Responsive image
 

Bulletin SAF 1886


Télécharger le bulletin 1886

Vie inédite de saint Corentin (2ème article)

Dom Plaine

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


(Suite. - V. ci-dessus, page 63.)
VITA SANCTI CHORENTINI
EPISCOPI CORISOPITENSIS

VIE

DE SAINT C.ORENTIN
ÉV:ÊQUE DE QUIMPER (1)

(1) Les notes sont de deux sortes: les unes, 1narquées par des leitres,
ne se rapportent qlL'au texte l'atin; les autres, marquees par des chiffres,
se rapportent au latin et au français.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. Tome XII (Mémoires). 8

VITA
EPISCOPI CORISOPITENSIS

Prologus in vita S. Chorentini (1)
Laudatur « b,eatus vir qui post aurum non abiit, nec speravit
{( in pecuniâ et thesauris. Quis est hic et laudabimus eum? » (2)
Pater et pastor noster prcesul Cornubiensis Chorentinus, qui
fuit pauper sibi, dives pauperihus, pater orphanorum, maritus
viduarum, patronlls oppressorum, adjutor pius miserorum,
infirmis infirmus, honus honis, flag'ellum malis, potentibus
potens, superhis resistens, magister regum, servus servorum.
Et vide te qualiter episcopus iste di versus sit et divisus à
quibusdam suis coepiscopis fratribus (3). lUi dominantur in
ex omnibus liber, omnium se servum fecit. Illi felices
clero, iste,
se esse credunt, si dilatarunt terminos, prcedia, possessiones:
iste in dilatandâ studuit charitate. Illi congregant in horrea et
dolia replent, undè onerant mens as : iste collegit in eremos et
cœ[os .
solitudines, undè impleret
llli cùm accipiunt decimas, primitias, oblationes, insuper
(1) Nous ajoutons ce titre, qui manque sur la copie de Montreuil.
ex abrupto: Laudatu1'~ etc.
Celle-ci commence
(2) ECCLI. XXXI, 1.
(3) Ici commence une diatribe des plus acerbes contre les vices et

surtout la simonie des évêques et du cl!3rgé Francs au IX siècle. Mais on
à cette date, la Bretagne comptait plus
sait que malheureusement de fait,
d'un évêque simoniaque. Celui de Cornouaille, en particulier, était de ce
nombre. (V. la Vie de S. Convoyon.)

VIE
ÉVÊQUE DE QUIMPER (470-550?)

Prologue
L'Écriture proclame « bienheureux l'homme qui n'a point
couru après l'or, qui n'a point mis son espérance dans l'argent
et les trésors. Elle dit de lui : Quel est cet homme pout' que
nous fassions son éloge? »
Or, notre père et pasteur Corentin, évêque de la Cornouaille,
tout droit sans nul doute à cet éloge; car, il a été pauvre

toutes les fois qu'il s'agissait de lui-même, tandis qu'il était
il a été le père des 'orphelins, le mari
riche pour les pauvres;
des veuves, le patron des opprimés, l'appui des malheureux.
Il savait se faire non seulement bon avec les bons, puissant
avec les puissants, mais encore malade avec ceux dont la santé
il était le fléau des méchants; il savait résister
était délabrée;
Après avoir donné des leçons aux rois, il ne
aux orgueilleux.
dédaign~it pas de se faire le serviteur de ceux qui gémissaient

les 'liens de l'esclavage.
dans
Mais, voyez surtout comment cet évêque des anciens âges .
diffère de ses frères dans l'épiscopat qui gouvernent de nos
jours les Églises. Ceux - ci s'appliquent à dominer sur leur
de servi­
clergé: Corentin, qui n'était retenu par aucun lien
tude, s'était fait volontairement le serviteur de tous. Les évê­
ques de nos jours s'estiment heureux s'ils peuvent reculer les
limites de leurs terres, ajouter de nouveaux domaines à ceux -

et de Cé13saris beneficio telonea, et tributa, et alios redditus (4),
solliciti sunt nihilominùs horum habere curam (a) : iste horU111
nihil habens, nec de crastino cogitans, multos 10cupletavit de
promptuario fidei. '
, llli pompi.s phaleratorum equorum et pretiosarum veslium
delectantur: iste, nihil horum appetens, magis intendit pompœ
atque magnifico 'apparatui Ecclesiœ Dei, et altaris, et indumen~
torum sacerdotalium u,t possit dicere: « Domine, dilexi deco~
u rem domûs ture, et locum habilationis glorire ture » (5).
Illi pluribus ferculis impinguanlur: iste magis abstinentiâ
voluit macerari. Illi vasa argentea et aurea jactanter affectant:
iste aulem, pauper spiritu, super aurum et topazion zelavit et
docuit paupertatem, sciens quia: « pauperum est regnum cœlo-
« rum » (6).
lUi palatia erigunt, thesauros congregant : iste dispersit,
dedit pauperibus. IlIi potentes et tyrannos timent et honorant:
bte eos (b) redarguit et punivit. Illi occasiones qurerunt qui­
bus subdilos gravent et extorqueant: iste benignus et clemens
dignis dignos donavit beneficiis (7).

(a) Le mot curant manque sur la copie de I1iontreuil.
(b) Le mot eos manque dans la copie du I1iusée Bollandien .
(4) Ceci n'a pu être écrit qu'aprè,s l'élévation de Charlemagne à la di­
gnité impériale, et sous ses successeurs; car précédemment les l\'Iéro­
, vingiens, si nous sommes bien informés, n'avaient Jamais concédé aux
églises ou aux monastères la jouissance des telonea et redevances ana-
logues. ,
(5) Ps. xxv, 7.
(6) MATTH. v, 3.
(7) Ici commence, dans la copie du Musée Bollandien, une lacune qui '
s'étend certainement aux débuts de la vie de S. Corentin, mais qui com­
prend aussi, selon toute apparence, la fin du prologue, c'est-à-dire les
de Quimper, nous en sommes persuadé; exposait
lignes où l'anonyme
brièvement à quelles sources il avait puisé ses renseignements, que nous
suppléer ici. Quant aux sept premiers
sommes tout-à-fait impuissants à
paragraphes de la Vie même de S. Corentin, nous les avons empruntés
au Sanctoral de Quimper (1500), avec l'assurance que nous -offrons au
lecteur un texte substantiellement identique à celui dont nous regrettons
la perte.

"Is possèdent déjà: Corentin ne songea jamais qu'à dilater

de nombreuses recrues.
Quand les premiers reçoivent dîmes, prémices, offrandes,
le teloneum ou d'autres cens et tributs du même genre, ils
n'ont plus d'autre souci que de garder tout cela avec un soin
jaloux. Pour notre évêque de Quimper, il n'avait rien de tout
il ne s'occupait pas du lendemain, mais en revanche, il a
cela;
enrichi un grand nombre de ses subordonnés des trésors d~
la foi. ,
Les évêques de notre temps mettent leur bonheur dans l'éclat
des harnais de leurs chevaux et de leurs vêtements précieux:
Corentin ne songeait qû'à parer magnifiquement les temples
de Dieu, à les pourvoir d'autels et de vêtements sacrés dignes
de la Majesté Divine, afin de pouvoir dire ensuit,e: « Oui,
« Seigneur, j'ai aimé la beauté de votre maison, j'ai recherché
« la splendeur de la tente où votre gloire daigne habiter. ~
Nos évêques ont besoin de beaucoup de mets afin d'engraisser
leur corps: Corentin aimait mieux le macérer et le réduire en
servitude par l'abstinence. Ceux-là font parade des vases d'or
et d'arg~nt qui sont en leur possession; celui-ci, qui· était
pauvre en esprit, préférait la pauvreté à l'or et a u topaze, car il

savait et enseignait que: « le royaume des cieux appartient aux
pauvres. »
Les évêques, dont nous parlons, élèvent des palais et amassent
des trésors: Corentin a versé libéralement dans le sein des
pauvres tout ce qu'il avait. Les premiers craignent et honorent
les puissants, lors même qu'ils se conduisent en tyrans: notre
évêque de Cornouaille osait les reprendre et leur infliger des

Incipit vita Sancti Chorentini.
§ I. NASCITUR CHORENTINUS.
Chorentinus ergo à parentibus ingenuis ortus, Britannicffi
regionis oriundus (8), à puerilibus annis liberalium artium
s~ientiâ imbutus est et admodùm eruditus. Magistro enim exle­
qui
riùs docente, Spiritûs- Sancti gratia inleriùs inspirabat,
puerum ad omilia docilem exhibebat (9).

§ II. CHORENTINUS FIT EREMITA, ET A PISCE NUTRITUR.
Cùm igitur locum solitarium et competentem ad serviendum
Deo apud Ploemordien . (propè passagium, quod vocatur Treis-
guenhal) (10) invenisset, in rivulo fontis, de quo srepiùs aquam

hauriebat,piscis quasi missus à Deo sibi frequenter occurrebat,

(8) C'est-à-dire dans notre Bretagne, non dans la Bretagne insulaire.
(9) y a-t-il ici une lacune? C'est une question; mais il est toujours
certain que quinze ou vingt années de la vie du saint sont passées sous
prêtre lorsqu'il embrassa la vie éré­
silence, puisque Corentin était déjà
mitique.
(10) Le passage entre parenthèses ne se trouve que dans le Chronicon
Briocense. Plomodiern est bien connu, et le séjour qu'y a fait S. Corentin

Atitn . Les évêques de notre temps ne cherchent que des
ents
bienfaits sur ceux qUI en étaient dIgnes.

Ici commence la vie de S. Corentin.
§ 1.. NAISSANCE ET PREMIÈRES ANNÉES DE S. CORENTIN •
Corentin naquit, dans la province de Bretagne, de parents
connus par leur noblesse. Il s'appliqua, dès le ~as-âge, à
l'étude des arts, et acquit en peu de temps de rares connais­
sances' car, pendant qu'un maître lui donnait des leçons ex té-
rieurement, la grâce du Saint-Esprit l'instruisait intérieure-
ment et le rendait apte à tout graver dans sa mémoire.
(Ici il faut suppléer une lacune de l'écrivain et dire: Quelques
vingt années plus tard, quand Corentin était déjà honoré
du sacerdoce, il résolut d'embrasser la vie érémitique et aban­
donna le monde.)
§ II. CORENTIN DEVENU ERMlTE EST NOURRI PAR UN POISSON.
Corentin ayant trouvé à Plomodiern un lieu retiré et soli­
taire où il pouvait servir Dieu en toute liberté, il s'y établit.
Or, il !emarqua bientôt dans ]a fontaine où il allait ·puiser
journellement l'eau dont il avait besoin, un poisson qui sem­
sa rencontre, comme si Dieu le lui avait ordonné,
blait venir à
un poisson qui paraissait rechercher ses caresses et se mettre à
son service. C'est pourquoi le saint homme, persuadé da!ls son
admirable simplicité qu'il y avait là une attention spéciale et
de Dieu, prit l'habitude, en venant puiser de l'eau
une volonté
de son repas, de couper une tranche dans le poisson
à l'heure '
qui s'offrait au couteau avec tant de générosité. Il faisait en-

viro Dei applaudens, et quasi se usibus ejus offerens ·et repre ..
sentans.
Undè vir justus, sieut mine erat simplieitatis, donum Dei et
, gratiam intelligens, ad horam prandii, eùm hauriret aquam .
de pisee, qui gratis veniebat, emn eultello effidebat partieulam
et eoquebat, et eum gratiarum aetione eomedebat. Et sic, eùm .
ad fontem posteà rediens, illum eumdem piscem illœsum et
integrum inveniret, tantum admirans miraeulum gratias age­
bat Deo, qui mirabilis est in sanctis suis et faeit mirabilia
magna solus. Et sic, ex Dei voluntate et gratiâ, semper quantùm
volebat sibi piseis deserviebat ad usum, et miro modo piseis
nihilominùs integer remanebat (H).
§ III. CHORENTINUM ADIT GRADLONUS .

Quâdam autem die contigU ut rex Gradlonus, per sylvas suas
et monlana venando fatigatus, de neeessitate ad virum Dei
diverteret et nuneios prffimitteret, qui sibi eibum, ut possent,
p,rffipararent. Quod audiens vir Dei Chorentinus quid regi dare
posset ad refeetionem eogitans et sollieitus, venit ad fontem
sieut eonsueverat. Partem piseis seindens et asportans eoquo
regis dedit ad eoquendum. Coquus vero subridens et deridens,
quod centuplum (12) sociis regis non suffieeret, murmura bat.
Ad mandatum tamen hominis Dei partieulas piscis eoquens,
quid
illarum superabundantiam et inererrientum mirabatur. El
dieam? Rex eum eomitatu suo jejunus et esuriens de piseis
partieulâ suffieienter eum totâ familiâ, meritis sancti Chorentini,
posset illud Evangelii quo legitur
satiatus est, ut meminisse
est resté inscrit dans les traditions populaires. Le passage de Tresgnenhal
ne peut être que le passage sur la grève connu sous le nom de Treiz­
Guen, en français, -Sables -Blancs.
(11) On sait que le prodige du poisson a rendu si populaire le nom de
S. Corentin que le poisson est devenu sa caractéristique. (V. le P. CAHIER,
art. Poisson) . .
(12) Mieux centies, c'est-à-dire cent fois davantage.

le cuire cette tranche et la mangeait en bénissant Dieu.
quand il revenait le lendemain, il trouvait le poisson
'i fl'ais et aussi entier que si rien ne lui était arrivé. C'est
chaque jour et n'en demeurait pas moins toujours entier et
exempt de leSlOn.

