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Bulletin SAF 1885


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Promenade à Quimper (article 3)

M. Trévédy

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IX (Suite) *.

CHAPITRE IV.

La Terre au Duc.
- Kernisy. - Locmaria.

Par le nom de Terre au Duc on désigne; jusqu'a, la fin
tout l'espace compris entre la riviére de
du dernier siécle,
Stéïr, l'Odet , et le faubourg de Bourlibou; en un mot ce
qui a été autrefois Terre du Duc, et, plus tard, a relevé pro­
chement du Roi, successeur de nos Ducs.
Au dire du Sénéchal de Silguy, en 1745, la Terre au Duc
ètait le plus grand et le plus beau quartier de la ville(l)
C'est là, comme nous l'avons dit (2), que le Duc d'abord et
le Roi ensuite avaient eu leur auditoire, leur prison, leur
halle ou eohue et le domicile ordinaire de leurs officiers. .
Anciennement l'Evêque n'aurait pas permis que les offi-
ciers royaux vinssent demeurer dans la Ville Close. Plusieurs ,
fois,en temps de guerre, ils vinrent chercher derrière les
murailles un asile que l'humanité ne permettait pas de leur
'refuser; mais, chaque fois, « les Ducs reconnurent paf
« lettres que cette nécessité ne pourrait faire de consé­
« quence. » (3) Aux derniers siècles, on se relâcha de cette
rigueur; et, comme nous l'avons vu, plusieurs sénéchaux
demeurèrent dans la Ville Close (4). A plus forte raison,
ên fût-il de même des conseillers au Présidial et des offi-

ciers royaux d'ordre inférieUr. ,
Nous passons le pont Médard, d'abord en bois et recons-

truit en pierres /au commencement de ce siècle.
('~) Voir ci-dessus, p. 2i3 et 203.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. Tome XII. (Mémoires). 22

Vous remarquerez en face .. du pont une maison mar­
quée D, que l'ingénieur André a sans doute et très-juste­
ment condamnèe : en effet, elle empêche le libre accès du
pont à la rue qui se présente en face. Cette maison appar­
tenait ... en 1539 ... à Jean L'honnoré (5), d'une famille colisidé­
rable de Quimper, qui fut aumônier en 1551, et dont un
descendant devenu Sénéchal, fit preuve de dix générations
et fut reconnu noble d'extraction, à la réformation de 1668 .

En 1636, la même maison était l'habitation de Guillaume
« brasseur de bière. » (6).
Hubert
En 1768, la ville mit à exécution le projet de l'ingénieur
André. Le 3 décembre de cette année, M. Julien Le Thou,
maire, acquit la maison de Me Jean-Marie Picard et des
mineur§ Guerrier, sous l'autorité de leur grand' mère Ma-

rie Lecorre, veuve Hernio. Le prix consista dans une rente
90 livres et l'obligation de payer :au domaine l'ancienne
50 livres par an; ces deux sommes form.ant un
rente de
capital de 2,800 livres aul denier 20 (7). La maison fut
et le passage intercepté depuis plus de deux siècles
abattue,
fut enfin ouvert.
Aux premières années du XVIe siècle, en 1514, au plus
tard « le l'oy et la royne Loïs et Anne (que Dieu pardoint) »
firent construire aux abords de la place Médard un vaste
édifice (8). Il couvrait plus que l'espace occupé par les mai­
sons qui bordent la rue acôtoyantJ la rivière a partir du
Médard; et occupait même une partie de la place dite
pont
• Terre au Duc. En bq,s; était la Cohue, au­
aujourd'hui
dessus l'auditoire; contre l'auditoire et la cohue étaient les
prlsons.
Cet édifice était encore neuf, puisqu'il n'avait guère que
quatre-vingts ans d'âge, lorsque les Quimpérois le jetèrent
bas. Ils attendaient l'armée~' du .~duc d'Aumont et se pré­
paraient à une résistance vigoureuse. Un mois après, le

duc d'Aumont arrive et la ville capitule à peu près sans
coup férir. Le sacrifice de l'auditoire, des prisons, des halles

avait été inutile ... Après avoir rapporté cette destruction

faite en pure perte, le chanoine Moreau écrit: « A Quim-
« per, on se gOllverne non par conseil, mais à l'étourdie
« et comme à la cour du Roi Pétaud »; puis il s'excuse
tracé ces lignes (9). En quoi il a grand tort .. car son
d'avoir
au moins dans le passé ... amplement
appréciation était ...
justifiée.

n'eut plus de prison à Quim­
Grâce à cette , folie, le roi
per et dut en louer une au moins jusqu'à 1685 (10) ; la ville

n'eut qu'un auditoire d'emprunt jusqu'en 1832; enfin de

1594 à 1845, pendant deux cent cinquante ans, Quimper
n'a pas eu de halle (11).
Un peu au-dessus du pont Médard est le ,moulin du Duc
(du Roi) avec son étang (12). .

