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Bulletin SAF 1886


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Groupe équestre de Guélen (commune de Briec)

M. Trévédy

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III .

LA STATUE ÉQUESTRE DE GUÉLEN
(COMMUNE DE BRIEC)

Notre confrère M. Gu~pin était, un jour de mai dernier,
à Guélen, village de la commune de Briec, SUI' la route de
Landrevarzec, à neuf kilomètres de Quimper. De loin, il
crut voir près d'un talus un rocher de forme bizarre; il
approcha, et reconnut les débris d'une . statue équestre ren-
versée. . . M. Guépin m'avertit de sa trouvaille; et nous
courûmes à Guélen .
Le bloc de granit signalé par M. Guépin se tl'ouve dans
un chemin de service, à la sortie du village VtWS l'ouest.
Il se compose de quatre parties distinctes: socle, support,
cheval et cavalier, taillées dans une seule pierre. En l'état
actuel, la pierre mesure 2 mètres environ de hauteur, du
au cou du cheval, et 1 m. 25 c. dans sa plus grande
socle
largeur, de la croupe au poitrail.
La partie postérieure du socle, sur laquelle posaient les
postérieurs du cheval, a disparu: la partie antérieure
pieds
a 12 centimètres de hauteur et 45 centimètres de largeur.
Le support se compose de deux parties : une sorte de
pilier haut de 82 centin1ètres soutenant le poitrail du
une figure que je vais décrire. Cette figure repré­
cheval, et
sente en avant un homme dont les cuisses reposent sur
" le soI., et dont le torse se relève à demi. Ce torse est brisé
au-dessous des côtes'. Par derrière se voit une caisse à peu

près cylindrique en dehors. L'évidement est de 43 centi-
mètres en hauteur et 35 centimètres en largeur. Les parois
intérieures rie sont pas cylindriques: la sculpture ' figure
un. objet enroulé sur lui-même comme un serpent. Cette

~entre du cheval.
Voilà ce que l'œil perçoit du premier coup; mais, en y
regardant de plus près, on reconnaît qne les deux cuisses
de l'ho'mme se continuent en deux serpents, dont l'enrou­
lement forme cette sorte de caisse que je viens de décrire.
se fait de l'intérieur à l'extérieur, la volute
L'enroulement
extérieure est brisée à son extrémité postérieure .; elle de-
vait se relever vers les .jambes.du cheval.
Le cheval est représenté cabré et presque assis sur la
queue. Le mouvement du cou sur la droite est très pro­
noncé. Le cheval n'a plus ni tète, ni jap1bes, ni queue. La
bride est figurée à la naissance du cou; elle forme une
ligne à peu près droite, c'est-à-dire qu'elle est presque
tendue. Derrière et contre le cavalier, une sorte de bour­
reLet ferait penser à une sf?lle à la hussarde; mais la selle
est, comme l'étrier, d'invention relativement moderne:
nous dil'ons plus tard ce qu'il faut voir dans ce bourrelet,
Il n'y a pas de selle, en réalité, mais peut-être un tapis
placé sous le cavalier. Toutefois, il n'y a aucune trace de
sangle, mais on croit voir une courroie passant sur le poi­
trail en manière de bricole. Le cheval ayant 1 m. 50 c. de
grosseur, n'a de longueur que 1 m. 25 c. de la croupe au
poitrail. Il est trop court. Peut-être le sculpteur a-t-il été
gêné par la dimension insuffisante du bloc de granit qu'il
taillai t? . '
Il ne reste du cavalier que les cuisses, les jambes col­
lées au cheval, et les pieds q'lli reposent sur les parties re­
courbées figurant le serpent. Aùcune tl'ace d'e c.uissard, de
bottes, ni d'éperon: cuisses, jam bes et pieds semblent nus.
Dans la position qu'occupe le cheval, le cavalier devait se
porter en avant. La jambe dl'oite est en art'ière de la jambe
gauche, et range le cheval à droite. Prés du cou du cheval
li gauche, on remarque un renflement qui semble être l'a­
vant-bras du cavalier tenant la bride .

Deux observations seulement: 1 le mouvement du che-

val, du cavalier, et par conséquent du monstre qui les porte

la droite; 2 rien n'indique la lutte du cavalier
est vers
contre le monstre étendu à ses pieds; au contraire, les ser-
pents semblent complaisamment porter les pieds du cavalier.
Pas de lutte non plus de celui-ci contre le cheval qu'il
monte : le cheval se cabre; mais c'est par élégance comme
dans beaucoup de statues modernes. _
Les habitants du village nous apprennent que le granit
de la statue est analogue à celui qu'eux-mêmes emploient"
aujourd'hui; et, une carrière située à un kIlomètre de Gué-
o len fournit des blocs énormes. -
sculpture, quelque mutilée qu'elle soit, nous parut
Cette
digne d'attention: elle' révèle une main habile; elle offre,
caractère mystérieux bien propre à éveiller la
d'ailleurs, un
curiosité. 'pour ma part, ' je n'avais rien vu de sembla.ble .
Depuis, j'ai vainement cherché dans Montfaucon quelque
J'ai soumis la photographie de la statQe à
dessin analogue.
toutes les Sociétés archéologiques de Bretagne; tout.es
ont répondu qu'aucun monument de ce genre n'avait été
signalé à leur attention. Dans le Maine, l'Anjou, la Norman­
die, le3 savants ou les curieux auxquels rai montré la pho­
tographie ont témoigné la même surprise.
être d'assurer la
Notre première préoccupation devait
conservation de ce dernier débris. Le moyen le plus simple
et le plus sûr était de lui donner asile au Musée départe­
mental. Le propriétaire de Guélen entra dans cette pensée.,
et la promesse d'une inscription consacrant son titre de
donateur sembla le satisfaire.
jours après, j'arrive à Guélen pour surveiller l'en­
Deux
lèvement de la statue. Ce bloc pèse environ 1,200 kilo-
grammes; il est relevé, non sans peine; il S'ébranle; en­
core quelques. efforts il reposera sur le camion. A ce mo-

ent, le propriétaire intervient; il m'apprend qu'il ne se
ntente plus de notre reconnaissance. Je ne me plains pas
ce changement de dispositions., puisqu'il m'a permis d'aç­
uél'ir la statue pour vous l'offrir. Le marché est vi te conclu.
désormais mienr~~e, est poussée sur le camion;
statue,
monte moi-même, moins fier,· mais plus assuré que
a son triomphe des Gaules: je ne cours pas, éomme
le risque de verser (1).
En route, j'entends dire: « Le cheval de Guélen qui s'en va
à. Quimper ... ! ») Cette exclamation me semble presque une
. e. Hélas 1 le cheval; était donc connu de tous, excepté
~e la Société archéologique 1 Cela nous apprend combien il
aous importerait d'avoir au moins un membre associé dans
cbaquecanton; et nous sommes loin de cette heur euse situa-
~ion ... 1 Ces réflexions mélancoliques m'accompagnent jus­
u'a Quimper.