§ Ill. VISITE DU ROI GRALLON.
01', un jour que le roi Grallon se livrait .à la chasse dans les
bois et sur les côteaux de Plomodiern, il se trouva si fatigué

que force lui fut d'aller demander un abri à l'homme de Dieu;
mais il eut la précaution d'envoyer devant lui ses serviteurs
pour lui préparer à mangel', si la chose était possible.
se demanda d'abord
Corentin, en entendant cette nouvelle,
avec une certaine inquiétude, c.e qu'il pourrait offrir au roi;
mais, sans se troubler davantage, il vint à sa fontaine selon son
habitude, coupa une tranche plus abondante du poisson; l'ap­
porta et la donna au cuisinier pour la faire cuire. Le cuisinier
à cette vue se mit à rire et même à tourner le saint en déri­
de cette mesure ne
sion, déclarant bien haut que cent tranches
suffiraient pas au roi et à ses compagnons.
IlIa mit cependant au feu sur l'ordre formel du saint. Or,
quel ne fut pas son étonnement lorsqu'il la vit s'accroîlre et se
multiplier à vue d'œil! Pourquoi ne le dirai-je pas? Le roi et
son entourage étaient à jeun, ils avaient une faim dévo­
tout
rante ; mais, par les mérites de sainl Corentin, cette tranche de
poisson suffit amplement à les rassasier tous. n y a donc ici

Dominurn de duobus piscibus quinque millia homines sa­
Hasse (13).
Cùrn igitur post cibum rex Vlm mirabile factum cognosceret,
ut ipsum piscem, de quo comederat, integrum et SCissurffi
cujuslibet expertem in fonte reperiret, et eUrn natare videret
de tanto miraculo stupefactus ad pedes procedens
et vivere,
Dei Chorentinum adoravit (14,), et ei donavit in perpe­
virum
et tot.am terram circumadjacentem et
tuum aulam regiam
nemora, seilicet totum illud quod habebat in plebe illâ (15).

§ IV. PISCIS, JUBENTE CHORENTINO, RECEDIT.
Sed, cùm quidam alius de familiâ regis, simili motus exemp]o,
partem piscis credere prresumpsisset, piscis nunquam reinte­
sed cresus et mutilatus remansit. Vndè, commotus vir
gralus,
Dei, piscem sanatum pnecepit ire illùc undè advenerat, ne am­
pliùs tale quid pateretur. Et indè recedens, ibi piscis ampliùs
non com'paruit.

§ V. CHORENTINUS ET PRIMAEL.
Cùm autem sanctus Dei Chorentinus, causâ visitandi, pere­
ad presbyterum eremitam justum et religiosum, nomine
gisset
(16), multo colloquens et collatione factâ cum eo de
Primaël
moribus sancli~ et religione catholicre fldei, mansit ibl cum
. . sancto sacerdote. Et aceipientes simul cibum charitatis, cum
gratiarum actione laudabant et benedicebant Dominum, qui
(13) JEAN. VI.
(14) Adorare a ici le sens de vénérer, donner des marques d'un pro-
fond respect. .
(15) Cette donation obtint son plein et entier effet. Jusques en 1789
Plomodiern était bénéfice' épiscopal. .
(16) D'après les souvenirs traditionnels, l'oratoire de S. Primel se trou-
vait en Saint-Thoys près Châteauneuf-du-Faou.

mm une répétition du miracle de l'Évangile dans lequel il
ag dans l'eau plein de vie, exempt de toute lésion, s'em­
lui faire don pour toujours de son palais, des terres adjacentes,
des forêts et tout ce qu'il possédait dans cette localité.
§ IV. LE POISSON MIRACULEUX DISPARAIT.
Quelques jours plus tard, un des serviteurs du roi ayant eu
la témérité de vouloir imiter le Saint et de couper semblable-
ment des tranches dans le poisson dont nous parlons, ce pois-
son resta dès lors tout mutilé. -
L 'homme de Dieu, profondément ému de ce spectacle, guérit
le poisson et lui rendit son intégrité; mais, en même temps, il
lui commanda 'de s'en retourner dans ]a partie de l'Océan d'où
il était venu, afin de ne plus s'exposer désormais à un sembla­
ble malheur. Or depuis lors on ne l'a plus revu (1).
§ V. CORENTIN ET PRIMEL.
Un autre iour, saint Corentin alla rendre visite à un ermite,
prêtre comme lui et grand serviteur de Dieu, nommé Primel.
Ils s'entretinrent longtemps ensemble de la sainteté des mœurs
et de ·Ia religion qu'exige la foi catholique. Corentin demeura
donc plusieurs heures avec ce saint prêtre. Ils prirent en com­
mun les agapes de la charité, en rendant grâces à Dieu et en
le bénissant de leur avoir procuré l'avantage de passer toute
cette journée ensemble.
(1) A propos de l'histoire du poisson, que nous venons de traduire mot
pour mot, nous rappelons une note, déjà insérée dans notre texte latin,
et d'après laquelle, si toutes les circonstances de ce prodige ne paraissent
p~s égalem~nt croyables, l'ensemble n'en est pas moins substantiellement
dIgne de fOl. .

eos die illo conjunxerat, et noetem sequentem in di vinis lau­
dibus, psalmis, hymnis et canticis spiritualibus diligenter
impendebant.
Mane autem facto, illueescente aurorâ, homo Dei Chorentinus
missam, sicut consueverat, VOlllit celebrare. Hospes alltern

erernita, sibi necessaria ad altare parare satagens, currebat ad
aquam, et cùm ille claud ilS esset et aqua multùm remola, de
necessitate multam moram faciebat. Undè vir Dei multùm
occursum exiens, vidit claudum curn multo
admirans, et in ejus
labore et fatigatione aquam deferentem, et sib~ piè, sieut pius
compassus est. '
erat,
Levatis igitur oculis cor dis et corporis ad Deum, desiderio
magno suppliciter et devotè precabatur ut christianissimo
claudo, propter nimiam aquffi distantiam nimis vexato, pius
Deus et misericors fontem proximiorem misericorditer inclul­
geret.
Nec mora: tam pius Deus pio sancti desiderio piè satisfecit.
Sub baculo cui innitebatur, vidit fontem clarissimum erUlIl­
pere et emanare, Hlius operante gratiâ, qui propina verat
aquam in deserto de petrâ. Quod ut vidit claudus et cognovit,
lœtitiâ et hilaritate
quantùm attonitus fuerit, quantâ mentis
gratias egerit Deo, vel calamus scribere, vel lingua exprimere
non possent .
§ VI. . OCCURSUS SANCTI CHORENTINI cmt SANCTIS MACLOVIO (17)
ET PATERNO.
Novitate itaque miraeuli sanctus Paternus et beatus Maclo-
(17) Nous seri'ons portés à croire qu'il y aurait ici erreur de copiste, et
que le biographe anonyme avait écrit Melanius (Melaine). La raison en
est que la chronologie de S. Màlo ne permet pas de supposer que ce
saint ait passé en Armorique avant 545-555, tandis que le fait dont nous
être antérieur à 530 .
parlons doit

Enfin, ils consacrèrent la nuit qui suivit il louer le Seigneur
u Illoyen des psaumes, des hJmnes et des cantiques spirituels.
bref la messe, selon son habitude. Son hôte de son côté s'em­
res de préparer tout ce qui éta~t nécessaire pour cela, et
comme il était boiteux et que la fontaine se trouvait assez
éloignée, il Y mit beaucoup de temps. Aussi, l'homme de Dieu
étonné sortit-il à sa rencontre,et en le voyant fatiguer beaucoup
pour arriver, il fut ému d'une vive compassion à son endroit.
C'est pourquoi, élevant ses yeux et son cœur vers le Ciel, il
se mit à supplier instamment le Dieu de bonté et de miséricorde
d'avoir pitié de ce vertueux boiteux, auquel la distance de la
fontaine portait un si grand préjudice, et de lui procurer une
source d'eau moins éloignée de son oratoire. ,
Le Seigneur acquiesça sans retard à un désir si conforme à la

vraie piété; car à l'instant mèm~ on vit sourJre, sous le bâLon
du vieillard, une source d'eau limpide et pure, par la faveur de
Celui qui dans le désert sut faire jaillir du roc une eau aussi'
que rafraîchissante.
pure
Mais, ni la plume ne saurait retracer, ni la langue redire
quel fut l'étonnement et la joie de Primel en voyant un pareil
spectacle, et avec " quel enthousiasme il se mit à bénir et à re­
mercier Dieu des marques de bonté dont il se plaisait à l'en­
tourer.
'§ VI. VISITE DES SAINTS PATERNE ET MELAINE
A SAINT CORENTIN.
La nouveauté de ce miracle attira bientôt à l'oratoire de
saint Corentin deux de ses principaux émules en sainteté, '
parmi ceux que possédait alors la Bretagne, saint Paterne et
saint Melaine (1).
(1) Le texte latin porte saint Malo; mais, nous avons dit plus haut
pourquoi, à notre avis, il y avait ici erreur de nom .

vius se ad invicem incitant et invitant ut accedant, et quid, vel
qualiter, vel à quo factum est,oculatâ fide cognoscant.
Ad Villam itaque Fontis (18) veniunt virum Dei Chorentinum
tam visu 'quàm alloquio favorabilem reverenter visitant, et
visum de adventu suo hilarem in mullis experiuntur . .
- Vir au'tem Dei mu1tùm satagit et sollicitat quid sanctis
hospiti1us det ad refectionem, et modicum farinœ, quam
babebat ad panem indè faciendum, nihil habens ampIiùs
prœter aquam. Verùm, Deus bonus, CUl omne cor patet et
omnis voluntas loquitur, famuli sui desiderio satisfacit. Dùm
enim aquam de fonte afIerri prœcipitur, in ipso vase cum aquâ
anguillarum copia invenitur. Mirantur hospites de piscibus,
de vino, et qui ad miraculum fontis videndum
mirantur et
advenerant, miraculo miracula superaddita vident et Jœtantur,
et ilIud Psalmistœ considerant quod Dominus, quantùm vult,
« aperit manum suam et implet omne animal benedic-
.tione » (t9).

§ VII. An EPISCOPATUM PROMOVETUR CHORENTINUS.

Quoniam autem tanta lux diù ]atere non potuit. « Lux, in-
« quit, in tenebris hujus mundi erat (c) lucens, et tenebrœ eam
« non compreheoderunt » (20), proposuit et disposuit Deus
omnipotens ut congruo tempore super candelabrum poneretur .
(c) Le mot erat manque dans le manuscrit.
(18) Le nom de la localité indiquég ici est, sans doute, Kerfeunteun
près Quimper, dit Villa-Fontis dans les titres du XIIe siècle.
(20) JOANN .• l, 15.