Remarquons la place que le plan nomme Place au Due
et qui garde encore le nom de Terl'e au Due. - : En 1539,
pendant qu'existaient l'auditoire et les prisons du Roi,cette
place 'avait moins de largeur qu'aujourd'hui. Le procès­
verbal de réformation donne à la partie de la place voi­
sine de la rue du Chapeau-Rouge (d'aujourd'hui) le nom
Laboureurs locatifs (13). Ce nom n'était
de place des
pas assurément le nom vulgaire de la place; mais cette
indication est précieuse: elle nous apprend que c'était le

point de rassemblement des domestiques de la campa-
gne venant, à certains jours, chercher à louer leurs
services. Aujourd'hui, après 350 ans bientôt, l'usage n'a
pas changé; et un laboureur locatif de 1539 reparaissant
en ce' monde le jour de saint Corentin, trouverait en cet

endroit nombreüse compagnie.
l~ place à peu près telle qu'elle était en
Nous voyons
1764: la plupart des maisons qui la bordent aujourd'hui
étaient déjà bâties. A l'angle sud-est de la place, remarquez

la ruelle (élargie depuis) qui conduit au Stéïr (aujourd'hui
au pont des halles). D'aprés l'éditeur du chanoine Moreau,
endroit que se tenait le duc d'Aumont, quand il
c'est à cet
atteint d'une arquebusade (14).
manqua d'ètre

Six rues seulement dans ce grand faubourg de la Terre
au Duc:

1 En face du pont Médard, rue des Orjèvres, aujour­
d'hui et dès avant 1781 rue du Chapeau-Rouge, et partie de
la rue Saint- Mare. Elle se prolonge en une voie passant
aujourd'hui derrière la caserne neuve et faisant le pourtour
de la Place Neuve jusqu'à Saint-Joseph. '
Ce nom de rue des Orfèvres, qui a prévalu jusqu'au
milieu du siècle dernier, ,est une réminiscence maladroite
du . nom de rue des ' Febvres · c'est-à-dire des Serruriers
(faber-fabri) que les anciens titres ,et le procès-verbal ~e

réformation de 1539 ' donnent à cette voie. La similitude
l'erreur, et d'autant plus facilement
des deux mots a causé
que le mot de jebvr.,e est depuis longtémps sorti de l'u-

sage (15). A la fin du dernier siècle, la rue a pris le nom
Chapeau-Rouge d'une auberge « où pendait pour
ridicule du

. enseigne le Chapeau-Rouge (16). »

Sur cette rue débouchait, à l'entrée de la rue Saint-Marc
actuelle ... la route de Locronan, ' autren+8nt de Lanvéoc,
passant devant la chapelle de Saint-Marc .... je ne dis pas
Saint-Marc; il n'existait pas encore
devant le cimetiére de
et il n'a été béni que le 3 novembre 1788 (17).
La rue se continuant comme je l'ai indiqué plus haut, '

débouchait sur un vague entre l'enclos des Cordelières
(maison de Saint-Joseph) et celui des Capucins (aujour­
d'hui le Sacré-Cœur) Sur ce vague se rencontraientla

route de Douarnenez et celle Pont-rAbbé, entrant en ville
raI' Bourlibou.
la rue dite Porz-.
L'ingénieur André proposait de rectifier
il1ahé, et traçait une voie en ligne droite du carrefourdela
rue Vis à l'entrée de la rue de Bourlibou, c'est-à-dire
vers la route de Pont-l'Abbé. Ce tracé n'a pas été suivi; et
c'est vers la route de Douarnenez que fut plus tard dirigée
la prolongation en ligne droite de la rue de Porz-il1ahé. Il
ya vingt ans, la Place Neuve était traversée par cette allée