jour même, la statue · est dressée dans la cour du
usée ,d'Archéologie. Le lendemain, 011 procède asa toilette,
a la brosse seulement, et qui dure la journée toute
aite
ntiére. Le brossage et le lavage ont permis d'apercevoir
:ertains détails. La photographie a donné une image très
lette.
Une double surprise m'attendait:
J'avais prié notre confrére M. Roussin, si habile des si­
.. ateur, de visiter la statue. Le lendemain, il se rendait au
{usée; et il me faisait sa\'oir que du premier coup d'œil il
reconnu dans notre statue le double d'une statue mu­
ait
ée qu'il possède au lieu de Kerlot (commune de Plome-

(1) SUÉTONE. Jules César. XXXVII. - . J'ai lu je ne sais ou: « César
·pntant sur son char de triomphe avait peur de verser. »
Pourquoi prêter cette petitesse il un si grand homme? SUÉ 'l'ONE dit
mplement: « Comme il passait sur le Velabrum, il fut presque ren-
'rsé de son char dont l'essieu se brisa. » .
LLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. Tome XII (Mémoires). ·

Deux observations seulement: 1 le mouvement du che

val, du cavalier, et par conséquent du monstre qui les port,

est vers la droite; 2 rien n'indique la lutte du cavalie

contre le monstre étendu à ses pieds; au contraire, les ser
pents semblent complaisamment porter les pieds du cavalier

Pas de lutte non plus de celui-ci contre le cheval qu'.
monte: le cheval se cabre; mais c'est par élégance com
dans beaucoup de statues modernes.
habitants du village nous apprennent que le gran
Les
de la statue est analogue à celui qu'eux-mêmes emploieI
aujourd'hui; et, une carrière située à un kIlomètre de Gu"
·len fournit des blocs énormes.
Cette sculpture, quelque mutilée qu'elle soit, nous par!
digne d'attention: elle· révèle une ma.in habile; elle offr
caractère mystérieux bien propr,e à éveiller
d'ailleurs, un
POUL' ma' part, ' je n'avais rien vu de semblabl
curiosité.
Depuis, j'ai vainement cherché dans Montfaucon quelql
J'ai soumis la photographie de la statue
dessin analogue.
toutes les Sociétés archéologiques de Bretagne; tout
ont répondu qu'aucun monument de ce genre n'avait é
signalé à leur attention. Dans le Maine, l'Anjou, la Norma
die, les savants ou les curieux auxquels rai montré la ph.
tographie ont témoigné la même surprise.
d'assurer
Notre première préoccupation devait être
conservation de ce dernier dèbris. Le moyen le plus simp
et le plus sûr était de lui donner asile au Musée départ
mental. Le propriétaire de Guélen entra dans cette pensé
et la promesse d'une inscription consacrant son titre 1
donateur sembla le satisfaire.
jours après, j'arrive à Guélen pour surveiller l'el
Deux
lèvement de la statue. Ce bloc pèse environ 1,200 kill
gram m es; il est relevé, hon sans peine; il s'ébranle; el
core quelques. efforts il reposera sur le camion. A ce ml

ment, le propriétaire intervient; il m'apprend qu'il ne se
contente plus de n9tre reconnaissance. Je ne me plains pas
de ce changement de dispositions., puisqu'il m'a permis d'aç­
quérir la statue pour vous l'offrir. Le marché est vite conclu.
La statue, désormais mienn.e, est poussée sur le camion;
j'y monte moi-même, moins fier,' mais plus assuré que
. César à son triomphe des Gaules: je ne cours pas, éomme
lui, le risque de verser (1).
En route, j'entends dire: « Le cheval de Guélen qui s'en va
à Quimper ... ! » Cette exclamation me semble presque une
i:tlbnie. Hélas 1 le cheva1: était donc connu de tous, excepté
de la Société archéologique 1 Cela nous apprend combien il
nous importerait d'avoir au moins un membre associé dans
chaque canton ; et nous sommes loin de cette heureuse situa-
1 Ces réflexions mélancoliques m'accompagnent jus­
tion ...
qu'à Quimper .
Le jour même, la statue est dressée dans la cour du
0I:! procède àsa toilette,
Musée d'Archéologie. Le lendemain,
la brosse seulement, et qui dure la journée toute
faite à
entière. Le brossage et le lavage ont permis d'apercevoir
certains détails. La photographie a donné une image très
nettè.
Une double surprise m'attendait:
J'avais prié notre confrère M. Roussin, si habile dessi­
nateur, de visiter la statue. Le lendemain, il se rendait au
Musée; et il me faisait savoir que du premier coup d'œil il
reconnu dans notre statue le double d'une statue mu-
'avait
tilée qu'il possède au lieu de Ker10t (commune de P10me-

(1) SUÉTONE. Jules César. XXXVII. - , J'ai lu je ne sais oÙ: « César
montant sur son char de triomphe avait peur de verser. »
Pourquoi prêter cette petitesse à un si grand homme? SUÉTONE dit
simplement: « Comme il passait sur le Velabrum, il fut presque ren­
de son char dont l'essieu se brisa. »
versé
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. Tome XII (Mémoires). ' 11

lin), où furent autrefois d'abord un manoir, puis une abbaye

royale
La confrontation des deux statues devait avoir un grand
intérêt, puisque certains détails qui manquent à l'une peu­
vent se retrouver sur l'autre. Mais nous "étions au commen­
cement de juillet: je partais pour une longue absence; je
la comparaison des deux groupes qu'à mon
n'ai pu faire
retour en novembre.

Mes espérances ont été dél\assées. Sauf meilleur avis, la
statue de Kerlot est, sinon une copie., du moins une i . -
est loin de valoir le
tion de celle de Guélen; mais la copie
dans la pierre du
modèle. Le groupe de Kerlot est taillé
(2). Le granit est plus gros ei moins dur que celui
voisinage
GUélen; il a moins résisté aux injures du temps, et la
. statue de Kerlot est plus fruste, bie:t que moins rputilée.
Il n'importe! Comme vous allez voir, elle nous permet de
parties dé la statue déposé(au"Musée.
compléter plusieurs
Examinons doncle groupe de Kerlot.
1° Le cavalier. Il ne lui manque que la tète et le bras
droit. Le bras gauche collé au corps est dans la situation
j'ai cru pouvoir attribuer au bras gauche du cava­
que
lier de Guélen. La main gauche tient la bride. L'épaule
droite a été récemment détachée. Les deux épaules sem-
blent à peu près a la même hauteur; et rien n'indique un
mouvement violent du bras droit. Les jambes du cavalier,
lourdement sculptées, sont nues; les pieds reposent sur les
serpents; sur le dos se voit une sorte de manteau;
courbes des
ce manteau recouvre en avant une partie des cuisses du ca-

(1) J'ai dit ailleurs la fondation de l'abbaye et sa translatlon à Quim­
per. ·Promenade dans Quimper. Bulletin XII, p. 237 et suiv.
(2) M. Louet. entrepreneur et très expert en cette matière, ne doute pas
que ce bloc de granit ne vienne de la carrière d:~ Combren, à un kilo­
mètre de Kerlot. 1a carrière, abandonnée depuis vingt ans, a fourni, il. la
surface, des blocs énormes.

