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Bulletin SAF 1886


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Les Joculatores bretons (4ème article)

M. de la Villemarqué

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LES JOCULATORES BRETONS (Suite) •
Par M. DE LA VILLEMARQUÉ.

~ Il. Émilien et les gesteurs gallo-bretons.
Aemilianus ou Emilien .. dont l'illustre nom romain sem-
blait le prédestiner à la gloire, n'a guêres laissé plus de
dans l'histoire que notre roi breton Arthur. Il
de traces
a fallu près de mille ans pour que les historiens lui don­
nassent place dans des annales trop souvent ouvertes à
des gens fameux seulement par leurs crimes. Cette jus­
tice tardive est due surtout il, Dom Mabillon .
VoJ' c..geant en Bourgogne, en 1682, avec mission de Col­
bert, pour visiter les villes, les monastères, les archives et
les bibliothèques de la province, le grand bénédictin trouva

le culte d)Emilien, martyr en l'an 725, ancien évêque de
dans réglise d'Autun, et rendit l'homme à
Nant.es, établi
l'histoire (1).

. Page inédite de cette histoire, la vie d'Emilien demeurée
près dans l'ombre .. même chez nous, avant la Biogra­
à peu
phie bretonne de Levot (1852), la Notice de l'abbé Cahou'r
(1859) et l'A nnuaire lu'storique de Bretagne de M. de
la Borderie (1862), offre la première page des invasions

musulmanes en France.

• Voir p. 3, 27 et 86. .
(i) ~tine1'ariU1n [Jurgundicum, t. II, (A p. i, ad p. 42) faisant partie
des troIS volm;nes, m-~o des ouvrages posthumes de Dom Jean Mabillon
et de Dom ~hrerrI Ru!n~rt, ,de la, congrégation de Saint-Maur, publiés .
par Dom Vmcent Thmlher; a ParIs, chez François Rabut y, 1724. .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. Tome XIII (Mémoires). 12

On devra désormais l'intercaler entre les combats de Pé ...
lage dans les Asturies (719) et la victoire de Charles Mar ...
tel à Poitier$ (732) ; quatre cents ans avant les croisades.
Elle aurait bien inauguré le récit magistral qu'a fait
M. Guizot de « la lutte engagée entre l'Orient et l'Occident
le Midi et le Nord, l'Asie et l'Europe, l'Evangile et le Coran,
lutte d'une gravité sans égale, et dont nous disons mainte ...
nant (c'est lui qui parle), en considérant l'ensemble des
évènements, des peuples et des siècles, que la civilisation
du monde en dépendait. » .
. A la nouvelle de l'entrée en Bourgogne et du siége d'Au ...
gpstodum, «.la Rome des Gaules », par oc ces fanatiques de
déisme et de gloire», comme les qualifie M. Guizot, lesquels
s'en allaient ravageant les campagnes, les villes, les monas-
tèr:es et massacrant ou dispersant les populations, l'évêque
des Namnètes se· disposa à partir, accompagné de ses huit
fils.
C'est le martyrologe de l'abbaye de Salins lui-même qui
les lui donne pour corn ragnons de guelTe et de gloire, cum
filiis suis oeto; (Bolland. T. VI, juin, p. 483) et il me
plaît de voir le belliqueux prélat à la tête de cet état-major
de famille, préparer la campagne ; de levoirpubliant son ban
de guerre sainte chez les siens, les N amnétes, d'abord, et ses
voisins, les Venètes, les Redones, les Curiosolites (muItos
ex. suis propinquis); puis jusqu'au fond de l'Armorique,
chez les Ossismiens, (Cor~ouaille, Tréguier et Léon) (ex
longinquis). De sa ville épiscopale au fort de Gésocribate,
à l'extrémité de la péninsule, son mandement guerrier,
suivant l'antique voie romaine, pouvait arriver facilement
aux oreilles de tous les chrétiens d'alentour; ceux des îles
en face de l'Espagne et trafiquant avec elle, avaient déjà
dû entendre les appels désespérés des compagnons de
lage.
Combien en vint-il ~ Combien le général en chef et ses