plantéede grands arbres allant droit à la rencontre de la
route de Douarnenez.
Ce tracé datant du commencement du siècle était l'exé-
cution amoindrie du projet que voici: .
Au temps de Cambry, l'ingénieur en chef Detaille proje­
tait d'amener sur la même place la ' route de Locronan.
La place devait devenir un marché (bien éloigné du centre,
il en faut convenir). Au milieu devait s'élever une fontaine
par la source de saint Joseph. Ce
monumentale alimentée
projet qui nous semble bizarre excite le facHe enthousiasme
n'a pas étè exécuté. Aujourd'hui fort heureu­
de Cambry. Il
sement aucune des trois routes de Douarnenez, Pont-l'Abbé
et Locronan ne passe sur la place Neuve .
2° Rue du Rossignol (aujourd'hui Saint-Mathieu). Elle
partait de la Terre au Duc et gardait son nom seulement
est à
jusqu!à la place Saint-Mathieu. Aujourd'hui cette rue
peu préS ce qu'elle était en 1764; . et les élargissements
proposés par ringénieur André, quelque nécessaires qu'ils
soient, sont encore à faire.
La nlace Saint-Mathieu était de dimension moitié moin-

dre qu'aujourd'hui. Contre l'église était une chapelle dite
lVotre-Dame du Paradis) c'est-à-dire du Parvis, qui exis­
la place et l'église, un ci-
tait enëore en 1639 (18), et, entre
au moins jusqu'en 1788 .
. metière où l'on a inhumé,
L'ossuaire bâti auprès de la porte du cimetière ètait a

peu près au milieu de la place actuelle. Que d'inhumations
ont eu Pieu dans cet étroit espace depuis la fondation
de l'église mentionnée dès 1209, à laquelle a succédé au
XVe siècle l'église qui existe aujourd'hui! Et que de fois ...
l'ossuaire étant rempli, a-t-il été procédé à un second enter­
rement de ces débris humains, comme il fut fait le 28 octo­
bre 1685 !
Ce jour, « les ossements furent portés du reliquaire dans
« une grande fosse : il y en avait une telle quantité qu)il '
« fallut un jour pour en faire le déplacement. Une messe
« solennelle fut chantée et un sermon se fit l'après-midi;
« après quoi on fit une procession solennelle où chaque
« ecclésiastique et autres personn!?s q ui ~ssistaient portaient
« des ossements en mains et plusieurs autres dans des
« paniers forts propres ... , etc. » (19).
La place ne communiquait avec la rue des Orfèvres que
par la ruelle qui contourne aujourd'hui la 'maison de Justice
(ancien couvent des Ursulines).
3° Rue Porz-Mahé. C'est ainsi qu'on nommait le prolon­
gement de la rue du Rossignol,' au-delà de la place Saint­
Mathieu. A partir du carrefour de la rue de la Vieille Cohue
et de la rue Vis, la rue Porz-Mahé longeait la maison de la
Retraite (aujourd'hui caserne de gendarmerie), et contour­
nait au sud la place Neuve d'aujourd'hui, jusqu'au vague
dont j'ai parlé plus haut. Comme on le , voit, cette vaste
place était comprise tout entière entre la rue Por?:-Mahé et
le prolongement de la rue des Orfèvres.
4° Rue Vis. En 1539, on la nommait rue du Vice ou du Vicze.
Le chanoine Moreau la nomme rue Saint-Jean, parce que
du carrefour de la rue Porz-Mahé elle conduisait à la cha-
pelle Saint-Jean, bâtie, comme nous l'avons vu, à l'entrée
de la rue sur le quai (20).
5° Rue de la Vieille- Cohue (aujourd'hui rue Laënnec.)
Elle prenait son nom du voisinage de l'ancienne halle ou