valier; en arrière, il retombe sur le dos du cheval: il expli­
que très naturellement le bourrelet que nous avons remarqué
sur le dos du cheval de Guélen. .
20 Le cheval. Il est cabré comme celui de Guélen : il n'a
droite comme celui de Guélen; mais ce mouvement n'est
indiqué que par le dessin du cou, car les deux jambes du
cavàlier sont parallèles.
3 Le monstre amphibie. A demi couché à terre comme
celui de Guélen, iJ se voit jusqu'au cou. On peut douter de
s~n sexe. Particularité remarquable et qu'il faut signaler:
ses deux bras se portent en arrière,' comme pour soutenir
les pieds du cavalier; mais, les mains n'existant plus, les
bras n'atteignent pas les pieds. Les queues des serpents man­
quent: M. Roussin les a cherchées en vain; mais il trouvé une
verrons plus tard l'intérêt de cette
tête de serpent. Nous

heureuse découverte.
Mais' ce n'est pas tout 1 Notre vice-président, M. Luzel a
vu auprès de Plouaret (Côtes-du-Nord), au village de Saint­
Mathieu, un groupe équestre analogue. Dans cette sculp­
ture tout à fait informe, le monstre amphibie est une
femme à la queue de serpent: elle a les deux bras rejetés
anière, comme dans le groupe de Kerlot; et ses deux

• mains soutiennent les deux pieds du cavalier. Le cavalier
sem ble nu comme dans nos deux groupes.
à Plouaret, le caractère que j'ai signalé ,plus
A Kerlot et
haut, à propos du groupe de Guélen, se dessine plus nette-

ment: le cavalier n'est pas un combattant,. c'est un trwm-
phateur,. et le monstre étendu à ses pieds non-seulement
accepte sa défaite, mais paraît concourir au triomphe de son
D'autres groupes équestres trouvés loin de la
vainqueur.
Bretagne vont nous montrer le monstre amphibie soutenant
le cavalier et le cheval.

Mais avant de passer à l'étude de ces groupes, il faut .
résumer les témoignages que nous avons r~cueillis en ce
groupe de Guélen. Vous r0connaîtrez,
qui concerne le
la description qui précède, n'est pas œuvre
j'espère, que
d'imagination.
Au dire des habitants, la statue existait de temps immé­
morial sur un soubassement en maçonnerie de gl'anit, à
quatre ou cinq pas de l'endroit où nous l'avons relevée.
intacte avant la Révolution. A cette époque on
Elle était
brisa la tète du cavalier et les jambes du cheval; mais la
statue resta debout.
Ce renseignement est erroné; quoiqu'on ait dit" il a été
beaucoup détruit" en ce pays surtout, pendant la période révo­
mais, par un heureux hasard, la statue de
lutionnaire (1);
avait échappé au marteau en 1793, et elle était in­
Guélen
tacte ou à peu près en 1826. Ce renseignement nous est
fourni par M. rabbé Pennarun, curé de Plogonnec, né à
Kerlostrec, village le plus voisin de Guélen, et aujourd'hui
presque octogénaire (2). M. Pennarun a nombre de fois
autres enfants du village, à travers l'en­
passé, comme les
roulement figurant les serpents; et son souvenir garde par­
faitement présentes l'image du cheval et celle du cavalier(3).
« Au commencement du siécle, nous a dit le vénérable

(i) M. PROUST, rapporteur du Budget des Beaux-Arts. Séance de la
Chambre des députés du 6 décembre :1883. Journal officiel, p. 2656 et
2657.. .. « Je vous renvoie au beau livre Sltr les Arts pendant la
Révolution écrit par M. DESPOIS .... Vous y verrez, ajoute l'orateur ....
que c'est par suite d'une légende absolument fausse que les églises ont été
détruites par les Républicains pendant la periode révolutionnaire.» Oui,
M. DESPOIS dit cela : lVI. PROUST le croit ; mais CAMBRY avait cl l'avance
démenti M. DESPOIS pour notre département. Voir Catalogue des objets
qui ont échappé au Vandalisme révolutionnaire. i794.
(2) La famille Pennarun est ancienne cl Kerlostl'ec. Un Pennarun rend
aveu en 1674, et un autre en 1762.
(3) Ces lignes étaient écrites lorsque M. Pennarun est mort, le 4 jan­
vier dernier.

« eccLésiastique, le chemin actuel à l'ouest de Guélen était
« une allée pla.ntée de grands châtaigniers; du côté gau­
« che en sortant du village, et très près de la rangée d'ar­
« bre , se dressait la statue, sur un soubassement de granit
« d'un pied environ de hauteur. Sous le cheval, il y avait
( une sorte de disque percé de part en part, à travers le­
cc quel nous nous amusions à passer, mes petits camarades
« et moi. La statue avait échappé à toute mutilation en
« 1793 (1); et elle était intacte en 1826. Cette date est bien
« certaine: c'est celle de mon départ pour l'école. Plusieurs
(c fois, j'ai demandé des nouvelles du cheval aux person-
« lies qui venaient me voir. A mon lretour, huit ans plus
« tard, je ne trouvai plus la statue "debout et entière. J'in­
« terrogeai, et j'appris que, l'année précédente, les châtai­
« gniers voisins avaient été abattus sans précaution; et
« l'un deux tombant sur la statue l'avait jetée à terre et
« mise en l'ptat où elle est. Depuis, le corps du cavalier,
« les jambes et la tête du cheval ont été brisés pour paver
« le chemin, ou bien sont entrés par fragments dans la
(c construction d'un muretin voisin, avec une partie des
« pierres formant autrefois le soubassement. »
« Et le cavalier 1 » demandons-nous.
- « Le cavalier était nu : il avait seulement sur les épau­
« les un petit manteau que je prenais pour un vêtement
(c militaire. La tête était barbue et nue; le bras gauche
« était collé au corps; la main gauche tenait la bride. »
Et comme nous insistons, M. Pennarun nous dit: « Si
«: la tête eût été armée d'un casque, cela m'aurait frappé,
(c et j'en aurais gardé le souvenir. De même, si le bras droit
« eût été levé comme pour frapper, je m'en souviendrais .
« Le bras droit devait être contre le corps à peu près comme

(:1) A toute mutilation nouvelle ... Nous verrons plus tard qu'elle avait
subi des mutilations dont M. Pennarun ne pO\lvait se rendre compte .

« le bras gauche' » Rappelons ici ce que nous avons
remarqué plus haut, que la bride du côté droit est figurée
par une ligne à peu près droite, ce qui indique qu'elle est
à peu près tendue.
- « Et l'homme-serpent ~ » M. Pennarun fort sur-
pris nous répond: « Mais je ne l'ai jamais vu! »
C'est-à--dire que du monstre couché au pied du cheval,
M. Pennarun n'a vu que ce disque de pierre qu'il nous
et dans lequel il n'a pas deviné les replis de ser­
a décrit,
pents. Cela nous prouve que, dès cette époque, le torse du
(1); l'homme-serpent
monstre était brisé comme aujourd'hui
sans cou, sans bras, sans tête, était méconnaissable. J'a-
joute qu)il était ... comme nous l'avonEl. vû, couvert d'une lon-
il nous a fallu, après le lavage, un
gue et épaisse mousse;
examen attentif pour reconnaître cette monstrueuse figure.
Si le corps de l'homme avait apparu, le serpent aurait apparu
à son tour; et M. Pennarun en garderait certainement le
souvenir; peut-être même le monstre eût-il inspiré aux
cnfants une crainte salutaire (2). '
Enfin M. Penp.arun nous a répété ce que nous avions
entendu dire à Guélen, que « cette statue était dans ce
temps immémorial; et qu'au dernier siècle un
village de
vassal, mais non de Guélen, venait déposer chaque année,
sur la croupe du cheval, une tranche de pain coupée dans
la plus grande largeur de la tourte et dix-huit deniers. Le
seigneur venait de Quimper et emportait la .
receveur du
redevance.
(1) Si la statue est contemporaine de l'établissement du Christianisme
en ce pays, on peut supposer que la tête de l'homme-serpent a été brisée
dès cette époque. On sait la haine des prêtres chrétiens pour les images
représentant la nature humaine unie à la brute.
(2) Le passage à travers les replis des serpents a une fois au moins
offert quelque danger. Une jeune fille voulut passer comme les enfants et
resta prise, sans pouvoir avancer ni reculer. Les femmes du village, en
lacérant ses vêtements, la retirèrent à grand peine.

