Responsive image
 

Bulletin SAF 1886


Télécharger le bulletin 1886

Une ténébreuse affaire (Quimper, 1653)

M. Faty

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


UNE TÉNÉBREUSE 'AFFÀIRE
UE A QUIMPER EN1653 ET, QUI ,OCCASIONNA UN CONFLIT
ENTRE LA COUR DES REGAl RES ET LE SIÈGE PRÉSIDIAL (1)
"VIle siècle, nos aïeux, particulièrement en Bretagne
surtout dans nos provinces du nord, avaient pour habitude
de prolonger les plaisirs de la table qui, pour beaucoup
eux constituaient, avec les exercices de la chasse,
d'entre
it. peu près leurs seules distractions. On faisait alors régu­
lièrement quatre repas; à 7 heures le déjeunel', à midi ]e
dtner, la collation ou le goûter avait lieu à 4 heures et J'on
à sept. En Lorraine, en Champagne et dans le pays
soupait
vosgien, on mangeait à l'allemande, c'est-à-dire qu'à ces
quatre repas on ajoutait le recein, seconde collation qui se
prenait :avant de se mettre au lit; 'recein vient du latin
barbare recœnare, littéralement recliner. Aujourd'hui ces
habitudes se sont modifiées; dans bien des localités on ne
deux ou trois repas, les artisans et les gens
fait plus que
de campagne, en raison de leurs pénibles travaux et pour
réparer leurs forces, suivent encore l'ancienne coutume.
Ainsi, en 1653, tout le monde collationnait à Quimper, et
lorsque l'horloge en donnait le signal) qu'on appelait la
bouteille, de quatre heures, expression encore en usage de
nos jours, les bons bourgeois se rendaient avec empresse­
ment dans les cabarets, autant pour étancher leur soif que
apprendre des nouvelles. Les cafés à cette époque
pour
étaient inconnus dans notre ville, les cabarets étaient les
seuls lieux de réunion de toutes les classes de la société
confondues; le gentilhomme coudoyait le
qui s'y trouvaient

(1) C'est à l'oblige?n~e de notre Vice-Président, M. Luzel, archiviste
d.u de~arteme~t du FInIstère, que nous devons la communication de ce
smgulIer proces.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. Tome XIII (Mémoires). . 13

bourgeois et l'ouvrier, on y vivait sur le pied de la pl
servir dll.
parfaite égalité, seulement les riches se faisaient
vin d'Aunis, ou de la bière fabriquée dans l'unique brasse ..
rie de la ville, qui subsiste encore sous le nom de brasserie
Leucart (1). Quant aux moins fortunés, ils buvaient du.
cidre qui se venqait à très bon marché. Chacun selon ses
moyens apportait, ou achetait sur les lieux, quelques vic_
mangeait sur de longues tables entourées
tuailles que l'on
de bancs grossièrement confectionnés, car il ne fallait pas
luxe dans le mobilier de ces établissements,
chercher du
tout primitif, qu'on retrouve encore dans quelques
mobilier
dans des
auberges de village. Les liquides étaient servis
d"étain, et ordinairement un jeu de quilles était ins­
vases
tallé dans la cour ou le jardin de la maison.
23 décembre 1653, vers les quatre heures de
Le mardi
l'après-midi, deux gentilshommes, qualifiés du titre d'écuyer,
et Christophe Pez­
Sébastien Le Beuc, sieur de Lézongar,
l'on, sieur de la Peyronnière, firent leur entrée dans le
cabaret \ du nommé La Roze, situé marché aux Ruches,
au Beurre) dans l'intention de se rafraî-
(aujourd'hui place
chir et de faire collation. Après de nombreuses libations,
et plus d'une fois furent sur le
ils se prirent de querelle,
aux mains. La scène devint surtout des
point d'en venir
huit heures du soir, au moment où
plus. violentes vers les
cabaret avaient disparu. Dans la salle, deux
les habitués du
personnes seulement furent témoins de la dispute, la caba­
retière Anne J acquin, femme La Roze, âgée de trente-deux
ans et François Donnual, laquais du sieur de Brieuc, âgé
de dix-huit ans. Leurs dépositions recueillies le s.oir même
par Vincent Mével, sieur de Moustouer, lieutenant de la
(1.) Elle est située rue des Regaires, les comptes de l'hôpital Sainte­
Catherine de l'année 1736 en font mention et l'appellent l'ancienne bras­
ser~e pour la distinguer çles autres qui, dans la suite, s'établirent à
Qwmper.

aussitôt à l'enquête en interrogeant cette dame et le sieur
de Beau-Regard qui lui répétèrent les incidents que noul1J
vengns de rapporter, en ajoutant qu'ils ignoraient la cause
de la mort et le nom de ceuX" qui l'avaient occasionnée. Ce
qu'ils affirmèrent en prêtant serment, ainsi qu.e les nommés
Benoist SaI vador, domestique de la dame, et Gilles Le Corre,
son cocher. A ces dépositions il adjoignit celle de François
Donnual, laquais du sieur du Brieuc, qui avait assisté à la
scène du cabaret. Il est intéressant de signaler qu'après la
prestation du serment, les témoins .. selon les formalités en
usage à cette époque, durent toucher le cadavre de la main
« aux endroicts accoustumés )).