1:) sur la manière dont il avait pu se réaliser. Arrivés au ·
'lIag de la Fontaine, ils font visite à l 'homme de Dieu, lui
entretien agréable et remarquent même que leur venue
a fait un plaisir sensible. Corentin, en effet, s'était demandé
tôt avec une certaine inquiétude ce qu'il pourrait offrir à
ses hôtes pour leur repas, car il n'avait autre chose qu'un peu
de farine pour faire un petit pain et l'eau de la fontaine pour
étancher leur soif. Mais la bonté divine, pour qui ni les cœurs
ni les volontés n'ont de secrets, s'empressa de satisfaire le
désir intérieur de son serviteur. Lorsqu'en effet celui qui
avait reçu ordre d'aller chercher de l'eau à la fontaine revint,
son vase n'était pas seulement rempli d'eau, il contenait aussi
du vin et bon nombre d'anguilles.
Les hôtes de Corentin sont surpris à la vue de ces poissons;
ils sont surpris semblablement de l'excellent vin qu'on leur
sert, en sorte que ceux qui n'étaient venus que pour être té-
moins du prodige de la fontaine, voient miracles sur miracles;
en se disant qu'il y a là un accomplissement
ils s'en réjouissent
manifeste de l'oracle du prophète: « Le Seigneur ouvre sa
« main dans la mesure qui lui plaît, et comble tous les êtres
« vivants de l'abondance de ses bénédictions. »
§ VII. CORENTIN EST ÉLEVÉ A L'ÉPISCOPAT •
Comme une lumière d'un éclat aussi éblouissan t que celle
de Corentin ne pouvait demeurer longtemps cachée, car il est
écrit: « La lumière brillait au milieu des ténèbres de ce monde
« et les ténèbres ne la comprenaient pas, » le Dieu tout-puissant
résolut, en temps opportun, de placei' son serviteur sur le chan­
La Cornouaille, en effet, qui manquait alors d'évêque,
delier.
le demanda pour pasteur et fit choix de lui avec deux autres
personnages renommés pour leur sainteté et leur mérite,

DU FlNISTERE
Hô~, de Vflle

:29107 ' ~QUIMPER

Cornubia enim episcopum,quem non habebat, postulavit (21)
et tres viros .sancti nominis et dignre opinionis, scilieet Cho:
rentinum, Guengaloeum et Tudinum, mittendos Turonis ad
sanelum Martinum Turonensem archiepiscopum (22), elegit ut
de eis episcopum consecraret, et ad diœcesim Cornubire remit_
teret consecratum.
Adscivit itaque secum beatus Martinus clericos suos viros
discretos et honestos et cùm notasset in Tudino litteraturam et
honeslatem, in Guengaloeo eloquentiam et religionem, in
Chorentino personre reverentiam, vultûs simplicitatem et
cordis humilitatem, et reverendam in omnibus sanctitatem,
Spiritu - Sancto inspiranle, ipsum Chorentinum; sociis suis
postulantibus, in episcopum Cornubiensem quamvis reniten­
tem et in vitum elegit, et ad 'consecrationem, sicut dignum
erat, prreparari prrecepit (23). Consecratur itaque à beato
Martino episcopus vil' Dei Chorentinus, et cum sanctis sociis
ad cathedralem sedem Cornubire remittitur. Et tam à clero
quàm à populo Britannire, sibi ex diversis partibus occurrente,
cum omni gaudio suscipitur et honoratur. .

§ VIII.
CORENTINUS OMNIA BONI PASTORIS MUNIA ADIMPLET.
Ille vero, nec applaudens honori sed magis sollicilus et insis­
tens oneri, suscepti regiminis diligenter exercet officium, sibi

(21) Le siège épiscopal existait, c'était le titulaire qui manquait. La
chose est de nouveau affirmée plus bas, n. 11.
(22) Il Y a ici un fâcheux anachronisme. On confond S. Martin, qui était
(V. les
mort depuis un siècle et plus, avec quelqu'un de ses successeurs.
Prolégomènes. )
(23) Ici seulement se termine la lacune du manuscrit de Montreuil si­
gnalée plus haut.

cesse .
'~l'l' un lui imposer les mams pour le sacrer et le renvoyer

suite avec charge de gouverner l'évêché de Cornouaille. .
robres de son conseilles plus connus pour leur vertu et leur
IDe . T d
esse. On avait remarqué sans peille en u y une rare con-
sag d' . h' é d
naissance des lettres Ivmes et umames avec une puret e
non moins remarquable. Le don de la parole et le zèle
is comme en Corentin tout commandait le respect, la sim­
plicité de son extérieur aussi bien que l'humilité de son cœur,
l'éminence de sa sainteté, ce fut sur lui en définitive que l'on
jeta les yeux à la demande de ses compagnons eux-mêmes, et
par l'inspiration du Saint-Esprit, ce fut lui que l'on choisit
pour évêque de Corn.ou'aille. En conséquence, ce fut à lui qu'on
ordonna de se préparer à recevoir, sous peu de jours, la consé­
cration épiscopale. De fait, Corentin fut sacré évêque dans les
jours suivants, et renvoyé aussitôt avec ses compagnons à son
église cathédrale de Cornouaille. Le clergé et le peuple de
Bretagne vinrent alors de toutes parts à sa rencontre, ils
l'accueillirent avec toutes les marques d'une joie et d'une
vénération extraordinaires.
CORENTIN, MODÈLE DES PASTEURS.
~ VIII.
Pour Corentin devenu évêque les honneurs et les dignités
n'eurent jamais aucun prix à ses yeux. Il n'y voyait que l'obli­
gation où il se trouvait de porter chaque jour le fardeau de
l'autorité qu'on avait imposé sur ses épaules. Aus~i bien
remplir son office, porter sa croix, veiller sur son troupeau,
la règle des bonnes mœurs, fa.ire la guerre aux
déterminer
(1) La biographie latine suppose qu'il s'agit ici de saint Martin en
personne, mais la chose est impossible chronologiquement.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINlSTÈRE. Tome XII (Mémoires). 9

crucem, gregi custodiam, moribus disciplinam, vitiis odiulll
virtutibus studium, prredicationem subditis, auxilium oppressis'
refectionem pauperibus, malis cohertionem (d), bonis gratialh'
omnibus justiliam adhibens et charitatem (24). Et quia legebat
tribus vicibus dictum fuisse Petro: « Petre, amas me, pasce
« agnos meos » (20), tribus modis, sicut bonus pastor, pascere
studuit gregem sibi commissum: sanre prredicationis doctrinâ,
sanctre conversationis exempto, cibi corporei alimento, et cùm
in omnibus et per om" nia bona faceret; juxtà mandatum Apos­
toli se servum reputabat inutilem (26).

§ IX. PROLIXUM ELOGIUM CiIORENTINI.
- Vult léclor (27) ejus breviarium scire virtutis, sciat me nihil
in gratiam vel favorem adulationis, nihil more laudantium,
sed quidquid hIC dicturus sum (e), pro testimonio dicetur
veritatis, et minùs esse meritis quod sanre mentis (est), nihil
quod proprium esL et de sanre mentis fonte
laudabimus nisi
profecturus.

(d) Il faut lire coe1·citionem. C'est sans doute le copiste qui avait mal
compris les signes abréviatifs. "
(e) Ce mot manquait, nous l'avons suppléé pour le sens.
. (24) Cette phrase est longue et embrouillée, ' mais elle renferme aussi
une masse de données sur le savoir de l'évêque.
(25) JOANN. XXI, 15.
(26) Luc. XVII, 10.
Ce n'est pas d'un simple Apôtre, mais de la Vérité Divine en personne
qu'émanent ces paroles. La science de l'auteur est donc ici en défaut.
(27) Ce mot est significatif, comme il a été dit dans nos prolégomènes.

" ·re l'appui des opprimés, procurer de la nourriture aux
Jal .
toU 1 . . d· dé .
ne et zèle ardent pour a JustIce, evmrent sormalS
tois à saint Pierre: « Plerre, SI vous m aImez, paIssez mes
c agneaux », Corentin s'appliqua, comme un bon pasteur, à
paiLre en trois manières différentes le troupeau qui lui était
confié : je veux dire qu'il ne négligea rien pour lui pro­
de la doctrine révélée par ses prédications,
curer l'aliment
l'aliment de l'exemple par la sainteté de sa vie, et l'aliment du
corps par les aumônes qu'il versait dans le sein des pauvres.
tout en faisant ainsi le bien de mille manières, il ne
laissait pas de se proclamer un serviteur inutile, selon le
conseil ou l'ordre de Notre-Seigneur.
§ IX., SUITE DE L'ÉLOGE DE S. CORENTIN •
Si le lecteur désire que j'entre dans plus de détails sur les
vertus de saint Corentin, qu'il sache d'abord que je ne dirai
rien par complaisance ou par flatterie, à la manière de ceux
qui font des panégyriques. Toutes mes paroles auront pour
but de rendre témoignage à la vérité et resteront bien au­
dessous qes mérites de l'homme de Dieu. Je ne louerai que ce
qui lui appartenait en propre et ce qui s.ortait de la source
d'un esprit parfaitement sain. .
Corentin fut donc < un bon prêtre dans lequel on peut louer ,
également la haute dignité de l'ordre auquel il fut élevé, et le
zèle qu'il apportait à bien régler toute sa conduite. Prêtre
plein de piété, en immolant sur l'autel le Fils de Dieu 'à la
gloire du Père, du Fils et du Saint-Esprit, il n'immolait jamais
l'Agneau de Dieu sans ceindte ses reins de la ceinture de la

. _ Bonu~ iste sacerdos fuit in quo commendat dignitaf~m ordi ..
nis, ordinatre studiumactionis, bonus sacerdos, qui Patri sUPer
allareimmolans Filium, Patri et Filio et Spiritui-Sancto immo..
lare studuit et seipsum: cui, immolando A~'num, nec defuit
renibu~ castitatis cinctorium, nec manibus fidei baculus, nec

pedibus exemplorum calceamentum sanctorum, nec comedenu
in pœnitentiâ lactuca agrestis amaritudinis. Et cùm sacer ..
dotes nostri temporis plùs curent nummos quàm animas, plùs
oves (f) quàm mores, plùs canes quàm pauperes, plùs hono ..
rant milites quàm Angelos, plùs frequentanl curiam quàm
ecclesiam, plùs discere studeant Jegem fori quàm legem poli,
sacerdos noster Chorentinus omnibus his prreposuit Christum,
in omnibus respexit Christum, et Olunia sustinuit prupter
Christum: in adversis fortis, in prosperis humilis, in omnibus
utrisque modestus, et cum episcopis magis prodesse studuit
quàm prreesse (28), et de suo non curans honore (29), suum
ministerium modis omnibus honoravit. Quid referam ? In
cunctos animum clementissimum ostendebat (g), et boni­
tatem in eos, quos ut videbat unquàm vagantes. Quis cleri­
corum non est (h) ejus facultatibus sustentatus? Quis debilis
vel esuriens ejus beneficium non suscepit ? Quis dolens fuerit
vel patiens cui non sit ille condolens et compassus? Et cùm
in omnibus esset laudabilis, Jaudailtium ora quasi pesLem
studuit declinare.

(f) Ce mot manquait. .
(g) Ce mot manquait.
(h) Ce mot manquait. .
(28) Les expres~ions : Omnibus pl'œponere Christum et mages prode~se
quant prxes.\e studens et d'autres encore appartiennent textuellement à
la règle de S. Benoit. (IV, 21; LXIV, etc.)
(29) Le mot honore est remplacé par le mot ministel'io dans le texte
par erreur .
de Montreuil, mais manifestement

sans tenir à la main le bâton de la foi, sans avoir pour
teté
cbas , . .
b ussures les exempl~s des saIllts ; en mangeant Ja chaIr de
les . E . 1 At d
'lion et de pémtence. t quoIque es pre res e notre temps
biens soiènt plus l'objet de leur sollicitude que la pureté des
fréquentent plus la cour que l'église; quoiqu'ils s'appliquent
plus à connaître à fond la loi civile que la loi chrétienne et '
morale, Corentin, vrai prêtre, ~'en agissait nullement ainsi.
Bien au contraire, il mettait au dessus de tout Jésus-Christ et
ses intérêts; il regardait en tout. Jésus-Christ; il supportait
fout pour la gloire de Jésus-Christ. C'est pour cela qu'il était
fort dans l'adversité, humble dans la prospérité, modéré en ses
désirs dans la bonne comme dans la mauvaise fortune. C'est
pour cela qu'a vec les évêques, il aimait mieux se rendre utile
que d'occuper Je premier rang. Il arrivait ainsi qu'en ne son-

geant jamais à réclamer pour sa propre personne aucune mar-
que d'honneur, il n'en rendait pas moins son ministère hono­
rable et recommandable en toutes manières.
en toute occasion
Qu'ajouterai-je encore? Corentin montrait
une esprit admirable de compassion et de bonté. Quel est celui
de ses cl~rcs qui n'a pas trouvé auprès de lui appui et secours
toutes les fois qu'il s'est. trouvé dans le besoin? Qui a éprouvé
la faiblesse ou la faim sans que Je Bienheureux ne l'ait fortifié
et ne lui ait donné du pain? Pouvait-il voir quelqu'un dans le
deuil ou la souffrance sans lui porter compassion, sans gémir
avec lui? Le B. Corentin était donc digne d'éloge dans tout son
e~térieur comme dans ses sentiments et toute sa conduite·
mais, néanmoins, il fuyait les éloges comme la peste. (i)

(1) Nous ajoutons ici une phrase de transition qui ne se trouve pas
dans le texte latin.

