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LÉGENDES LOCALES DE LA HAUTE-BRETAGNE
Par M. SÉBILLOT •
1. ,Les Fées des Houles.
Sur les côtes de la Manche, dans la partie comprise en-
tre l'embouchure du Couesnon et la commune de Tréve
neuc, qui forme la lisière extrême du dialecte de langue
française, on désigne ROUS le nom de Houles, les cavernes
nombreuses sur cette partie du littoral. Quoique ce terme
puisse être rapproché de l'anglais hole, qui a une significa
analogue, il est fort possible qu'il ne lui ait point été
tion
emprunté., Si on retrouve il, Guernesey ce mot houle syno
nyme de terrier (MÉTIVIER, Glossaire, V houle), il est usité
la signification de caverne, ou de creux dans la terre,
avec
vers la limite de l'arrondisseme:1t de Loudéac et de celui
Saint-Brieuc, il, une forte distance de la côte. Dans le
Haut-Maine, d'après Je Vocabulaire de Montesson, ce mot
désigne « une cavité sous des racines au bord de l'eau. » Il
y a vraisemblablement une origine commune, mais non
pas emprunt.
SUI" le littoral, ces houles sont d'apparences variées;
quelques-unes sont d'étroites et peu profondes fissures,
d'autres sont de dimensions corisidérables il, leur ouverture,
et s'enfoncent parfois profondément sous les terres. On
prétend en plusieurs endroits qu'elles vont jusque sous l'é
glise, située· il, deux ou trois kilomètres de leur entrée, et
l'on assure qU.'un coq y ayant été lâché ... on l'a entendu
chanter au-dessous du pavé de l'église. En Normandie,
surtout dans la Manche, on retrouve la même croyance:
la grotte de Flamanville s'étend jusque sous l'église, et
s'y aventure, trouve une table servie magnifiqùe-
celui qui
t. mais s'il s'y assied, le diable arrive et l'enlève (Mé-
ffl,otr .'"
. ue sous l'église de Samt-Sauveur, a deux mllle de son
en re
Il ya des cavernes de ce genre en eaucoup en rOlts
au 'bord de la mer, presque dans tous les lieux où se trou
vent au milieu de roches solides) des parties relativement
friables, que le flot a creusées, et souvent elles sont l'ob
jet de croyances de la part des riverains. L'immense grotte
« où les nymphes ont placé des sièges et où elles condui
sent les chœurs de leurs danses» (Odyssée, ch. XI!), la
grotte entourée des flots de l'Océan (lliacle~ ch. XVIII),
sont en réalité des houles, de même que les cavernes de la
falaise de Moen, dont l'une est la demeure du géant Jon
Chez Opsal (THORPE, l\'orthem mythology, t. II, page 124).
les peuples peu avancés, les cavernes du bord de la mer
passent aussi pour ètre habitées par des êtres surnatu
rels. A Stché, dans la Malaisie, on fait des offrandes à
l'Auton, génie d'une grotte qui ne produit que des nids de
salangane noirs, afin d'en obtenir de blancs. (Revue d~eth
nographie, t. III, p. 242). Aux îles Fidji., les Vuis, génies
plus petit~ qu'un homme, habitent des grottes au bord de
la mer ou de la rivière (Journal of Anthropological insti
tut, t. X., p. 269). On pourrait multiplier ces exemples;
ceux que J al CItes montrent que dans des pays extrêmement
variés et séparés les uns des autres par de vastes espaces,
au bord de la mer ont été peuplée d'ètres sur- .
les cavernes
naturels par l'imagination ou par ·la crainte des riverains.
Elles ont eu, ou ont encore, leurs légendes; toutefois, il est
assez remarquabl~ que le seul groupe où elles soient bien
conservées se trouve en Haute-Bretagne, sur une côte peu
plée, et dans un pays où les communications sont assez fa-
ciles. Sur la côte de Tréguier, on en rencontre quelques tra_
ces beaucoup plus effacées quant aux rivages du Finistère
percés pourtant de cavernes plus extraordinaires par leul~S
dimensions que 'celles même du cap Fréhel, dans les C6tes_
du-Nord, on ne raconte, paraît-il, rien de particulier à leul'
sujet. Du moins M. Luzel et M. Sauvé, qui ont exploré ce
pays au point de vue légendaire, n'ont recueilli aucune lé
en rapport avec les célèbres grottes de Morgat, en Cro
gende
zon, ou de TouIinguet, en Camaret. En Haute-Bretagne~ au
contraire, de Cancale à Saint-Brieuc,les légendes sont nom
peignent avec des teaits souvent assez nets,
breuses, et elles
tout un petit peuple de divinités secondaires,
l'existence de
qui font leur demeul'e dans les houles. Les légendes qui
suivront complètent celles que j'ai déjà publiées: Contes
populaires de la Haute-Bretagne, nOS IV, X, XVII, XXII;
Contes des paysans et des pêcheurs, nOS l, XX ; Contes des
marins, nOS l, X, XI; Contes , des provinces de France,
nO X ; Littérature orale de la Haute-Bretagne, p. 15 à 29,
et le résumé de leurs gestes que j'ai esquissé, p. 88-103 de
Traditipns et superstitions. Dans ce dernier ouvrage,
mes
pour expliquer leur conservation en Haute-Bretagne, je
supposais que les fraudeurs, jadis nombreux silr cette c6te,
avaient soigneusement entretenu ces croyances antiques
pour défendre des investigations ir.discrètes les cavernes où
leurs-marchandises étaient déposées. Cette hypothèse sem
être appuyée par l'existence à Jersey et il Guernesey, /
ble
Hes aussi très portées jadis à la fraude, de légendes ana-
logues. (Cf. Miss LA NE CLARKE et Guide to Guernesey,
-' p. 49 et 71. J'ai traduit cette dm;nière légende dans les
Contes des provinces de France, n° X). Les contes qui sui
vent renferment quelques traits qui figurent déjà dans ceux
auparavant, mais beaucoup d'entre eux se compo
publiés
sent d'épisodes inédits, et qui n'ont point leurs parallèles
dans la série imprimèe des Légendes des HOules.