Appelés par réquisition, le maître-chirurgien Claude
Bouxière et Arnoul Phelippe, sieur de Beaupré, aussi chi­
rurgien .. fil'ent leur rapport et constatèrentune plaie, longue
travers de doigt a la mamelle gauche, traversant
de deux
la partie pramidalle (sic) du cœur et venant sortir au-des­
sous de Comoplate droite, « plaie qui a dêterminé la mort
et qui paraît avoir été faite par un instrument tranchant et
pointu, comme une épée ou ·cb-ose semblable »). Les chirur­
giens, après avoir prêté serment, signèrent leur l'apport et
reconnurent dans le cadavre la personne de Pezr'on, sieur
de la Peyronnière.
Le lieutenant de la Cour des Regaires procéda ensuite à
l'examen des vêtements de la victime en présence de sa
sœur Françoise Pezron, qui arrivait sur les lieux pour ré- 1
clamer, en son nom et en celui de veuve Marguerite du
Brieuc, dame douairière de Keraret, sa mère, le corps du
En voici l'inventaire. Le sieur Pezron était vêtu
défunt.
d'une chemise :de toile de lin tout ensanglantée, il était
habillé d'un pourpoint et de haut-de-chausses de vieux drap
de Hollande noir, ornés de rubans noirs fripès, de souliers
Près de lui se trouvait son chapeau garni d'un
de cuir.
cordon, lequel chapeau était coupé en trois endroits; plus

" 'Ile épée nue, façon d'estocade avec gardes et poi­
une \le]
'e de fel'; à l'extrémité de la lame on remarquait quel-

ues [
Le s ," . t' P .
de fépée au greffe, con tmue a111S1 son 111 ven mre. « tus
f.·;dct chercher dans les pochettes de son hault de

« chausses pour voir si ron y eust trouvé quelguee marques
« de chrestien, à quo y procédant y avons trouvé une vieille
« paire d'heures tout usée, un failli paigne, une faillie paire
« de gans, un reJ~ève-moustaches cou vel't de cuir rouge,
(t u~ failly mouchoir, avec un louys d'or, deux demie l,ouys
« d'argent, et deux carts de louys aussi d'argent de France,
« qu'avons pareillement ordonné demeurer au greffe, le tout
« à valloir et servil' à l'instruction du procès vers ceuiC qui
« se trouveront l'avoir homicidé. »
A en juger par la misérable défroque de l'écuyer Pezron
de la Peyronnière, sans avancer unjuge'ment téméraire, on
peut le classer dans la catégorie des doms C2sar de Bazan
de cette époque; il en portait le pourpoint troué, les rubans
maculés et la vieille estocade de rigueur, En somme, d'a­
près une expression prise en mauvaise pal't, on pouvait le
qualifier de gentilhomme panné. Parmi les objets de toilette
tl'ouvés SUl; lui, l'inventaire fait mention d'un relève-mous­
tache, Aujourd'hui beaucoup de personnes ignorent quels
étaient son usage et son utilitè; d'après un spécimen à
notre connaissance nous allons en faire la description. A
cette époq1le, au XVIIe siècle, où il était de mode de porter
la moustache à la Louis XIII, on se servait de cet objet
pour la diviser en trois parties, d'abord sur les lèvres et
ensuite sui' le menton; cette demièee s'appelait la royale.
Afin de fixer et de donner surtout aux pointes de la mous­
tache une direction horizontale, se terl~inant par un cro­
chet qui s'élevait vers les yeux, on appliquait sur les poils,
après les avoir préalablement cirés, des bandeaux légers

et façonn és dans cc but) qu'on y maintenait pendant quel~
que temps. De sorte que le relève-moustache encàdrant le
bas du visage, avait une certaine ressemblance avéc Une
muselière. C'ètait une opération qui devait se renouveler
tous les jours et qui faisait partie de la toilette du matin. De
la cette expression de cc bravea trois poils», peu usitée de nos
- jours et qu'on trouve dans les Précieuses de Molière, jouées
pour la première fois en 1659: Mascarille y dit: cc Savez~
vous, Mesdames, que vous voyez dans le vicomte un des
hommes vaillants du siècle? C'est un brave a trois poils (1).»
Enfin-, le lieutenant de la Cour des Regaires termine son
procès-verbal en autorisant la demoiselle Françoise Pezron
a faire transporter dans sa demeure le corps de son frère
et a le faire inhumer en terre bénite, attendu que le défunt,
d'après les dépositions des assistants, était de la religion
catholique, apostolique et romaine; et de plus, il permet au
pl'OCUl'2Ur fiscal Picard, sienr de Fonteclair c( de fulminer
monitoire », pour parvenir aux révélations des complices
de l'assassin.
Aussitôt apl'ès la levée du cadavre, le lieutenant Mevel
se rendit au cabaret du nommé La Roze, où il interrogea
les deux témoins dont nous avons l'apporté la déposition
plus haut, et la, séance tenante, le jour du meurtre, le
23 décembre, nous précisons, le procureur fiscal des
Regaires, Picard, qui se trouvait sur les lieux, décréta immé­
diatement,. d'après ses conclusions, prise de corps contL'e le /
sieur de Lézongar .

