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Bulletin SAF 1886


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Les Joculatores bretons (2ème article)

M. de la Villemarqué

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LES JOCULATORES BRETONS (Suite) •
Par M. DE LA VILLEMARQUN.

~ II. -Toséoc (Suite).
De la Cornouailles, Toséoc passe en Armor'ique, fendant
gu s en chantant (1), et quand il débarque, les ruis­
ux du p ys le saluènt par leurs chansons (2). Toute la
ra t en fêtc pour le rccevoit'.
n petit homme (llOlnuneullls) qui mène à la glandée,
1 forèt, un tt'oupeau de porcs, comme Tristam ceux
du roi Marc, est l'encontt'é pa~ les moines. Saint Paul lui
demande qui il est et quelques renseignements sur le pays:
« Je suis au service d'un honnète chrétien, appelé vVithul'
l'épond le 'petit hornme ; avec d'autres p ::tsteul's, je m'en vais
paissant ses pourceaux. Mon maître commande en ce pays-ci,
sous la loi du Cheist, POUi' l'empereur Philibert (sic). Si vous
voulez voit' sa figure, je vous montrel'ai le chemin. Je vous
montrm'ai aussi .un encleoit très agréable où vous pourrez
habiter. Mais, dc peur' que vous ne me preniez pour un
mentcul', pOUl' Cl uelqu'un qui veut tromper les ignorants,
venez, SUivez-mOl. »
Et Paul suit 80:1 guide chez le comte Withur qu'il trouve
achevJ.ut de copier de sa propre main les quatre livres du'
saint Évangile, dans un lieu retiré de l'île de Bath.
En se reconnaissant pour frères, non seulement de reli­
gion, mais de sang, car ils sont cousins gèrmains, le moine

• Voir ci-dessus, p. 3, .
(1) frl~Tia alta, y.ml~9s et laudes Deodecantans, secabat. (Loc. cHat.)
(2) R'tVulus suaVZSSlmarn reddebat vantilenam (Revue celtique p. 438

et le chef ne peuvent se lasser de s'embrasser, en pleul'ant;
puis, ils se font mille questions sur les parents et les amis de
l'ancienne patrie bretonne. Marc, le roi de Cornouailles,
n'est pas oublié, ni, bien entendu, l'histoire de la clochette
si vilainement refusée, quand voila qu'elle vient d'elle­
mettre dans les mains du saint, apportée par un
même se
pêcheur de l'île, qui a trouvé dans ses filets cette merveille
que tous les Armoricains appellent encore la longue-jaune,
HIR-GLAS (1).
En la faisant tinter aux oreilles du comte (elle ou· une
saint part d'un éclat de rire si
autre, dit Lobineau), le bon
joyeux,' qu'il demeure la bouche béante.
Sujet de rire aussi pour ses compagnons bien dédomma­
gés et vengés; de rire surtout pour un joculator, comme
Toséoc; et l'on a ri pendant tout le moyen-âge, en Armo-
rique, du pauvre roi Marc. .
C'est sur la plage orientale de l'île de Bath que régnait le
la légende. Wrmonoc le décrit, d'après
fameux dragon de
les récits populaires de son temps: cent vingt pieds de
long; une cuirasse d'écailles, à l'abri de tous les javelots;
un ventre où descendaient chaque jour deux hommes et
deux bœufs -; le démon lui-même en personne sous la figure
d'un' serpent. « J'ai douté d'abord de ces récits, dit Vormo­
noc; aujourd'hui je les affirme" car j'ai vu de mes propres
la retraite du monstre: elle contient un boisseau et
yeux
demi ou davantage de cette orge que l'île produit en abon­
dance et dont parlent les cultivateurs» (colonis attestanti-
bus). .
Trois cents ans plus tôt les cultivateurs, en fournissant
à saint Paul des renseignements plus précis sur l'offrande
d-'orge en question, auraient pu dire quels rapports il y

(i ) Cloca quœ pet cunctos Lativof'llm pop'uZos longi fulva nomine nota,
vocztatur, id est Rir-glas (p. 4,4,6).