(A suivre).
LÉGENDES LOCALES DE LA H~UTE-BRETAGNE
(Suite)· .
Par M. SÉBILLOT.
II.. Les Fées de Chêlin.
Il était une fois un bonhomme et une bonne femme qui
restaient dans une petite cabane au-dessus de la Houle de
Ils n'étaient point riches, et ne pouvaient pas tou
Chêlin.
jours travailler, car ils étaient déjà vieux et souvent mala
des; aussi parfois ils manquaient de pain.
Un jour qu'ils étaient à pêcher des bernis (1) et des
ormées (2) sur le rocher de Chêlin, ils virent une douzaine
canes qui se baignaient dans Ulle des mares entre
de belles
et ils crurent que c'étaient des oiseaux sau-
les rochers,
vages.
-Ah! s'écria le bonhomme en regardant les belles canes;
si je pouvais en attraper une! .
Il alla sans bruit sur le bord de la mare et se pencha pour
saisir une canne; mais au moment où il allait mettre la
main sur le cou de l'une d'elles, elle disparut ainsi que tç)Utes
les autres.-
Diables de cannes, s'écria le bonhomme, jamais je
n'en ai vu de pareilles: elles sont ensorcelées!
Le bonhomme. et la bonne femme continuèrent à pècher,
et quand la marée fut passée,ils partirent pour s'en retour
ner à leur cabane. Comme ils montaient la falaise, il virent
une femme qui paraissait vieille, et qui leur demanda de lui
* Voir p. 206.
(1) Patelles.
(2) Oreilles de mer. .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. ' T. XIII (Mémoires).
vendre une douzaine d'ormées et une jointée de bernis. II~
, lui donnèrent ce qu'elle voulait et elle leur dit:
- Combien allez-vous me les vendre ~
- Rien .. ma pauvre femme répondirent-ils, vous n'avez
pas la mine plus riche que nous.
Hé bien, ' dit la fée ' ,. car c'était une fée . puisqUe
vous me faites un présent, venez demain matin à dix heures
à la Houle de Chêlin et vous serez récompensés.
lendemàin ils se rendirent à l'entrée de la Houle, et
virent la bonne femme de fée qui les attendait.
ils
.- - Ah 1 dit-elle, il y a un quart d'heure que je suis là il.
vous attendre, venez avec n10i dans la grotte.
Le bonhomme et la bonne femme entrèrent et la vieille
fée les conduisait. Quand ils eurent fait un petit bout de
chemin,' ils virent venir à eux des fées et des faiü:tuds (1).
- , Nous avons trouvé vos bernis et vos ormées à notre
goût, dirent-ils, et comme vous n'avez pas voulu d'argent,
demander ce que vous voudrez.
vous pouvez
santé, répondirent le bonhomme et
Nous désirons la
la bonne femme.
- Tenez, dit une fée, voici une bouteille de liqueur, vous
en boirez chacun un verre tous les matins; elle ne dimi-
nuera point, et tant que vous l'aurez, vous ne serez.. jamais
malades. Désirez-vous autre chose ~
- Ma foi, répondirent-ils, si nous avions du pain pOUl' le;
.- restant de nos jours nous serions bien contents. .
- Voici une gâche et du beurre~pour beurrer votre pain; .
jamais ils ne diminueront. Voici encore une baguette par
laquell~ vous aurez tout ce que vous demanderez, et elle
parlera quand vous l'interrogerez. Mais ne parlez à âme
qui vive de ce que nous vous avons donné ;' gardez tout cela
i) Mâles des fées.
mnis il ne
faudra. pas ètre trop orgueIlleux- ' ,
Les fées leurs frottèrent le tour des ,yeux avec de la pom-
made, et ils voyaient dans la houle des petits fions qui
.oua.ien au pitot (bouchon) avec des pièces de cent francs,
bonnes gens n'avaient '\ u rien de si beau; ils remerciè
rent Jes fées et sortirent de la houle pour s'en retourner
chez eux.