§ X. GUENGALOEI ET TUDINI BENEDICTIO ABBATIALIS
A CHORENTINO DATUR.
Nec mora, cùm socios suos Guengaloeum et Tudinum sancti­

tale et scientiâ. commendabiles sciret, eos in abbates benedixit
ut eum coadjuvarent in fide catholicâ propagandâ. Petierat
enim à metropolitano sancto Martino, cùm consecratus esset,
ut et prrefatis sociis suis manum benediclionis imponeret, et ad
Cornubiam remitteret abbates ~enedictos (30).
Sanctus vero Martinus, sicut erat columbinre simplicitatis et
serpentinre prudentire, sibi benignè responderat in hunc
modum : « Nequaquàm, frater episcope et coepiscope Choren­
« tine, nequaquàm expedit ut tuos benedicamus abbates, ne
t( hoc exemplum apud posteros trahatur ad consequentiam et
« ture derogetur dignitati. Deinceps enim fieri possel ut suc·
« cessor noster ad sedem metropolitanam abbates Cornubire
I( traheret benedicendos, et à benedictione nostrâ, sibi BENEDIC­
« TIONIS PRIVILEGIUM PERPETUUM usurparet; vade potiùs ad
« sedem tuam et utere libertate tuâ, et hos duos sodos tuos,
« quos merito religionis et discretionis prrelatione dignos esse
« credimus, in ecclesiâ tuâ auctorilate episcopali benedicito
« in abbates. »
Sic prrevidebat sanctus Dei archiepiscopus venturre succes-
sionis malitiam, sic prrevidebat ecclesias sure subditas dignitati
in posterum super hoc malignandi tolleretur occasio (3i).

(30) L'usage de la bénédiction abbatiale est bien antérieur au JX siè­
(V. lVIARTENE, De Antiq.
cle. Il n'y a donc pas là un indice de nouveauté.
Ecdes. 1"ilibus, tit. 2 c. 1; it. D. CHAMARD, Revue des Quest. historiques,
t. XXXVIII, p. 82 et suiv. . .
(31) Il y a ici, croyons-nous, une allusion aux efforts que fit Nominoé
pour séparer la Bretagne de Tours.

Mais, après cette digression sur la comparaison entre saint
Core .
l'histoire) .
x .. ' BÉNÉDICTION ABBATIALE DE GUINGALOIS ET DE TUDY.
Après sa prise de possession du siège épiscopal, Corentin,
compagnons de Tours, Guingalois et Tudy, s'empressa de leur
conférer la bénédiction abbatiale, afin qu'ils lui prêtassent
ensuite un concours plus actif et qu'il~ l'aidassent plus effica­
cement à étendre le règne de la foi catholique. Il avait même
prié l'archevêque de Tours, au moment de son sacre, de bénir
semblablement ses deux compagnons et de les renvoyer en
Cornouaille abbés bénis. Mais le successeur de saint Martin,
qui Joignait à la simplicité de la colombe la prudence du ser­
pent, lui avait répondu avec une grande bienveillance: « Ce
« n'est point ainsi, Corentin mon frère dans l'épiscopat, qu'il
« faut agir. Il ne nous paraît nullement expédient 'que ce soit
« nous qui donnions la bénédiction à tes abbés. Car cet exem­
« pIe pourrait plus tard te porter préjudice et déroger à ta
« dignité. Il pourrait arriver, en effet, que notre successeur
« sur le siège métropolitain s'autorisât de ce fait pour se réser­
« ver le droit de bénir les abbés. Retourne donc à ton siège, et
« une fois arrivé, use de ton droit, en d'autres termes confère
« toi-même la bénédiction abbatiale, en vertu de ton autorité'
« d'évêque, à tes deux compagnons, que nous proclamons plei­
« nement dignes de cet honneur en raison de l'esprit de
« sagesse et d'e religion qui éclate en eux. »
Ces paroles indiquent une grande prévoyance dans le saint
archevêque. Il prévoyait, sans doute, la malice des temps à

venir; il prévoyait que plusieurs églises essayeraient, dans la'
de se soustraire à . l'autorité de ses successeurs, et voulait
suite,
en lever tout prétexte à un dessein si condamnable.

§ XI.- QUOl\lODO NOVI ABBATES IN MUI.TI8 CHORENTINO ADJUVANT.

AbbaLes igitur saneLi Wingualoeus (sic) et Tudinus ad reH ..
gionem et ad mores sanctos monachos instruunt, et sanct<:e
conversationis omnibus exemplum demonstranles, carnem
jejuniis maceran t, vigiliis nocturnis et psalmodiis Deo deser~
viunt, orationibus secretis et publieis deleetantur, et, circà
pauperes et affiicLos miserieordire et caritatis viseeribus affiuen~
ter abundant, et sic in vineâ Domini Sabaoth cum sancto . suo
episcopo Chorentino Jaborantes, pondus diei portant et resLûs
ut reternre retributionis mercedem (i) recipiant, qurerentes
qure sursum sunt non qure super terram.

§ XII. - ZELUS CHORENTINI PRO GREGE SIBI COMMlSSO,
ET PRETIOSA MORS IPSIUS.
Episeopus autem eum eoadjutoribus suis se murum opponens
pro domo Israël, fidem Christi prredicat, rebelles et incredulos
prredieatione impugnat, impios, diversos et perversos ad uni­
fidei signis et miraeulis inducit, et ad sinum matris
tatem
Ecelesire deviantes reducit et errantes, et in his totam vitam
Vif Dei expendit.
Sic assiduè militat Christo, sic se 10tum sacrificat Christo, et
tandem in sacrâ morte resolutus, qui vixerat Christo moritur
,Christo, et talentum sibi creditum eum multo fœnore duplieatum
Christo, ab Angelis sanctis prresentandum spiritum
reportans

(i) Ce mot manquait.

§ XI. VERTUS ET ZÈLE DES NOUVEAUX ABBES.
Guingalois et Tudy, une fois élevés à la dignité abbatiale,
1s le macéraient par le Jeune, et en preuve de leur zele dan~
psalmodie et aux veilles nocturnes ainsi qu'à d'autres prières
soiL secrètes soil publiques. En même temps, ils prouvaient
en toute occasion qu'ils n'avaient que des entra.illes de charité
et de compassion vis-à-vis des pauvres et de tous ceux qui
souffrent. .
C'est ainsi qu'ils travaillaient dans la vigne du Dieu des
armées en parfait accord avec leur saint évêque Corentin. C'est
ainsi qu'ils portaient avec lui le poids du jour et de la chaleur,
avides non des biens de cette terre, mais de ceux
saintement
qui sont en haut, pleinement assurés qu'ils obtiendraient un
jour en retour les récompenses éternelles.
§ Xl(. DERNIÈRES ANNEES ET MORT DE S. CORENTIN'.
Corentin, ainsi puissamment aidé, s'opposa comme un mur
d'airain pour la défense de la maison d'Israël; il enseigna la
foi; il ~ttaqua ouvertement dans ses prédications les rebelles et
les incrédules ; il en convertit plusieurs par sa bonté et sa
mansuétude; il ramena à l'unité de la foi, par ses prodiges et
ses miracles, ceux qui en étaient éloignés pour une cause ou
pour une autre, de même aussi qu'il parvint à réunir dans le
sein maternel de l'Église plusieurs de ceux qui erraient à
l'aventure, ne sachant où porter leurs pas. Telles furent les
principales œuvres de zèle auxquelles saint Corentin consacra
toute sa vie. C'est de la sorte qu'il remplit constamment l'office
de soldat tout dévoué au service de Jésus-Christ. Aussi, quand

reddit, ut semel carne mortuus, spiritu perenniter vivat in
Christo (32).

§ XIII. - FAIUA SANCl'ITAl'IS CHORENTINI UNDIQUÈ DIFFUND1l'UR.
Evolat fama sancti Confessoris pel' Britanniam et ad remotas
partes - sanctorum meritorum aromatica fragrantia diffunditur,
tota Britannia ex odore hujus unguenti tepletur. Currunt ad
sanctum corpus afflicti et juvantur, portantur languidi et sanan­
demoniaci et liberantur, et tot mii'aculorum si­
tur, trahuntur
fides Christianitatis dilatatur et excrescit (33).
gnis frequentibus
Zelatur jam et in videt tantis Britannire reliquiis regio
Gallicana, et ex HIis partibus tam potentes quàm pau peres ad
sanctum Chorentinum confluunt, offerunt munera, beneficia
largiuntur (34), et in necessitatibus suis opem et consilium
sancLi Confessoris devotè postulant. Et dùm in reditu se quod
petierant impetrasse jactantur et ostendunt, vicioos ad eamdem
peregrinationem incitant et invitant. Sic laudatur et magni­
na1iones sanctus Chorentinus in Deo, sic
ficatur per diversas
benedicitur et glorificatur Deus in Sancto, qui in sancLis suis

(32) L'auteur donnait-il ici sur la sépulture de S. Corentin des détails
par le copiste de Montreuil? C'est une question. Mais il
qui ont été omis
est certain que le récit des miracles posthumes appartient _ au même
anonyme. _
(33) Impossible d'établir plus authentiquement que l'auteur écrivait
avant toute translation du saint corps.
(34) Beneficia largiri pris dans le sens qu'il offre ici: conférer des
IX· siècle .
bénéfices, nous parait une expression qui était inconnue avant le

ill3
sainte mort vint séparer son âme du corps, après avoir
rapp d' té êt "1 . .
. n dire encore es gros ID r s qu 1 avaIt s01gneusement
rie . d C t' d' 1 d .
. En conséquence, quan oren III ren 1t e ermer
1 XIII. . . LA RENOMMÉE DES MIRACLES DE S. CORENTIN SE
RÉPAND AU l.OIN ET ATTIRE DES TROUPES DE PELERINS A
QUIMPER.
La renommée du saint Confesseur vola bientôt de bouche en
bouche; le parfum de ses mérites se répandit au loin, et la
suave odeur qui s'en exhalait embauma toute la Bretagne. Ceux
qui étaient dans l'affliction accouraient auprès du saint corps, et
ils y trouvaient force et consolation; les malades y étaient por­
tés, et la santé leur était rendue ; les démoniaques y étaient
de leur cruel ennemi. Or, tant
traînés, et s'y voyaient délivrés
de miracles si éclatants eurent pour effet d'affermir la foi
des Chrétiens et d'étendre l'empire de l'Évangile. Bientôt la
France (mot à mot le pays Gallot) en vint à envier à la Bre-

tagne Je trésor inestimable de ces saintes reliques. De toules
parts on affluait au saint tombeau; riche3 et pauvres s'y pré­
senlaiept également; ils offraient leurs présents, conféraient
des bénéfices, si cela était en leur pouvoir, et surtout implo­
avec ferveur dans tous leurs besoins l'appui et les
raient
lumières du saint Confesseur: Puis, à leur retour, ils s'em­
pressaient d'affirmer qt(ils avaient obtenn ce qu'ils sollici­
et invitaient de la sorte leurs proches à entreprendre
taient,
le même pèlerinage. C'est ainsi que saint Corentin était magnifié
la volonté de Dieu, en plusieurs pays.
et entouré d'éloges, par
C'est ainsi, par suite, que Dieu, toujours glorieux en ses saints,
se trouvait particulièrement béni et glorifié en saint Corentin .

semper est gloriosus. Sic fit ut qui priùs Britanniam virtutibus
doctrinâ fidei et redificatione morum ditaverat vivus, signis
et miraculis, et peregrinorum oblationibus nunc magis ditat
mortuus, et qui priùs humanam gloriam fugerat, nunc huma-
nam gloriam habet et cœJestem. .

§ XIV. DE BASILICA IN HONOREM S. CHORENTINI JEDlFlCANDA.
Sed quid moror? In honorem sancti Confessoris construitur
ecclesia (35), et miraculorum frequentiâ populus cogitur ad
devotionem, et Deo volente et cooperante, ponuntur firmi
lapides in fundamentum, eriguntur in altum parietes, et cathe­
dralis ecclesia priùs humilis redificio in longum et latum dila­
tatur.Clerici ecclesire,super construendâ basilicâ et amplificandâ
diligentes et solliciti, hortantur et obsecrant in Domino populos
ut ad expensas latomis et cœmentariis et omnibus operariis
necessarias, beneficia sua caritative largiantur.

§ XV.- MULlER AVARA CASTIGATA, POSTEA SANATA EX POENITENTIA .