Certes, en agissant ainsi, le lieutenant et le procul'em'
fiscal étaient dans la légalité, ils procédaient au nom de
l'évêque dont la juridiction s'étendait sur la ville de Quim-
(1) 1\'1. de Queriolet, après sa conversion qui eut lieu en 1636, s'in­
fligea une rude pénitence, pour expier la perte du temps qu'il avait em­
ployé à friser ses cheveux et il relever ses moustaches (Lobineau, Vie
des Saints de Bretagne).

l' considérée comme fief épiscopal depuis un temps im­
c1inèl' de jour en Jour, par sUlte des empIètements de
ent
He justice rivale, souvent encouragée et secondée par le
Le Heuc de Lézongar, appartenant a une famIlle
Le sieur
apparenté a des personnages influents, se voyant
riche,
sous le coup de poursuites, au sujet d'un crime d,ont il était
accusé, crut devoir prendr'e les devants, et, suivant la pro­
testation des juges des Regaires, recourut a l'obligeante
intervention d'un sien cousin, l'un des peemiers officiers
du Présidial, qui obtint du juge criminel (( un soi-disant
décret d'arrestation », portant la date du 24, décembre. Dans
cette circonstance, qualifiée de comédie, on aurait donc usé
d'un indigne tour de passe-passe, car voici ce qui arriva:
Lézongar fut aussitôt écroué a la prison, y resta quelques
instants seulement, fut conduit par deux juges présidiaux
dans le lieu où ètait le corps de Pezron qu'on lni fit tou­
cher, « januis clausis » (1), puis ensuite, cOl~sidérè comme
absous, on le remit en liberté. '
Mais avant de continuer notre récit, nous croyons néces­
saire de rappeler que le Présidial ne possédait pas a cette
époque de prison à Quimper; celle qui autrefois lui appar­
tenait avait été démolie pendant le siége, par le maréchal
d'Aumont, en 1594. Par suite d'une convention qui subsista
jusqu'en 1667, en attendant la reconstruction de l'édifice
détruit, l'évêque consentit a donner à bail au Siége Prési­
dial, une partie des locaux de la prison des Regaires.
C'est ce qui explique pourquoi cet établissement était com-
(i) Cè qui
était irrégulier, car l'attouchement devait avoir lieu en
public.

mun aux cleux juridictions et sous la surveillance d'un seU.l
geôlier . .
Maintenant nous arrivons au conflit qui s'éleva entre ces
deux juridictions a l'occasion du meurtre du sieur de la
Peyronnièl'e. Nous allons de notre mieux essayer de dé~
criee ses difiéeentes phases, en consultant et en tirant le
meilleur parti possible des documents que nous avons sous
les yeux, documents malheureusement incomplets.
Le 27 décembre, le sie!}r du Mescoüez-Pezron, frère ger­
main du défunt, arrive a Quimper, d'où il était absent le
jour du meurtre; il apprend avec indignation que l'assas-
sin n'est pas incarcéré. Il se rend immédiatement au greffe
Regaires, réclame l'ordre d'écrou donné le 23 par le
des
procureur fiscal et veut procéder lui-même a l)arrestation
de Lézongar avec le concour's d'un sergent ou d'un recors.
consent a lui venir en aide et n'ose met­
Mais personne ne
tL'e la main au collet d'un puissant seigneur dont on re­
doute le ressentiment et que l'on sait ouvertement protégé
par le Siége Présidial. Alors du Mescoüez, sans perdre
de temps, court chez le lieutenant t'ilével, le supplie de se
rendre sur la place du Tour du Châtel et d'arrêter le sieur de
Léiongar qui s'y pl'omenait effrontément. . Mével s'y trans­
porte aussitôt « en robe et soutane» (1), appréhende le
coupable ... le mène en prison et a défaut de sergent « le
charge» (le consigne) de sa propre main sur le registre
d)écrou.
Le lendemain 28, il procède a lïnt~rrogatoire de J'accusè
qu'il trouve dans la cuisine ' de la geôle, en train de faire
collation avec plusieurs de ses amis. Ille sonime de se
lever de . table et de prendre une attitude plus convenable;
(i) On remarquera ici que les officiers du trjbunal des Regaires, quoi­
que laïcs, portaient la soutane avec la robe dans l'exercice de leurs fonc-
. tIons •