Aussitôt qu'ils furent rendus ils se mirent à manger du
pain des fées; ils beurraient gras leurs morceaux et il les
trouvaient meilleurs que du gâteau. Tous les matins le
bonhomme et la bonne femme buvaient un verre de la
liqueur des fées; ils se portaient comme des jeunes gens,
ct comme ils n'étd.ient jamais malades et que leur baguette
leur donnait de l'or et de l'argent autant qu'ils en voulaien t,
ils étaient heur'eux. '
Il Y avait déjà un bout de temps que cela durait; un jour
le bonhomme vint au village de l'Isle et entra dans une ,
auberge. Ses camarades lui dirent: '
_ Qu'as-tu fait pour être devenu riche comme tu es, toi
étais gueux comme un rat? Pourquoi as-tu une si belle
qui
santé maintenant, alors qu'autrefois tu étais toujours
malade?
- Le bonhomme qui était glorieux, répondit sans songer:
-J'ai une baguette qu'une des fées du Chêlin m'a donnée
ct elle me fournit de l'or et de l'argent tant que j'en veux.
En désirez-vous, des pièces de cent' francs ~ leur dit-il.
Et prenant de l'or dans sa poche, il leur distribua à cha-
cun mille francs, puis il leur dit: ' '
J'ai aussi une gâche de pain que la fée m'a donnée, .
avec du bon beurre pour le beuuer, et ils ne diminuent
point. , '
Le bonhomme, tout en causant finit par se mettre en-
ribotte, et en retournant
chez lui, il chantait à pleine tète
Comme il approchait de
sa maison, la vieille fée parut et
dit:
lui
- Nous t'avions défendu de parler à âme qui vive de Ce
que nous favions donné; nous t'avions recommandé de ne
le partager avec personne. Tu n'as pas pris garde à notl'e
défense: cette nuit ta baguette te s..era enlevée, ton pain, ta
et tout ce que nous t'avions donné disparaîtra.
bouteille
Le bonhomme se ;mit à rire au nez de la fée; mais pen
dant la nuit tout leur fut enlevé, et le lendem~in ils SIJ trou_
vèrent. aussi pauvres qu'avant d'avoir vu les fées. Ils devin
rent infirmes, et comme ils ne pouvaient plus travailler, ils
leur pain de porte en porte .
allèrent mendier
Et s'ils ne sont pas morts, ils vivent encore.
(Conté en 188i, par François MARQUER, de Saint-Cast,
mousse, âgé de 1.4 ans.)
III. La Houle du Port-Perou .
Il était une fois à la métairie du Genantain, en Saint-
Cast, une jeune fille qui avait mal passé son temps. Quand
elle vit qu'elle allait devenir . mère sans être mariée, elle
prit un fond de chagrin, et, comme elle ne voulait pas dé-
shonorer sa famille, elle résolut d'aller se noyer.
arrivait sur le rivage pour se jeter dans la/
Comme elle
présenta devant elle qui lui demanda
mer, une dame se
pourquoi elle pleurait.
- Ah! répondit la jeune fille, j'ai sur le cœur un secret
que jamais je ne dirai.
la fée; vous voulez vous noyer et
- Je le connais, dit
car
noyer l'enfant que vous portez. Gardez-vous en bien,
il sera prophète. Il y a vingt ans que je suis mariée, et je
n'ai pas d'enfant: si vous voulez me donner le vôtre, je
est
vous
DUS cacherai et personne ne saura rien de ce qui
rl'i vé. '
. _ Ah! ma bonne dame, s'écria la j~une fille., j'y consens
d tout mon cœur; mais où allez-vous me cacher ~
. Dans ma grotte, répondit la fée, et personne n'en
ura rien, pas même mon mari. Il a un voyage à faire;
à lui et je vous prendral pOUl' nourrlce.
_ Je veux bien, dit la jeune fille, mais n'êtes-vous pas
une des bonnes dames que l'on appelle les fées?
_ Oui, je m'appelle la Chanteuse, la reine des fées.
La jeune fille suivit la fée dans sa grotte; on la mit dans
nne belle chambre, et il n'y avait à la voir que la reine des
fées qui, tous les jours, venait lui apporter à .manger. Au
bout de tr'ois mois, la jeune fille eut son enfant, et le roi
des Faitauds, qui était absent, arriva trois jours après la
naissance de l'enfant. Il fut très joyeux de voir le nouveau
né qu'il cl'Oyait étre son fils~ et il demanda à sa femme
quelle ét<1Ït la personne qui l'allaitait; elle lui répondit que
c'était uue nourrice qu'elle avait fait venir. .
Un jour que le maître de la fel'me du Genantain chassait
sur la falaise du Port-Perl'ou, qui se tl'Ouve au-dessus de
la Houle, il apel'çut une biche. Il tira dessus et la tua;
mais il ne ~'emporta pas. Le roi des Faitauds arriva aus
sitôt que lui à la métairie.
_ Tu as tué ma biche, lui dit-il en colère; si tu ne m'en
rends pas une pareille, tes bestiaux crèveront.
Aussitôt deux chevaux et deux vaches crevèrent.
_ N'en faites pas mourir cl'autres, dit le fermier; demain
il y a une foire à Lamballe; j'ïrai vous en chercher une et
je vous l'amènerai.
Soit, répondit le roi des Faitauds, mais garde-toi d'y
manquer.