duit abondamment.
l'abbé de Landévennec donne a l'animal mysté-
aIs l' .
. om qui me semble un éc aIr: Il rappelle INSU-' .
r18uX un n
DRACO. C'est le nom que Gildas (1) . donnait a un
tyran de son temps: « Pourquoi, lui dit-il, toi,
mal, supérieur a plUSIeurs en pOUVOIr autant qu en ma­
lice, Ô Maglocun, pourquoi te roules-tu bestialement depuis
si longtemps dans la fange de tes forfaits?» Sans avoir
besoin de recourir soit au serpent noir du rocher, des
au Dragon de la caverne
Mabinogion (II, p. 271), soit
(Draie ar Ueg !cao) chanté dans la fête des deux lacs (2),
on doit adopter l'opinion des Bollandistes et reconnaître
avec ces maîtres que (( le dragon ne signifie rien autre
chose que l'Idolâtrie (3). » Avant eux', dès le VIle siècle, le
pape Saint Grégoire le Grand, avait dit :. (( le dragon est
le symbole du mal. » (4).
Le comte Withur célèbre par un banquet la victoire de
Paul sur le tyran de l'île de Bath, et la harpe, selon
l'usage ... passe de main en main, pour rendre grâce à Dieu:

Magna cadunt, inflata crepant, tumefacta perimunt.
Ce remarquable vers allitéré serait-il un écho des poésies
de Toséoc
Après les chants d'action de grâce, le saint, en mémoire
la délivrance de l'île,. reçoit trois présents de Withur:
l'oppidum de Léon, le livre des saints Evangiles, écrit de la
main du donateur, et la clochette dont il a déjà été question .
. (i) De Excidio, éd. de M. de la Borderie (sous presse)
(3) Acta, 9 maii.
(4) Dialogues, ch. 39.

La hal'pe du pieux joculator qui donne constamment,

même quand elle n'est pas signalée, la note à l'odyssée de
saint Paul, dût charmel' les ennuis du voyage qu'il fit «( à la
cité des Parisiens », (Il d Parisiusios eivitatern). Charma­
t-elle aussi la cour de Childebert (le roi Philibert de la
légende), qui l'appelait pour le faire êvêque ~ Wrmonoc ne
le dit pas; mais une autre harpe bretonne plus connue,
s'y fesait entendre à peu prês dans le même temps .

§ III.-
Hyvarnion.
Hyvarnion, Huaruo é ou Hoarvian, dut à sa double pro­
fession de poëte et de musicien, dit Lobineau, quelque dis­
tinction près du roi Childebert 1 • . « A une grande facilité
pour parler les langues, il joignait un rare talent pour com­
poser, sur des sujets cJ!imagination, des poëmes rimés
qu'il chantait sur des airs nouveaux de son invention. » Ce
son t les propres paroles d'un vieil hagiographe.
« Quoiqu'il vécut au milieu des cours licencieuses des
rois et parmi les courtisans, continue l'auteur, quoiqu'il fût

jongleur et appartint à la classe des amuseurs joyeux,
il craignit toujours le Seigneur» (1).
Après être restô quelque temps à Paris, il voulut retourner

. dans l'île de Bretagne, son pays, et Childebert lui donna des

lettres de recommandation pour le Conomor ou grand chef .
de la Domnonée, qui gouvernait pour lui la plus grande
partie de l'Armorique, comme Withur le pays d'Ack; ordre
était donné au Conomor de procurer au jongleur un vais­
seau pOUl' l'ile de Bretagne.
• (i) Hic magnœ ind1~striœ, plurimarum que linguarum peritus, sed can­
tor figmentarins, novos enim fingebat cantus rythmicos compositionibu,s
qui bus imponebat neumatu.rn modos antea inauditos. Qui quamvis in vo­
luptuosis regum degeret curiis, 'et inter aulicos, delectabilis .et jocondus
iocularis, tamen metuebat semper Dominum. (.Manuscrit des Blancs-Man­
teaux, n° 38 fol. 81)9. Copie d'Augustin du Paz).

:Ma.is Hvval'nion fnt arrêté par des circonstances dont
"1 ' se le récit aux légendaires, Selon eux, le
o meau :::us ..

