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PROMENADE A QUIMPEft e).
INTRODUCTION
DIVISIONS SEIGNEURIALES
PLAN DE 1764. -
ET ECCLESIASTIQUES.
La Mairie de Quimper possède l'exemplaire unique d'un plan dressé
en i76~. Il est intitUlé: . .
Cl Plan de la ville et fauxbourgs de Quimper, levé sur l'ordre de Mon
« seigneur le duc d'Aiguillon, afin de pouvoir y tracer les alignements
Cl nécessaires pour dresser les rues et leur donner une largeur convena
« ble et proportionnée à l'affluence des peuples qui y passent, à l'utilité
« publique et à .1'embellissement de la ville, par Gilles André, ingénieur
II. des Ponts et Chaussées au département de Quimper, en 176~. -
II. (Signé) ANDRÉ. »
Il est permis de sourire de la phraséologie de l'Ingénieur André; mais
il y aurait injustice à méconnaître son habileté professionnelle (i). La
plupart des tracés exécutés dans l'ancienne Ville-Close notamment sont
dus à l'auteur du plan de 1764. Mais, comme nous le verrons, il ne faut
pas rendre cet ingénieur responsable des démolitions injustifiables dont
siècle a été le témoin •
notre
Ce plan est de grandes dimensions: 2 m. i5 de long sur 1 m. 15 de
large. Il fallait le réduire, en reproduisant, s'il était possible, jusqu'an
(*) Notice présentée â la séance du 30 avril 1885.
(i) C'est la pensée de M. l'Ingénieur en chef Fénoux ; 'et l'approbation
juge si éclairé suffit à l'éloge de l'auteur du plan.
d'un
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. Tome XII. (Mémoires). 15
caractère de l'écnbre, afin de lui conserver sa ·physionomie. Le plan
étant couvert de gerçures ne pouvait _ être utilement photographié. Il a
donc été calqué avec un soin extrême; et c'est ce calque qui a été sou
mis à l'appareil photographique et réduit au quart. Le cliché devait être
reproduit par la photolithographie; mais, àraison de circonstances particu
ce procédé n'a pas donné de & résultats satisfaisants. Il a fallu
lières,
recourir il l'autographie; ce dernier travail a été accompli avec un vrai
succès; et la réduction que vient de publier la Société archéologique
du Finistère reproduit très-exactement la physionomie du plan de 1. 7 6~ ( 1).
Il m'a paru qu'au moment ou se fait cetté publication, une notice expli-
cative pouvait avoir quelque intérêt. Un pareil travail n'est pas une
œuvre d'imagination et n'a qu'un mince mérite: l'auteur doit se résoudre
au rôle modeste de copiste, j'allais dire de plagiaire.
Quand on étudie Quimper, l'attention se porte tout d'abord sur le Cha-
noine Moreau, Cambry, M. Aymar ' de Blois; mais il faut lire aussi le
procès-verbal de la Réformation du domaine du Roi conservé aux a: chives
départelLentales (1.539), l'aveu rendu au Roi, en 1682, par l'Evêque de
Cornouaille, le second chapitre des Qllestions féodales d'Hévin, -
le procès-verbal des fortifications dressé en 1781-, et le rapport présenté
par le Subdélégué . de l'Intendance sur ce procès-verbal. Ces derniers
documents nous représentent l'état d'une partie de la ville peu avant
la Révolution (2).
Enfin un rapport du Sénéchal de Quimper en 17 MS, la réponse de
l'Evêque, les registres de l'état-civil, quelques pièces échappées en 1793
à la deslruction des archives de l'Evêché, les comptes des miseurs pour
les années 159~, 1596, 1.597 fournissent aussi d'utiles renseignements (3) .
C'est principalement avec ces secours que j'ai essayé de faire non
l'histoire, mais la géographie de nos rues et de nos principaux monu
ments, et de rappeler les changements qu'ils ont SUbIS depuis plus de
trois siècles: 1
(1) Le plan de 176~, délivré gTatuitement aux membres de la Société
archéologique, est en vr,nte chez les libraires de Quimper. (Prix, i fr.)