Le lendemain, le fermier acheta une biche, et la mena
aupl'ès do la gl'otte d8DS l'endt'Oit où il avait tué rautre. Le
['oi des Fai tauds en fut satisfait, et il donna une baguette
au fermier' :
, Avec cette baguette, dit le roi des Faitauds, tu vas
trois coups sur chacun des animaux qui sont crevés
frapper
et ils reprend l'ont vie.
Le fermier obéit et ses deux vaches et ses deux che
vaux redevinrent aussi vivants et aussi beaux qu'asant
d'avoir été jainés par le roi des Faitauds.
Il y avait un an que la fille de la métairie était disparue
et on ne pensait plus à elle; car on la croyait morte. On la
vit revenir a la ferme, fraîche et bien portante, et elle avait
une bonne somme d'argent qui la mit à l'aise pour le res
tant de ses jours" et ses parents avec elle.
Et s'ils n'e sont pas morts, ils vivent encore.
(Conté en 1.880, par Rose RENAUD, de Saint-Cast) .
IV. La Houle de Saint-Jacut .
Il était une fois un pêcheur de Saint-Jacut qui venait de
leve'r ses filets dans la grève du Bé. En s'en allant, il passa
sur une houle de Saint-Jacut, et il entendit sous terre une
chantait si bien qu'il resta en extase à l'écouter.
voix qui
Ah! dit-il, la belle chanson!
. Comme il achevait ces mots, il ouït une musique qui se /
mit à jouer et à accompagner la voix qui chantait.
Quelques instants après, les musiciens et les fées sorti
rent de la houle, et les fées se mirent à danser au son de
la ,musiqne. Le pêcheur les regardait et il aurait bien voulu
se mêler à lenrs jeux; mais comme il n'osait leur en deman
la permission, il se mit à danser tout seul.
der
Les fées qui le voyaient lui dirent:
. Venez danser avec nous.
Le pêcheur entra dans la ronde des fées, et l'une d'elles
. demanda s'il voulai t être le parrain de son enfan t. Il
ré )Ündit qu'il acceptait avec plaisir, etles fees lui dirent de
être 111arraine, une jeune fille de Saint-J aeut.
Au jour dit, le pêcheur qui se nommait Jacques, vint à la
Houle aveC une jeune Jaquine qui avait nom Jeanne. Trois
des fées les espéraient (1) à la porte et les menèrent dans
)a Houle où ils nommèrent un petit garçon qui était beau
comme le jour. Jacques disait:
• Ha fa, mon fu, est i' joli; il est biau comme un p'Ut
lapin. .
Les faitauds vinrent jouer un' air de musique, on fit une
belle fête, et les fées dit'ent à Jacques que s'il voulait. se
marier avec sa commère (2) il s8l'alt heureux toute sa vie.
Je veux bien, répondit le pêcheur) si Jeanne y consent.
La jeune fille promit d'épouser Jacques; les fées leur
donnèrent un coffr'e plein d'argent et d'or qui ne diminuait
point, et chacun d'eux eût une baguette, par le moyen de
laquelle ils pouvaient avoir tout ce qu'il leur phtirait.
Jacques et Jeanne sortirent de la Houle et retoul'nèrent à
Saint-Jacut où ils se marièl'ent. Depuis ils vecurent toujou~
heureux ... et quand ils moururent ils étaient vieux.
(Conté en 1881 par le même mousse) .
V, P eti ts-Yeux voit clair.
Il etait une fois un homme et une femme qui demeuraient
dans une petite maison au-dessus de la Houle de la Cor-
i) Attendaient .
« ma commère » la jeune fille qui a été mar-
. 2) Le par~ain appel13
rame avec lUI.
bière. Ils étaient mariés depuis longtemps, mais ils n'avaient
pas d'enfants et ils étaient bien navrés de n'en point avoïr
Un jour ils se dirent:
- Il Y a des fées dans la houle qui est au-dessous de
nous et qui s'enfonce bien loin dans la terre; si nous leur
demandions un enfant, peut-ètre qu'elles notls l'accorde~
raient.
Ils se mirent tous les deux à crier:
Mes bonnes dames, faites que nous ayons un enfant
pour nous consoler sur nos vieux jours.
Quelques instants après qu'ils eurent prononcé cette
prière, ils entendirent la musique qui jouait sous terre pour
faire danser les fées. Quand le bal fut terminé, la musique
cessa, et une belle dame sortit de sous terre, et se montra
au bonhomme et à la bonne femme qui étaient dans leur
maison. C'était la reine des fées; elle était belle comme une
bonne Viergè, et elle leur demanda pourquoi ils l'avaient
appelée à leur secours. .
Ah! madame, répondirent les bonnes gens, nous
sommes mariés depuis plusieurs années; mais nous n'avons
point d'enfant, et pourtant notre plus grand désir serait d'en
aVOIr un.
Hé bien, dit la reine des fées en s'adl'essant à la
femme, dans .trois mois vous en aurez un., si vous voulez
que Je SOlS sa man'ame. . /
-' De tout mon cœur, ma bonne dame, répondit la femme,
c'est un grand honneur que vous nous ferez .