'1 oluent de s'embarquer, entendit au fond d'un
Jong eur, au m , ,..
'x ~i fraîche et SI charmante, qu Il fut curIeux
OIS, une VOL ~ , .
'{ e le visaO'e de la chanteuse. Il la trouva aSSIse
de connal r b .
u bord d'une fontaine et cueIllant des fleurs: on la nom-
mait en breton Rivanon, « la petite Reine »; c'est de cette
psalmista, comme l'appelle un texte latin, et d~ jongleur
que naquit le patron des pauvres chanteurs mendIants bre­
saint Hervé (en latin Hervœlls, Herveus , Hoarveus et
tons,
Hoarvianus, selon les différents manuscrits) .

Hervé.

Il vint au monde aveugle, et, pour surcroit de douleur, sa
more, restée veuve avec le petit orphelin, fut forcée de
chercher son pain. . '
Leur histoire est connue; mais ne va-t-on pas m'arrêter?
Ranger saint Hervé parmi les jongleurs!
Et cependant, il n'a pas moins appartenu à leur classe
que saint Julien le Pauvre ~ celle des mAne,strels parisiens,
La ménestrandie bretonne le réclame, et l'histoire serait
assez disposée à le lui abandonner, si l'hagiographie ne pro-
testait. En effet, son culte est public et ancien, remarque
Lobineau; ses actes se trouvent d'ailleurs dans le Lectio­
naire manuscrit de l'église de Tréguier, qu'il juge du
XIIIo siècle, et dans un autre manuscrit de l'abbaye de
Saint-Vincent, du Mans, 'qui est du xv et a été copié par
Augustin du Paz: nous tacherons, dit le sévère historien,
d'en tirer parti, « comme on cherche des raisins dans les
ronces :et des figues dans les épines ».

Il .admet donc, avec ce qui ·regarde la famille du saint,
qu'Hervé naquit aveugle et pauvre, et qu'il chanta, dès son
jeune àge, sinon le Psautiel' tout entier, ainsi que le pré-

tend la légende, du moins les chansons composées par ses
père et mère. Il le fait errer toute sa vie, pieds nus, chan­

tant et mendiant; il ne nie pas qu'il ait pu ètre l'instituteur
des petits enfants, d'après la méthode orale, musicale et
poëtique des Anciens, au moyen de la cantitena, en irlan-'
dais, cantel, chez nous, kentel, à la fois ( leçon » et
« chant ». .
Il trouve assez naturel que l'instituteur populaire n'ait
pas laissé ses pauvres écoliers en plein air et qu'il leur ait
fait bâtir une maison d'école; il lui donne même part, quoi­
que simple exorciste, à l'excommunication du fameux tyran
Conomor, par les évêques bretons.
Tels sont « les raisins et les figues» qu'il tire des actes
de saint Hervé .
Quant à ce qu'il appelle un fouillis de ronces et d'épines,
Montalembert est loin de le traiter aussi dédaigneusement;
l'éloquent écriv8in va même jusqu'à déclarer que la légende
, de saint Hervé « mérite de figurei' parmi les plus suaves
souvenirs de la poésie chrétienne » (1).
Des pièces attribuées au' saint en est-il quelqu'une authen­
tique? Grave question. Du moins l'authenticité du cantiqu'e _
si populaire du Paradis sem ble-t-elle garantie par le
Lectionaire trégorrois du XIIIe siècle, collationné par
Augustin du Paz : on y lit: Recitabat carmen Cantemus
Domino, quod quamvis sit vulgariter editum a prœdeces­
' Hoarveus
soribus sanctis est venerabiliter autenticum ...
prœcepit (episcopo) ut carmen scriberet ne indigentia abo­
leretur memoriœ.
« Quoiq u'il existe une leçon en langue vulgaire de son poëme
Cantemus Domino, du fait des saints nos prédécesseurs,
il est d'une authenticité vénérable .... Hervé fit écrire ce
(i) Les Moines d'Occident. T. II, p. 28L· La rencontre à la fon­
M. J. Aubert, élève de M. Cabanel, le sujet d'un char­
taine a fourni à
mant tableau, exposé au salon de 1.883 .