onuar répond ironiquement: « qu'il est incommodé de
Léz 0 l" 'b'l' . d 'l
nne et dans lmposi l !te e pOUVOIr par er. »
sa per
il. c6té pour Y etre :nterroge; meme, refus' de la
chambre
t du prisonnier qui perSIste il. ne pas qUItter la table,
par E' '.
son espée au cos té. » nfin une trOIswme somma-
cr aya .... ,
tion l'este aussi sans résultat. C'est alors que le heuten~nt
des Regaires déclare qu'il passera outre, que le pr$venu
sera jugé comme s'il était muet, et termme son proces-
verbal que Lézongar :refuse de signer. En passant, nous
ferons remarquer que dans la pI'ison de Quimper, la
captivité à cette époque n'était pas très dure, surtout il
régal'd de ceux qui avaient de l'al'gent pour en adoucir les
rIgueurs. ...
Le 29 décembre (en voit que les incidents se succèdent
avec rapidité), cc les juges présidiaux continuant leurs en-
treprises sur les juges des Regaires, » voulant leur enleveI'
le prisonnier et le placer sous leur juridiction, ne voient
pas d'autl'e moy~n que de l'écrouer en leur nom; à cet effet
ils se hâtent, le même jour, de prononcer un jugement, suivi
d'un mandat d'arrêt. Ainsi, le 29 déce l11 bre, le sieur de
Lézongar, quoiqu'il fut déjà détenu, est de nouveau con­
signé sur le registre d'écrou par ordl'e du PrésidIal.
Voilà donc un prisonnier, à la fois décrété de prise de
corps par deux j ul'iclictions différentes et Dlacé sous les
verroux de l'unique prison de la ville, commune à ces deux
juridictions; c'est un cas bien singulier qui n'a pas dû
souvent se reproduire, Mais qu'on se rassure, ses lirotec­
teurs hâteront pour lui l'heure de la délivrance, il n'aura
pas longtemps à gémir dans les . fers, car le lendemain 30,
d'après un décret du Présidial, qui, dans cette circonstance
ne sera pas accusé de lenteur, Lézongar est rendu à la
libérté, en vertu d'un jugement en dernier ressort qui
l'élargit et qui en outre, signale le tl'ibunal des Regail'e~

comme étant incompétent et ayant audacieusement attenté
à l'autorité du Présidial.
Le dimanche 28 décembre et le dimanche suivant
4 janvier 1654, le procureur fiscal Picard, avec le consente­
ment de la dame de Brieuc ou de Briec (on la désigne sous
ces deux noms), qui s'était pottée partie civile, fit fulminer
et publier des monitoires en l'église cathédrale de Saint­
COf'entin, au sujet du meurtre de Pezron. Dans l'ancienne

jurisprudence ecclésiastique, on se servait de ce moyen
pour arriver à la recherche des assassins ou des grands
coupables restés inconnus, la publication avait lieu au
prône des paroisses par les curés ou leurs vicaires, pour
obliger les fidèles de venir déposer des faits à leur connais­
sance, sous peine d'excommunication. Les juges laïcs
obtenaient aussi des officialités des monitoires, ou lettres
pour atteindre le même but, et ce qui paraîtra
monitoires
surprenant, c'est que ces lettres ne pouvaient être refusées,

sous peine de saisie de leur temporel, et qu'en outre, les
curés qui n'auraient pas conse'nti à les publier, encouraient
la même peine. Cette dernière explication est nécessaire,
démontrer combien était taquine l'opposition du
pour
Présidia1., qui ne craignit pas de causer un grand scandale,
, en faisant publier aux mêmes prônes, dans la cathédrale,
par le même curé, des lettres monitoires que le procureur
du roi avait exigées de l'officialité, et que l'évêque n'avait
pas osé refuser. Ce fait si étrange, et peu respectueux
envers Jléglise, dut certainement produire une pénible
émotion à Quimper et mettre surtout dans l'embarras les
personnes qui auraient pu faire quelques révélations sur
l'assassinat de Christoph~ Pezron. .
Le seigneur évêque de Cornouaille, qui était alors
Mg'r René du Louët «( voyant sa juridiction et ses officiers
des Reg'aires, ainsy ballotez et opprimez», présente sa
requête à la Cour du Parlement de Bretagne, expose les

semblables, arrivés en son fief depuis 1617. Il signale, entre
utres, les difficultés soulevées au sujet de la levée du corps
Regaires, et surtout un assassinat con~mis .par le nommé
Hervé Roguez, sur la personne de meSSIre Nicolas Boursse;
il rappelle qu'a cette occasion, les officiers présidiaux, sans
observer aucune formalité de justice, poussèrent l'audace
jusqu'à envahir la maison du greffiel', pour enlever, avec
effraction, l'épée du meurtrier. Puis l'èvêque, comme con­

clusion demande des lettL'es de Commission, pour les appeler
en règlement et leur faire défense « de troubler ses officiers
il. J'advenir. »
Cette requête parvint au procureur général le 5 janvier
1654, le 7 la Cour de Rennes donna son assentiment, et le

8 l'évèq ue obtint arrêt et lettres de Commission.
Les Présidiaux ayant appris que le seigneur évêque de
Quimper était décidé à défendL'e énergiquement sa juridic­
tion et ses officiers « s'animent de plus en plus », ils dé-
crètent ajournement personnel en dernier ressort contre le
lieutenaI?-t. Mével, le pl'ocureur fiscal Picard et le sergent
Marhadour, ordonnant au greffier des Regaires de remet­
tre, dans les vingt-quatre heures, au greffe du Présidial, les

procédures criminelles relatives au meurtre de Christophe
Pezron, sous peine de cent livres d'amende, et d'y . être
contraint par corps. Les motifs de ce décret, daté du 10
janvier 1654, sont relatés en forme de remontrance, par
l'avocat du Roi, Jean Le Manyc. Ce magistrat s,efioeee de
démont.ee!' que le meurtre du sieur de la Peyronnière, per­
pétré le 23 décembre 1653, est un cas prévôtal, « commis et
faict de nuict pal' guet à pans », dont la connaissance
appartient aux Présidiaux, concurremment avec le prévôt
et privativement à tous les autres jug'es. JI reproche au .