Au même instant la fée dispal'ut. Trois mois aprés, la
femme mit au monde un garçon, et elle était bien contente,
car il était gl'OS et fort. Dès qu'il fut né, son mari appela à
grands cris les fées; aussitôt la reine des fées entra dans la
maison suivie d'une troupe nombreuse de fées, etl1e musi
ciens de toute espéce qui jouaient des airs. L'enfant fut
baptisé, et la reine des fées qui était la marraine dit qu'il .
cune des fées lui fit aussi un don, et .elles dIsparurent alllSl
que les mUSICIens.
L'enfant grandit; il n'était jamais malade, et il venait
comme la pâte dans la m~t (huche). Quand il eut trois ans,
sa marraine vint souvent à la maison pour lui faire l'école,
et quand elle l'eût bien instruit, elle lui apprit a comprendre
le langage de tous les animaux; elle lui donna aussi le don
de la féerie, et lui accorda le pouvoir sur toutes les autres
fées" puis elle retourna dans sa Houle.
Petits-Yeux était au-dessus de toutes les fées; il était
comme leui' roi; toutefois la reine sa marraine avait tout
de même du pouvoir sur lui; mais il n'y avait qu'elle à pou-
voir lui commander.
Quand Petits-Yeux arriva à l'âge de douze ans., il com-
manda que la petite maison de ses parents fût changée en '
un château magnifique, avec. une cour et des bâtiments
remplis d'or, où il y a urait toujours du pain et du vin qui
ne diminuerait point. Il donna tout cela a ses parents, et se
mit en route pour faire le tour du monde.
Il marcha longtemps" et quand il fut bien loin, bien loin,
plu~ loin que je ne dis, il eut faim; aussitôt il com
bien
manda à une table bien dressée et où rien ne manquerait de
venir se placer sur sa route. Il fut aussitôt servi, et quand
il eut bien mangé, il se remit en route.
Petits-Yeux voyait clair, si clair qu'il voyait trois cents
lieues à la ronde. Il se mit à regarder autour de lui et vit
une troupe de gens armés qui se réunissait auprès ~'un
château à peu de distance de l'endroit où il était. Petit:
Yeux alla au château et dans la COUf' il vit des animaux de
toute espèce qui hurlaient comme si on les écorchait.
• Pourquoi, derpanda-t-il, VQS bêtes crient-elles delasorte ~
-" Nous n'en savons rien, répondÎl'ent les gens du châ_
teau, il y a trois jours qu'ils hurlent sans cesser et nous en
avons tous la tête cassée. '
-, Je vais vous dire ce que cela signifie, dit Petits-Yeux
qui e'ntendait le langage de toutes les bêtes; demain dans
château et vos ferme,s ser'ont pris et pillés par
la nuit votre
une troupe de voleurs et de brigands.
Les gens du château se mirent sur leurs gardes; et ils
Petits-Yeux se mit à
rassemblèrent des hommes armés.
leur tête et marcha Et la rencontre des brigands. Ils furent
tous tués, et parmi eux un des chefs qui comprenait aussi
le langage des animaux. Petits-Yeux retourna ensuite au
château où il fut reçu comme l'enfant de la maison.
Ils voulaient le garder avec eux, mais il avait envie de
son voyage et il se remit en l'Oute. A la fin du
continuer
jour, il arri va dans une forét et la nuit le prit pendan t qu'il
la traversait. Il ne savait où coucher, et comme il cherchait
à sortir de la forêt, il entendit hurler les loups. Il prêta
l'oreille, et comme il comprenait le langage de tous les
animaux, il entendit qu'ils disaient:
Petits Yeux, restez dans la forêt,
Ou bien vous allez être tué.
Il ne savait comment faire; mais il se l'appela heureuse-
ment que sa marraine lui avait donné le don de la féerie, et
il commanda qu'au milieu des arbres s'élevât un château
avec une armée de fées pour le défendre. Aussitôt, ce qu'il
avait demandé fut ac(~ompli ; mais les loups ne cessaient. de
hurler, encore plus fort qu'aupat'avant; il les écouta, et il
disaient:
entendit qu'ils
Petits-Yeux, marchez à la tête des fées,
Il Y a des brigands au bord de la forêt
Qui vous attendent pour vous tuer.
Petits-Yeux ordonnE\. q,ux fées de le suivre; il rencontra
les ul'igands ; les fées les tuèrent et les mangèrent ensuite.
Cependant il eut envie de revoir ses parents et sa mar
ra.ine la reine des fées; il commanda à d'autres fèes de
'Venir avec lui et de l'acc?mpagner jusqu'à la Houle de la
corbière. Les fées vinrent aussitôt et ils se mirent en route
touS ensemble.
Ils "inrent à passer à la porte d'un château où tout le
monde était tri ":lte. C'est que la dame, sa fille et son fils
étaient bien malades; le châtea~ était rempli de médecins
et même de reboutous; mais ils ne pouvaient guérie leur
mal. Petits-Yeux-voicnt-clair entra dans le château et dit
que peut-étre il pourrait guérir les malades. Le seigneur lui
promit, s'il réussissait, de lui donner sa fille en mariage.
Petits-Yeux demanda s'il n'y avait pas au château quel
que oiseau ou quelque autre animal. On le conduisit dans
la basse-cour où il vit un coq. .
Beau coq, lui dit-il, pourquoi y a-t-il des malades au
château?