Cùm in foro quâdam die fieret prredicatio generalis, et ad
(35) Nous n'avions jusqu'ici aucun renseignement sur cette première
basilique de S. Corentin, dont la dédicace se ' célébrait le premier mai.
M. Le Men n'a pu en rien dire dans sa savante Monographie de la Cathe­
drale de Quimper.

trésor pour la Bretagne par l'éclat de ses vertus, par la
iracles, par les offrandes que lm apportent les pelenns. En
Jllonde, possède maintenant et celle de ce monde el celle du
ciel. .
~ XIV.' PROJET D'UNE BASILIQUE EN L'HONNEUR DE S. CORENTIN.
Mais pourquoi m'attarder? Voilà qu'on élève une église
en l'honneur du saint Confesseur. La chose était devenue
nécessaire, la multitude des miracles amenant des foules si
nombreuses au saint tombeau, le local se trouvait trop étroit.
Bientôt, Dieu le voulant et y mettant en quelque sorte la main,
on jette dans les fondements du nouvel édifice de solides pier­
res de taille, puis les murs s'élèvent rapidement dans les airs,
et l'église cathédrale, dont les constructions premières étaient
si humbles, s'étend à vue d'œil en long et en large. Les clercs
de l'église, naturellement pleins de sollicitude pour édifier
leur cathédt'ale avec promptitude et sur de larges proportions,
les populations à se montrer généreuses;
ne cessent d'exhorter
ils les supplient, au nom du Seigneur, de dilater leur charité,
de subvenir largement aux dépenses exigées pour les travaux
des taJUeurs de pierres, des maçons et des autres ouvriers.
§ XV. CHATIMENT, PÉNITENCE ET GUÉRISON DE LA FE1\UIE AVARE.
Un jour qu'il y avait eu de la sorte sermon d'apparat sur la
place publique, et qu'après l'exhortation de l'apocrysiaire,
homme de vertu et de talent, il se faisait un grand concours
des fidèles autour des saintes reliques, chacun apportant et
ses petits 'présents, une dame de noble extraction se
offrant

exhortationem apocrysarii clerici reli-giosi et honesti, foren~
sium multitudo ad sacrosanctlls reliquias (36) devotè concur~
reret, et munuscuhl sua suppliciter afIerret et offerret, quœdarn
mulier nobilis pauxillum cerre, quod in manu habebat, offerre
Sancto disponens, cùm aliud non inveniret, illud tamen pauxil­
lum retinuit et manum clausam retrahens ab oblatiope cessa vit.
Undè factum est ut ad majorem Sam~ti rerelationem, manum,
quam ad oblationem clauserat, clausa remaneret, et illam ad
alios usus aperire non possel. Conatur mulier manum exten­
dere, sed frustrà nititur, qure Deum non habebat adjutorem.
Considerans igitur se mancam esse, plorat, et factum, quod
celare non potest, sibi imputat. Et de retentâ oblatione se
ream esse cognoscit, . ad orationis recurrit remedium, Deo
supplicat, et opem sancti Chorentini suppliciter implora!, et. se
satisfacturam promittit.
Nocte vero instanti, cùm ilJa sonmo incumberet, apparuit ei
in visione sanctus Chorentinus dicens: « Cave, mu lier, cave
« ne de cffitero, cùm benè facere disposueri's, manum retrahas;
« sed quod tibi fuerit si ve parvum sive magnum, sit illud
« Domino Deo,. à quo omnia habes, libenter impertire (37).
« Hilarem enim datorem diligit Deus. Festina Haque ad eccle­
« siam meam, et Dei misericordis opem implora ante reliquias
« coram quibus fuisti inhumana et parca, et pristinam manus
« tUffi reci pies sanitatem. »
Evigilata mulier visionem non negligit, se ad iter prffiparat
et ad sanctum confugit Chorentinum. Eventum et visionis sacrffi
miraculum clericis ecclesire narrat ex ordine. Et sequenti nocte
post oralionem ante altare dormiens, secundo episcopum sibi
per visum audit dicentem : . « Mulier, dimissa es ab infirmitate
« tuâ, fides tuà te salvam fecit » (38) .
(36) Ce texte est significatif. .
(37) Cette formule: Sit illud impertire se comprend sans peine; mais
Cicéron et dans les autres écrivains qui
on ne la trouverait pas dans
pour des modèles.
passent
(38) Luc. XIII, 12; MATTH. IX, 22.

ta à l'offrande avec les autres, dans l'intention d'offrir

ues onces de cire, c'était tout ce qu'elle avait alors. Mais,
'là qu'au moment de l'offrande l'avarice lui ferma encore la
ma , . tt . . . é . f
gloire de son sernteur, ce e mam, qUI aVaIL te ermée vo-
ent à l'offrande, demeura également fermée pour les
usages de la vie. La pauvre femme veut étendre la
: impossible, Dieu ne le lui permet pas. Se voyant alors
nite à l'état de manchot, elle en verse un torrent de larmes,
n'accuse qu'elle-même de ce malheur, et reconnaît qu'il y a eu
faute de sa part à retenir l'offrande qu'elle devait présenter.
C'est pourquoi elle s'empresse de recourir au remède de la
prière, implore ]a miséricorde de Dieu, supplie saint Corenlin
de venir à son aide, et promet de réparer sa faute. Or, la nuit
suivante, ]e Saint lui apparut en vision pendant son sommeil
et lui dit: « Femme, à l'avenir garde-toi bien de retirer la
« main qui veut faire le bien ; mais, que tu aies peu ou beau-
. «coup, donne toujours de grand cœur au Seigneur Dieu, de
« qui tu tiens tout ce que tu as. Car le Seigneur aime celui
« qui donne de grand cœur. Hâte-toi, en conséquence, d'aller
« à ma basilique, implores-y la miséricorde divine en face de
« ces reliques devant lesquelles tu as cédé à cette pensée d'a va­
«rice, el ta main redeviendra aussi saine qu'elle l'était précé­
r demment. »
CeLLe femme n'eut garde à son réveil d'oublier la vision dont
nous parlons. B~en au contraire, elle se met en route et va .
refuge aux pieds de saint Corentin. Arrivée là, elle
'cherche'r
de l'église tout ce qui lui est arrivé et la
raconle aux clercs

vision dont elle a été favorisée. Or, la nuit suivante, pendant
qu'elle dormait devant l'autel, après a\roir longtemps prié, elle
le saint évêque, qui lui apparaissait une seconde fois,
entendit
lui dire avec bonté: « Femme, te voilà délivrée du ma) dont
« tu souffrais, c'est ta foi qui t'a sauvée. »

§ XVI. - DE CLEPTE LEONENSI, QUI OB FURTUl\1 IN CONTUl\IELIA~
S. COREl'\T1NI FACTUM, PUNlTUR.
Sed et de clepti quodam Leonensi sub silentio prœterire non
debemus, cùm secretum Regis celare bonum sit, opera autern
Dei revelare et confiteri honorificum (39).
Cùm enim in Maii calendis (40) ad dedicationem solemnem
Ecclesire circumquaque denuntiatam,non solùmCornubire verùlu
etiam aliarum diœcesum convenirent turbre (j). Rapsadulus,
clepLis, filius Belial, inter et cœteros venit, sed ut lupus non ut
ovicula, ut mil vus non columba, Judas non ut Petrus, ut latro
non peregrinus, ut auferret non ut daret, sed ut caperet et
raperet. Fur enim erat et diabolicâ ductus cupiditate furtis
hoc autem ad quod veniret solli­
intendere consueverat. Super
cHus, ad locum rerum venalium astutus venit et mi serici
glomum furtim subripiens, et secum in patriam undè venerat
Sed D'eus, nolens nos remulari· in malignan­
cleptis asportavit.
tibus neque zelare facienLis iniquitatem (41), ut cœteros à simili
facto retraheret, meritis sancti Chorentini Lam detestabile fac­
tum sine morâ puni vit et cœleris patefecit.
Prredictus enim latro, post tertium reditûs sui diem, febre
vehementi correptus est in acrobe (42); sed adhuc à majori
peste divina ultio non cessavit. Nam manum illam, quâ furtum
commiserat, et dimidia'm partem corporis illi manui contiguam
Sic Deus est judex justus, et
paralysi percussit et damnavit.
Tune latro in se revertens et sibi cons­
rectum judicium ejus.
cius, se ipsum redarguit dùm in se dignam Domini sentit.

(j) Nous avons suppléé ce mot, qui manquait.
(39) JOB, XII, 7.
(40) Depuis le XIVe siècle, c'est-à-dire depuis la dédicace de la seconde
S. Corentin, le premier mai fut consacré à la translation de
église de
S. Corentin.
(41) Ps. XXXVI, 1.
(42) Ce mot est emprunté au grec et n'a guère été employé par les
les pieds .
auteurs latins, si bien qu'on ignore s'il désigne la tête ou

XVI. .. UN VOLEUR, QUI AVAIT COMMIS UN VOL SACRILEGE,
1 EST CRATIÉ PAR LE CIEL.
NoUS ne pouvons non plus passer sous silence ce qui arriva à
voleur originaire du pays de Léon; car si c'est un mal que

tOIre.
Comme donc on avait annoncé en beaucoup de lieux, pour
les ijdèles y accouraient en foule non seule­
Corentin, et que
ment de la Cornouaille, mais aussi des pays voisins, un nommé
Rapsadulus, voleur de son métier, véritable fils de Bélial, se
glissa au milieu de la multitude. Seulement, il vint comme
loup et non pas comme agneau? il Y vint en vautour, non en
colombe; vrai Judas, et n'ayant rien de saint Pierre; brigand,
et non pèlerin; il venait pour ravir, non pour donner. Entraîné
par un désir diabolique de s'emparer du bien d'autrui, il ne
songeait qu'à multiplier ses larcins. Mu par de tels ~enti-
ments, il se r~ndit sur le lieu du marché et y déroba en secret
à un pauvre pèlerin une certaine quantité de soie, et l'emporta
avec lui dans son pays. Le vol en soi pouvait n'être pas consi­
dél'able, mais les circonstances lui donnaient une apparence de
sacrilège, ou même en faisaient à cette date un vrai sacrilège .
. Aussi Dieu, qui ne veut pas que la prospérité des méchants nous
les imiter et à faire le mal à leur exemple, permit,
pousse à
bien au contraire, par les mérites de S. Corentin, que ce vol si
peu considérable fut puni sur-le-champ et de la manière la plus
C'est qu'en effet, trois)ours après son retou'r, le vo­
ostensible.
leur ressentit en son corps de violents accès de fièvre. Il y a
plus, la main qui avait commis le vol, et une moi lié du corps
furent frappés de paralysie.
Ain~i,Dieu prouvait-il qu'il est un juste juge,etque ses juge­
même.
ments sont l'équité

BULLETIN ARCHÉOL. DU FJNISTÈRE. Tomp, XII (Mémoires).

- ioO -
ultionem. Compungitur et pœnitet, et in lacrymas resolutus
ilIius postulat misericordiam, quem super miseros didicit esse
misericordem. Sanctorum opem implorat, sed prrecipuè beaturn
invocat Chorentioum, cujus sacram violasse solemnitatem COll ..
scientiâ cauteriatâ se accusat, sanctum Chore~tinum orat, ilIum
implorat, illi supplicat, et, ut sibi furti reatum misericorditer
remittat et dimittat, obnixè precalur.

§ XVII. - DEHINC POENITENS DUPLICI VISIONE CHORENTINI
HO~ORATUR ET TANDEM CURATUR.
Nocte vero sequenti, sanctus Chorentinus apparuit clepti
paralytico et eum increpat et arguit, sed in ultimis dolentem
pius piè confortat, sibi spem sanitatis promittens si ad basili-
cam suam properans furtum reddere, et ibi, ubi deliquit,
satisfacere ca vet; si clero ecclesire facinus suum confiteri et se
coràm omnibus accusare non erubescit; si veniam tan ti sceleris
à prresule suppliciter postulat, et quod mali commisit, in faGie
ecclesire devotus emendat (43). Tati visione et exhortatione
sancti Chorentini cleptes admonitus viam ingreditur et aggre-
ditur, et sicut sibi beatus Confessor consueverat (44), niLitur
effectui manci pare. .
Cùm vero iter secundi diei peregisset, velut ille qui manum
miltit ad aratrum et respicit retro, de redeundo cogitat et tan­
tum laborem subiisse jam ilIum pœnitet, et expensam. Hostis
Aposta (sic) illum apostatare suggerit et redire. Dolet enim
multùm inimicus noster Diabolus, cùm aliquem culpis irreti­
tUll ad emendationem properare cognoscit, el quem potest

(43) La pénitence publique . pour les fautes les plus graves était on
usage à cette date, et ne fut abrogée que bien plus tard.
(44) Il doit y avoir ici une erreur de copiste. Il faut lire: Et, quod sibi
B. Confessot consuluerat.

