu'en donne M. Bigot, père.
de largeur extérieure i m. 153 c., de hauteur sous le manteau
Elle a
i 1I1. 24, c. Chacun de ses jambages formant une saillie très accentuée est
à gorge orné latéralement d'une co­
découpé par un profil de moulur-es
tte très-mince. Chacun des jambages est précédé d'une colonne
lonne
de plus fort diamètre, avec base à pans coupés et chapiteau sans feuille.
face du manteau nn écu dont les armoiries ne se voient
Au milieu de la
plus.

le Présidial le corps de logis dit de Saint-Louis, mentionne
expressément au second étage deux chambres, l'une pour
la chambre du conseil, l'autre pour le parquet des gens du
roi et des huissiers. Cette dernière chambre fut nécessaire-
ment co upèe en deux par une cloison abattue', il y a une
trentaine d'années, l'autre resta entière. C'est en celle-ci

qu'a été relevée la cheminée.
Au XVIIe siècle, l'audience du Présidial com mençait à
Quimper a sept heures et demie du matin en été et a
huit heures et demie en hi ver. Il était difficile d'entendre la
messe avant cette heu re matinale. Aussi> le 14 mai 1660,
le Procureur du Roi, Jean L'Honoré, représenta qu'il serait
« bon, u ~ile, même nécessaire, qu'une messe fùt dite à
« l'église des Cordeliers, a l'issue de l'audience du matin,
« afin que les officiers employés toute la matinée à l'admi­
« nistration de la justice ne fussent pas privés d'une si
« sainte et pieuse action. ) Le siége entra dans cette pen­
sée que les Cordel iers accueillirent avec empressement ; et
désormais en sortant de l'audience, dix heUl'es et demie en
été, onze heures et demie en hi ver, les officiers de justice
trouvèrent « des accoudoÎl's avec des tapis et coussinets
« placés devant le grand autel, et un père Cordelier prêt a
« commencel' la messe » (1),
Le 9 mai 1722, cette chambre du conseil d'ou provient la
cheminée, étai t pleine de trouble. A dix heures et demie,
le sénéchal, Charl es Dondel, seigneur du Parc (2) venait de
level' l"audience du matin. Avant de descendl'e a la chapelle,
il était mon té à la chambre du conseil; il allait revenir
prendre l'audienc8 de relevée; et il n'avait pas signé le
-verbal. Il ne se doutait pas qu'un autre le signerait
procès
(i ) Cordeliers. L. M. 1.2.
(2) Non pas, comme on l'a dit, le Parc, manoir et seigneurie auprès
de l'abattoir de Quimper.

pour lui. Et poul'quoi? .. Le sacristain du couvent va
nous le dire : « Ce grand magistrat, après avoir levé l'au­
dience, monta à la chambre du conseil, où il mourut subi­
tement au lieu mème où il rendait ses jugements. » Et le
_ pieux sacristain, frappé de cette circonstance, ajoute l'invo­
cation que je ne trouve pa s aux autres actes: Requieseat
in paee (1).
La paix! bien précieux que le sénéchal n'avait pas laissé
aux a:.Jtres et dont il n'avai t pas su jouir pendan t la première
une magistrature qui dura près d'un demi siècle.
moitié d'
Austère magistrat, sévère à lui-même, mais trop jaloux des
prérogatives de sa charge et de celles de sa compagnie~ il
avait engagé la lutte avec le gouverneur, le syndic et la
Communauté de ville, sudout avec l'Évêque et sa Cour des
Regaires et la victoire ne lui était pas restée 1 Le Roi
avait jugé contre le sénéchal pour le gouverneur; le premier
Président du Parlement lui avait imposé un arrangement
favorable au syndic; le Parlement s'était prononcé contre
lui pour l'Evêque ; et les Ü'aits vigoureux lancés par Hévin
contre les présidiaux l'àvaient atteint en plein visage (2).
Mais, aprés vingt-cinq ans, ces vieilles querelles étaient
oubliées. Un pieux et doux évèque, François-Hyacinthe de
Plœuc, qui aurait pu être son fil s, laissait le vieux sénéchal
prendre des arrêtés de police (1719) et se parer du titre de
(1 ) Nécrologe. Mairie de Quimper. Rapprocher de cet acte le plu-
du présidial. Arch. dép. Présidial. B. 24, f H, rO . Le sénéchal
mitif
son audience du matin et prononce plusieurs jugements. Fo 12, vO,il
ouvre
est écrit: " Arresté par nous, maistre Le Goaezre, doyen des conseillers,
la mort de M. le Sénéchal, et en conséquence du procès-verbal »
attendu
.... que nous n'avons plus.
(2) Questions féodales. Mémoire pour l'Evêque de Quimper. Charles
Dondel tint sa première audience, le 20 septembre 1676. Dès l'année
suivante, le Roi avait à juger contre lui et pour le marquis de la Roche,
gouverneur de Quimper, une question de préséance, déjà jugée en faveur
de Molac (en 1636) et en faveur du même marquis de la
du marquis
Roche, en -1.668. J'ai publié la lettre du Roi: Ambassadeurs de Siam
à Quimper. .