L'existence ancienne de la statue de Guélen résulterait
même de titl'es. .
La propriétaire de Guélen, nièce de l'abbé Pennarun,
est une personne fort intelligente ~ en même temps qu'elle
D'Ou'verne habilement sa grande métairie, elle sait lire les
~ieux actes: elle mérite même, sans y prétendre, le titre de
paléographe: elle déchiffre !'écriture du XVIe siècle 1 Elle
noUS a affirmé avoir vu dans un acte de cette date la men-
tion du cheval de pierre. Elle confirme les renseignements
par M. Pennarun sur la redevance féodale; et·
donnés
ajoute que, tous les sept ans, selon les uns, tous les vingt
il était dû, auprès de la statue, un
ans, selon les autres,
et un homme équipés. ~
cheval
Ce dernier renseignement rappelle peut-être le souvenir
montre, et nous reporte à une époque ancienne;
de quelque
mais c'est le premier renseignément qu'il nous importe
surtout de vérifier. .
à Guélen, la première fois avec
A deux visites faites
M. Guépin, la seconde fois avec M. Luzel, il nous a été
ouvert un tiroir, où nous. avons trouvé des papiers un peu
de toutes sortes. En vain cherchons-nous le titre ancien qui
mentionnait le cheval de pierre. Ce titre a disparu: il a servi
probablement, nous dit-on, à couvrir des livres de classe. . _-
Mais nous trouvons une déclaration de Guélen, du 4 juillet
1698. Cet acte nous révèle que ce village qui, de temps im­
mémorial, n'a pas été manoir, était à cette époque don1aine
congéable, et relevait du marquisat de La Roche. C'est donc
La Roche qu'était due la redevance déposée
. au marquis de
sur le cheval: premier point qu'il fallait établir. En second
lieu, sans nous révéler qui devait la redevance, la déclara­
tion nous apprend du moins que ce n'était pas Guélen. Ce
village devait seulement: « par chacun an, 3 1. 10 s. 10 d.
«( tournois à chacun jour et terme de la Chandeleur, à être
« payés en l'église de N.-D. de la Chandeleur, de Quimper.»

Ce renseignement confirme les indications verbales reçues
à Guélen. .
La déclaration de 1698 a donc circonscrit le champ de
nos recherches. Il faut trouver les aveux rendus au Roi par le
marquis de la Roche ... Rien de si simple: il suffit de fouiller
fonds du Marquisat aux Archives départementales. J'y
cours en revenant de Guélen ... Désappointen1ent 1 Les Ar­
chives ne contiennent qu'une -:ingtaine de pièces relatives
à l'ancien Marquisat, parmi lesquelles un aveu au Roi, de
aveux des vassaux de Briec. Ces aveux
1681, et quelques
ne font aucune allusion a la redevance payée sur la croupe

.... Il faut donc chercher ailleurs .
du cheval de Guélen
M. Maître, archiviste de la Loire-Inférieure,a bien voulu,
sur ma priére, interroger les aveux au Roi gardés aux
archives de la Cour des Comptes. Ils sont muets sur le
point qui nous intéresse. Il reste un dernier moyen d'infor­
mation auquel j'essaierai de recourir, mais il me laisse peu
d'espoir (1).
Je vous ai dit ce que j'ai vu, entendu et lu : ce n'était pas
bien difficile. Il faudrait maintenant répondre à ces ques­
tions : ' Qu'est-ce que cette statue? Quel âge, quel origine
lui assigner 1 Quel nom lui donner? Est-elle comme on
l'a dit, aprés un premier coup d\Bil gallo-romaine 1
Je ne suis pas archéologue. Je ne sais que travailler
patiemment, déchiffrer les titres anciens avec curiosité, lire
un peu entre les lignés, vieilles et chères habitudes prises

(i) li s'agirait d'interroger les aveux rendus au Marquis de La Roche
par ses vassaux. La propriétaire de Guélep. se persuade que le débiteur
un seigneur du voisinage, auquel le .
de la rente devait être
é argnait ainsi une partie de la route jusqu'à Quimper. Les archives du
de La Roche de Laz, sont aUJourd'hui aux mains de M. de
arquisat
de Tréyarez, chef­
Kerjégu, conseiller général, propriétaire du château
de l'ancien Marquisat. M. de Kerjégu est notre confrère; il a répondu
lieu
de renseignements; mais les
avec une grâce parfaite à ma demande
archives plusieurs fois déplacées auraient besoin d'être remises en ordre,
y sont difficiles.
et, dans l'état, les recherches

dans ma 'présidence et que je garde dans ma retraite pré­
maturée; mais il faudrait une science que je n'ai pas pour
répondre aux questions que je viens de poser. Je serai pru­
dent, je laisserai à, d'autres le soin de vous dire ce qu'est
statue; mais, si vous me le permettez, j'essaierai de
cette
vous dire ce qu'elle n~est pas. .
Nous sommes en Cornouaille, heureux pays où l'on voit
Gradlon un peu partout. A peine notre statue arrivait­
le roi
elle au Musée, que des curieux disaient : (~ CJest la statue
« du roi Gradlon abattue en 1793 de la plateforme entre les
« deux tours de la cathédrale et 'emportée à Briec. »
Il n'y a pas à discuter cette hypothèse. La statue de
Gradlon fut .brisèe en mille pièces en 1793 (1), soit qu'elle ait
été ainsi émiettée dans sa chûte de 120 pieds, soit que le
marteau en ait achevé la destruction. Toutefois un fragment
important restait sur la plateforme .: c'était la croupe du
l'y a trouvée lorsqu'il
cheval. Notre confrère M. Bigot
flèches" en 1856; et, depuis, cette
construisait ses belles
au Musée. Ce renseignement serait
. croupe a été apportée
une réponse suffisante, quand méme nous n'aurions pas
l~s preuves de l'existence ancienne de la statue à Guélen.
d'autres hypothèses sont mises en avant.
Mais
Les uns ont dit: « C'est saint Georges terrassant le dragon.»
- D'autres: « C'est saint Michel combattant l'Ange rebelle. »
Enfin on demande : « Ne serait-ce pas Derrien ou
« Néventer, combattant le dragon de l'Elorn ~ »
Je rappelle la remarque faite plus haut.> que les trois

groupes de Guélen, de Kerlot et de Plouaret ne sont pas
l'image d'un combat, mais celle d'une victoire acceptée

par le vaincu •
J'ajoute, en ce qui concerne saint Georges : Avant de
(i) LE MEN. Monog. de la Cath., p. 213.