Tu n.e sais pas ~ répondit le coq en chantant, il Y a un
crapaud sous le lit, et c'est lui qui rend tout le monde malade.
Petits-Yeux tua le coq et répandit son sang auprès du lit;
alors le crapl:\Ud sortit en sautillant du château et les mala-
des furent guéris tous les trois.
Le seigneur fut si joyeux qu'il donna sa fille en mariage
à Petits:' Yeux. Ils firent de belles noces, et quand elles
remit en route à la téte des fées, emme-
furent finies, il se
nant sa princesse avec lui.
Il finit par ai'river auprès de la Corbière, et il alla demeu-
rer avec ses parents dans le beau château qu'il leur avait
laissé avant de partir pour faire son tour du monde. Sa
marraine vint demeurer avec lui, et elle fut bien contente
avait fait un bon mariage.
d'apprendre qu'il
Et ils vécurent tous ensemble, très heureux.
(Conté en 1.881 par Jeanne MACÉ, de Sa.int-Cast, âgée de 80 ans).
VI. Tic-Tic .
Il était une fois un petit garçon qui demeurait à S~int_
Cast avec son grand-père, et tous les deux allaient à la
pêche. Comme beaucoup dJautres pêcheurs, le petit garçon
avait une signorie (sobriquet) et on l'~ppelait communément
Tic-Tic, au lieu de lui donner son véritable nom.
Un jour qu'il ét,ait allé à la pêche avec son grand-père, le
bonhomme le fit embarquer sur un autre bateau qui s'en
retournait au havre, et il lui dit:
Je vais encore rester un peu à pêcher, fais attention,
Tic-Tic, à me préparer de la soupe que je mangerai à mon
retour.
Grand-père, répondit le petit garçon, il n'y a plus de
pain chez nous.
- Hé bien! dit le bonhomme qui était farceur, il faut
faire de la soupe de graisse et couper ton lard en tranches
de soupe.
Tout le monde éclacha de rire à cette parole" et quand
Tic-Tic fut de retour, il fit ce que son grand-père lui avait
commandé. Quand le bonhomme rentra, Tic-Tic lui dit: .
- Voici votre soupe, grand-père, mangez-la.
Mais quand le bonhomme la vit, il s'ècria :
Ah! cochon, c'était son habitude de dire cochon
presque à chaque mot, la belle sottise que tu as faite !
Tic-Tic voulut parler, mais le vieux pêcheur qui était
grichu, ne le laissa pas ouvrir la bouchè et lui cria:
- Va-tien garder ,ta vache clans le courtil.
Tic-Tic garda mal sa vache, et il la laissa manger los
choux; quand son grand-père vit le ravage qu'elle avait
fait, il s'écria:
.. Ah! pour deux sous je vendrais bien Tic-Tic.
Aussitôt une vieille femme se présenta devant lui et lui
dit;
_ Veux-tu me le vendre pour dix, je le prends!
.. Oui, répondit le bonhomme en poussant Tic-Tic du
~t prends-le.
côté de )a vieille, donne-moi dix sous
La bonne femme, qui était une fée, .paya le bonhomme et
etn Tic-Tic à la Houle du Châtelet. Les fées qui y
Illena
deIlleuraient lui firent chacune un don; il eut une baguette
qui lui procurait tout ce qu'il voulait; la vieille fée qui
la science des bonnes dames,
l'avait acheté lui communiqua
et il devint aussi savant qu'elles. '
était heureux avec les fées; mais il eut envie de sortir
de la grotte, et il ana demander la permission à la reine
qui l'aimait beaucoup.
_ Je veux bien, dit-elle, mais ne dévoile jamais à per-
sonne le secret que tu as; fais du bien partout ou tu iras,
et reviens tous les jours au coucher du soleil à la Houle,
car tu sais bien que tu nous appartiens.
Tic-Tic sortit de la grotte et il vint dans le village de
l'Isle où il rendit beaucoup de services à tout le monde.
à la Houle, et le matin" au
Tous les soirs il allait coucher
lever du soleil, il revenait au village. Il était partout le
bienvenu et on parlait de lui à cinquante lieues à la ronde.
Mais les fées du Châtelet partirent un jour pour un autre
pays : Tic-Tic s'en alla avec elles, et depuis jamais on ne
l'a revu.
(Conté en !88!, par le même mousse).
VII. La Houle de la Garde.
Il Y avait une fois un pâtour qui gardait ses moutons sur
la Houle de la Garde; il entendit une voix qui disait:
Le four est chaud, apportez la pâte au four.
surpris, et il cria:
Il fut bien
. ' . Faites-moi, s'il vous plaît, une miche .
Il continua a gardel' son troupeau ne pensant plus gUère
a ~e qu'il avait dit; mais quelques heures après une miche
se présenta devant lui, et il sortit de dessous terre une voix
qui disait:
- Mange de ce pain sans crainte, mon petit ami, il ne te
tu veux venir chez nous garder nos
fera point de mal, si
seras bien récompensé .
moutons, tu
- Je ne demande pas mieux, répondit le pâtour .