lieutenant Mèvcl et au procureur fiscal Picard d'avoir
procédé a une enquète qui n'était pas de lfmr ressort, sans
le consentement de la dame de Brieuc, mère du défunt,
laq uelle, s'était le 24 portée partie civile devant le Siége
Pré~idial et cIe s'être l)ermis d'emprisonner un particulier (1)
de leur autorité pri vée et sans ministère de sergent. Ces
officiers des Regaires, dit-il, qui sont nos inférieurs, sont
d'autant plus coupables, qu'étant .gradués, ils ne peuvent
pl'étexter ignorance des ordonnances et décrets relatifs à la
matière. Par leurs entreprises jJs ont commis un attentat
foemel à l'autorité du Pl'ésidial; d'abord en obtenant de la
dame Brieuc une révocation de la plainte qu'elle avait
portée à not.re Siége; ensuite, en ordonnant au geôlier de
ne relâcher le prisonnier sous aucun prétexte, et surtout en
défendant a toute personne de rélargir sous peine de mille
livres d'amende. Qu'en outre, ajoute-t-il, ils ont poussé la
témérité jusqu'à signifier ces deux décrets au greffe de
notre juridiction par le sergent des Regaires Marhadour,
« comme si le siégedespend.ai t de leur disci pline et correction,
ce qui est une insolence insupportable en des inférieurs »".
Donc, pour se pur'ger de ces audacieux attentats, il est in­
dispensable de dé~réter ajournement personnel contre eux,
par jugement présidial en d_ernier ressort. ~
Ce décret est signé par Ollivier Sallou, senéchal; Sébas­
tien Penfentenyo, alloué; Jean Le Nobletz, juge criminel;
Yves de la Matche ... lieutenant; P. Lhonoré, François de
Coetsquiriou, Jean Lhonoré et Guillaume Kerguelin, juges
et conseillers. QuoiqUe daté du 10 janvier, les Présidiaux,
dan~ un but qui n'avait probablement rien de louable, ne
le signifièrent que le 25, et le 31 du même mois, sur le

(1) Le sieur de Lezongar; il est à remarquer que dans cette longue

son · nom. Il serait
procédure, les Présidiaux ne le désignent jamais sous
intéressant d'en connaître le motif.

des Regaires d'avoir comparu devant
officiers
des
dé aU '-' .
o-es qu'ils ne voulaient pas reconnaître, l'ajournement
es JUo . ' .
fut converti en prIse de corps, par le meme Jugement en
d rniel' ressort. .
ron
com . .
d'autres démarches et en raIson du peu de temps dont 11
ouvait disposer, ne voit pas d'autre moyen pour y faire
de se faire délivrer une carte cl appel. C est la premlere fOlS
eédure; aussi ne sachant en démontrer l utIlIte, nous laIs­
sons à des légistes, plus expérimentés que nouS, le soin de
fournil' des explications à ce sujet. Tout ce que nous pou­
vons dire, c'est que le 29 janvier, Mgr du Louët, ayant fait

appeler dans son palais épiscopal les Mes Courguy et Furie,
notaires de la cour de Regaires, déclare en leur présence,
qu'il est venu a sa connaissance, que les gens tenant le
Siége Présidial, avaient décrété d'ajournement personnel, le
10 janvier 1654, contre Me Vincent Mével, sieur du Mous-
toir et Mc ~ichel Le Picard, sieur de Fonteclair, ses lieu-
tenapt et procul'eur fiscal en sa j uridic.tion des Regaires, et
condamné Me Jullien Gobert, greffier, à remettre au greffe
du Présidial . certaines charges et procédures criminelles,
quoique ces officiers ne fussent pas leurs justiciables, ni de
la compétence d cette Cour. A cette occasion, le seigneur
évêque déclare prendI'e fait et cause pOUl' eux, même pour
le sergent Helll'Y Marhadour et se porter appelant du décret
précité, ainsi que pour tout ce qui s'est fait, se fait et se
fera a son préjudice et à celui de ses officiers. Cette carte
d'appel signée de l'évêque et des deux notaires, fut signifiée
le mêml~ jour par Claude Ruellan, sergent général d'armes,
aux juges du Présidial, et communiquée aussitôt après a la
Cour de Rennes.