devenir le patron de l'Angleterre, il a été le patron de la
Chevalerie : il est toujours armé de pied en 'cap. Allez en
saint Georges est si répandue,
Normandie où l'image de
vous le verrez paetout armé. Dans toutes ces images, le
monstre que combat le chevalier n'est pas représenté sous
les traits d'un homme serpent: c~est un Dragon, monstre
et une
fantastique avec des griffes de lion, des ailes d'aigle
queue de serpent (1). ,
Au contraire, l'ange rebelle, que s,aint Michel frappe de
sa lance ou de son épée flamboyante, est souvent représenté
d'un homme a queue de serpent. Mais l'ar­
sous les traits
change Michel ne combattait pas sur la terre; on avouera
que faire monter à cheval le chef des milices célestes, serait
une imagination un peu risquée. Aussi ne l'a-t'-on jamais
vu représenté ainsi (2).
D'après la légende, Derrien, le compagnon de Névemer,
met pied a terre pour aborder le dragon de l'Elorn ; Derrien,
au nom de Jésus-Christ, somme ]e dragon de sortir de son
antre; le dragon obéit, et le palefroi du chevalier s'enfuit
d'épouvante; il Y a de quoi: le dragon est effrayant à voir;
Albert Le Grand le portraiture comme s'il l'avait vu. « Son
(1) On peut voir sur ce point le savant ouvrage du R. P. Ch. Cahier:
La Caractéristique des Saints. Le mot Saint Georges renvoie aux mots
Cheval et Lance.
« Saint Georges, martyr est représenté monté sur un magnifique
cheval de bataille. Les PICards ont gardé l'expression : monté comme
un saint Georges; et Marot racontant l'histoire du domestique larron quj
lui a dérobé son cheval, dit :
CI Ainsi s'en va chatouilleux de la gorge
• « Ledit valet monté comme un saint George. » (p. 2:1.1.)
« Il n'est personne qui n'ait vu l'image de cet illustre martyr poussant
son cheval contre un Dragon qu'il perce de sa lance. Lorsque la repré­
sentation est complète, on aperçoit près de là une jeune fille qui était
destinée à devenir la proie du monstre. Nicéphore Gregoras (Histoire
byzantine L. VIII, ch. V) indique que la représentation de saint Georges
Belle monture était fort usitée en Grèce (p. 320). ,
(2) Le P. CAHIER. Caractéristique. VO S. Michel.

sifflement épouvanta tous les assistants; il était long de
cinq toises et gros par le corps comme un cheval, la teste
faite comme un coq, retirant fort au basilicq, tout couvert
de dures écailles; la gueule si grande que d'un seul morceau
il avalait une brebis, la veue si pernicieuse, que de son seul
regard il tuait les hommes. » Derrien ne frappe pas le
mais il lui passe son écharpe au col et le « baille
monstre,
il, conduire à l'enfant Rioc » (1).
Ce serait traduire bien inexactement la légende que de
montrer le chevalier Derrien, absolument nu, triomphant à
cheval sur ~e corps d'un homme-serpent.
Deux autres saints bretons sont cél~bres pour avoir vaincu
dragons: notre saint Pol de Léon et saint Samson,
des
évêque de Dol; mais tous les deux n'ont emploY0 que l'arme
de la prière, et n'ont pu être représentés nus et montés à
cheval (2) .
Que conclure? .. Que le cavalier du groupe de Guélen
.pi saint Georges, ni saint Michel, ni Derrien .....
n'est
J'ajoute: ni un héros particulier il, la Bretagne .
Ecoutez plutôt: .
Pendant mon absence, au mois de septembre, M. Luzel,
qui nous a fourni l'indication du groupe de Plouaret, apprit
que des groupes équestres analogues avaient été trouvés
dans le nord-est de la France ... et que M. Voulot, cons er-
vateur du musée d'Epinal, en avait rendu compte dans la
Revue. Archéologique (3) .
Je n'ai pas l'honneur. dJêtre connu de M. Voulot; mais

vous veniez de m'appeler aux honneurs de la vice-prèsi­
en ·écrivant il, M. Voulot (pardonnez cette coquette-
dence;
(1) ALBERT LE GRAND. Vie de saint Riac, p.31 de l'édition de M. DE
KERDANET.
(2) ALBERT LE GRAND, Vies de saint Pol, p. i9~ et saint Samson,
p. ~i7, de la même édition.
(3) N°s d'août et novembre 1.880 et février 188L

rie), je me parai pour la première fois de mon nouveau
titre. Il m'a èté une recommandation; et fai trouvé chez
savant vosgien le plus aimable empressement.
Je lui avais envoyé une photographie du groupedeGuélen.
Quel fut mon étonnement en recevant d'Épinal une photogra­
phie représentant un groupe analogue au nôtre 1 Bien plus 1
connaissait mieux notre groupe que moi-même:
M. Voulot
notre photographie montre la face droite, et M. Voulot
m'écrivait: « La jambe gauche, que je ne vois pas, doit
être un peu en avant de la droite. l) Ce détail m'avait
échappé; et il a, comme on a vu, son importance, puis­
qu'il indique la conversion du cheval a droite.
Le groupe dont M. Voulot m'envoyait la photographie
a été trouvé, en juillet 1870, au fond de la Moselle, au vil­
lage de Portieux (canton de Mirecourt, Vosges). En voici
la description abrégée: .
« Le groupe de Portieux, dit M. Voulot, représente un
cavalier armé. Sous le cheval rampe, placé dans le même
sens, un monstre dont le haut du corps est d'un géant,
ayant en guise de jam bes des reptiles terminés par la tête
de l'animal. Les épaules du géant supportent avec effort le
aidées de la main droite qui supporte la
poitrail du cheval,
jambe antérieure du quadrupède. La tête du reptile de
supporte le pied du cavalier. Le héros est barbu, a
droite
forte encolure, 'élevant près de la tête, a l'aide du bras
droit, une arme qui a disparu emportée avec la main.
Contre le cou du cheval on voit encore la main gauche qui
tenait le bridon. Le guerrier a le buste couvert d'une lorica
collante; un vêtement flottant s'agraffe par une fibule cir­
culaire sur la clavicule droite, descend derrière le dos a
droite, et revient tourner sous la cuisse du même côté pour
se terminer derrière en faisant quelques plis. Les jambes
paraissent nues, a part une bottine ... Le cavalier est trapu,
dans la force de l'âge .