. t ils accourir d'hommes armés de la lance, de
Vlre
l'é ée 0 .
et le chemin
osItIOI
SUiVl E:> " •• •
soit par la VOle romaIne, SOIt par la LOIre; qu a

d'Au u ,
e lieue et demie de la ville, au bourg actuel de Saint-
eants; une seconde sous les murs d'Au tun qu'il délivra; une
fuyards, et qu'il était au moment de couronner son expédi­
tion pal' une dernière victoire, quand des forces musulmanes
énormes, accourues de Châlon pour reprendre Autun,
écrasèrent l'armée chrétienne.
Il y avait sur le champ de bataille une chapelle dédiée à
saint Jean-Baptiste; elle l'est, depuis le désastre, à saint
Émilien, martyr. On voyait- au devant, du temps de Mabillon,
plusieurs sarcophages en pierre.
« Ayant quitté Couches (1), dit le bénédictin voyageur,
nous arrivâmes au village de Saint-Emilien, â l'entrée
duquel nons rencontrâmes un cimetière, et, au milieu, un
petit oratoire entouré de grandes et innombrables tombes
en pierre, dont le couvercle, également en pierre., sortait
de terre. Etonnés par la singularité du fait, nous inter.ro-
geâmes des paysans qui nous dirent que le patron de ce lieu
était saint Milan (c'est ainsi qu'ils le nomment) et que 'ces
cercueils étaieIlt tombés du ciel par la protection de ce sei- .
gneur Milan, pour la sépulture des chrétiens, tués ~n cet
endroit par les Sarrasins. .
« Ayant reçu cette réponse, nous entrâmes dans l'oratoire
où nous vîmes en effet l'image d'un évêque revêtu d'une
CUIrasse. »
(1) Couches-les-Mines, chef-lieu de canton de Saône-et-Loire arron ... -
dissement d'Autun. '

Naturellement le savant voyageur pense que le recteu.l'
de' la paroisse lui donnera une meilleure explication qu.e
des paysans, et il va le trouver: _

« Il nous raconta qu'on croyait que saint Emilien était
Sarrasins avec
un évêque de Nantes qui, poursuivant les
armée de chrétiens, vint jusque-l~, et qu'ayant engagé
. une
le combat, il perdit un grand nombre des siens qui furent
inhumés sur les lieux, avec Emilien lui-même, dans des
cercueils de pierre envoyés du ciel. Il ajouta qu'il tenait
la tradition (1). Il nous dit ensuite que les reliques
cela de
. de saint Emilien étaient en grande vénération et que sa fête
était célébrée avec un très grand concours de peuple.
. c( Ayant ainsi parlé, il nous conduisit dant l'église, et
exposa le chef du saint à notre vénération. »
. Tel est le récit de Mabillon: il le termine par une asser­
tion qui a son prix dans la bouche du peu crédule béné­
dictin :
« Cet Emilien, dit-il, est certainement le martyr d'Autun,
dont il est fait mention dans le martyrologe de Gellone;
et là est son tombeau autour duquel les pieux chrétiens du -
temps ont eu la dévotion de se faire inhumer. »
Depuis Mabillon les reliques n'ont pas cessé d'être véné­
rées dans le pays; on les expose solennellement le jour
d'un pèlerinage célèbre; et les dévots à qui on les fait voir
de loin, enchâssées dans l'or, sous un voile de cristal, à
travers un nuage d'encens, ne remarquent pas sans émotion,
dans le crâne du saint, les traces du cimeterre qui l'a
martyrisé.
Quoiqu'il en soit, l'office composé en commémoration de
son dévouement religieux et patriotique, était divisé en
neuf leçons. -

(i Cette singulière tradition date du temps où s'était perdu le souvenir
de') abriques de sarcophages; M. Longnon l'a constatée dans un poërhe
du XIVe siècle. (Gérard de Roussillon, p. 29 et 39) .