(2) Voir ci-dessous la Bibüog1'fl.phie.
(3) M. le Commandant Faty vient çle rpfaire ces comptes. Ceux qui
liront son intéressante notice ne soupçonneront pas la somme de travail
coûtée à son modeste et consciencieux auteur. (Bulletin XII,
qu'elle a
partie, p. 129 à 212). .
Je dis depuis ttois siècles, car, si on rapproche le récit du chanoine
qui écrivait après la Ligue; du plan de 1764-, on se persuade
ces deux dates, distantes de plus de deux cent cinquante ans,
qu'entre
peu de changements importants se sont produits dans la ville proprement
si on en excepte la construction du collége des Jésuites, l'aména
dite;
gement . du Pàrc Costy, du Champ de bataille et des Allées de Locmaria.
Le Séminaire, les couvents des Capucins, des Ursulines, de la Retraite,
du Calvaire, et l'Abbaye de Kerlot se sont construits ou ont été aménagés
dans cette période; mais ils sont en dehors de la ville. .
Avant de commencer l'étude du plan il n'est pas inutile de r~ppeler
que jusqu'au dernier siècle, la ville de Quimper, ave\; ses faubourgs, en
y comprenant Locmaria, se partageait entre quatre fiefs.
Et, d'abord le fief de l'Évêquë, que les anciens titres nomment la Tette
de l'Église, l'Héritage de Saint-Corentin. Il comprenait la Ville close
d'abord, puis hors des murs: .
• 1° Vers le nord, la rue Briziac ou de Bri~c, jusqu'au chemin qui con
duit de cette route à l'église de K81'feunteun, l'espace ou est aujourd'hui
le champ de foire, dit alors Colline de Rozengtoch,.. le lieu dit la Santé,
la 1'ue de Poulhamt et l' Mpital Saint- Yves près du manoir du Parc ( :1).
2° Vers l'est, le faubourg des Regaires, la rue Neuve, des deux côtés
ju squ'à Pen-ar-Stang et du côté nord seulement à partir de ce point; .
la campagne voisine comprise entre le chemin allant de l'ancienne route
de Concarneau au Dourguen (Eau Blanche) et la rivière de l'Odet, triangle
irrégtùier comprenant les villages de Kergoadallez et les deux Kervir.
3° Vers le sud-ouest, la rua Sainte-Catherine, la rue Sainte-Thérèse,
(:1) M. LE MEN place Poulhaou et l'hôpital Saint-Yves ~rès du manoir
du Parc, à l'enttée de t'ancienne toute de Locronan (p. 1.06). Ces derniers
mots sont de trop et contiennent une erreur certaine. Poulhaou est SUI' la
rive gauche du Steïr, au pied de la colline de Rozengr6ch. Il y avait là
une chapellenie ainsi débornée dans un aveu au Roi de :1682: « donnant
à l'orient sur chemin conduisant à la chapelle Saint-Yves, d'occident
la rivière qui dévalle du pont Saint-Yves au moulin du Duc. -
sur
Le pont Saint-Yves était à la place du pont construit en fer auprès du
chemin e fer de Pont-l'Abbé; la prairie au-delà du Stéir, au bout du
pont, se nommait l'Ile Verte en 1680. Rentier de l'hôpital Saint-
Antoine, Bulletin X. p. 4-45. .
auparavant rue des Lavandiers (1) et les allées de Locn:arla jusqu'au
Dhemin vert que vous voyez encore aujourd'hui, un peu avant l'empla
cement de la chapelle du Pénity. Enfin « le manoir rural des évêques »
Lanniron, faisait naturellement partie du fief épiscopal.
A l'ouest, le fief était limité par le Stéïr (2).
Les Evêques avaient l'universalité du fief sur ce territoire; et ils
avaient pris depuis René du Louët (1640-1668) le titre de Comtes de
Cornouaille, sans qu'on sache sur quoi ce titre était fondé (3) .