cc Le monstre, comparé au cavalier, a des proportions sur­
hum:;tines. Le dos du colosse est couvert d'écailles· qui s'ef­
graduellement en descendant vers la poitrine, comme
facent
pour m~rquer la transition du reptile à l'ètre humain.
« Le cavalier opère la conversion du cheval à droite. Le
che-val entièrement passif, le corps tourné suivant un axe
unique, n'obéit pas encore a la direction marquée. Le mons-
tre tourné vers la droite, porte sur ses épaules l'avant-train
du cheval et sert d'étrier au cavalier. »
A propos du groupe de Portieux, M. Voulot étudie ou
signale sept autres groupes analogues, le premier trouvé en
1849, a la Jonchère, en Auvergne; les six autres trouvés
dans les provinces du nord- 2.st : a Grand (canton de Neuf­
château, Vosges), à Hommert et Merten (cantons de Sarre­
bourg et Bouzonville, Meurthe-et-Moselle), à Cussy, Seltz,
Hagueneau (Wissembourg et Strasbourg, Alsace-Lorraine).
Il ne nous donne pas la mesure de tous; mais seulement
de celui de Portieux, 1 m. 07 c. de hauteur, de celui de
10 c. de hauteur, de celui de La Jonchère;
Hommert, 1 m.
1 m. 50 c. de longueur. De plus il nous ?-pprend que celui
de Portieux « est un des quatre plus grands. »
Nous pouvons conclure de là que les groupes de Kerlot

et de Guélen sont plus grands que tous ceux décrits par
M. Voulot. Le groupe de Kerlot a 1 m. 40 de haut, du socle
aux épaules du cavalier, et 1 m. 20 de la croupe au cou du

la tète manque. Le groupe de Guélen, s'il était
cheval, dont
entier, aurait de plus grandes dimensions. Dans l'état actuel
du socle au haut des cuisses du cavalier, il mesure 1 m. 35,
et de la croupe du cheval au poitrail, 1 m. 25. On ne peut
donner au corps du cavalier moins de 65 centimètres. Le
groupe avait donc 2 mètres de hauteur. D'autre part, le
et la téte du cheval ne pouvaient avoit' moins de
le cou
40 centimètres; le groupe avait donc au moins 1 m. 65 c .
longueur .

Le groupe de Guélen serait ainsi le plus grand des grou­
pes similaires dont nous ayons vu la description.
Dans tous les groupes décrits par M. Voulot, le cheval
ne se cabre pas; dans le groupe de Guélen,
galope; mais
au contraire, le cheval se cabre. Ce groupe n'est donc pas
la reproduction du type des groupes trouvé~ dans l'est.
expriment la
Mais il est clair que tous ces groupes
même pensée, le triomphe pacifique du cavalier sur ram­
phibie étendu à ses pieds) qui accepte sa sujétion) et aide
au triomphe de son vainqueur.
lui-méme
Un second caractère commun a tous les groupes, c'est
que chacun des serpents qui continuent les cuisses du
monstre se termine par une tête. Le monstre a ainsi trois
têtes : une d'homme en avant, deux de serpents en
C'est ici que la trouvaille " d'une tête de serpent a
arrière.
Kerlot a un grand intérêt. Nul doute que les serpents du
n'eussent chacun une tête en guise de
groupe de Guélen
queue (1).
Enfin, remarquons la même pensée exprimée dans tous
groupes: le monstre portant et dirigeant le cheval et le
les
cavalier. .
A Portieux, les épaules et la main du monstre portent
les jambes du cheval; une queue du monstre (tête de ser­
pent) porte un pied du cavalier. A Plouaret, les épaules du
monstre supportent le cheval, et ses mains portent les pieds
du cavalier. A Kerlot et a Guélen, les épaules du monstre
ne portent pas les jambes du cheval, parce que le cheval
se cabre; mais prolongez par le dessin le torse brisé du
monstre et les jambes antérieures du cheval, vous verrez
(1) M. Voulot décrit et dessine une sculpture trouvée à Grand (Vosges)
au fond d'un puits antique. Elle représente un jeune homme) la jambe •
auche en avant, franchissant d'un bond un monstre ayant un buste de
emme, et, au lieu de jambes, deux serpents terminés par deux têtes.
Cette image ne figure pas une lutte; le personnage saute par dessus
l'amphibie.

que les pieds rencontreront les épaules de l'amphibie (1).
Enfin, s'il restait un doute sur ce dernier point) il serait
encore vrai que le monstre donne le mouvement au groupe.
En effet, les deux pieds du cavalier reposant sur les courbes
du serpent, comme sur des .étriers, c'est le serpent qui le
dirige; et le cavalier, en imprimant f:lU cheval une conver-
sion à droite, suit à la direction donnée par l'amphibie. .
Maintenant revient la question posée plus haut:

Qu'est-ce que ee cavalier dont nous retrouvons l'image
aux bords de la Moselle ct sUl'les rives lointaines de l'Odet ~
Qu'est-ce que cet amphibie?
Serait-ce, comme on l'a soupçoJné, le dieu Thor des
Scandinaves, devenu divinité gauloise sous le nom de
Taranis '? ... Thor, fils d'Odin est le plus puissant des Ases. Il

a la charge de combattre et de repousser au fond de l'Océan
le serpent Jormüngand qui entoure le monde comme un
anneau. Mais le serpent qui habite le fond de l'abîme ne
peut ê,tre représenté sous une forme humaine. C'est sur la
mer et même sous les ft.ots que Thor le combat, et les récits
représentent ce dieu montant un bateau et non un cheval (2).
Aussi M. Voulot n'entr-e-t-il pas dans cette hypothèse:
dans les gl'Oupes de Portieux et les groupes similaires
qu'il étudie, et par conséquent dans les trois groupes trouvés
en Basse-Br'etagne, il voit « des groupes solaires, dont la
« caractéristique est justement le détour du cheval sur la

« droite. » Le cavalier serait le Dieu Soleil; l'amphibie
représenteraitla Terre et l'Eau; et nous aurions une déifi­
cation du Soleil traversant en maître la Terre et l'Onde .

(i) Dans le groupe trouvé à Grand et conservé au Musée d'Épinal
« le cheval. n'est pas lancé : il est littéralement porté par l'homme~
s81'p~nt rlace S?US ~on ventre. La, croupe du cheval domine le garrot,
posItIOn Impossible a un cheval .qUI ne serait pas porté .... » M. VOULOT.
(2) M. CERQUAND. Revue celtzque, T. VI, p. 4i7, Taranis et Thor. .

Le monument de Portieux a été trouvé près d'un gué
vers lequel se dirigeaient deux voies romaines, et M. Voulot
avait soin d'appeler mon attention sur ce point. Mais Guélen
est sur un plateau élevé et à près de 3 kilomètres de l'Odet,
au fond de la gorge du Stangala; Kerlot est à la
qui coule
même distance du même Odet mêlé désormais aux eaux de
la mer, formant à cet endroit la Grande Baie, large dé mille
e1 infranchissable. Le groupe de
ou douze cents mètres
Plouaret seul est auprès d'un gros ruisseau que l'on passe
à gué (1). .
M. Voulot semble disposé à assigner comme date aux
monuments qu'il étudie le IVe ou même le commencement
du Ille siècle, l'époque d:Héliogabale. On sait qu'Hélio-

gabale, encore enfant, était prêtre du Soleil à Emèse, en
la fantaisie d'une Jégion le fit empereur (2). Il
Syrie, quand
introduisit le culte du Soleil à Rome; et M. Voulot pense
genre de celui de Gué­
que le prototype des monuments du
len, qui c( n'est ni romain ni grec, » pourrait avoir une origine
asiatique; et a peut-ètre été introduit en Occident c( au temps
où Héliogabale amena en Europe la résurrection des mythes
de l'Asie. »
Je ne me permettrai pas de discuter cette hypothèse. Je
ferai seulement observer que la Divinité syrienIl:e d'Hélio­
gabale était représentée, au dire des historiens, par une
pierre noire conique que l'on disait tombée du ciel.