ven d'un manuscrit dont on . ignore la date et
ait
Il pl' .
. a été imprimé par les BollandIstes (1) ; celle du t~xt8'
n'estp .
cleo .' ., .
Dés les premIères lIgnes, son ongme épIque, populaire,
« Émilien, le saint, le bienheureux, par la miséricorde
divine, évêque de Nantes, » dit le légendaire, était venu de
l'apprendront ceux q lU verront sa vie
la Bretagne, comme
et sa légende.
« C'est sous la persécution d'Eustrageus et de Nempheus,
compagnons d'armes, qu'il ftorit et souffrit son cruel mar
tyre; peu après eût lieu le triomphe de Charl~magne, de
Roland et des autres dont il est question dans les chansons
de gestes (2).
Nous sommes prévenus: la note est indiquée. Comme
disent les musiciens, le chef d'orchestre a donné le la. Tou­
tefois, nous n'avons pas ici exactement l'air de la chanson
primitive. Saint Emilien n'a pas ftori après Charlemagne,.
Roland et les autres héros de l'épopée française, mais'

avant; Je triomphe a suivi et non précédé son martyre.
C'est paulo ante qu'il eût fallu dire. L'interpolation est évi--
dente. Les noms des auteurs de la persécution ... comme le

lectionnaire qualifie l'invasion musulmane, ne sont . pas
moins chimériques; ils ont une physionomie purement

gl'ecq ue. Rien d'arabe dans le nom de Eustrageus: il a
grec eustratègos, « bon général d'armée » ;
été tiré du

(i) VUa sanctiAemiliani, juin. T. V. p. Si et sulv . ..
. (2) .Beatt;ts .ac sanctus ~emilia.nus, miseratione divina Nanthesis antistes,
l~ BrItan~lla lUventus ~UIt, ut vItam .et legendam intuentibus manifesta­
blhlf. QUI sub persecutlOne Eustragel et Nemphei commilitonum floruit-ef'
crud~le marty~lUm suscepit paulo post triumphum Carol Magni, Roland{
et ahorum ut lU eorum gestis repertum est (p. Si).

ainsi Nempheus vient de numphèios, « fou, furieux, fré ..
1 nétique ». Le légendaire les a fabriqués, sans doute Pal'
ignorance des noms arabes des lieutenants d'An-Bessa-ben~
Sohim et. d'Abdel-Rhaman ou autres.
ignorait même le nom que les Nantais portaient du

temps de leur vaillant prélat; Nanthesis est une forme de
bas moyen-âge, dérivée du français Nantais; l'ancienne, la
est Namnetensis. Le nom de Britannia, donné à la
bonne
patrie du saint , ne date pas davantage de l'époque où il
vécut. '
Quant à l'âme de la cantilène primitive, elle a passé dans
la légende; celle-ci a eu pour inspirateur un joeulator émé-
rite. Les neuf leçons latines sont le résumé de nenf laisses
en langue vulgaire, que l'on entonnait à la
ou tirades
procession, le jour du pèlerinage annuel de saint Emilien,
la chanson de Roland était chantée devant l'armée
comme
marchant à la bataille, quatre cênts ans après
française
le désastre de Roncevaux.
Il y a moins dlun siècle, 'on chantait encore l'héroïsme
martyr: « Rien n'égalait la pompe de la procession, disait
à l'abbé Cahour un vieillard qui y a assisté; les rues étaient
jonchées de fleurs et de verdure; les maisons tapissées de
feuillage; l'église et l'autel resplendissaient; les cloches
sonnaient à grandes volées: La ' d'oix de la paroisse et les
bannières sortaient ....
« Le chant des cantiques et des hymnes retentissait dans
tout le trajet de l'église au cimetière. » (1) ,
saisir et de reproduire, d'après le latin, un
Essayons de
écho de ces cantiques d'autrefois :
« En ce temps là le vieil ennemi du genre humain avait
poussé un grand nombre de païens et d'infidèles à la dévas­
et au ravage de la sainte chrétienté par
tation des villes
toute la France. »

(1) Notice sur saint'Emilien, p. 7i et 72.

Tel est le début et, à vrai dire, le premier couplet de notre
hans de geste. .

l':mil , qui est « un tres-samt veque, un « éœnseur et
ien
un propagateul' de la .foi », un « vrai fils de la BI~eta~ne »,
mi très compatIssant du pauvre peuple, qUI ]UI rend

mo par amour; « un homme du plus grand air »; le plus

agréable de visage, le p us é oquent » qu on pUIsse vOIr, ap-
pelle un grand nombre de ses compatriotes . et des gens
des autres pays, à la défense commune et à la résistance
nationl:!-Ie, et leur adresse ce discours :

« Allons! hommes forts par les armes, mais plus forts en·
core par la foi; allons! le bouclier de la foi en main!
« La croix du Seigneur en tête!
cc Le casque du salut au front, la cuirasse sur la poitrine 1
cc AUons! soldats du Christ, aux armes! aux armes 1 con-
tre ces chiens enragés; il faut les vaincre et les détruire .
cc Plutôt mourir en combattant qué . de voir' les: mal­
heurs de notre nation, que de subir la honte avec les
saints de Dieu 1 » .