L voleur, alors revenu à lui-même et se reconnaissant cou-
lUI. d 1 '1' 1 1 .•. d d
entir, il se répan en armes, 1 Imp ore a miSerICOr e e
rep , l ' é' d' '}' 1 1
lui dont il connait e cœur mIS rIcor Ieux; 1 IInp ore a
d nt il s'accuse avec douleur d'avoir profané la fête. C'est lui
§ XVII. PÉNITENCE DU VOLEUR, DOUBLE VISION
DONT IL EST FAVORISÉ. SA GUÉRISON.
Or, la nuit suivante, le B. Évêque se montre au voleur

frappé de paralysie. Il commence par lui faire de vifs repro­
ches. Puis voyant son repentir, il se met à ranimer paternelle­
ment son courage. Il en vient même à lui promettre le réta-
blissement de sa santé' s'il voulait sans retard se rendre à son
église, y restituer l'objet volé, afin de satisfaire là où il avait
commis la faute, avoir le courage d'avouer son crime d'abord
aux pasteurs de l'Eglise, puis en présence de tout le peuple, enfin
son pardon auprès de l'Évêque de Quimper; car de la
implorer
sorte, il réparerait pieusement à la face de l'Église le vol et le
sacrilège dont il s'était rendu coupable .
Fortifié par celte vision et cette exhol'tation du Saint, le vo-
leur se met résolument en route bien décidé à accomplir Lout
ce queJe Saint lui avait commandé. Par maJheur, au moment
où il achevait son second jour de voyage, le voilà devenu sem­
à l'homme qui regarde en arrière après avoir mis la
blable
main à la charrue; il songe à revenir sur ses pas ; il se repent
de s'être donné tant de mal et d'avoir fait des dépenses qu'il
croit maintenant inutiles. C'était le premier Apostat qui le
poussait a Imiter son exemple. Car le Diable notre ennemi
ressent une douleur extrême lorsqu'il voit un pécheur cher-
cher à briser ses chaînes par une conversion sincère; il fait

et quando potest quemlibet ab incœpto salubri retrahit et
retardat. Cùm itaque prrenominatus latro à bonD incepto decli_
nare et retro abire proponeret, sequentis noctis gallicinio in
lecto jacenLi eL soporato, Beatus secundo per visum apparuit
commissum improperat, et quod
Chorentirius, illi latrocinium
ab inceptâ viâ. desistere et suum rnandatum postponere veUt
accusat, atque peregrino suo glomum furatum necessario resti­
in properium (k) virtutis
tuere cogatur, affirmat: quin etiam
sàncti Confessoris, ille jacens à stratu suo terribiliter projicitur
ad parietem infractus et illectus, ut prre dolore, andientibus
Domini.
omnibus, exclamaret auxilium
Ad cujus ejulationem tota domus fuit excitata.

Manè Haque facto, ad ecclesiam S. C horentini progrediLur,
duplicem visionem narrat, et qualiter sinisLrâ sugges­
clericis
tione versut.us hostis apostatare eum (l) voluerit, declarat,
inLegrè restituit et injunctam sibi à clericis pœniten­
furtum
aclirnplere promittit. Quo facto, dùm
tiam et satisfactionem
vigiliis et orationibus ante aIl are sanctissimi Confessoris
Chorentini clevotus assistit, et assicluus insistit, à paralysi
pristinre sanitatis statum res.tauratur, et sic sanus
• curatur, et in
ad propria, sancti Chorenlini ubique prredicit merita,
reversus
et glorificat Deum, qui est benedictus in secuIa (45). Amen.
Explicit vita S. Chorenlini.

(k) Mieux: in p1'obationem, c'est-à-dire, en preuve de sa vertu.
(ll Le mot eum manque, mais il est indispensable pour le sens.
(45) Ici s'arrête l'apographum du Musée Bollandien, et ici se terminait
aussi le travail du premier biographe de S. Corentin. Le Sanctorale de
1500 offre la variante suivante pour cette conclusion: Re~tauTetur (cleptis)
et cum omni gaudio grates 1'e{erens S. COl'entino Deum Pat rem O1nnipo­
benedixit, cui est honor et gloria in sf:;cula seculorum. Amen •
tentem

t ce qu'il peut pour l'empêcher de réaliser une résolution si
était presque décidé à ~etourner sur ses pas, lorsque ~ans la
it qui suivit, au premIer chant du coq et pendant qu'Il dor-
'il va le forcer bon gré malgré à restituer au pèlerin la soie
vertu du saint Confesseur, le malheureux fut arraché violem­
ment de sa couche et lancé contre la muraille, sans que cepen­
dant il en éprouvât aucune lésion. Seulement on l'entendit
pousser alors des ·cris de douleur et implqrer l'assistance de
Dieu. Or, les cris furent si perçants que tous les gens de la
maison en furent réveillés en sursaut. Cette fois le moyen
av.ait été efficace. Aussi le matin venu, le voleur n'eut rien de
plus pressé que de courir à la basilique de S. Corentin pour
raconter aux prêtres la double vision dont il venait d'être favo­ -
risé, leur déclarer comment, après avoir été sur le point de céder
aux suggestions de l'ancien Serpent et de renoncer à se conver-
tir, il a repris courage et ne veut plus différer sa conversion .
En conséquence, il restitue présentement ce qu'il avait dé-
robé et promet d'accomplir fidèlement toutes les pénitences
elles satisfactions qu'on jugera à propos de lui imposer. Cela
fail, au moment où il assistait à l'office de nuit devant l'autel
du saint Confesseur et qu'il ne se lassait pas d'y multiplier ses
prières. avec une ferveur extraordinaire, il s'aperçut tout-à-coup
qu'il ne souffrait plus de sa paralysie, et qu'il avait recouvré
tout son ancien état de santé.
ensuite dans son pays, sain de corps comme d'es­
Revenu
prit, il se plaisait à exalter partout où il portait ses pas l'excei-
lence des mérites de S. Corentin, pour la plus grande gloire du
Dieu tout-puissant, qui est béni dans les siècles des siècles.Amen .
C o i finit la vie de S, Corentin (par un clerc de Quimper, qui vivait au
IX' siècle) .

APPENDICES AD VITAM S. CHORENTINI
N° 1. TRANSLATIO S. CHORENTINI APUD MAJUS MONASTERIUM (46).
Decursu temporis refl'igescente caritate multorum, abundavit
et emersit in terris maximè guerrarum persecutio.
iniquitas
Normanni enim, de suâ feritale confidentes, vastabant terras et
occupabant naciones. Britones contra sœvitiam hostilem sibi
providere volentes, nobilissimum regem Francorum, cujus
ditioni subjecti erant, consuluerunt et auxilium postularunt, et
quos habebant, scilicet reliquias et
incomparabiles thesauros,
corpora Sanctorum, ne prredarentur à Barbaris, in Franciam,
consultâ deliberatione, portaverunt, considerantes
quandô pax Britannire redderetur, illa possent rehabere, et
(46) Ce serait ici le lieu de placer les documents relatifs aux autres
miracles posthumes de S. Corentin, ainsi qu'aux diverses translations de
ses restes mortels. Mais ces documents nous font en grande partie dé-
faut, comme il a déjà été dit plus haut. Nous n'avons retrouvé que quel­
ques fragments, comme le récit de la translation à Marmoutiers avec
en Cornouaille. Vient en
celui de quelques miracles arrivés à Tours et
la translation à Marmoutiers qui doit
premier lieu le document relatif à
être l'œuvre d'un clerc de l'Eglise de Quimper. On le conclut de la tris-
tesse extrême qu'il ressent de la perte du corps de S. Corentin, et mieux
S. Corentin, malgré l'éloi­
encore de l'insistance qu'il met à affirmer que
gnement de ses reliques, continue à entourer Quimper et la Cornouaille
d'une affection toute particulière. .
Ce document, bien qu'ancien, comme en font foi les formes archaïques
dû cependant étf'C rédigé que longtemp's après les
de l'orthographe, n'a
Lehon et de'
événements, puisqu'il ne dit pas un mot des translations de
Paris, dont l'authenticité est incontestable. Telle quelle cette relation fai­
sait autorité, car la liturgie lui empruntait beaucoup de traits, et on
Passionnaires. La copie ici reproduite, et que nous
l'insérait dans les
, devons à la bienveillance et à l'amitié de M. Maître, archiviste de la
Passionnaire de
Loire-Inférieure, provient originairement d'un ancien
Voici sa cote actuelle à la Préfecture de Nantes : E 73, 2.
Quimper.
(47) Le mot paraît vouloir dire: mettant p01l1' condition .

t.' . TRANSLATION D'UNE PARTIE DU CORPS DE SAINT CORENTIN
A l\fARMOUTIERS.
Plusieurs siècles après la mort de saint.Corentin, la charité
s'étant refroidie en beaucoup de cœurs, l'iniquité, à l'opposite,
se multipliait chaque jour. C'est ce qui aUira sur le pays le
plus terrible des fléaux, ]a guerre et l'invasion de nouveaux
Barbares.
Les Normands, en effet, pleins de confiance dans leur cou­

rage et dans leurs forces, envahirent la France au u siècle et
le ra "age de tout côté.
y portèrent
D~ns un tel état de choses, les Bretons, voulant se mettre
en garde contre les préjudices qu'ils avaient à craindre de la
part de si cruels ennemis, vinrent consulter le noble roi des
Francs, dont" ils étaient les vassaux; ils implorèrent son appui
et résolurent, d'un commun accord après mûre délibération,
de transporter en France ce qu'ils avaient de plus grand prix,
voulons dire les reliques et les corps de leurs Saints.
nous
Leur but en cela était d'empêcher que ces trésors ne devins­
sent la proie des Barbares. Ils se disaient d'ailleurs: Quand
]a paix sera rendue à la Bretagne, il .nous sera pleinement
loisible de reprendre ]e dépôt que nous avons confié à ]a
fidélité des Francs, et de . regagner ainsi nos pénates. Mais
il en arriva tout autrement ; les Francs manquèrent ici à
leur parole et se montrèrent fort avides du bien d'autrui en

d'autres termes, une fois qu'ils eurent reçu en dépôt les pré­
cieux corps des Saints Brelons" ils ne voulurent plus les rendre.
Prières et offres d'argent, tout fut inutile pour cela.
Or, parmi ces corps sacrés les plus précieux se trouvait celui
de saint Corentin. Porté pour une partie à Tours, il y fut mis

depositum honorabile fidei Francorum commissum sibi liceret
ad propria reportare. Quod eis si quid . longè aliter contigit
qua·m prreparent (4,8). Fallaces enim et cupidi Francigen~
cara Sanctorum pignora, qum semel receperunt, nunquà:m.
posteà vel precibus vel prretio reddere voluerunt. Undè cù:m.
inter cœtera sacrum corpus Chorentini Turonis delatum fuisset
et apud monasterium Sancti-Martini depositum, adhuc hodiè
ibi retinetur et, sicut convenit, honorabiliter reservatur. Gau-
dent monachi et jactant se tanto munere cœlitùs esse ditatos,
scilicet corporis sancti Confessoris, cujus beneficium srepiùs in
multis sunt experti.
Dolent Britones se tali et 1anto fraudatos essè deposito, sed
quantùm tristantur .de absentiâ corporis tantùm de prresentiâ
spiritûs gratulantur. Spiritus enim sancti Chorentini Britannire
et cathedrali sedi Cornubire presens adesse creditur, ubi assi­
duè miracula et virtutes operatur, et illi magis videntur ejus
habere prresentiam, qui .majora illius beneficia percipiunt, et
sibi (m) majorem exhibent reverentiam, et ab eis plus amari, et
eos plus amare creditur, quibus majorem opem et operam
eo (n) quod, iuxta Beatum Gregorium, pro­
largiùs impertitur
batio dilectionis exhibitio est operis (4,9) .
N° 2. RELATIO DUORUM S. CHORENTINI l\lIRACULORUM
EX SANCTORALJ CORISOPITENSI l\IUTUATA (nO) • .
1° Vinum Monachorum Turonenslum miraculosè servatum .
. Quidam viri bellicosi olim de suis viribus prresumentes,
nec Deum verentes nec hominem, ad Turonicam civi1a1em et
(m) Sibi est ici pour ei.
(n) La préposition eù manque dans le manuscrit.
(48) Le sens demanderait plutôt sperarent.
(49) GREG. MAGNUS, H01nil . 50 in Evangelio, n. 1.
(50) Le Sanctorale Corisopitense du ~Iusée BoUandien ne renferme pas
seulement un extrait considérable (pour la fête du 12 décembre et pour

dans Je monastère de Saint-Martin et il s'y conserve
comme il convient, des plus gran­
aujourd'hui, entouré,
marques d'honneur et de respect.
moines de Tours sont heureux et fiers d'avoir été mis
le Ciel en possession d'un si grand trésor, car le corps de
Corentin a été pour eux, en maintes occasions, protec­
dans ]e danger, salut dans les malheurs publics. C'est au
re pour les Bretons un grand deuil de se voir privés
joyau cl'un si grand prix; mais plus ils s'affligent de
1 absence corporelle de leur saint, plus ils se félicitent de voir
qu'il est toujours présent au milieu d'eux spirituellement. Car,
de fait, l'âme de saint Corentin se trouve manifestemen t en
Bretagne et surtout dans la cathédrale de Quimper, comme en
font foi les miracles et les prodiges qu'il se plait-à y opérer. En
outre, parmi ceux qui sont chéris de saint Corentin, ceux-là
paraissent l'être davantage qui reçoivent de lui de plus grands
bienfaits et l'entourent de plus grandes marques d'honneur,
qui l'aiment davantage en sont plus aimés, et s0nt de sa part
l'objet d'une protection plus efficace, puisque, selon saint Gré­
goire, la vraie preuve de l'affection et de l'amour se trouve
. dans le témoignage des œuvres extérieürrs. •

DEUX. ~IIRACLES POSTHUMES 'DE SAINT CORENTIN .

