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Bulletin SAF 1885


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Une pierre tumulaire de l’église de Ploaré

Abbé Abgrall

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


XVIII

LA DALLE TUMULAIRE DE L'ÉGLISE DE PLOARÉ.

Dans l'église paroissiale de Ploaré, près de Douarnenez,
bas-côté nord, existe une ancienne dalle
vers le _milieu du
tumulaire, que la tradition populaire dit être la tombe de
Marguerite Le Nobletz, sœur de Michel Le Nobletz, l'apôtre
de cette contrée au XVIIe siècle. Il est acquis, en effet, que
cette sainte fille qui aida beaucoup' son fl'èl'e dans ses travaux
apostoliques, a été enterrée dans cette église; mais dans quel
endroit, au juste? Sur ce point, les mieux informés ne sont ' .
pas d'accord. La pierre tombale dont il est ici 'question passe
pOUl' recou n'il' ses restes, et la piéte du peuple, pleine de con­
dans le pouvoir de celle qu'on y vénère, y dépose les
fiance

enfants qui tardent amarchel', et souvent l'on a vu cette con-
fiance exaucée et récompensée pardes résultats qu'on pour-
rait dire miraculeux. Cette dalle en granit, qui mesure Om68
de largeur sur lm 95 de longueur, porte des sculptures' an-

ciennes <1ont le caractère semble lui assigner une date
beaucoup plus reculée que répoque de la mort de Margue­
rite Le Nobletz : d'un côté: une lance de forme archaïque;
au milieu, une épée rappelant les épées a deux maîns des

anciens chevaliers. Sur le bord, 'du 'côté droit, est un ban:-
deau avec une inscription presque complètement effacée;
des restes de lettres sembleraient indiquer l'écriture du
XIIIe ou du XIVe siécle. La pointe de l'épée du milieu a
martelée, et en cet endroit on remarque six trous de
été
quatre conservent encore le plomb qui a dû
scellement dont

servir a fixer une plaque de cuivre portant une inscription
funéraire. '
M. l'abbé Billant, recteur de Ploaré, faisant en ce mo- ,

ment renouveler le pavé de son église, a cru qu'il était

sage de profiter de cette occasion pour avoir des données
sur les restes que renferment cette tombe. Il
plus exactes
a donc fait enlever la dalle s
couche de terre d'une épaisseur de Om 20 on a trouvé dif-
et 'sans ordre, ce qui du reste se
. férents ossements épars
rencontre dans les autres parties du sol de l'église: ces
ossements proviennent des anciennes inhumations et ont
été bouleversées a répoque du dernier pavage. A la pro­
Om 20, vers l'extrémité Est de la tombe, la pioche
fondeur de
des . travailleurs a mis a découvert une pierre plate en
schiste ou ardoisine formant un carré d'environ Om 50 de
côté. Aprés l'avoir dégagée avec soin, on l'a soulevée et l'on
a ' vu qu'elle recouvrait une petite sépulture ou coffre en
pierre renfermant des ossements qu'on y avait soigneuse­
ment déposés. Ce coffre est composé de cinq ardoisines qui
et le fond; il mesure, a l'intérieur, Om28
forment Jes côtés
. de largeur, Om 34 de longueur sur 0 m 30 de profondeur. A
parfait état de con­
l'angle nord-est se trouvait une tête en
servation; les fémurs étaient rangés dans la diagonale, du
sud-est au nord-ouest, et les autres ossements prenaient le
mieux la question et pour
reste de l'espace. Afin d'éclaircir

savoir s'il ne se trouverait pas quelque objet qui pût aider à

formuler une opinion quelconque, tous ces l'estes furent reti~
rés ,avec respect et déposés en ordre sur le pavé pour pouvoir

être mieux examinés. Par une heureuse coïncidence" M. le

docteur Bizien, de Douarnenez, se trouvait être en ·ce mo-
ment au bourg de Ploaré et eût l'obligeance de faire un

examen attentif de tous ces ossements. Il y a reconnu

d'abord le crâne bien conservé que j'ai signalé précédem-

ment,. puis une mâchoire inférieure, s'adaptant parfaite-
ment a ce crâne. Deux fémurs mesurant Om 395 et semblant

appartenir au -même individ.u, d'autres os longs, puis un
grand nombre de côtes et de vertèbres. Mais il a pu cons­
tater que, outre les ossements qui appartenaient au person-

nage principal, il y e!l avait encore qui provenaient de
deux autres sujets différents; d'abord plusieurs piéces d'une
seconde boîte cranienne, puis une seconde mâchoire infé­
rieure et les restes d'une troisième dont les dents indiquaient
. un enfant assez jeune; des tibias, përonés, fémurs" côtes,
etc., appartenant également à un enfant. .
Après cet examen, aucun document écrit, aucune mon-
naie ou médaille ri'ayant été trouvée dans la petite sépulture
en pierre, les ossements yont été déposés de nouveau dans