Il se mit a goûter sa miche qu'il trouva d'un goût déli-
cieux, puis il emmena ses moutons-a la métairie et il alla a
l'entrée de la houle de la Garde. Il y avait une belle dame
qui l'attendait. Elle lui dit:
-' Viens, mon 'petit ami, tu iras garder nos moutons et
nos vaches partout où tu voudras; voici une haguette avec
laquelle tu fel'as disparaître ton troupeau quand tu verras
ceux a qui appartiendra la pâture où tu les auras menées.
Voici une autre baguette avec laquelle tu pourras te pro
curer à boire, à manger et tout ce que tu voudras.
. Le pâtour remercia la fée; il serra bien ses deux baguet
tes, puis il conduisit le troupeau des ' fées , partout où il
voulait paître. Au soir il allait coucher dans la houle et
, chaque jour il recommençait. . '
Mais un jour qu'il avait mené son troupeau dans le blé
la Garde, le fermier vint pour le tuer, lui et
du fermier de
son troupeau. Mais le pâtour prit une de ses baguettes et il
dit:
- Par la vertu de ma baguette, que mon troupeau et
moi nous disparaissions 1
Aussitôt le fe,!'mier ne les vit plus et ils furent transportés
dans la grotte. Une des fées dit au pâtour :
" Tu as bienfait de jouer de la baguette, sans cela le
aurait tué un de nos plus beaux m'outons. C'est
fermier
demain que ton temps finit; si tu veux partir tu partiras, si
tu veux rester tu resteras et tu seras bien heureux. Dis-
' tn veux rester, tu n'as pas été malheureux pendant
nOUS
10 tempS que tu as passé avec nous.
, Je veux bien rester, répondit le pâtour ; mais je pour-
. n'est-ce pas sortir quelquefois pour aller me pro me-
raI, ' '
ner~ ,
Les fées y consentirent, et il resta à vivre ave'c elles; il
avait cie l'or et de l'argent quand il voulait, et il vécut heu-
reux avec les bonnes dames.
(Conté en 1.881 par le'même mousse).
VIII. - Le Mangeur de poules.
Il Y avait une fois au village de rIsle, en Saint-Cast, un
petit garçon qui était méchant, méchant, bien plus méchant
que je ne dis. Il se nommait Petit-Jacques, mais on l'appelait
bien plus souvent le ll1angeur de poules, parce qu'il man
geait celles de ses voisins, et il leur faisait tout,es sortes
de méchancetés .
Il avait été mis en prison; mais il n'en était pas devenu
meilleur pour cela. .
Un jour de Noël, il demanda une poule à son père pour
aller faire sa potée de Noël à 1a Corbière; son père ne
voulut pas la lui donnel' ; mais il prit une petite marmi te et
un bout de saucisse, et s'en alla en disant:
. J'en aurai une tout de même.
Quand il arriva à la Corbière il vit de belles oies et de
, belles poules; c'étaient celles des fées des houles qui se pro
menaient su.!' l)herbe. Petit-Jacques aurait bien voulu en
prendre une; mais elles ne se laissaient pas appl'Ocher.
Alors il tendit des pièges et finit par attraper une poule:
= Voilà de quoi faire ma potée de Noël dit-il en
rétouffant. '
Il la pluma, la. mit dans sa marmite, et quand elle fut
cuite, il la mangea.
Mais dès qu'il eut fini son repas, une vieille fée vint à
lui, et lui dit:
- Tu as mangé ma poule., vilain gourmand; pOur te
punir, je vais femmorphoser en coq, et tu seras mangé
par 10 renard.
Elle le toucha de sa baguette; aussitôt il fut changé en
je ne sais ce qu'il est devenu.
coq, et
(Conté en 1.881 par le même mousse) .
IX. - Le Loup et la Fée .
Il était une fois un petit garçon qu'une des fées du Grouin
avait emmorphosé en loup. '
U ne nuit il se promenait au-dessus de la houle du Grouin,
quand tout-à-coup il entendit du bruit sous terre, et il ouït
une voix qui disait: .
- Gouégo, va-t-en chercher desjaguilles (fagots) d'ajoncs
pour chauffer le four.
Au mème instant sortit de dessous terre, une bonne
chemins; c'était justement la
femme, vieille comme les
fée qui àvait emmorphosé en loup le petit garçon; c'était
elle qui s'appelait Gouégo, et elle passait pour une des
plus méchantes de la Houle.
Quand elle vit le petit loup, elle lui donna des coups de
et voulut le jeter à la falaise; mais il ne se laissa pas
pied
faire. Il prit la vieille fée par la tête 'où il lui enfonça ses
crocs, et tout en la secouallt, il lui disait:
- Vieille maudite, c'est ce soir que je vais me venger de
toi; si tu veux me démorphoser, je te laisserai aller; mais
si tu ne le fais pas, je te tuerai sûrement.
. " Hé bien! répondit la vieille, sois démorphosé sur-le-
h IllP et reprends ta première forme.
fée lui dit:
_. _ Veux.-tu te marier avec moi ~
_" Avec une vieille maudite comme vous! s'écria-t-il ;
ah 1 non, J aImeraI mIeUx. mOUrIr. . . .