cohue du Duc et ensuite du Roi. M. de Blois suppose que
l'unique communication entre l'ancien Quimper (ou Loc­
et le nouveau ou la Ville close, se faisant par la rive
maria)
droite de l'Odet et le pont de Locmaria « la cohue avait été
bâtie entre les deux' villes et que la rue de la Vi,eille Cohue
.nous en rappelle la place. » (21).
D'après le procès-verbal de la Réformation de 1539, la
l'auditoi~e et la prison du Roi, réunis comme ils le
cohue,
furent depuis sur un autre point, devaient être un peu plus
loin, crest-à-dire aux abords de la rue Vis et du quai, - non
et à peu près vis-à-vis de la chapelle Saint-Jean, peut­
loin
être même à l'encoignure de la rue. Le procès-verbal nous
apprend que leur ancien emplacement avait un accès
par la rue Vis et un autre par la Rive (le quai actuel).
Par rue de la Vieille-Cohue il faudrait donc entendre la
rue qui conduisait à la cohue et non celle où elle était
bâtie. .
On peut supposer que la cohue (et sans doute aussi
et la prison) existaient avant 1209. En effet l'E­
l'auditoire
vêque ayant commencé à bâtir une halle (macellum) dans
sa Ville Close, Guy de Thouars mit oppositiona ce travail;
et un .des article~ de la convention passée entre eux est que
l'Evêque n'obligera pas les habitants de la Ville Close a
venir a sa cohue en abandonnant celle du Duc (22) .
La rue a gardé son ancien nom jusqu'a 1790. A cette
rue Mably du nom de ·l'his-
époque, elle reçut le nom de
torien philosophe follement épris de la République de
Sparte ... , jusqu'au brouet noir exclusivement. Elle a retenu
jusqu'en 1814. A cette époque, elle est redevenue
ce nom

rue de la Vieille Cohue. Enfin, depuis 1868, elle est
rue Laennec, du nom du célèbre médecin que l'on
disait. y être né. Les uns indiquent comme sa maison
natale la maison n° 19, sur laquelle l'administration muni­
Les autres, la
cipale a posé une plaque commémorative.
maison n° 1 faisant l'angle de la rue du quai, qui a appar-

tenu à Mlle des Landes, devenue la seconde femme de l'aïeul
Ni rune ni l'autre de ces maisons n'a
paternel de Laennec.
vu naître notre célèbre compatriote: je crois l'avoir claire­
ment démontré (23). La rue gardera-t-elle son nom, et la

maison n° 19 sa plaque? Oui, dit-oni ... ce qu(ne fera pas
que Laennec y soit né.
Au carrefour de la rue Porz-Mahé, de la rue Laennec et
de la rue Vis était, au temps du chanoine Moreau .. une b'ar­
rière qui défendait l'entrée de ces trois rues. « Le 30 mai
«( 1597, les argoulets ou carabiniers à cheval de La Fonte­
« nelle donnèrent furieusement contre cette barrière et
« l'emportèrent.» Ils allaient entrer dans le faubourg sans
1 e secours de Jean J égado, seigneur de Kerollain (24).
6° Rue du Sel ou comme aujourd'hui du Quai, très- '

Quai dans les actes du der-
souvent nommé simplement-le

nier siècle (25) .
En 1539, la voie publique, qui partant du pont Médard,
cotoie la rivière du Stéir et se dirige vers le confluent des
portait deux noms: rue du Sel (écrit souvent du
rivières,
SeeZ) jusqu'à la rencontre de la rue de la Vieille-Cohue, rue
de la ' Rive, au-delà. La maison aujourd'hui n° 1 rue

Laennec venait d'être bâtie et le procès-verbal l'indique
comme la première maison de la rue de )a Rive (26) .
Nos deux rivières n'étaient pas endiguées à cette époquc .

La voie que nous nommons Quai d'Odet, du pont du Parc
au passage de Locmaria, était alors la Rive de Quimper-
corentin; et la rue qui y conduisait se nommait naturel-
lement rue de la Rive, comme de nos jours la rue abou­
tissant au quai se nomme rue du Quai.
Le nom de rue du Sel venait':"il de l'existence d'un gre­
nier à sel dans cette rue? ... Sous l'ancien régime, l'État

débitait le .se),· comme il débite aujourd'hui le tabac et les

sur le sel un impôt nommé gabelle.
allumettes. Il percevait
Il y avait dans quelques villes un entrepôt nommé grenier

li sel et auprès un tribunal appelé du même nom. Mais
n'y avait plus de grenier à sel à Quimper .
depuis longtemps il
La Bretagne était, COmme on disait, un pays reclimé: en
temps que l'Aunis, la Saintonge, etc" elle
1553, en même
avait payé une fois pour toutes l'impôt du sel, et « moyen­
« nant une finance considérable, obtenu du roi Henri II
«( l'exemption de toute imposition sur cet objet (27). »

Le plan figure une ruelle en prolongement de la rue de
la Vieille-Cohue et allant vers le « bief descendant du
« moulin du Duc. » L'eau du canal de fuite de ce moulin
coulait en 1764, comme en 1539, à ciel ouvert en cette partie.
En 1783, le canal fut voûté et la ruelle close, quand ,
M. de Madec, à son retour du Mogol, bâtit l'hôtel situé
en face de la rue Laennec (28).
Au contraire le plan ne figure pas une petite ruelle, men-
au procès-verbal de 1539 « par laquelle on va dé la
tionnée
« rue de la Ryve à la rue'de la Vieille-Cohue. » Cette ruelle
encore; mais elle est fermée: elle se trouve entre la
existe