le mème ordre que précédemment, puis procès-verbal de

cette fouille dressé et signé par trois témoins, et enfermé

dans un tube de verre pour être déposé aussi dans le petit
caveau; après quoi le couvercle' en ardoisine a , été remis à .
sa placê et scellé à la chaux.
Quels sont ces restes exhumés d'une autre sépulture et
réunis pour être renfermés dans ce coffret en pierre ~ Sont~ce
ceux de différents membres d'une même famille, sont-ce
ceux de Marguerite Le Nobletz auxquels on · aurait joint,
par dévotions, les ossements d'une autre personne et d'un
enfant ~ le $8ul document qui aurait pu faire la' lumière sur
ce point a disparu: la plaque en cuivre, dont les scellements
en plomb sont un indice certain, a sans doute été appliquée
. sqr la grande dalle tumulaire à l'époque du transfert et du
dépôt· de ces ossements et en indiquait la provenance. Elle
a dû être enlevée pendant les troubles de la Révolution, et
les registres de l'église qui existent ,!llaintenant, ne remon­

tant pas au-delà des premières années de ce siècle, ne peu­
vent non plus fournir aucun l'enseignement sur èette ques­

tion assez intéressante poUl' Phistoire locale. Heureux
serait-on, si quelque chercheur opiniâtre parvenait un jour
à trouver cette solution.

L'Abbé ABGRALL .

NOTE. I.e Recteur de Ploaré soussigné ne croit
devoir ajouter que quelques observations au rapport fait
par M. Abgrall sur la découverte des reliques.
1 La tombe en question est désignée sous deux dénomi-
nations. différentes : Bez an Tad (tombe du Père), Bez
Mac'hari t Nobletz (tombe de rVlarguerite Le Nobletz).
On appelle encore Bez an Tad l'endroit du chœur où
commencent les gradins du sanctuaire, et là sont déposés
enfants infirmes, après avoir touché d'abord la tomb
les
vénérée.
pourrait ètre ce Père? Je ne trouve aucun indice
Quel
dans ,les vieux auteurs (Lobineau et Verjus) de la sépul-
ture dans l'église de Ploaré d'un personnage célèbre par sa
sam tete.
Le peuple dé Douarnenez entendant si s'Ouvent parler de
Michel Le Nobletz, pe se sera-t-il pas habitué à prendre
faussement la tombe de Marguerite pour la tombe de son
frère? Du reste, la plupart les ' confondent; et jamais per-
sonne n'a pu donner le moindre renseignement sur ce' Pèr'e .
Pour moi je demeure de plus en plus convaincu, que le
Père, à moins qu'il ne soit question de Michel Le Nobletz,

n'a jamais existé.

2 Les reliques découvertes sont-elles bien les restes

Marguerite Le Nobletz?
Il me paraît certain que ce n'est pas à cet endroit que la
sainte fille a été inhumée tout d'abord.
En effet, tous les auteurs rapportent que ce fut au bas
de Péglise, parmi les pauvres, et la tradition assigne tantôt
le voisinage des fonts baptismaux, tantôt la porte princi-
pale de l'église comme lieu de, sa sépulture.
Mais, le pavé, que je fais reconstruire cette année, a dû
être posé après la mort de Marguerite Le Nobletz : ceci
n'est même pas douteux. Or, est-il difficile d'admettre que
l'autorité ecclésiastique, en présence des faits merveilleux

qui se produisaient sur la tombe de la sainte, ait transféré
ses restes dans un lieu plus apparent de l'église, les consi-
dérant comme· un precieux trésor ,~ Et, ici, une autre re-
.marque digne d~intérêt : la tombe visitée est préciséinent
placée au pied de l'autel de Sainte-Marguerite, disparu
. aujourd'hui.
Mais., la raison la plus forte en faveur de ma thèse la
VOICI:

En 1724, date de l'impression de l'ouvrage de dom Lo­
bineau, 100 ans après la mort de Marguerite Le Nobletz, sa
tombe était en granÇle vénération et de grands miracles s'y
oFéraient. Mais, à quelle époque les pèlerins auraient-ils
cessé d'affluer?·

La Révolution n~a pas profané ces .reliques; un fait si
grave et si récent eût été cqnnu et exécré de tous. Or, on

visite toujours la tombe en question. Des guérisons conti­
nuent d'être obtenues,' N'est-ce pas là le pèlerinage inin-
terrompu depuis 250 ans ~ . . '
3° Cqmment expliquer la présence dans cette tombe des

restes de trois personnes ~
Admettons l'hypothèse de la translation des reliques de

Marguerite Le Nobletz .
avait été enterrée parmi les pauvres; sous l'humble
Elle
pierre qui recouvrait ses restes, on a donc dû trouver les
urs autres personnes, et .
ossements confondus de plusie'
pour avoir -la certitude de recueillir des reliques de Mar-
guerite Le Nobletz on en aura pris plus que m,oins .
Je livre cette opinion pour ce qu'elle vaut. Du reste, sur

ce dernier point le ,champ des conjectures me paraît bien

étendu .
Un document précieux à connaître serait la vie de Mar-
guerite Le Nobletz écrite par son frère.

. F. -M. BILLANT,
. Recteur de Ploaré. .