.. Je ne puis te faire mourir, dit-elle; VIens avec mm
à la Houle, tu n'auras point do mal et tu épouseras la fée
tu voudras, .
que
Il suivit la vieille fée., et il entra dan~ la grotte; mais il
eut bien peur en la voyant remplie de vieilles bonnes
femmes, si laides, qu'elles ressemblaien t à de vieilles tOl?tues.
_ Epouser ces vieilles damnées, s'écria-t-iI, je n'en ai
nulle envie; passe enCOl'e si elles étaient jeunes. '
Alors les bonnes femmes devinrent de belles dames; car
elles ne s'étaient changées en vieilles que pour faire peur
au jeune garçon, et l'une d'elles lui dit:
Tu n'es pas si méchant pour' nous que nous l'avons
été pour toi, et puisque tu n'as pas tué notre vieille reine
qui t'avait emmorphosé, choisis les dons que tu voudras;
ils te seront accordés, et jamais nous ne te ferons plus de
mal. .
_ Hé bien! dit le jeune garçon, je désire du pain, des
vêtements, -de l'argent autant que j'en aurai besoin jusq u'a
,la fin de mes jours, et une baguette qui me donnera tout ce
je voudrai. '
que
La fée lui remit une baguette et lui dit:
. Tout ce que tu demandel'as par' la vertu de ta baguette,
tu l'auras. ' ,
Elle lui donna aussi un sac d'argent et des vêtements en
disant:
Voilà des vêtements et 'de l'argent pour toute ta vie
sais les conserver. , '
si tu
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. Tome XIII. (Mémoires). US
Puis prenant, un tourteau de pain, elle le lui donna aussi .
. Voilà, dit-elle, de quoi manger jusqu'à la fin de te,
jours; .si tu le gardes pour toi sans en faire part à personne.
reçu de nous disparaîtra.
La fée Gouégo lui demanda s'il désirait encore quelque
chose:
- Je voudrais être éhez moi, répondit-il; car il Com_
mençait à avoir peur avec les fées.
Au même instant, il se retrouva dans sa maison. Il no
dit à personne ce qu'il avait vu, et il vécut heureux avec
ses parents qui étaient bien contentR de le voir démor
phosél
(Conté en i881 par le même mousse). .
X. Le Bétail des fées.
Il Y avait un~ fois des moutons et des vaches qui pâtu
raient dans un champ du fermier· de Vastapol (1), tout près
de la houle du Vâlé. Un jour la fermière qui venait pour
sarcler son blé, les vit le brouter à belles dents; elle courut
prévenir son mari, et le fermiel' , prit son fusil. Il
aussitôt
vit le troupeau qui mangeait son blé, et il til'a dessus un
coup de fusil; mais les moutons et les vaches disparurent
aussi vite qu'un éclair.
Le fermier pensa que c'était le bétail des fées; il entra
dans une grande colère et il se mit à inju'r'ier les fées du
Valé.
- Vieilles sorcières maudites, s'écria-t-il, si vos bêtes
(1) Ferme situé à Saint-Cast, et appelé Sébastopol, puis par corruption
Vastapol.
trai le feu dans votre houle.
Il était si colère, qu'il en dansait de rage. Les fées et les
f itauds éclatèrent de rire, et ils disaient:
autant le méchant comme ce ferI~ier.
De les voyait point. Il leur cria:
. J'ai bien de quoi être en colère.
Hé bien! dit une des fées, que demandes-tu pour le
tort que nos bêtes t'ont fait ~
_ Cinq cents francs, répondit le fermier.
Je ne peux te donner d'argent, dit la fée; mais, en
trois jours ton blé aura repoussé. Il sera plus beau qu'il
n'était, et sur le haut des épis viendront de nouvelles tiges
qui porteront encore des épis: tu auras du grain pour plus
faudra laisser notre troupeau
de quinze mille francs. Mais il
pâturer c.ù il vO:ldra : il ne te fera point de tort. Voici en
core un tourteau de pain et une n10tte de beurre. Tu pour
ras en prendre tant que tu voudras; ils ne diminueront
point. Mais si tu en donnes à d'autres qu'à ceux de ta
maison, ils disparaîtront.
Elle lui donna encore une barrique de cidre et une autre de
vin, en lui faisant les mêmes conditions. Le fermier s'en
alla bien content, et, comme il n'avait rien à acheter et
tout à vendre" il ne fut pas longtemps à s'enrichir. Alors il
cessa de travailler et se retira dans une belle maison 'à
l'Isle de Saint-Cast. Il fit faire un joli bateau pour se pro-
mener sur mer quand le temps serait beau. .
premier jour qu)il sortit en mer, il vint une tempête,
et il vit un petit canot qui était prêt à périr. Il fit route des
sus et ses matelots sauvèrent le canot; c'était celui dès
fées et des faitauds du Vâlé, qui, eux aussi, étaient allés se
promener. Quand ils furent arri vés au hâvre les fées et les
faitauds remercièrent ceux qui les avaient sauvés, puis ils
prirent leur petit canot et retournèrent dans leur houle. Le
fermier retourna chez lui; il :fit du bien à ses matelots, et
il vécut heureux, lui et toute sa famille, jusqu'à Un âge
avancé.
(Conté en :l881 par le même mousse).
(A suivre).