Un des saints en question, Catoc ou Kado, le patron de
nos gens de guerre d'autrefois, avait déjà dit, au VIc siècle

apr'ès Judas Machabée: « Plutôtla mort que lahonte! » Nous
trouvons ce cri pal'mi ses Maximes au~hentiques. L'hé­
roïque Vurfand répéta ]e mot en mourant (877). On devait
lire u~ jour dans les armoiries du duché de Bretagne: Po­
tius mori quamjœdari; et sur le drapeau du 41 el d'infante­
rie de l'armée anglaise, qui est un régiment gallois : Gwell
arigeu na chywtlidd, « Plutôt la inort que la 'honte! »; cri
saint Catoc, mais toujours le même dans les
modernisé de
cœurs . .

Les soldats d'Emilien l'entendent; ils répondent tout d'une
VOIX: .
« Vénéré Seigneur, dighe chef, ordonnez, commandez;
partout où vous irez nous irons avec vous. »

L'écuyer de Lezbreiz répondit de même:
Elec'h ma ie(ec'h, me a ielo;
Lec'h ma brezel(ec'h, me brezelo.
Brizeux:
Réplique vivement et habilement traduite par
Maitre, où vous Irez, avec vous j'irai;
Où vous combattrez, moi je combattrai.

« Ardent et respirant la volonté de Dieu », le général
annonce le jour du depart, et qu'il domiera.J ce jour-là, de
sa propre main, le corps et le sang du Christ, commè
ses
viatique pour le voyage, dans l'église de Nantes, à
compagnons d'armes.
Le jour dit, après la messe et la communion militaire :"
« Enfants, rendons grâce à Dieu, notre Sauveur: il nous
a rèunis ici en très-grand non1bre, dans sa bonté; il vient
et de sanctifier ·nos courages; que sa volonté
de fortifier
soit faite 1 marchons! » .
« Et iui à leur tète, ils marchent (Et prœvio duce illo
exierunt) : ils marchent nuit et jour vers la Bourgogne .
Encore ici un couplet de quelque vieille Marseillaise ca-'
tholique, en langue bretonne:
Kenavo! mont a ramp d'mm hent!
Ann eskipien, ar veleien,
Ha Jezuz 1(rist gen-om er penn!
«_ Adieu 1 Nous nous mettons en route! les, évêq ues et les
et Jésus-Chl'ist à notre têtè. » (1)
prêtres,
Ils marchent longtemps, longtemps ... Autun est loin de
le" carr!p des Musulmans est signalé; ils les
Nantes. Enfin,
à quelques milles de la ville assiégée; l'épée
attaquent,

(i) Chantée le i8 novembre i863 par une mendiante,.Loranz ar Soz,
de Breniliz, commune de La, Feuillée .

t la lance à la main, ils les culbutent; ils les mettent en
f 'te: Autun est sauve,
dans la plaine; l'attaquent de nouveau ~ans une
l'ennemi
liée OÙ ils l'écrasent; repoussent encore plus lolO les fu-

q . . d'E t
C'est Nempheus qUI vIent au secours us rageus
valDCU.
Émilien sonne du cor (buccinavit) comme Roland, car le
daDael' est pressant: les soldats de l'armée chrétienne ac-
coure.nt :
_ . « On le voit, braves compagnons, vous àimez le
Christ et sa foi: ces ennemis ne vous font pas peur. Prépa­
rez-voUS donc au combat. Vous êtes vaillants pâr le
vaillants par la foi. Mettez votre confiance
cœur, soyez plus
en Dieu; il est le protecteur de tous ceux qui espérent en
lui. Ce n'est pas du nombre des combattants que vient la
victoire, elle vient du Ciel. »
L~héroïque Vurfand devait tenir le mème langage: neque
est in multitudine sed potius in Deo (Pertz,
enim salus