cantique (par l'évêque de Léon) de peur qu'on ne l'ou­
bliât (1). »
La pièce est du reste fort touchante; M. Renan l'a
remarquée; M. Coppée l'a mise en vers français. La mélodie
Au dire d'un professeur au Conser­
n'ést pas moins belle.
vatoire national de musique, elle serait dans le mode hypo-
dorien. .
L'hypodorien, d'après lui, aurait été le style des prêtres
d'Apollon: (l Il se distinguait, dit-il avec Ca,ssiodore, par
beaucoup de sérénité, de virilité et de noblesse. » ,2)
Il ne serait pas impossible que la mélodie fut venue jus­
qu'à saint Hervé par l'intermédiaire, d'un de ces pauvres
, vieux Appollinaires d'Armorique, d'originedruidique(Beleni
œdituus, stirpe satus Druidum, gentis A remorieœ) à qui la
famille d'Ausone, pour l'empêcher de mourir de faim, fit
grammai~e à Bordeaux (Professo- -
donner une chaire de
res, XVI). .
Mais si la mélodie a le caractère hypodorien (ce dont je ne
suis pas juge), les paroles n'ont absolument rien d'archaï­
que. J'en peux dire autant à fortiori de la ' pièce intitulée
. Kentel ar vugale (la Leç:on des enfants), aussi attribuée à
leur instituteur nomade. La langue du peuple, en tout pays,
est moins fidèle au passé que son cœur: l'écriture offre
des garanties plus sérieuses.

~ V. . Ingomar .
A côté de la famille du ménestrel aveugle et mendiant,
se place immédiatement celle ,d'un roi breton. Judic-Haël,

(i) Porte-feuille des Blanc$-Manteaux, 2 partie du volume XXXVIII.
fol. 857. Cum apogl'. P. du Paz cum alto ms. abb. S. V. Cenom,
(Aujourd'hui Bibliothèque nationale, ms. fr. 22, 321). .
(2) • Bourgault-Ducoudray, Mélodies populail'es de Basse-Bretaqne,
p. 60 et i3. .

sa mère Pritella, et son pèee Jut-Haël ont trouvé dans la
mémoire des moines, au milieu desquels il finit sa vie
(vers 652), la mème reconnaissance filliale qu'Hyvarnion,
Rivanone et saint Hervé au cœUi' des chanteurs populaires
de la Bretagne.
Le souvenir de la beauté de Pritella) cette perle du
« grand rivage occidental » ; de la grâce avec laquelle elle
faisait les honneurR du manoir paternel; de fhospitalité
qu'elle offrit au jeune Jut-Haël, quand il vint, un soir~
frapper à sa porte, après une partie de chasse; de l'amour
qu'elle lui inspira, de leur mariage et de la naissance de

leur fils (vers 590); des gestes du héros et du saint, toute
cette poésie charrna longtemps rabbaye de Saint-Jean de
Gaël, où il s'était retiré. .

d'Haëlocar (828) y prirent sans doute plus
Les disciples
de goût qu'à ces vers de Virgile qu'ils glosaient vaille qUe
vaille en breton et .dont le manuscrit original est à Berne .
. Un de leurs descendants, Ingomar, s'en inspira (992-1035).
Pourquoi, au lieu d'écrÎl'e en latin, n'a-t-il pas écrit
dans sa langue maternelle ~ Du moins~ un courant sou­
terrain, qui jaillit ça et là, donne la verdeur et la vie aux
endroits les. plus arides du récit clérical. Ce courant
paraît venir du pays mème d'où la race du saint était ori-
ginaire. On voit qu'Ingomar connaissait aussi bien la Carn-
brie que la connut Rao ul de Gaël, son contemporain, qui
s'y maria.
Quand il rerïrésente Pritella, le sourire aux lèvres,. rece­
van t le jeune chasseur, on songe aux jeunes Galloises qui,
de son temps, accueillaient lenrs hôtes, la harpe à la main
(Cithararum modulis). Quand il fait consulter un devin qui
doit interpréter le songe mystérieux de Judic-I-Iaël, donner
l'explication du pilier symbolique, et décide \' le mariage du
a vec Pritella, c'est. a u plus fameux devin gallois)
prince