2 et la 3 maison de la rue du Quai, à partir de la rue

Laennec. En 1539, elle débouchait du côté de la rue de

la Vieille-Cohue sur une petite place nommée au dernier
s.iècle le Pa~e de tout Le monde. Ce parc en miniature était
planté de quelques arbres et servait aux jeux des enfants
quartier. Il a été vendu en '1766 (29) ; mais il est figuré
au plan comme faisant partie de la voie publique. Dirai-je
cette petite ruelle se nomme vulgairement rue du
que
Poivre par opposition sans doute à l'ue du Sel ? .. Tl ya des
ge-ns que charment ces puérilités 1

III

Le plan nous montré la ville bâtie éomme finissan~ à peu
près au bout ouest de la rue de la Vieille-Cohue et à l'entrée

en ville de la route de Locronan. Au delà de ces points, les

rues des Orfèvres et .Porz-il1ahé- n'étaient plus bordées que
par ~es murs cl' enclos conventuels.
avait dans la Terre au Duc quatre couvents:
Il y

1 Celui des Ursulines, fondé en 1621, par Sébastien de
sa sœur
Rosmadec, second marquis de Rosmadec, pour
Madeleine, qui en fut la première supérieure (30). .
L'enclos du couvent comprenait tout l'espace circonscrit
par la rue des Orfèvres prolongée et la rue Porz-Mahé.,

c'est-à-dire la place Neuve, l'emplacement des casernes et
la maison de justice. Les bâtiments du couvent compre­
naient la maison de justice actuelle et l'ancienne caserne
qui a été, de 1798 à 1832, palais de justice.
La rue qui longe la caserne, de la place Saint-Mathieu
la rue de Douarnenez, n'existait pas; un pignon de la
vers
maison des Ursulines était contigü à la chapelle de Notre­
Dame du Paradis. A la fin du XVIIe siècle ou au commen­
XVIIIe, les religieuses essayèrent d'usurper cette
cement du
chapelle et ouvrirent une porte dans le pignon. Les habi- .
tants de la Terre au Duc plaidèrent contre elles et obtinrent
condamnation -au présidial ' d'abord et ensuitej au Parle­
ment (31) .

2° Les Dames de la Retraite créées par le père Maunoir
à s'établir à Quimper, en )678. Elles
furent autorisées
eurerit successivement plusieurs demeures provisoires; enfin
elles bâtirent une maison conventuelle qui fut bénite en
1743, par Mgr de Plœuc. Lem' maison était assez vaste
pour que, en 1758, les hôpitallx étant pleins, elles pussent
offrir 300 lits à des marins malades ou convalescents (32).
Cette maison conventuelle, qui n'a jamais été terminée, est
aujourd'hui la caserne de gendarmerie. L'enclos s'étendait
la rue Vis actuelle à la ruelle du Kergoz, il
en longueur de
avait une porte cochère (qui existe encore) sur cette ruelle.

C'est pourquoi l'Evêque, supérieur des Dames de la Retraite,
la communauté de ville aux
s'opposa énergiquement avec

entreprises de l'abbesse de Kel'lot sur la venelle du
Kergoz
30 Le couvent des Cordelières ou Franciscaines urba-
niste8~ sœurs du tiers-ordre de Saint-François (aujourd'hui
la maison de Saint-Joseph), avait été fondé en 1650. Le
plan indique « l'ancien couv~nt ... aujourd'hui, sans reli­
gieuses. » En effet, cette maison avait été fermé~ en 1742.
M. de Blois dit qu'il y a lieu de penser que ce fut par suite
des querelles du jansénisme (34). L~ordonnance royale du
mars 1742 dit simplement que le couvent est fermé, eu
égard au petit nombre des religieuses (il n'y avait que
trois professes). Défense leur est faite, de par le roi, de
recevoir des novices (35). .
Le couvent comprenait un vaste espace dans l'angle
formé par la route de Locronan et la rue des Orfèvres.
En 1780, il fut question de transférer l'hospice Sainte­
Catherine a Saint-Joseph; on opposa l'insuffisance d'eau.
l'Evêque proposait de céder cette maison
A cette époque
pour ~n faire une caserne. Nous aurons a y revenir .