1° Un tonneau de vin, qu'on avait défoncé par malice,
n'en garde pas moins tout son vin.
A l'époque où les guerres féodales étaient en pleine vigueur
parfois plus d'un acte de brigandage,
et semblaient autoriser
des hommes gui, faisant de la guerre leur métier, ne crai­
gnaient ni Dieu ni leur prochain, se rendirent à Tours et firent
irruption dans le monastère de Marmoutiei's, avec l'intention
d'obliger les moines, bon gré mal g-ré, à leur livrer Jeul' vin. En
ils se jettent sur un grand tonneau, qu'on appe­
conséquence,
la tonne de Sai1l1-111artin. Elle renfermait tout le vin .qu'on
lait

2° Miraculum Alani, cognomento Caignart .
Nec etiam illud omittendum est miraculum quod in Alano,
son octave) de la Vie latine de S. Corentin) il nous offre aussi au pre­
mier mai (translation de S. Corentin) un abrégé du récit de la transla­
à Marmoutiers (voir le texte plus haut), avec la relation de deux
tion
, miraclefl. C'est cette dernière relation, qui est assurément très ancienne,
ici sous les yeux du lecteur.
que nous allons mettre
(0) Ce mot fait défaut sur la copie, mais il semble nécess'lire pour le
sens.
(51) Ce miracle eut tant de retentissement qu'il était rappelé deux fois
dans l'ancien office du Saint. .

aux moines pendant une époque déterminée de l'année:
les brigands, foulant aux pieds toute crainte de Dieu, ont
percé cette pièce et s'occupent à recueillir dans des
le vin qui en découle, afin de l'emporter ensuite. Qu'on
de la douleur des moines! Pour conjurer ce malheur, ils
cent par apporter tous les corps des Saints, dont ils
t la garde. Mais rien n'y faisait. Tout-à-coup, ils se
t, sous l'inspiration de la grâce d'En'-Haut; « Où est
, notre évêque breton Corentin? On l'a oublié, qu'on apporte
• son corps, qu'on lui confie le soin de défendre notre vin
« contre la rapacité de nos ennemis. » Aussitôt quelques-uns
courent au reliquaire de saint Corentin; ils implorent son as­
sistance ; ils placent . ses reliques sur le tonneau et le chargent
de garder leur vin. 0 merveille! à dater de-ce moment le ton­
neau demeure aussi hermétiquement fermé que si on y avait
mis un fermoir de métal; il ne s'en échappe plus une seule
goutte de vin.
n y a plus encore, la vue d'un si grand miracle suffit pour
amollir la dureté du cœur des voleurs et les amener à prendre
la fuite sans oser faire d'autre mal aux moines. Pour ceux-ci,
ils sont remplis d'une sainte joie et entourent dés()rmais saint
Corentin de marques de vénération bien plus nombreuses
qu'ils ne le faisaient par le passé.
2° Alain Cagnart, comt'il de Cornouaille, guéri d'un mal d'yeux.
Nous ne pouvons non plus laisser en oubli le miracle insigne
AlaIn, comte de Cornouaille, devint l'objet au commence­
dont
ment du XIe siècle (v. 1030).
Ce comte souffrait, en effet, horriblement d'un mal d'yeux
que les médecins avaient décl~ré incurable. La comtesse
Judith, femme d'une grande sagesse et qui compatissait vive­
au malheur de son mari, lui conseilla de laisser de côté
ment
les remèdes humains pour se rendre à l'église cathédrale de
Quimper, se meUre sous la protection de saint Corentin, lui

Comite nobili Cornugallire, meritis sancti Chorentini à Domin
Cùm enim prrefatus Cornes oculorum maximam regrituc1inern
sustinuisset, ita ut medicis incurabilis viderelur, Judetha, uXor
i psius Comitis, mulier prudentissima, de viri sui angusliâ et
infirmitate tristis et sollicita, Deo inspirante, consuluit ut aliis
curis postpositis ad ecclesiam sancti Chorentini confugeret et
certarum terraruin suarum possessiones eidem offerret, ut à
. summo Medico mereretur sanitatem. Creditque ipse A1anus
Comes uxofis sana consilio, et simul ad prredictam ecclesiam
sancti Chorentini venerunt, et super altare donationem . ipsa-
rum possessionum devotissimè otferunt, et tam ecclesire quàm
canonicis concedunt impetratam. Hoc facto, ipse Cornes à Deo
consequilur suorum oculorum sanitatem; nam, sequenti die,
Cornes sanus et incolumis coràm omnibus publicè appa­
ipse
ruit (03).

(52) Le précédent miracle ne portait pas avec lui sa date. Celui-ci ne
nous laisse pas dans la même ignorance à cet égard. Il s'agit ici en effet
d'Alain Cagnart, comte de Cornouaille, dont le gouvernement s'étend de
1020 à 1058. C'est dans le même laps de temps qu'a dl1 arriver le fait en
plutôt il est antérieur à l'année 1030, comme il conste de la
question, ou
(Pre1tt'. de Bret., t. J, c. 377).
teneur d'un document original
(53) Nous avons un témoignage authentique de la vérité de ce miracle;
il nous est fourni par Alain Cagnart en personne (P1'eu'/). de Brf.t., t. l,
c. 377). Il Y a lieu de croire que l'ancien Passionnaire de Quimper, qui
S. Corentin à l\1armoutiers
nous a fourni la relation de la translation de
et celle des deux miracles susdits, en renfermait beaucoup d'autres au­
jourd'hui perdus sans retour, témoin ce qui est dit dans le Sanciorale
COl'isopitense, à la suite des lignes que nous venons de reproduire :
«Nihil ultra (addUu1') quia in tempol'e lJaschali (esta non ampliùs
« quant tres lectiones habent, » on n'ajoute ly récit d'aucun autre mira­
cle, parce que dans le temps paschal les fêtes des saints n'ont que trois
leçons.

des terres et des possessions, et mériter de la sorte que le
céleste lui rendit le plein usage de ses yeux. Le comte '
1 in n'hésita pas à suivre un conseil aU5si sage. Lui et sa
lin; ils font de tout cœur leur offrande et déposent SUl'
l'acte même de donation des possessions qu'ils veûlent
â l'Église et aux chanoines. Or, le lendemain, le comte
se montre au public. Il était guéri, il ne souffrait plus
des yeuX. Mais c'était évidemment à sa générosité et à sa piélé
envers saint Corentin qu'il devait sa guérison pleine et entière .

N° 3. ULTIMA DOCUMENTA DE ASSERVATIONE RELIQUIARUl\1
S. CHORENTINI APUD MAJORETANOS (54).
Anno 16i6, inter litium strepitus et magnam rei
nos recreavit translatio venerandi co l'pori,
perturbalionem,
B. Chorentini, episcopi olim Cornubiensis seu CorisopiLensis in
Britanniâ Armoricâ, cujus sacrre exuvire ab antiquo (51)) in hoc
Majori Monasterio requiescunt, et ad nostra usquè tempora
in capsâ ligneâ, inter eas qure altari matutinali supereminent,
repositre, asservatre fuerant.
Anno quidem 1623, die mercurii 10 Maii, hrec capsa aperta
fuit, instante Rmo Patre Guillelmo Le Prestre, episcopo Coriso~
pitensi, et postulationem jam ante annos qualuor factam
iterante, cui de communi Capituli senlentiâ concessum est ut
selecti ad hoc opus commissarii : frater Ludovicus Blanchard,
S. Martini de Laval, et frater Franciscus Durand, sub·
prior
sacrista, eductum è capsâ os, quod brachii yel femoris videbatur
(ita enim babet processus verbalis), (56) illi traderent, et
instrumentum authenticum desuper confectum est, cui sub­
dictus episcopus Corisopitensis Guillelmus, epis-
scripserunt
copus Maclôviensis (57), R. Guesdier, prrepositus de Blalay,
De l'Espine, canonieus Redonensis, prior Insulre Tristanni (58)
ac vicarius generalis archiepiscopi Turonensis in Britanniâ,
Guillelmus Jour, canonicus Macloviensis, et Julianus Le Texier,
canonicus. Corisopitensis; ex parte vero monachorum: fratres
(54) Nous avons cru à propos de compléter ce petit recueil de docu­
ments originaux sur S. Corentin, en y adjoignant celui- ci qui nous est
fourni par le LibeJ' rerU1n 1nemombilium l11ajoris 1I1onasterii.
(55) Le terme est vague et prouve qu'on n'avait aucune donnée posi­
tive sur la date de cette translation.
(56) Ces paroles sont dignes de remarque, car elles prouvent manifes­
tement que le corps de Tours était loin d'être entier.
(57) Guillau.me Le Gouverneur qui gouverna l'église de Saint-Malo de
(58) L'Ile Tristan, en face de Douarnenez, a joui autrefois d'une impor­
tance qu'elle n'a plus actuellement .

• TOUTE EN ARGENT DE S. CORENTIN (ANN. i6~6) (1).
L'année 16~6 nous apporta, au milieu des bruits de procès
embarras domestiques, une bien douce consolation,
de la translation du corps de saint Corentin, évêque de •
dans une nouvelle châsse. Les restes mortels de ce

évêque avaient été apportés, dans ce monastère de
tiers, à une date qui se perd dans la nuit des temps, et
depuis lors jusqu'au XVIIe siècle, elles avaient reposé au milieu
de plusieurs autres dans une simple châsse en bois, qui avait
été placée avec quleques autres sur l'autel dit de Matines.
En 1623, le mercredi 1.0 Mai, après une seconde instance (la
première remontait à 1.619) de l'évêque de Quimper, on ouvrit
la châsse de bois qui renfermait, à Marmoutiers, les reliques de
saint Corentin, et en présence des commissaires nommés en
chapitre, savo~r frère Louis Blanchard, prieur de Saint-~fartin
de La val, et frère François Durand, second sacriste, on en
retira un ossement du bras ou du fémur (sic), dont on fit
présent à l'évêque avec le .~ertificat authentique, qui fut signé
le dit évêque de Quimper, .Guillaume Le
successivement par
Prestre, par Mgr Guillaume Le Gouverneur, évêque de Saint-
10, par R. Guesdier, prévôt de Blaslay, par M. de l'Espine,
de Rennes, prieur de 1'1Ie Tristan et vicaire général
chanoine
de l'archevêque de Tours, par Guillaume Jour,
en Bretagne
chanoine 'de Saint-Malo, et par Julien Le Texier, chanoine de
Quimper.
Le même acte frit signé, au nom des moines, par les Frères
Jacques d'Huis,eau, grand-prieur, Blanchard et Durand, déjà
nommés, et frère Jacques de Laynes, secl~étaire du chapitre.
Le même jour, on fit don :i l'illustrissime évêque de Saint­
lfalo, déjà nommé, de l'ossement connu sous le nom de rotule
du genou.
A l'occasion du fait sur lequel nous venons d'appeler l'atten-

Jacobus d'Huysseau, . major - prior, Blanchard, Durand
Jacobus de Leynes, secretarius (ts9). Eodem die datum
S. Corentini os, quod ROTULA GENU appellatur, il
ejusdem
trissimo DD. Guillelmo, episcopo Mac1oviensi.
Anno 1646, prœstituta est dies vigesima Maii, quâ
. Penlecostes agehalur, sacri pignoris B. Chorentini eductio à
veteri capsâ ligneâ in novam argenteam eximii operis, sump ..
tibus ac munificentiâ venerab. Fr. Bertrandi Viette, prioris
Septem-Dormientium, elaboratam .
.Est vero capsa argentea pondo i 7 circiter marcharum,
medium Episcopi corpus reprresentans, capite mitrâ insertis
Stylobatus crustis argenteis et cris­
lapillisconspicuâ ornato.
tallis insignis pel' quos sacra ossa ocu1is intuentium patent.
mona-
Itaque horâ tertiâ pomeridianâ, astantibus omnibus
chis et innumerâ multitudine, quœ ad solemnitatem confluxe-
rat, reserata est capsa lignea, in quâ inventum est caput et ossa
plurirna S. Chorentini serico panno involuta, quœ in thecam
argenteam, priùs solemni benedictione expiatam, translêlta sunt,
imagini~ caput, reliqua vero ossa tam intl'à
caput quidem intrà
illius imaginis quàm stylobatœ capacitatem.
Posterâ vero die, Reverendi PP. Prior et monachi S. Juliani
pro suâ erga sanctos religione, et mutui quod illos
Turonensis,
inter et nos intercedit fœderis observantiâ, ad ecclesiam nos­
tram supplicationem adornarunl, quos ad valvas basilicœ summo
cum gaudio el veneratione suscepimus: mox in chorumconve-
à sinistrâ, nos vero à dextrâ (quam honoris
nientes illi quidem
causâ oblatam prœ modestiâ acceptare recusarunt) mente una-
ni mi missarum solemnia peragimus, laudesque .0mnipBtenti
Deo ac sancto Patri Chorentino persolvimus. .
Quœ omnia, in publicum instrumentum ab omnibus mona­
chis cùm antiquis tùm reforma lis subsignatum, ' relata sunt.
Occasione vero hujus novœ thecœ, construclum est arrnarium
(59) Copie d~ cet acte se trouve dans les Archives épiscopales de