juge de police dans la Ville Close, que l'arrêt du Parlement
de 1693 reconnaissait à l'évêque seul.
D'ailleurs ces querelles avaient été étrangéres aux Cor-
deliers ; ces religieux ne voyaient dans le séuéchal . que le
magistrat éminent, respecté de tous, le conseil, l'ami du
couvent, et son hôte depuis quarante-cinq ans. Le sénéchal
avait demandé aux Cordeliers l'hospitalité de la tombe; il
était mort chez eux, et ils voulurent lui donner la première
dans leur église. •
place
Il Y avait; devant le grand autel, un caveau àdeux places.
L'évêque Raynaud, fondateur du couvent,- en avait pris
possession le premier (1245); plus tard (1266), Guy de Plo­
névez avait choisi sa sépulture auprès de Raynaud (1).
Ce caveau, fermé depuis 450 ans, fut ouvert; quelques
débris d'ossements apparurent au fond: ceux de Raynaud
à la place d'honneur, à gauche, ceux de Guy de Plonévez,
à droite. Les Cordeliers s'abstinrent, par respect, de toucher
aux restes des deux évèques; mais au milieu de la profon­
deur du caveau ils placèrent des traverses de fer s'entre­
croisant. Sur ces traverses, ils déposérent le cercueil du 0
sénéchal. Trois ans après, le 21 janvier 1725, ils placèrent
auprès de ce cercueil, celui de Guillaume de la Croix, gar­
dien du couvent.
La pierre tombale qui portait la représen tation d'un
. évêque gravé en creux (2) fut-elle brisée, comme la plupart
des autres en 1793? ou bien a-t-elle échappé à ces violen­
l:es pour subir d'autres outrages, et a-t-elle été, depuis,
relevée pour servir de pavé ~ C'est ce qu'on ne peut dire.
Ce que l'on sait c'est qu'elle n'ex,ïstait plus en 1815, lors de
la démolition de l'église; mais les sépultures qu'elle cou-
(i) 11 est écrit dans une copie : ilJ,02; mais l'erreur est certaine; il faut
lire i266. '.
(2) Albert Le Grand. Cat. des Evêques de QUimper.

vrait n'avaient pas été violées; et le caveau ouvert laissa
voir, sur les traverses de fer, deux squelettes bien conser­
vés, I3t, au-dessous de chacun d'eux, quelques ossements
presque en poussière. Raynaud, le fondateur du couvent
le fondateur de notre cathédrale, reposait là depuis 600 ans.
Le temps est lent à accomplir son œuvre de destruction j
les hommes sont plus prompts à la besogne. Il suffit d'une
demi-journée, en 1793, pour saccager l'église des Cordeliers,
briser les vitres, marteler les tombes (1). En 1845, pour
faire des belles arcades de la nef un monceau de décombres,
il a suffi d'une demi-heure (2) . Quelques jours aprés, il ne
trace de la vieille église. Toutefois, l'auteur
restait plus
d'une géographie qui a sa place dans Loutes les bibliothè­
ques a imprimé, en 1882, que l'église des Cordeliers « est un
atelier de sabotiers)). C'est nous dire qu'elle existe encore (3)!
La vérité est qu'il ne reste du couvent des Cordeliers que
la statue vénérée du B. Jean Discalcéat, soustraite par un
pieux larcin aux iconoclastes de 1793, quelques pierres
tombales déposées au Musée archéologique et les derniers
dont je viens de vous entretenir.
débris
trompe: il nous reste encore le plan et l'image du
Je me
ux couvent dans les dessins de nos confrères MM. Bigot
vie
et Rossi, et une centaine de vieux titres échappés par mira­
cle à la destruction et déposés aux archives du département.
tirer parti de ces dessins? Un de nos
Ne pourrions-nous
(i) n faut remarquer que l'église vendue par la nation, dès i792,avait
sa destination primitive, en devenant propriété prIvée. Ainsi le sac
perdu
de l'église était un attentat contre la proprieté.
(2) J'emprunte ce renseignement à la notice que M. DE BLOIS, témoin
indigné de ces dévastations, a publiée dans la Revue de l'A rmorique, i8t.,5,
p. 229 et 2t.,::!. Le même auteur m'a fourni les détails donnés ci-des~us
sur le caveau de Raynaud et l'inhumatlOn de Charles Dondel (p. 2t.,3).
(3) MAL TEBRUN. La France illustrée. Le Finistère, p. U. Il y a bien
d'autres erreurs dans l'article Quilnper.

habiles confrères ne pounait-il essayee une restitution de
et du cloître ~ En tout cas, les plans et les dessins
l'èglise
ne pourraient-ils être reproduits ?lls inaugureraien t digne­
ment cet A lbum du vieux Quimper que nous devrions bien
entreprendre.
Un autre travail serait à faÏt'e: il faudrait faire revivre
non plus seulement les murs du couvent de Saint-François,
mais les religieux qui l'habitèrent; c'est-à-dire qu'il faudrait
écrire l'histoire des Coedeliers de Quimper, depuis leur fon­
dation. Mais comment accomplie cette tâche au moyen de
rares parchemins, à peine une centaine de pièces?
quelques
Tout au plus pourrait-on faire sortir de ces épaves une suite
de rècits épisodiques qui ne remonleraient guère au-delà
du X VI" siècle.
J. TRÉVEDY,
Ancien Président du Tribunal civil
. de Quimper.