II. De l'autre côté du Stéïr était la Terre au Duc, dont une
place de notre ville garde le nom. Le faubourg de la Terre au· Duc
comprenait jusqu'au dernier siècle toute la partie de la ville sur la rive
droite du Stéïr, moins le faubourg de Bourlibou. La Terre au Duc était
sous la proche mouvance du Roi, successeur des Ducs. C'est la que le
duc de Bretagne avait eu autrefois « le siège de sa justice, sa prison, sa
;( cohue, son marché et le domicile ordinaire de ses officiers (4). »
D'après ces derniers mots, on peut se demander si l'Evêque, jaloux
défenseur des franchises de sa ville, aurait permis aux officiers royaux
de demeurer dans la Vill~Close.
III. Le fief du prieuré de Locmaria comprenait, sur la rive gauche de
l'Odet, l'agglomération de Locmaria, avec les campagnes voisines, les
Allées jusqu'au chemin vert montant de la chapelle du Pénity sur le
Mont Frugy; sur la rive droite, le faubourg de Bourlibou (0).
IV. Enfinlarue de Pen-ar-Stang et le côté sud de la rue Neuve, de ce
point à Saint-Julien, avec les campagnes voisines, formaient le fief de
Saint-Laurent, faisant partie du prieuré de Locomand (par. de Fouesnant),
au collège des Pères Jésuites par lettres de septembre 1681 (6).
annexé
(1) Aveu de l'Évêque. 1682 .
(2) Autrefois l'eir (LE l\iEN, p. 00). · Le rapport du Subdélégué de
:1781 dit Stey; mais ce nom doit être mal écrit. HÉVIN écrit Teir .
(3) M. DE BLOIS, l,' p. 414.
(4) Voir sur tout cela HÉVIN, Qu.estions féodales. Ch. II, p. 60.
(0) Arch. dép. Aveux de Locmaria de 1668 et 1679. G. Cart. ,317.
(6) Arch. dép. Fonds des Jésuites de Quimper.
Telles étaient les divisions seigneuriales de Quimper et de ses fau
bourgs : RI faut dire un mot de ses divisions au point de vue ecclésias- ,
tique, car nous aurons plus d'une fois à nommer ses paroisses.
III
Autrefois, et avant le XVIIe siècle, il n'y avait dans la ville et le
territoire extérieur fief de l'Evêque, qu'une seule paroisse, sous le patro-
nage de saint Corentin; mais elle était pllrtagée en sept parcelles ou
chapellenies desservies chacune par un curé ( 1. ) .
Locmaria et Saint-Mathieu restant en dehors du fief épiscopal formaient
à cette époque des paroisses indépendantes de celles de la ville. Au XVIIe ,
, siècle, elles y furent annexées : cette annexion amena un remaniement
des circonscriptions paroissiales. Il y eut dès lors sept paroisses:
Dans la Ville-Close, quatre :
1.0 La Chandeleur ou N.-D. de la Chandeleur, dite aussi du Tour du
Châtel (Place Saint-Coreutin', rue du Frout, des Regaires, place Toul-aI-
LeI', rue de l'Equerre). ,
2° Saint-Julien ou de la rue Kéréon (rue Kéréon t t rue Saint-François).
3° Saint-Ronan ou de la rue Obscure (rue Obscure, aujourd'hui rue
Royale, et rue Verdelet.)
~o Saint-Sauveur ou du (place et rue' Mezgloaguen, et
rues voisines, jusqu'à la rue Royale et la rue Kéréon).
En dehors des murs:
1. ° Le Saint-Esprit dite ausssi de Lanniron (rues Neuve et Sainte-'
Catherine, partie rurale du fief épiscopal jusqu'au Dourguen; le manoir ,
de Lanniron enclavé dans les paroisses d'Ergué-Armel et de Locmaria).
2° . comprenant toute la Terre au Duc, plus une partie
assez éten lue vers le nord-ouest, Pontigou, Le Moulin-Vert, etc.) ~
rurale
3° Locmaria, comprenant le fief du prieuré sur les deux rives d'Odet·
Seules ces deux dernières paroisses avaient leurs églises. Les cinq
autres étaient desservies dans la cathédrale sur des autels particuliers (2).
1.) LOBINEAu, Preuves. CoL 970. .