Emilien parlait encore qu'un de ses cavaliers arrive
au galop en criant : « Voilà l'ennemi 1 »
«( Alors, puisant sa force -dans le signe de la croix, il com-
mande l'attaque et s'élance sur les infidéles. Mais perc~
par leurs lances et par leurs épées, il tombe; il tombe,
leurs coups que sous la volonté du Ciel: et
moins sous
tandis qu'épuisé par un effort sublime il exhale le der­
nier soufle d'un cœ,ur qp.i n'a jamais battu que pour
Dieu et pour la patrie, il trouve encore des paroles pour
exciter ses compagnons:
Courage, glorieux soldats! Tenez bon 1 ne bronchez
pas! étonnez ces païens par votre énergie 1

. « Je vois déjà Celui qui enflamme vos cœurs., et va vous
combler de délices.

« Je vois les cieux ouverts pour vous recevoir. Je vois,
auprès de Dieu, les anges célèbrant votre entrée dans le
Paradis.
« La mort ne vous fait pas peur; elle est la port.e de la
VIe .

« Vous n'êtes pas les fils des hommes, vous êtes les enfants
de Dieu.
. « Vous êtes les soldats de J'Eglise; vous combattez pour

votre mère.
« Ah 1 elle criera vengeance à Dieu pour le massacre ,de
ses saints. . .
« N'ayez qu'un seul désir, mourir! Mourir pour vivre à
jamais avec le Christ, notre Sauveur'

« Près de lui, dans un monde meilleur, la récompense
nous attend. »
Où donc avons-nous entendu ce chant vraiment céleste?
, N'est...:ce pas le cantique breton du Paradis? N'est-ce pas
l'hymne sacré lui-même transformé en hymne de guerre?

Saint Hervé, mourant, aurait ,dit avant saint Emilien le

martyr:

Perc'her ar Baradoz
Digor ouz va gortoz,
Ar, zent, ar sentezet,
Tost d'ann digemeret.

La porte s'ouvrira,
Jésus me recevra ...
Je vais connaitre enfin
Les saintes et les saints .

Je vais bientôt les voir,
Prêts à me recevoir (1.).
Et cet appel à la mort, qui est la porte de la vie ~
« 0 mort, c'est toi le portier qui nous ouvre la place. »
1I'Iaro, te ar porzel' .
A zigor d'in ar ger.
La coïncidence est . frappante.
Ce qu'il y aurait de très intéressant, ce serait de com­
parer les chansons guerrières des Arabes, sur leurs cam-
aanes dans 'les Gaules, s'il en reste, avec la chanson de

geste de saint Emilien.
Chez eux aussi l'enthousiasme religieux et l'enthousiasme
guerrier enflammaient les combattants; le général de l'ar­
mée du Pl'ophète en était le prêtre, et leurs chroniques prê­
tent àEl-Samahce mot de l'Écriture, dignede saint Émilien:
« Ne craignez rien du nombre; si Dieu est avec nous, qui
sera contre nous? »
• Les chroniques de ces «( fana tiques de déisme et de gloire»
parlent même de martyrs.
Il est vrai que les prètendus martyrs de l'Islam n'ont pas
de culte comme les nôtres, ce culte l'éternelle consolation
du cœur humain et S011 èternel honneur.
Ce n'est pas sans emotion, je)'avoue., que j'ai trouvé sur
un autel de la cathédrale de Nantes, près du tombeau d'un
vaillant Breton de nos jours, quelques restes' de l'héroique
prêlat du neuvième siècle, enfin rendu à son église et â sa
patrie.
La translation de ses reliques de Bourgogne en Bretagne
fut un jour dont personne à Nantes nJa perdu le souvenir.
(1) Traduction de M. F. Coppée, ne l'Académie française, Mélodies
populaires de la Basse-Bretagne, p. 59 et 60. ,

J'aurais aim~ à faire partie de sa marche triomphale à
• travers la France, à chanter avec les fidèles ces répons ou
refrains de quelque vieille chanson de geste:
« 0 France, que tu es heureuse! que tu es belle, ô cité
qui reçois dans tes murs ton fils Émilien, l'ami de Dieu .
. « 0 France, entonne un cantique de louanges à Jésus,
au jour où tu exaltes celui qui a été ton défenseur, et qui
sera ta gloire! »
(A suivre) .