4 Le couvent des Càpucins (aujourd'hui le Sacré-Cœur),
établi en 1601, avait pour église la chapelle de Saint-Sébas- .
brûlée en 1785, et rebâtie en grande partie des
tien, qui fut
la vale. Cette maison vendue nationalement
libéralités de
fut acquise par une personne qui en donna la disposition a
l'Evêque; des Visitandines y furent établies, de 1806 à 1817,

où les Dames du Sacré-Cœur s'y fixèrent. La
époque

chapelle de Saint-Sébastien a été récemment démolie (36).
L'enclos s'étendait vers la campagne, le long de la route
de Douarnenez.

Pour ne rien omettre, il faut dire que très près de
mais au-dela de ses limites, il y avait, dü côté
Quimper,
la riviére où nous sommes, un autre couvent: celui des
Caloairienn(}s. Ces religieuses
Bénédictines réformées, dites

avaient acquis, le 5 novembre 1634, le manoir de la Palue
(près de la route de Pont-l'Abbé, par. de Penhars), et s'y
étaient établies. En mal~s 1639, elles posèrent la première
pierre du couvent dont un dernier reste se voit encore vers
l'ouest; et en 1658, leur église fut consacrée. Elles furent
chassées de leur couvent en 1792, et leur monastère fut.
vendu. Plus tard, quelques-unes des Calvairiennes se
réunirent dans la maison dite aujourd'hui, et très mal à
propos, maison Laënnec, n° 19, rue Laënnec: En 1808,
elles purent racheter leur ancien couvent; mais, en 1810,
elles en furent de nouveau dépossédées. L'Administration
interna
prétendait y établir un dépôt de mendicité; on y
provisoirement les prisonniers espagnols. En 1816, ce bâ-

timent fut mis à la disposition de l'Evêque, qui y établit le

séminaire diocésain
Le nom de Calvaire est retenu de nos jours par la ferme
voisine, qui faisait autrefois partie du domaine de la com­
munauté .

A gauche du plan, vers le bas, s'ouvre l'avenue de
Crémar, plus exactement Creach-lVlarch, comme l'écrit le
autrement Kernisy. Ce dernier nom .est
chanoine Moreau,

une abréviation du mot de Kerminihy ou Kerminic'hy, le
C'est en ce lieu ou au voisinage que se
village de l'asile.
trouvait l'asile de Saint-Corentin, dont le souvenir se
retrouve encore dans le nom de Mezminihy (la culture de
l'asile), qu'ont porté jusqu'à la fin du XVIe siècle la place
dite aujourd'hui place Neuve, et les terrains voisins.
Le Chapitre avait, au moins jusqu'en 1488, juridiction

sur lvlesminihy (38) ; mais dans son aveu de 1682, l'Evêque
ne fait aucune mention de ce droit. .
Les asiles étaient des lieux consacrés « .par la prière

« publique, comme les églises et les monastères, ou même
{( pal' la demeure ou la pénitence de quelque saint. » Au
la poursuite criminelle était exercée par la partie
temps où
n'être pas exempte de violence; "et ces
lésée, elle pouvait
lieux de refuge ouverts par l'Église pouvaient avoir leur

Pasile ne pouvait êtr.e enlevé
utilité. L'accusé entré dans
sans la permission du prêtre qui avait la garde du lieu
consacré.
Nulle part les asiles ne furent plus nombreux qu'en Bre­
gardent le nOm de Minihy témoignent .
tagne : les lieux qui
leur multiplicité. En outre, ailleurs, l'asile ne dépassait •
guère le seuil de l'église ou du monastère; en Bretagne, il
était « quelquefois d'une grande étendue » et comprenait
des landes et des champs, où le réfugié, faisait paître une
Saint­
vache dont le lait le nourrissait (39). L'asile de
Corentin était de ce genre.

s'op­
Les ducs de Bretagne, comme les rois de France,
posèrent souvent à cette extension des asiles. Le duc
Pierre II notamment ~'en plaignit au pape Nicolas V. En

i>éponse, le cardinal d'Estouteville, légat, publia, en 1452,
« un réglement pour réprimer l'abus des Minihis » et l'an­
née suivante, le pape lui-même condamnait formellement

cet abus (40). Enfin, l'ordonnance sur la Justice criminelle,
de 1539, refusa lè droit d'asile à ceux contre lesquels avait
été rendu un décret de prise de- corps (41).

