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DÉCOUVERTE D'UN BA RCOPHAGE ANTIQUE 1
PRES DU T OMBEAU DE JEAN DE MONTFORT, A QUIMPERLÉ (1)
A q uelq ues pieds de l' endroi t où: da.ns le chœur de l'Ab baye-
Blanche, a été découvert le tombeau de Jean de Montfort,
un énorme bloc de gt'a!nit, eeeusé en forme d'auge )'ectan
gulaire, avait été exhumé par Mille do Quélen, supérieure
des Dames de la Reteaite,' des l'ar~néc 1876. Il était enterré
sous lemaître-autel de 1'1:lncienne église abbatiale, et
. de sabla. : ses bords affleuraient le sol ou il se trouvait.
La cavité a les dimensions suivantes: longueur)
1 m. 55 c.; largeur, 0 m.5~ et 0 m. 55 c.; profondeur,
o m. 23 c. et 0 m. 21 c. Dans une des parois latéra les et au
niveau du fond sont pratiqués deux-trous, vers le milieu et
à l'une des extrémités. La sudace intérieure est parfaite-
. ment taillBc; les côtés. et le fond sont à peu près d'équerre;
l'auge a été creusée avec un soin minutieux. Il y à huit ans
elle a été déplacée à grand'peine et convertie en rés8rvnir
pour un poulailler, par ordre de Mme. la Supérieure. Elle fit
boucher au ciment les deux ouvertures indiquées et prati-
quer une ' brèche rectangulaire assez profonde dans l'un
des petits côtés. Uune des longues parois por'te, vers le
milieu de l'arète extérieure, la trace très apparente d'une
feuillure, à IJune des extL'émités de laquelle subsistent
encore des restes de pLomb. Perpendiculairernent à cette
féuillure, un sillon à pentes évasées a été creusé dans la
piel're et entoure la paroi dans son épaisseur. Ces entail-
lures sont anciennes; le temps en a usé et poli les bords . .
Au contraire, les entailles dues au ciseau du maçon
(i) Rapport lu dans la séance du 28 maii885. Voir l'·' tude sur Les
Cercueils de pierre du Moyen-Age, par M. Euzenot, BULLETIN, T. VIII,
sont visiblement récentes . . Aucun doute ne peut exister
relativement au but poul'suivi par les constructeurs du mo
nument. Ce n'est qu'a une époque trés rapprochée que cette
auge a été employée a un usage vulgaire et qu'on y a
exécuté les üavaux permettant de s'en servir'. En outre,
et je le l"épéte, elle avait été exhumée du chœur de la
vieille église, où elle était placée sous l'autel ou a côté de
l'autel. Elle avait inconstestablement une destination funé-
raire; elle a reçu un cadavre ou des ossements; elle a
été un cercueil ou un ossuaire .
On rencontre fl'équemment des augets de pierre, carrés
ou à extrémités arrondies, où des reliques extraites de
sépultures anciennes ont été déposées . Ils étaient toujours
de dimensions trés restreintes ; la longueur variait de
o m. 30 à 0 m. 90 c. Lorsqu'un tombeau était bris;é ou
faire un nouvel ensevelissement dans une
qu'on devait
bière déja employée, ou simplement quand on voulait
garder des ossements précieux, les restes étaient placés
dans ces aug.ets qui occupaient moins d'espace. Ici, au
contraire, le monument est d'une grandeur considérable:
il a, je l'ai, dit, 1 m. 55 c de longueur; et l'on ne s'expli-
querait pas que des ouvertures eussent été creusées à la
partie inférieure d'une de ses parois" s'il avait eté destiné
à recevoir seulement ~es reliques Il n'a donc pas servi
d'ossuaire, du moins primitivement; il a d'ab~I'd été un
cercueil.
Ce tombeau est monolithe; il n'est donc pas du type
capétien. Il est rectangulaire, tandis que, dans la forme
mérovingienne, une ex.trémité est plus large que l'autre;
il n'a pas la cellule spéciale pour la tête, que renferme le
cercueil carlovingien : il ne se rattache donc a aucun de
ces genres. Il a des caractçres de la forme primitive ou
gallo-romaine. Le sarcophage de cette époque a 2 m. 20 c .
. de long et quelquefois davantage. Il est taIllé a angles
droits et ressemble à une auge rectangulaire. Le couvercle
massif, surélevé en pans de toiture ou arrondi en dos
est
Les bières de cette sorte ont été en usage au
d'âne.
IVe et au Ve siècle et. probablement au commencement du
VIe. Le ceI'cueil de Quimperlé a précisément la forme
rectangulaire des sarcopbages de ce genre. On n'y trouve
pourtant pas les dimensions ordinaires: mais les mesu
J'es pouvaient être diverses pOUl' les diffèrents âges: il fau
drait voir ici le tombeau d'un enfant ou d'un adolescent
d'une personne adulte, mais de petite taille. La
ou mème
profondeur de 0 m. 21 c. ne s'oppose pas à cette attribution .
Le couverèle de pierl'e, qui a disparu, 'devait étre, comme
pans de toiture ou arrondi en dos
. toujours, surélevé en
d'âne j sa face intérieure pouvait être évidée, de manière
à fournir un espace suffisant pour ·ne pas f.l'oisser le cada-
vre placé dans la bière. Les deux trous qu'on observe au
bas d'lm des côtés avaient été pratiquès pour l'évacuation
matières put'rides, comme cela se rencontre fréquem- .
des
ment dans les cercueils de pierre. Ce sarcophage remonte
incontestablement à un temps qui ne peut être postérieur
au VIe SIècle. Il a dû, par la suite, servir d'ossuaire .
La bière monolithe avait son couvercle de pierre posant
pleinement sur ses bords. Le poids de cette fermeture ne
permettait pas de la manœuvrer comme un vantail de porte;
et il n'y avait pas lieu, par conséquent, de l'unir au corps
du tombeau par des gonds ou des . charnières. Or, on
remarque ici une feuillure creusée dans l'arète et por-
tant des traces de plomb et, perpendiculairement à cette
Jeuill ure, une entaille profonde di visant la paroi. Je ne
trouve à cette particularité qu'une explication. A une épo-
qu'aucun indice ne hisse déterminer, on aura voulu
que
utiliser le cercueil et y 'déposer des ossements. Le couvercle
était brisé ou l'on au "'a renoncé à s'en servir; on y aura
substitué un couvercle en métal peu épais ou en bois. Dans
la feuillure fut placée une ferl'ure fixée, à ses extrémités,
par un scellemen t au plom b et }'eliée à la face intérieure de
la paroi par un crampon passant dans le sillon transversal.
La pièce posée dans l'entaille longitudinale portàlt, en .
outre, deux gonds entrant dans les douilles de pentures
clouées SUl' le couvercle. De cette manière, l'ossuaire pou
vait s'ouvrir sans difficulté. Quoiqu'il en soit le monument
est d'une importance exceptionnelle.
Abbé EUZENOT .