Mais les lettres de Commis~ion ainsi que la Carte d'appel
ne produisent aucun résultat, les Présidiaux n'en font
aucun cas et le.s accueillent avec un superbe dédain. Entrés
en guerre, ils ne veulent pas désarmer et redoublent
d'acharnement envers les malheureux. officiers des Regaires
.L'un d'entre eux, le lieutenant Mével, qui d'abord cc s'estoit
montré le plus vaillant », croit pruden t de prendre la fuite
et de se cacher dans une retraite éloignée de la ville. Le

procureur fiscal Picart fait preuve de plus d'énergie, reste
dans sa maison ef attend l'huissier qui doit l'arrêter et le
prison; ce qui eut liéu le 31 janvier. Le len­
conduil'e en
demain, le sergent Marhadour fut également incarcéré par
le méme huissier.
Mg-r du Louët, affligé du scandale soulevé par cet étrange
procès, qui, malgré son désir d'en hâter le terme, se conti­
nuait indéfiniment et prenait des propodions les plus in­
quiét.antes, ne perd pas courage et ne néglige aucune dé­
marche pour s'opposer aux violences des Présidiaux. Il a
encore recours au Parlement de Hennes pour en obtenir
garanties contre leurs envahissements qui se renouve­
des
laient si souvent.
Ce prélat qui occupa le siége de Quimper de 1640 à 1668,
et mourut âgè de 84 ans, en laissant une glorieuse réputa­
tion de sainteté, vivait avec la plus grande simplicité, et
malgré son grand âge, il avait l'habitude de visiter les pa­
roisses de son diocèse, a pied, une fois par an. Il établit la
confrérie du Rosaire, si répandue depuis en Bretagne et
protégea d'u~e manière toute Spéciale les missions breton-
nes du P. Maunoir et de Michel Le Nobletz. Il fit exécuter
plusieurs travaux. importants dans sa cathédrale, entre
autres, une tribune pour les orgues, qui existe encore .
sa charité n'avait pas de bornes et qu'elle
Ajoutons que
s'étendait largem cnt sur les pauvres et les orphelins.
Le 1 février, dès qu'il eut connaissance de l'emprison­
nement du sergent MarhÇtdQul'l il écrivit à - M. du Chesnay •

Macé, procureur au Parlement de Rennes, pour le prier de
s'entendre avec M. de:! la Syllandais qui était un des mem­
bres les plus influents de ce siége. Sa ·lettre, datée du même
. ut' 3 heures de l'après-midi, fut confiée a un exprès qui

mit immédiatement en route. Cette lettre se trouve dans
e dossier; c'est un autographe du prélat, entièrement de sa
ain, que nous reproduisons dans toute son intégralité,
1 écriture en est fine, élégante, non tremblée, quoiqu'elle ait
été tracée par un vieillard alors âgé de plus de 70 ans.
« Jay recours a cest expres pour tascher d'arrester les
violences des gentz du Présiàial de ceste ville qui tran­
chent des souverains avec tant d'impétuosité que vostre
conf t'ère Fonteclair est prisonnier depuis hier. Aujourd'hui
ils ont encore emprisonné un de nos sergentz et cherchent
par tout le lieutenant et le greffier, de manière que nostre
jurisdiction des Reguaires est a bas, si Messieurs de la Cour
ne nous font justice, en quoy il y aura difficulté, car nos
parties ont prins résolution de ne connoistre point la Cour
de Parlement et a porter le tout au Conseille. C'est pour­
qnoy si nous aurons un commissaire il faut le préparer à
des contradictions bien insolentes. J'escrips à· M. de la Syl­
landais sur ce subject, vous suiverez sil vous plaît ses or-
dres ct sil est. besoing de consignation ou dassurence de
paiement, jay des modelles toutes prestes au premier advis,
et pour ne pas perdl'e de temps fiès vous en vostre confrère
et en moy parce que VO\lS aurez toute satisfaction de la
Cour.
« Votre plus humble et obéissant serviteur.
« René DULOUET,
« Evesq. de Cornouaille. »)
.c( Monsieur, surtout que notee requeste soit
mIse entre les mains d'un ami de M de
la Syllandais. •
tin
• « A Qmmper le premier febvrier

a 3 heures après midi 1654. »

Le juge crimin~l du Présidial, aussitôt aprés leur incar_
cération, vint interroger 'le procureur fiscal Picard, sieur
de Fonteclair et son secgent MarhadoUl'; l'interrogatoire
'eut lieu dans la chambre criminelle de la prison. Mais les
prisonniers gardent le silence pendant trois jours consécu_
tifs et s'obstinent à ne pas articuler un seul mot. Le juge,
en raison de cette insistance, déclare qn'il va, séance te-
nante, leur faÏt'e leur procès « comme à des muets », et SUr
ce, prononce leur sentence dans le même lieu, le 7 février,
par l'organe du greffier du siége. Cette sentence porte, que
par la faute par eux commise (sans la spécifier dans l'é­
noncé), ils -sont condamnés, chacun à 60 sOUf:; d'amende et
« à tenir prison jusques à les avoir payés. » .
Dans le dossier de cette singulièl'é affaire se trouve une
sorte de factum, œuvre sans doute d'un des membres de la
Cour des Regail'es, qui s'efforce de démontrer l'injustice et
la rigueur des procédés dont sa com pagnie a souffert de la
part du Présidial, et en parlant de la condamnation qui
vient d'être prononcée, il dit:
« Voilà en passan t une sentence bien ridicule (Par(urient
« montes nascetur -.. ridiculus mus). Si le procureur fiscal et
« le· sergent n'estoient au sentyment du Présidial coulpa­
« bles que de 60 soulz damande, il ne falloit pas les décréter
« dadjournemept, il ne falloit pas les convertir en prise, il
( ne falloit pas l'exécuter, il ne falloit pas les interroger,
« ny les traicter criminellement comme des scélératz. Ains J
« seullement une simple remonstrance individuelle sans ad-
« journement ny aultl'e formalité que sur les motifs de
« l'advocat du Roy, les condamner à lamande et paraprès
« faire du recepveur du domaine en poursuivre le paye-
« ment, sauf aux officiers des Regaires à se pourvoir. Bref
(\ la fin destruict le commencement de ceste procédure et
« thesmoigne si évidamment rignorance et la passion des-
« .r~glée des Présidiaulx qu'elles ne se peuvent céler ny ex-