Créac'h-March était la demeure de Guillaume Le Baud,
la Ligue. Le duc de Mercœur lui avait donné
sénéchal sous
« gratis l'état de sénéchal, le plus beau, le plus honorable
« et lucratif de Basse-Bretagne»; le duc avait payé pour
lui 2,000 écus de rançon (42). Quand le maréchal d'Au­
mont menaça Quimper, le sénéchal s'empressa de se tour-
ner vers lui. Il crut ainsi conserver sa place; mais il se

trompa. Le Maréchal se sert de l'ancien obligé du duc de

Mercœur; mais le méprise: il s'empresse de le destituer

et de le remplacer par Jacques Laurent, son prédé-
cesseur (43). il le soupçonne de trahir le Roi, comme il a
trahi son bienfaiteur; il est sur le point de l'emprisonner.
. puis il le laisse chez lui par grâce en le soumettant à un~
surveillance humiliante. Les complices de sa trahison
se moquent du pauvre sénéchal. Lui, mécontent des autres
et surtout de lui-même., il boude; il a honte de paraître au
barreau comme avocat, après avoir prèsidè la Gompagnie! ...
Dans nos jours troublés, combien de magistrats plus élevés
en dignité et surtout en honneur, ont trouvé au barreali
non seulement un asile honorable, mais une active et glo­
rieuse carrière 1

Le plan, m::d g l é ses grandes dimensions, s'arrête à la
cale de Locmaria, à la hauteur du bac actuel, et laisse en
dehors l'agglomération qui paraît avoir été le berceau de

Quimper.

Je n'ai pas à parIer de l'église de l'ancien prieuré. Je n'ai
pas à dire les droits singuliers de la prieure de Locmaria,
lors de l'entrée des évêques de Quimper., ni les droits de son
. fief; il ,vaut mieux- renvoyer à la savante brochure de
M. de Blois: « De quelques antiquités de la ville de
(( Quimper )). Notre vénèré président a mieux fait que de
parler de la vieille église : il a obtenu que des travaux de .
reconstruction lui rendissent une seconde jeunesse ...
Je veux seulement l'appeler que le prieuré de Locmaria
avait anciennement un vaste asjle qui comprenait toutes les

terres du fief situées sur la rive gauche de l'Odet. Cet
c( cette franchise et immunité )) selon le langage
asiIe,
ancien, est encore réclamée par raveu au Roi du 5 octo­
bre 1664. Le Procureur du Roi (chose à peine croyable)
ne fait valoir aucun moyen d'impunissement; mais la

Cour des Comptes ordonne qu'il sera fait preuve de la
franchise, dans les six mois, sous peine de déchéance .

Je me persuacb que la prieure n'a pas essayé de faire cette
preuve; puisque, dans son aveu de 1669, il n'est plus ques-

tion de lafranchise,J ni (c du droit de 5 sols pour chacun de

cc ceux qui viennent la réclamer. ))
C'était un vieil usage que chaque année, pour marquer la
limite de la franchise, une procession en fit le tour, le jour
• de la Fête-Dieu. Le chemin parcouru par cette procession
est nommé dans les vieux titres Tromeni, corruption du
TromùûcJhy, le tour de l'asile (44). Le circuit était long: •
mot
la procession partie de Locmada escaladait le mont Frugy
par le chemin vert qui prend la montagne en écharpe,
auprès de J'emplacement de la chapelle du Pénity, contour­
nait la montagne par des garennes qui séparent les champs
Pen-ar-Stang de ceux de Crec'h- Maria, et suivait le

Pen-ar-Stang et le chemin de
chemin de Bénodet par
Saint-Laurent; enfin elle regagnait Locmaria par les che·
mins de Kerdrézec et de Poulguinan .

Cette procession a survécu à l'asile; mais, en se perpé-
tuant après l'ordonnance de 1539, elle ne pouvait plus
but que de niarquer la limite du fief de' Loc~
avoir pour

maria. C'est ce qui semble résulter du procès-verbal dressé
le- 2 juin 1652 pal' deux notaires (45). L'aveu au roi rendu
par la prieure, le 7 avril 1669, : mentionne la procession
en désuétude .
de Trominic'hy comme tombée

Aujourd'hui encore .nous pouvons être témoins d'une
la procession dite de
cérémonie analogue. Je veux parler de
la Grande Troménie, qui, tous les sept ans, se promène
autour de la montagne de Locronan, faisant un circuit de

Parmi les milliers de pèlerins qui suivent
plusieurs lieues.
Grande Troménie, combien peu se doutent qu'ils décri-

vent letourde l'asile de saint Ronan t .. (46). C'est ainsi que

la tradition conserve à travers les siècles
des usages dont
Je sens originaire est perdu.
Cette observation trouvera son application dans le Cha-

pitre suivant,
qUI
rassurez-vous
sera le dernier de
cette étude.