(i) Il ne faut pas que la première syllabe du mot Gu.élen fasse illusion:
Le nom de Guélen, très-commun en ce pays, semble écrit pour QUélen,
ou Helen qui en breton veut dire houx. Cependant l'aveu du Mis de
La Roche au Roi (i68f) écrit Guellen autrefois Guellan, mot dont la
décomposition donne GueZ-Zan, bonne lande.
(2) Il devint fou : c'était presque fatal : d.es têtes plus fortes que
celle de cet enfant de quatorze ans avaient eu le vertige en ceignant le
bandeau impérial. M. DE CHAMPAGNY donne l'explication de ce phéno­
mène. (Les Césars: Caligula).
Héliogabale fut un « de ces cinq ou six monstres » dont parle MON-
TESQUIEU. Voir cette admirable page : Grandeu1' et décadence des
Romains. Caligula. Ch. XV.

Grou pe équestre de Guélen (resti tu tion) .
Les parties ombrées figurent ce qui reste.
Le cavalier imité des groupes de Portieux
et de Kerlot.

Groupe équestre de Portieux (Vosges) .

équestre de Kerlot vu de face
Groupe

Il Ir

Il J ;,., .. , ~ )

L8. plupad des groupes étudiés par M. Vouiot, celui de
podieux notamment ... ont dû reposer sur un pilier colonne
très trapu portant une large stèle (1). M. Voulot m'encou­
l'acreait a chercher à Guélen une colonne répondant a ce
O"nalernent.

Dès notre première visite à Guélen ... nous avions remar-
qué un bloc de granit cylindl'ique servant de borne à l'angle
d'un bâtiment de service. Bien que de moindl'e dimension,
cette pierre rappelle la borne milliaire de Kerscao, déposée
au Musée. Nous interrogeons, et on nous montre deux au­
tres blocs analogues employés comme poteaux de barrières,
l'un de plus grand, l'autre de moindre di~mètl°8 que le pre­
mier. Ces trois pierres ont en tout 2 m. 90 c. hors de terre;
mais elles sont enfouies, nous dit-on, l'une de 60 centi­
mètr'es; les autres de 33 centimètres au moins. Elles sont les
fragments d'un seul bloc dont la hauteur totale mesurerait
au moins 4 m. 16 c.
Le fragment supérieur porte a son sommet une ornemen­
taLion très-simple, une sorte de tore.
L'un de ces fragments porterait-il quelque inscription ~
C'est ce que nous ne pouvons dire, puisque nous ne pouvons
voir qu'une moitié de chacune des pierres.
, Cette colonne ne répond aucunement au signalement
donné par M. Voulot du pilier qui portait le groupe de
Portieux. .'
Comment d'ailleùrs supposer un groupe pesant au moins
2,000 kil. quand il était intact, juché sur une colonne en pain
de sucre de 4 métres de hauteur, ayant a son extrémité supé­
rieure à peine 33 centimètres de diamètre ~ C'eût été un
prodige d'équilibre et en méme temps de mauvais goût .

(:1) C'est absolument tertain en ce qui concerne le groupe de Portieux:
M. Voulot a retrouvé sur le sommet du chapiteau et à la base du groupe
deux goug'es qui se correspondent.

BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. Tome XII. (Mémoires). 1)

Toutefois cette colonne a quelque intérêt au point de vue

meme qUI nous occupe.
La propriétaire de Guélen nous apprend que cette pierre
a été apportée la d'auprès de la chapelle de Saint-Renan, au
village du Pénity, sur la route de Briec. Cette chapelle,
cadastral dressé en
vendue nationalement, figure au plan
1818; on la retrouve a l'état de ruines sur le plan de la
route de Briec dressé en 1837; enfin, l'article Briec de la
nouvelle édition du Dictionnaire d'Ogée la mentionne
comme existant encore, en 1843 (1).
Elle se voyait a gauche et près de la route, entre le
village actuel du Pénity a droite et une petite maison située
a cent mètres environ, de l'autre côté de la route. Tout
contre, s'étendait son placître, sorte de triangle irrégulier
très allongé, dont la chapelle occupait le sommet.
Ce triangle était circonscrit sur deux de ses côtés par
deux routes, l'une vers l'ouest, conduisant a Guélen, et par
la a Landrévarzec; l'autre, plus à rest, sur laquelle a été
tracée la route actuelle de Briec. La chapelle était ainsi à
la jonction même des deux routes, la colonne était auprès
de la chapelle; et a cet angle était une croix (2).
On a cru voir dans cette colonne un lech ou pierre tumu­
laire; mais rien ne nous révèle qu'il y ait jamais eu un
pl'ès de la chapelle de Saint-Ronan.
cimetiêre
(1) Vo Briec. 1., p. ~2~.
(2) Cette dernière circonstance nous est révélée par une procédure
criminelle suivie en 1729 :
Au commencement de cette année, un coup de pistolet clJargé de quatre
postes fut tiré en cet endroit même sur un tailleur d'Edern, nommé
Jézéquel. L'assassin travaillait avec Jézéquel; il avait volé l'affection de
la femme de son patron, et il essayait de se débarrasser du mari. Trois
balles atteignirent Jézéquel qui survécut pourtant. L'assassin poursuivi
prévôtalement fut condamné à être roué sur ~a place Saint-Corentin à
à Quimper; _.- mais, comme il arrivait souvent, le présidial écrivit en
retentllm à la suite de l'arrêt, que le patient attaché à la roue « serait
« étranglé secrètement avant de recevoir le premier coup. » La foule
ne soupçonnant pas cette affreuse comédie put savourer le spectacle d'un
homme roué vif.

Aucun titre connu de nous n'en fait mention: l'expertise
faite en vue de la ventè nationale ne mentionne que la
chapelle et leplacître (1).
Interrogez les habitants: Ils vous diront que saint
Ronan, fuyant les calomnies et la persécution de l'odieuse
KebG1n, vint habiter le Pénity, qu'il y bâtit une chapelle
et qu'il y mourut (2). Mais ils n'ont pas conservé le sou­
venir d'un cimetière autour de la chapelle. Cet édicule
était donc un ol'atoire où la messe se disait le jour de
la fête du saint, beaucoup moins important que la chapelle
voisine de Sainte-Cécile; et qui ne payait de décimes que
1. 15 s. quand la paroisse payait 96 1. 2 s. 6 cl. (3).
Loin d'être un Lech, cette colonne ne serait-ellè pas une
colonne milliaire?
Il ne peut être douteux qu'une voie romaine passait au
Pénity même. Cette voie sort de Quimper, par l'ancienne
route de Brest, traverse Kerfeuntun, monte en ligne droite
l' li nge .Gardien (4), tourne à droite par
jusqu'au village de
le chemin dit du Loc'h, coupe la nouvelle route de Brest,
passe entre Coat-Billy et le village de Ty-Ma-Fourman,
et atteint la route de Morlaix un peu au-delà de l'embran-
(1) « Le fonds sous la chapelle et placître du Penit y-Ronan consistant
dans une église construite en pierres de taille, un petit clocher et quatre
en pierres de taille; dans l'intérieur, deux uutels en pierres,
portes aussi
et le placître contenant sous fonds 17 cordes avec un arbre d'épine, cinq
chênes, deux hêtres, un frêne.....» \
C't st une carrière que veut la Nation. L'abbaye de Landévennec, la
chapelb de Notre-Dame du Mur, il. Morlaix, avec son clocher qui ne le
cédait guère à celui du Kréisker, ont été de même exploitées comme
carrières! ... (Voir plus haut, p. M, note i).
)2) C'est ~ne erreur ~ertaine. Alber:t Le Grand ~e mentionne que le
sejour de samt Ronan a Locronan, ou, selon !lu, il mourut· mais la
lég.ende du Bréviaire de Quimper di,t que sail'!-t Ronan pas;a « apud
Bnocenses ». On aura confondu Bneuc et Bnec; et les habitants de
~rie? auront facilement accueilli cette confusion qui flattait leur dévotion
a salllt Ronan. .