2) Ces sept paroisses avaient leurs registres particuliers. C'est aujour
une s 'rieuse difficulté pour les recherches. Indiquer un acte de
d'hui
l'état-civil comme passé à Quimper sans dire en quelle paroisse, c'est
obliger il chercher en sept registres différents. . ,
Après ces préliminaires, nous pouvons commencer notre promenade
sur le plan.... J'emploie à dessein cette expression dont j'ai déjà fait
usage (i). Le titre de promenade donné à mes modestes essais me sauve
d'un plan régulier, et me faIt passer, j'espère, des digressions qui serai. nt
des fautes impardonnables dans un écrit portant un titre plus sérieux .
Cette observation faite, partons .... Le plan est orienté de l'est à l'ouest, .
c'est-à-dire que l'est est en haut, l'ouest en bas, le nord à gauche et le
sud à droite. Prenons notre point de départ :m haut du plan.
à Pratanras et
(1) Promenade à la Montagne de la Justice (1.882),
Coatfao (1883). ,
AUTEURS ET DOCUMENTS CONSULTÉS
Chanoine MOREAU. Histoire de ce qui s'est fait en Bretagne et
particulièrement en Cornouaille durant les guerres de la Ligue (1 re édition,
1836, de M. Le Bastard de Mesmeur).
CAMBRY, I. Rapports aux Directoires des districts, réunis en un
volume sous le titre de Catalogue des objets qui ont échapIJéau vanda
lisme révolutionnaire. 179~.
II. Voyage dans le Finistère. 1797. (Nouvelle édition, i836.
Le Fournier, Brest).
M. AYl\rAR DE BLOIS, I. Nofice sur Quimper, insérée à la suite de
l'article Qu'imper, au Dict. de Bretagne d'Ogée. T. II, p. 411.
II. Du Couvent et de l~Eglise des Cordeliers de Quimper. Notice
publiée dans la Revue de l'Armorique et de l'Quest. 18~5, p. 229.
m. De quelques antiquités de Quimper, Locmaria-Quimper. Ses
églises et chapelles de Notre-Dame.· Brochure.
Notre-Dame du Guéodet, église municipale. Brochure.
V. -Notice historique sur la ville deQuimper,publiée dans l'Annuaire ,
de la Société d'émulation de Brest, et éditée de nouveau en brochure
Pour abréger, je citerai les ouvrages consultés par le nom de l'auteur;
et j'indiquerai par les chiffres romains ci-dessus, les ouvrages de Cambry
et de M. de Blois auxquels je me référerai: Ainsi, la mention:
Cambry, II, renverra au Voyage de Cambry.
LE MEN. Monographie de la cathédrale de Quimper. ,
HÉVIN. Q-ttestions féodales. Ch. II, p; 56 à 98. -
Mémoire pour
l'Evêque de Quimper .
DOCUMENTS DES ARCHIVES DÉP AR
ALES
Rôle de la Réformation du Domaine royal à Quimper. :1.539. Sie A.
Comptes des Miseurs de Quimper. Sie E.
Aveux .de l'Evêque au Roi. Sie G. .
du prieuré de Saint-Laurent. (Jésuites de Quimper). Sie D. i~
du prieuré de Locmaria. Sie G. 31.3-320. .'
Terrier de la Commanderie de Saint-Jean. 1.731.. Sie H •. H5.
Titres de l'abbaye royale de Kerlot. SieH. i8~-20L (Aveux. Décla-
rations de l'abbesse), etc... Mémoires de la ville contre l'abbesse de
Kerlot.1.726-1.772.
Titres du couvent de Saint-François à Quimper, Sie H. :1.56.
Titres de la ville de Quimper. Sie E.
du Chapitre. Sie G. 92.
Titres
Protestation du sénéchal contre la plantation d'un poteau avec carcan
faite par l'Evêque sur la place Saint-Cor,entin, et Réponse de l'Evêque •
:l.7~5. Un cahier de 37 fas ou 7~ pages. Le rapport du sénéchal est copié
à mi-marge; et la réponse de l'Evêque est copiée en regard; elle occupe
seulement U feuillets et demi: 29 pages.