« cuser : joinct qu'ils sont partyes directes et formelles des
« officiers des Regaires dans ce confiict de jurisdiction et
« au faict de la compétence du m~urtre dont est caz. Et
« néanmoins., ils se sont portés pour leurs juges (ce qui est
« inouy), oultl'e d'ailleulls la jurisdiction ny les officiers des
« Regaires ne relèvent aucunement du Présidial, ains nüe­
« ment de la Cour ou ressortent leurs appellations, et où les­
e dits officiers mesmes se font recevoir 'et prennent loy par
« les mesmes formes que les Juges Présidiaulx et Royaulx »
Le 7 février., après avoir rappelé qu'elle avait déjà tout
récemment accordé des lettres de commission à l'évêque de
Quimper, lettres dont le Présidial de cette ville n'avait tenu
aucun compte en emprisonnant le procureur fiscal et le
sergent Marhadoul', la Cour de Rennes informe qu'elle
prend en considération les plaintes exprimées par le dit
seigneur évêque, notamment dans sa carte d'appel datée du
29 janvier. En conséq uence, elle ordo:me que le procureur
fiscal et son sergent seront immédiatement élargis, que les
parties viendront plaider en appel, et que les charges con­
C81'nant le meurtre du sieur Pezron, tant du Présidial que
des Regaires, seront déposées au greffe criminel de la
Cour. De plus; elle prescrit qu'un conseiller de la Cour de
Rennes sera délégué pour se rendre sur les lieux, instruire
le procès touchant le dit meurtre et procéder aux interro-
gatoires des deux juridictions, etc. Nous ne connaissons
pas la date de la notification de ce décret, mais elle doit
étre assez rapprochée du 11 fèvrier,
Les prisonniers persistèrent à rester en prison, refnsant
de payer l'amende à laquelle ils avaient été condamnés par
dds juges qu'ils considéraient comme incompétents. Le Il
seulem .. ent ils furent élargis par le geôlier qui eut connais­
sance de l'at'rêt de la COUT' de Rennes. Mais le 14 les Pré-

avant de sortir avaient opéré le versement de leur amende.
Sur sa réponse négative, ils le condamnérent à payer les
six livres, sauf son recours, ce qu'il fit immédiatement.
(c Ilz ont bien faict piz, (ajoute le factum que nous avons

« déjà c~té), car pendant que le proèureur fiscal estoit en pri-
« son, le lieutenant en cachette, le greffier qui n'ozoit pas
« se produire, le séneschal et le baillif qui craignoient pa­
« reillement les violences du Pl'ésidiaI, la juridiction cessa
« et fut sans audiance l'espace d'environ .quinzé jours.
« Comme en effet, il y avoit quelqu'apparence que la clef
« de la jurisdiction, qui est le procureur fiscal, étant soub.~
« la clef de la geôle (1), les audiances debvoient estre fer­
tin
« mées. En sorte que les juges présidiaulx de Kemper
« mettant leur oppression au plus souverain degré quel
(1 l'eust pue monter, feirent bannir à son de tambour, par
« toutz les carrefours de la ville et fauxbourgs et par
« Gauvain, leur huissier ordinaire, portant sa robe de
« palais, que de leur ordonnance, l'on faisoit à scavoir,
« qu'au deffault des officiers des Regaires de ,tenir leurs
« audiances, ils les tiendroient eux-mesmes" et par exprés
« il y auroit audiance le samedy suyvant 14 février 1654. 1
« Mais comme le procureur fiscal estoit sort y de prison,
« en vertu du dict arrest dez le mercredy précédant qui fut.
« l'unziesme du mesme mois, il jugea à propos et de l'ordre
« du seigneur évesque, de la faire tenir par le sieur Sénes-
« chal des Regaires et par le ·greffier. Là où le dict pro cu- ,
c( reur fiscal remonstra que les oppressions et vio~enccs du
« Présidial avoient faict cesser les audiances, mais qu'es­
« tant désormais restably" par provision de la Cour et pal'

« son arrest du 7 febvrier, les audiances se tiendl'Oient à
« l'advenir aux mesmes jours et heures ordinaires qu'au
(i) On remarquera que l'auteur du factum se donne ici le plaisir de
faire un jeu de mots. .