(3) Arch. de l'Evêché.
(4) Autrement .. et très-improprement· la Croix des Gardiens.

chement de cette route sur celle de Brest. De ce point jus­
qu'au Pénity 7 la route nouvelle occupe le milieù de la
chaussée romaine qui était plus large (1) .

Jamais voie ne fut plus facilement reconnaissable; et on
peut s'étonner qu'elle ne figure pas sur la carte que M. de
Courson a jointe au Cartulaire de Redon. MM. de Blois et
Halléguen ont heureusement réparé cette omissio~ (2).
Selon ces deux· savants, une voie partant de Civitas Aqui­
Zonia (notre faubourg de Locmaria) se dirigeait vers Morlaix
par' le Penit y, Briec, Edern, Saint~Thois, Pontpol, Trédiern,
Plonévez-du-Faou, Loqueffret, La Feuillée, Plounéour-Mé-
nez. La voie jusqu'à Pontpol était en méme temps une des
Carhaix, puisque la voie de Carhaix à
voies de Quimper à
Douarnenez passait l'Aulne à Pontpol (3).
Quand on est à Briec, prendre la direction d'Edern et de
c'est se diriger droit SUl' Carhaix et se détourner
Saint-Thois,
de la direction de Morlaix. Mais les voies romaines sui vent
ordinairement la ligne droite. Pénétré de cette pensée notre
ancien confrère M. Flagelle a cherché et trouvé une voie
plus courte de Quimper à Morlaix. Cette voie abandonne la
première à Plounéour-Ménez, passe au pied du Mont Saint­
Michel, descend par Brasparts et Pleyben, et, sans toucher
Briec, arrive au Pénity (4). .
C'est cette voie qui bordait au nord-ouest le placitre 'de
Saint-Ronan, tandis que l'autre voie, allant vers Briec, le
bordait au sud-est. '

(i) En cc moment même, le cantonnier de Kerfeunteun relève pour
en faire du macadam les pierres de bordure de la voie romaine; il
m'assurè que le long du chemin du Loc'h il a retiré des pierres sembla­
bles. Entre l'embranchement et le Pénity, les talus des champs riverains
sont formés des vieux pavés romains.
(2) Je puise les renseignements qui suivent dans un rapport présenté
par M. René Kerviler au Congrès de J'Association Bretonne tenu à Quim-
. per, en i873. La voie est classée nO 1.3.
(3) Id. voie nO H.
(4) Loc. ciL C'est, jusqu'à la hauteur de Briec, à peu près le tracé de
la route actuelle.

C'est au point de jonction des deux voies qu'a été enle­
"ée la colonne brisée que nous trouvons à Guélen. Cette
colonne marquait-elle l'embranchement des deux routes ~
Peut-être, si nous pouvions la voir entière, quelque inscrip­
tion nous permettrait-elle de répondre à cette question '?
Mais ce n'est pas tout. Cette voie indiquée par M. Fla­
gelle, elle passait, devant l'entrée de GUélen: c'est cello que
le plan cadastral dressé avant la constructlOnde la roùte
nouvelle de Morlaix, nomme chemin de Pleyben. Le
groupe équestre que nous étudions a été trouvé j liste à
100 mètres de cette voie.
Eh 1 bien, pour revenir de Guélen prenons cette voie: ene
nous conduira à Cwitas Aquilonia; mais elle se continue
vers Pont-l'Abbé et Penmarch: et par où passe-t-elle ~ ....
Par Kerlot, où a été trouvé le groupe équestre imité ou copié
de celui de Guélen 1
MM. de Blois et HaIléguen hdiquent la direction géné­
rale de cette voie par la commune de Plomelin. Tâchons
de préciser un peu davantage.
A trois kilomètres et demi de Quimper, au lieu de Bel­
Air, au point où la route de Pluguffan se détache de la
route de Pont-l'Abbé, il Y a eu, sans doute possible, un éta­
blissement romain. Il y a quelques années, en défrichant un
champ, près de la croix plantée à l'angle que form ent les
deux routes, on enleva des briques antiques par charretées.
Un peu plus loin, sur la gauche, entre la route actuelle et
l'ancien manoir de Kerrem, se reconnait une voie ancienne,
sur le bord de laquelle est un reste de construction bizarre
que M. Le Men prenait pour les derniers vestiges d'une
maison gauloise (1).
La culture a envahi par fractions l'assiette de la voie;
cependant on la retrouve un peu plus loin, après le passage
(i ) Les dernières pierres de cette construction viennent de disparaître'
et la charrue a passé sur le sol qu'elles occupaient. '

du ruisseau dit l'Eau-Rouge, entre la route actuelle et Ke1'­
lot. Elle court au sud traversant la commune de Plomelin;
et il est facile .. en rapprochant par la pensée les tronçons
encore visibles, de reconstituer une route en ligne a peu
prés droite.
Cette voie se nomme encore aujourd'hui dans le langage
populaire Chemin du Roi Gradlon; or, la plupart des vieux
chemins appelés de ce nom en Cornouaille et nommés un
peu plus loin Chemins d'Ahèz, sont les anciennes voies
romaInes.
Le groupe trouvé a Kerlot repose a moins de 300 mètres
de cette ancienne voie .
Voila donc nos deux groupes teouvés, comme le groupe
de Portieux, au bOl'd de deux voies romaines. Dira-t-on
qu'ils ont étè déplacés'? C'est possible; mais qu'ils aient été
transportés au loin, c'est bien douteux. Les carrières du
voisinage ont fourni les blocs dans lesquels ils ont été
taillés; et on peut dire qu'ils sont né;::; aux lieux mêmes où
nous le~ trouvons 8près tant de siècles.
Le groupe de Guélen est déposé a l'entrée de la cour
intérieure du Musée d'Archéologie. Beaucoup l'ont visité;
et plusieurs m'ont dit : « Mais quel est ce personnage'? »
- J'ai cu le regret de leur répondre: «( Je n'en sais rien ».
Ce n'est pas cette notice qui satisfera la curiosité; et le
groupe mutilé reste mystérieux comme les Sphinx des
nécropoles égyptiennes.
J. TRÉVÉDY,
Ancien Président du Tribunal civil.