Quimper.

il fut reconnu qu'il était urgent de remplacer la châsse.
f t le vénérable frère Bertrand Viette, prieur des Sept-
une munificence digne de son grand cœur. Cette seconde
était de 17 marcks ; elle représentait le buste d'un évê­
parlant en tête une mitre ornée de pierres précieuses.
socle se faisait remarquer par ses ferrures cl 'argent et par
ses beaux verres qui permettaient de voir du dehors les osse­
ments sacrés.
L'inauguration solennelle avait été fixée au 20 ai, fête de

la Pentecôte. En ce jour donc, en présence de tous les moines et
d'une grande foule qui était accourue pour la solennité, on ou­
vrit la châsse de bois, et on y trouva la tête de saint Corentin et
un grand nombre d'ossements, le tout enveloppé dans un drap
de soie. On -plaça ces restes sacrés dans la nouvelle châsse qu'on
venait de bénir solennellement. La tête fut placée à l'intérieur
même de la tête que figurait le reUquaire, ·et les autres osse:-
ments dans toute la longueur de la châsse et du socle. "
Le lendemain, les RR. PP. prieur et religieux de Saint­
Julien de Tours se présentèrent à notre église avec le cérémo­
nial du jour des Rogations, tant pour témoigner de leur dévo­
tion envers les Saints, qu'en raison des liens d'amitié frater­
nelle qui unissent leur maison et la nôtre. Nous les reçûmes à
la porte de notre basilique avec autant de joie que- de respect;
puis nous rentrâmes ensemble au chœur, où ils voulurent, par
modestie, occuper]a gauche, quoique nous leur eussions offer!.,
par honneur, le côté droit. Nons chantâmes ensuite d'un seul
cœur ]a solennité de la messe, et nous payâmes en commun
notre tribut de louanges au Dieu tout-puissant et à notre Père
saint Corentin. Acte fut ensuite dressé de tout cela, et il fut
signé par tous les moines des deux monastères anciens et ré­
formés.
A l'occasion de la nouvelle châsse de saint Corentin, on
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XII (Mémoires). 11

retro allare à parte septentrionaIi, in quo di vi Martini radius et
S. Chorentini corpus reposila sun t (60).

N.0 4. EXCERPTA EX ANTIQUO OFFICIO S. CHOREN'fJNI (61).
. 1° Antiphona ad Magnificat pro primis Vesperis.
Nobilis progenie, sed nobilior fide, nobilissimus sanctitate
fuit Pastor noster Chorentinus, cujus meritis nos exaudire
digneris Sancta Trinitas, unus Deus. .

2° Antiphona ad Benedictus.
o gloriose Chorenline~ salus et honor Cornubiensis Ecclesice,
qui cœlestia eligens mundi gloriam declinasti, precibus nos
socia Christo, cui te sociasti sanctitatis merito, et nobis confessis
morlis horâ promptus sine morâ Dei gratiam implora .

3° Antiphona ad .Magnificat pro secundis Vesperis .
Prcesul et sacerdos Christi, qui merito tuce bonitatis et gratiâ
. Dei hodiè cœIos intrasti, precantes audi famuIos, et quam gu-

(60) Les deux documents de 1623 et 1646 ne sont pas inédits. Ils ont
par la Société Archéologique de Touraine, comme
été publiés récemment
à l'Hist. de Marmoutiel's, par D. MARTÈNE Ct. II, p. 590).
appendice
(61) L'Eglise de Quimper avait composé de très bonne heure, en l'hon-
neur de sop saint patron, un très bel office, plein d'une douce poésie,
aussi pieux qu'édifiant. Il est bien fâcheux qu'on lui ait préféré, en 1851,
un office de fabrique moderne. Pour que le souvenir de cet office, qui
faisait le plus grand honneur à la Cornouaille, même au point de vue
littéraire, ne se perde pas entièrement, nous en insérerons ici quelques
extraits.

t Corentin.
t. QUELQUES EXTRAITS DE L'ANCIEN OFFICE DE S. CORENTIN.

1" Antienne de Magnificat (Premières Vêpres).

Corentin, notre Pasteur, était de noble lignage, mais la foi
le rendit bien plus noble, et la sainteté a élevé sa noblesse
au comble. Daigne la Sainte-Trinité, Dieu unique, exaucer
touS nos vœux en considération des mérites d'un si graI;td
Protecteur. . .
2° Antienne de Benedictus.

o glorieux Corentin, le salut et l'honneur de l'Église de Cor­
nouaille, vous qui, choisissant les biens célestes pour votre lot,
avez fui la gloire du monde, réunissez-nous par vos prières à
Jésus-Christ avec lequel vous avez contracté une union éter­
nelle par le mérite de votre sainteté, et quand, après avoir con­
fessé nos péchés une dernière fois, nous serons sur le point de
mourir, appelez sans retard sur nous l'efficacité de la grâce de
Dieu.
3° Antienne de Magnificat (Secondes Vêpres),
Évêque, et prêtre de Jésus-Christ, vous qui, par le mérite de
vos bonnes œuvres uni à la grâce de Dieu, êtes entré aujour­
d'hui au Ciel, écoutez la prière de vos serviteurs; continuez à
régir, à aImer, à secourir, à défendre cette Église que vous
avez gouvernée avec tant de zèle et de piété pendant votre vie
mortel/e,et vous, Dieu tout-puissant, miséricordieux et dément,
en considération de la prière de S. CorenLin, ayez pitié des
pécheurs .

bernasti vivus Ecclesiam, guberna, ama, juva et defende, el tu
Deus omnipotens, misericors et clemens, Corentini piâ prece
peccatorum mIserere. .
4" Antiphon:l in Vesperis.
Laudemus Dominum qui S. Corentinum magnificavit inun_
danti pluvi~. Laudent suum prresulem Brilanni pel' quos et
portari voluit et desiderium Turonorum adimpleri.
5° Item alia .

Festum sancti Prresulis et Patris Cornubire
Colant omnes incolre Britanni~,
Quem honorant peregrini Galliffi,
Quem Rex cœli coronat hodiè .

4° Antienne à Vèpres.
IJouons le Seigneur qui a glorifié S. Corentin en accordant à
~ prière l'abondance de la plnie. Que les Bretons loue~t à
l'envi leur Évêque, qu'ils le Jouent de ce qu'ils s'est servi d'eux
pour arracher ses membres sacrés à la fureur des Normands et
combler les vœux des Tourangeaux.
5° Autre Antienne.
Que tous les habitants de la Bretagne célèbrent à l'envi la
fête de l'Évêque et du Père de ]a Cornouaille, la fête de S. Co­
rentin. Que les pèlerins de ]a France viennent honorer celui
que le Roi du ciel a couronné aujourd'hui de la couronne de
gloire.

APPENDICE A LA PAGE '161 .

N° D. RÉCIT SUCCINCT DE DEUX MIRACLES EMPRUNTÉS
AU CARTULAIRE DE QUIMPER •
Vers le même temps, Benoist, neveu du comte Alain, ful
arraché à la mort par l'intervention de saint Corentin.
Fils d'Orscand, évêque de Quimper, ce Benoit était encore
tout jeune lorsqu'il tomba très-gravement m.alade. Son père et
sa mère, fort attristés d'un tel accident, s'empressèrent de se
rendre à l'église de saint Corentin, et offrirent au Saint, pour
sa guérison, le village de Penbren en Trégunc. Or, à l'instant
même, l'enfant recouvra une parfaite santé.

A quelque temp's de là, Hoël, fils du même Alain Cagnart,qui
,était devenu successivement (1058), par droit d'hérédité, comte
de Nantes et deCornouaille, enfin duc de Bretagne (073), entre­
prit pieusement le pèlerinage des Saints-Lieux de Rome. Mais à
son retour, il se trouva en face d'une conjuration des principaux
seigneurs du pays; qui avaient tramé sa perte. .
Roël résolut de leur tenir tête les armes à la main, et com­
mença, à cet effet, par implorer l'assistance du Patron de
Quimper, en lui promettant d'augmenter ses possessions, s'il
lui accordait la victoire sur ses ennemis. Or, il e~ arriva de )a
sorte, et en conséquence de sa promesse, Hoël donna à perpé-
. tuité à saint Corentin la terre de Pen très en saint Nic, dans
l'ancien pays de Porzay.

TABLE DES MATIE RES

ART. ter. . PROLÉGOMÈNES DE LA VIE DE S. CORENTIN.
Pages
DÉBUT. - S. Corentin. Sa popularité. . • . . • • . . . • . . . .
Sa vie latine est le plus ancien monument littéraire de
la Cornouaille . . . . . . . . . . . . . . . . • . . 6 L
Quimper n'a eu qu'un évêque du nom de Corentin.. 6i
§ 1. Preuve de l'authenticité et de l'autorité de cette
probable de sa composition. . • . . 65
vie. Date
Deux petites erreurs chronologiques qu'eUe ren-
, ferme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 69
§ 2. Chronologie de S. Corentin. . . . . . . . . . .. 70
§ 3. Translation du corps de S. Corentin à Léhon. • . 72
à Montreuil. 73
à Paris et à
Marmoutiers . . . . . . . . . . . . . 75

Culte de S. Corentin . . . . . . • . • . . . . . .

Son patronage. . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
phie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Iconogra
Conclusion des prolégomènes, remercièments, etc.. . .

ART. 2. - VIE DE S. CORENTIN (TEXTE LATIN, ET '}'RADUCTION).

Prologue ..

§ 1. Naissance et premières années. . . . • . . . . . . . . .. 123
§ 2. S. Corentin ermite. Histoire de son poisson . . . . . . .. 123
§ 3. Visite du roi Grallon . . . . . . . " . . . • . . . . . .. 125
§ 4. Le poisson miraculeux disparaît. . . . . . . . . • • . .. 127
§ 5. Corentin et Primel. . . . . . . . . • . . . . . . . . . .. 127
§ 6. Visite des SS. Paterne et Melaine à S. Corentin . . . . .. 129
~ 7. Corentin est élevé à l'épiscopat . . . ' . . . . . . . . . .. 131
§ 8. Corentin modèle des évêques . . • . . . . • . • . . • .• 133
§ 9. Suite du même sujet • • . . . . • . . . . . . . • . • .- . 135
§ 10. Tudy et Guingalois sont bénis comme abbés. . . . . . .. 139

Pages
§ Il. Ils aident le Saint dans les fonctions de sa charge pastorale
§ 12. Dernières années et mort de S. Corentin. • • . . . • • . .
§ 13. Sa renommée de sainteté. Miracles posthumes • • . • .
§ 14. Projet d'une basilique sur son tombeau (v. 830) ....•.

§ 15. Châtiment, pénitence et guérison de la femme avare ...•
§ 16. Le voleur puni . . . . . • . . . . • • • . • • • . . • • •
§ 17. Sa pénitence. Double vision dont il est favorisé. Sa guérison
COllclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . .. . . .
ApPENDICES A I.A VIE nE S. ConENTIN •
N° 1. Translation d'une partie du corps de S. Corentin à Mar-

moutIers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 155
N° 2. Deux miracles empruntés au Sanctoral de Quimper :
1° Un tonneau de vin qui avait été défoncé, conserve n~an-
moins tout son vin. . • • . • • • . . . • . . . . . .. 159
2° Alain Caignart, comte de Cornouaille, guéri d'un mal
d'yeux (v. 1030) ......•..•.. - . . • • . . .. 16l
N° 3. Document emprunté aux Archives de Marmoutiers :
1" Don d'une relique à Mgr Le Prestre, évêque de Quimper
2° Inauguration, le 20 mai 1646, à Marmoutiers, de la nou-
velle châsse de S. Corentin. • . • . . . • . . . . . .• 163
N° 4. Extraits de l'ancien office liturgique de S. Corentin • . .. 167
N° 5. Deux miracles empruntés au Cartulaire de Quimper:
1° Guérison du jeune Benoit, fils d'Orscand • . . . . . .. 170
2° Victoire du comte Hoël (v. 1076) sur ses ennemis. . .. 170