ssé. Ce qui fut à l'instant publié, en la dicte audiance
Cette publication au son du tambour, dans tous les
la ville, produisit une émotion des plus scan­
L'évêque de Quimper affligé et indigné d'un pareil
ui atteiO'nait si gravement à la fois sajuridiction

et son autorité, se hâte, le 12 février, d'en référer au Par-
lement de Rennes. Dans sa requête il se plaint atnérement
des Présidiaux qui n'ont pas immédiatement mis ses
officiers en liberté, quoique ayant connaissance du décret
du 7 février j il leur reproche d'avoir fait publier qu'à
l'avenir ils entendaient se substituer à la juridiction de ~
Regaires, et, en outre, d'avoit- fait défense à tout sergent
de signifier les exploits des officiers des Regaires à ceux
du Présidial. Si cette fâcheuse situation, dit-il, devait se
continuer, il prie le Parlement d'envoyer il. Quimper un de
ses conseillers, « pour informer de tout ce que dessus et de
grande quantité d'autres pareilles. »
Le Parlement, sans tarder, répondit par un décret dont
nous ne connaissons pas toute la teneur, mais qui faisait
défense aux Présidiaux « de troubler à l'advenir les assises
de la Cour des Regaires. »
Pend~nt ee regrettable conflit, les deux juridictions rivales
ne se préoccupent plus du meurtre de l'écuyer Pezron,
surtout celle du Présidial, qui en revendiquait cependant
la connaissance. La pauvre mère du défunt, Marguerite du
Brieuc, seule, fait entendre ses plaintes et se consume
inutilement en démarches pour obtenir justice; mais, ne
trouvant aucune assistance à Quimper, elle songe alors à
s'adresser au Parlement de Rennes. Elle expose qu'elle est
âgée de plus de 70 ans, qu'elle touche au terme de son
existence qui s'abrège tous les jours, par suite du violent

sonne de son fils. « Mais, dit-elle, ce qui est encore une des
grandes causes de mon affliction, c'est de voir le sieur de
Lézongar, l'assassin présumé de mon enfant, rendu à la
liberté, parce qu'il est le cousin de l'un des premiers
magistrats du Présidial. )) Elle ' termine en suppliant le Par­
lement d'ordonner aux officiers des Regaires de continuer
l'instruction; « attendu qu'ils n'ozent parachever le procès,
parc~ qu'ils craignent l'authorité du dict magistrat, parent
de l'accuSé. ))
. Nous ignorons si cette requête parvint a son adresse et
qu'elle en fût le résultat, car, nous y lisons en marge,
non sans émotion: « NOT,A : Elle est décédée de déplaisir,
peu aprés l'homicide de son fils, voyant que les Présidiaux
troubloient l'instruction que les juges naturels des Regaires
avoient commencé d'en faire. ))
Les documents relatifs aux débats en appel, qui 'eurent
lieu devant le Parlement, ne sont pas parvenus jusqu'à
nous; ici, nous sommes donc arrété dans notre travaiJ,
qu'à notre grand regret nous ne pouvons terminer. En
sorte que, pour le moment, nous ne savons comment le
conflit fut définitivement trancp.é. Peut-être ce procès,
comme il arrivait souvent à cette époque, resta-t-il sans
solution; nous serions d'autant plus disposé à le croir'e,
qu'au mois de septembre 1655, il était encore en suspens,
par suite du mauvais vouloir du Présidial, q~i, sur la
demande des officiers des ' Regaires, se refusa de commu­
niquer certaines pièces leur appartenant, et qui étaient in­
dispensables à ]a Cour de Rennes pour l'instruction de cette
affaire. Du reste, on a déjà remarqué que le cas de l'assas­
sinat de Pezron, dont les Présidiaux revendiquaient la
connaissance, n'était pas nouveau, et qu'en 1617, à
roccaslon du meurtre de messire Nicolas Brousse, crime
dont l'auteur resta impuni, ils s'étaient substitués de vive

force aux juges des Regaires, pour informer contre
1 assassin, le nommé Hervé Roguez.
Nous avons tracé, pour ainsi dire ,sans commentaires, les
différentes phases de ce singulier procès. Comme nous, le
impartial n'hésitel'a pas a blâmer les iniques abus
lecteur
d'autorité dont le Présidial se rendit coupable, a l'égard
d une juridiction qui n'était pas sous sa dépendance, et qui
était placée sous l'autorité d'un illustre prélat, dont les
vertus et surtout la douceur évangélique lui avaient attiré
l'affection de son diocèse qui le tenait en grande vénération.
Rien ne justifiait ces violences poussées jusqu'a l'outrage;
les juges présidiaux et leur sénéchal Ollivier SaIlou:' n'igno­
raient pas que la ville de Quimper, moins la Terre-au-Duc,
depuis un temps immémorial, était reconnue comme fief,
sous la juridiction de l'évéque; que, dès l'année- 1315, les
Cours des Regaires nerelevaient que des ducs, leurs souve.
rains seigneul's et que dans la suite, aprés la réunion de la
Bretagne a la France .. elles ressortissaient a la Cour du
Parlement de Rennes, qui seule, avait connaissance par
appel.
20 juillet 1886.
FATY,
l'tlajor en retraite.