c'est à Taliésin, venu ,d'outre-mer au pays de Val'oc, qu'il
s'adresse; et le bardus, comme l'appelle le tex,te latin,
'ophétise la destinée illustre de l'enfant qui naîtra du

l'Église» dit Lobineau, dÇtns le style de son temps (1).
pour Ingomar, est le pilier de la Petite­
Judic-Haël,
Bl'etagne, comme Pabo, le héros breton, a èté celui de la
Grande. Que dis-je? Ce pilier est le trait d'union de la terre
et du ciel: a sa base, qui est de fer: des casques, des épées,
fer, des boucliers, des trompettes guerrières,
des lances de
suspendüs il. des clous de fer; à son sommet, qui est d'or:
des candélabres, des encensoirs, des 'çiboires, des calices
d'or: des Évangiles se pel'dant confusément dans l'azur ...
Et la garde du pilier merveilleux est confiée a Pritella, par
le moine de Gaël, précisément comme celle du pommier
mystique, aux fruits en'chantés est donnée par Merl~n, a
une jeune fille non moins belle et non moins prédestinée
qu'elle. '
Mais avant de monter au ciel, avec le saint, écoutons le
clairon qui sonne la fanfare du héros :
«( Comme les compagnons qui battent dans l'aire, Judic­
Haël, battait; partout ou il voulait lançant son javelot.
« Quand il alüiÏt au combat, ses écuyers, après lui, se
partageaient joyeusement quantité de ' chevaux harna­
chés ...
« Et plus d'un de ses porte-lance revenait a cheval,
chargé de dépouilles, qui était parti a' pied.
« Et des monceaux de cadavres qu'illa,issait derrière lui.
privés de s~pultul'e, les chiens et les vautours, les pies. et
les corbeaux se rassasiaient.

(1) Chronicon bTiocense, m~nuscrit vélin, 6003, fo 4,8, vo, et 9888,
papier, fo 5i, va. •

« Et chez ses ennemis, dans les rues comme dans les
maisons, des femmes, restées veuves, poussaient des gémis­
sements.
« Comme le taureau vigoureux parmi des bœufs incon­
nus, comme le verrat valeureux parmi des pourceaux
étrangers;
« Gomme raigle parmi les oisons, le faucon parmi les
grues, rhirondelle parmi les abeilles;
« Ainsi Judic-Haël, le roi des Bretons d'Armorique,
alerte, agile, dur dans la bataille, assaillait les ennemis qui
lui résistaient.
« Il combattit surtout les Franks, parce que les Franks
voulaient mettre les Bretons sous le joug (1). »
Ce chant patriotique reporte la pensée aux luttes soute­
nues contre les Franks par le prince Domnonéen, luttes
saint . Ouen et saint Éloi mirent fin par leur
au.xquelles
intervention (652).
Quel ménestrel gallois ou armoricain, quel gesteur popu­
la robe du moine ~ Pour traduire si
laire se cache sous
ait chanté dans le
bien de pareilles effusions, il faut qu'on
monde avant d'écrire dans le cloître.
Mais quel dommage que nous n'ayons plus la chanson de
geste originale! Elle faisait, j'imagine, les délices des con­
vives que la date de la naissance spirituelle du saint, c'est-
à-dire de sa mort, réunissait tous les ans, le 16 décembre,
Saint-Jean de Gaël.
On y parlait ave.c admiration des largesses incompara­
bles auxquelles le bon roi devait son nom; jamais il ne dit
à aucun visiteur: « D'où es-tu ~ Pourquoi viens-tu dans ce
« palais ~ » Il accordait tout ce qui lui était demandé, et per­
sonne ne partait de sa cour sans recevoir un présent. »
(i) Chronicron briocense. Ms, Bibl. nat., nO 6003, fol. 50 VO .

Ces habitudes de largesses se changèrent ... dans le cloître,
en charité si extraordinaire qu'il servait lui-même ses
frère:3 à table et leur apprêtait leurs repas de la main qui
ag les batailles; seulement ... quelques-uns trouvaient,
nait
couvent qu'a préparer le festin des oiseaux de proie dans
la mêlée (1). .
(A suivre) .

(!) Blancs-Manteaux, 38. Cf. de la Borderie (Annuaire de i862, II,