NOTE DU CHAPITRE IV.

(:1) Fo 9, l'0.
(2) V. INTRODUCTION •

(3) HÉVIN, p. 85.

(r..) Chap. III, § L
(5) P.-v. Réformation.
, (6) Fonds des Cordeliers. Rentier.

(7) Enregistremeut.
8) Réf. fos 36 vo, 90 ro, 91. l'0. La cohue ne fut pas fermée; et, en
:15 9, le nouveau locataire s'engageait par son bail à y mettre des
portes. .
(9) MOREAU, p. 26:1.
(1.0) HÉVIN, p. 83, dit qu'en :1667 le roi louait encore la prison de

l'évêque, v. chap. 1 tn fine. Il en était de même en 1.685. Cette
année, le présidial contesta au greffier des Regaires le droit de mettre
les scellés à la mort du gardien de la prison. Le parlement maintint le
droit du greffier, et l'arrêt constate que la prison est la maison d'un par-
ticulier tenue en location. Arch. dép. . . .
(li) HÉvIN semble dire que la halle du roi existait encore a la fin du
XVIIe siècle, mais il se réfère a la Réformation de :1539, dont il a le
cahier sous les yeux. li est bien certain que la cohue abattue en :159~ ne
fut pas remplacée. OGÉE ne laisse la-dessus aucun doute.
(:12) Réform. fo 21. 1'0 et va.

(1.3) fo i8 va .

(14,) u, p. 21.2, note. Où l'auteur de la note a-t-il pris ce
renseignement si précis ?.. '

(HS) Dict. de Trévoux (174,3), V Fèvl'e.
(16) Maison vendue en 1726-1727. Inv. somm. des Arch. B. 30 .
(:17) Sépult. de saint Mathieu. La mère du docteur Laennec fut enterrée
- en ce cimetière en 1.786.
(1.8) Françoise de Rosmadec, fille du gouverneur de Quimper, y fut
inhumée il cette date. (Sépult. de Saint-Mathieu).
(19) « Article mémorable où est rapportée la cérémonie qu second
« enterrement des ossemens qui étaient renfacmés dans le charmer, autre­
' « ment dit le reliquaire de Saint-Mathieu. » Sépult. de Saint-Mathieu,
28 octobre 1.680.

(20) MOREAU, p. 31~ et ci:-dessus Chap. 1 , § IV.

(21) M. DE BLOIS, III. o.
(22) Cart. ,de la Cath., 3i.
(23) , V. La maison natale du docteur Laennec.
(24,) Chan. MOREAU, p. 313, v. ci-dessus. Chap. II, § IV .
(20) Par exemple l'acte de décès de M. de Madec, mort rue dtL Quai,
et où on lit décédé sur le Quai. Sépult. Saint-Mathieu, 27 juin :1784,.
(26) La maison construite en herse d'abord a été reconstruite dans son
état actuel en 1772 (titres de la maison).
(27) On dit quelquefois que le nom de rue du Sel vient de l'habitude
des bateliers de débarquer le sel à la cale de la rue. Qu'on veuille bien
remarquer que la rue où est située la cale ne portait pas en 1039 le nom
de rue du Sel, comme je l'ai expliqué plus haut. .
Le vrai nom de la rue ne serait-il pas rue du SceZ ou des Sceaux par
allusion au voisinage du greffe du présidial, dont la ro:te donnait sur la
rue, en face de la rivière?.. .
(28) SurM. de Madec. V. BULL. IX, p. 3:12.

(29) Arch .. du Présidial. Arch. départ.
(30) S~bastien de Rosmadec, gouverneur de Quimper (:1624,), puis de
Dinan (164,3), marié en 1616 il Renée de K.ergournadech « le plus
considérable party qui fut lors en Bretagne. » BULL. XII., p. 37.
(31.) Fonds de Kerlot. Mémoire de la comm. de la ville, fO 8, rO .
(32) Arch. de l'Evêché .

(33) Fonds de Kerlot. Mémoire oi-dessus .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XII. (Mémoires). 23