(Je citerai, par abréviation: Sénéchal et Evêque).
Procès-verbal des murs et fortifications de Quimper (mai-juillet 1.781.).
- Un cahier de ~8 feuillets in-fa ou 96 pages. C'est une copie. La
minute existe aux archives; mais les premières pages manquent.
Rapport du subdélégué de l'Intendance de Quimper sur ce procès-
verbal (20 octobre 1.781.), 25 pages in-fa. .
(Je citerai simplement.. Procès-Verbal ou Proc.-Verb. et Subdélégué).
renVOIs
BULLETIN de la Société Archéologique du Finistère. Les
seront indiqués par le seul' mot BULLETIN ou; en abrégé, BULL.
CHAPITRE PREMIER
Le faubourg et la rue Neuve . ... Les rives de l'Odet. _.
Bourlibou (*).
Vers le haut, c'est-à-dire à l'~st, le plan figure le pont
Firmm. Reconsü'uit et élargi en 1861, il garde ce nom.
Au XIVe siècle (1) et en 1594 ·(2) il est nommé le pont
Fermyn. Il était alors en bois, comme les autres ponts de
Quim-per jusqu'au milieu du dernier siècle. Le pont Firmin,
le premier, fut rebâti en pierres (3). Plaçons-nous sur ce
pont .
Si vous regardez en amont, voilà à gauche le Séminaire
(aujourd'hui l'hospice civil), bâti, en 1680, sur l'emplacement
du manoir de Kenec'heusen ou Crec'heusen, autrement la
. colline de E1ldon ou Yves '(4). Dans rorganisation parois- _
siale antérieure au XVIIe siècle, la colline et le manoir
donnaient leur nom à une des sept parcelles desservies dans
la cathédrale (5). On la nommait aussi paroisse de Saint
Primel, du noin de la chapelle dédiée à ce compagnon de
saint Corentin. Plus tard la . colline et la chapelle firent
partie de la paroisse de la Chandeleur ou du Tour du
Châtel .
En 1686, un jardin attenant à la chapelle Saint-Primel
fut consacr~ comme cimetière: « Le 17 décembre de cette
«( année, Messieurs du chapitre allèrent processionnelle- -
«ment avec les suppôts du chœur en faire la bénédiction. »
Au premier rang de ces suppôts du chœur bril1ait Maître
(.) Les Notes se trouvent à la fin des chapitres •
Simon Charlue, serpent de la cathédrale, qui, seul au
monde peut-ê.tre, allait remplir ce bruyant office pendant
soixante-dix ans (6).
La chapelle et son étroit cimetière se voyaient a gauche
de la l'ampe qui monte de la rue des Regaires a l'hospice.
'L'antique et modeste oratoire~ qui rappelait le souvenir
d'un de nos apôtres, a disparu, il y a vingt ans. Le cime
tière dans lequel on a inhumé jusqu'en 1788 (7) est rede- 0
venu un jardin. '
Si, du pont, nous regardons en aval,nous avons à
droite les jardins du faubourg des Regaires. C'est dans ces
jardin!-3 qu'ont été enterrés « a monceaux » en 1591 et 1595,
cantonnés en cette rue et
les Anglais du duc d'Aumont,
morts de la peste qu1 désola Quimper pendant ces deux an-
nées (*). .
A gauche, entre la rivière et des jardins, se voient des
prairies nommées près de La ;ladeleine, du nom d'une cha-
o pelle dont je vais parler. L'Odet non endigué coule au mi-
lieu de la verdure; et a cent mètres environ de l'Evêché
borde a droite la tour Penalen (du bout de fétang) et le
mur de ville. Au-dela, voilà le moulin banal de l'Évêque,
avec sa retenue d'eau ou étang, et, tout contre, un pont dit
Pont Sainte-Catherine.
En 1862, le moulin et l'étang ont été supprimés, le lit de
la rivière rétréci et écarté du mur de ville; et un quai a
construit a droite. Ces travaux étaient indispensables
été
aux besoins nouveaux et il n'est , pas permis de les re-
(~) MOREAU, p. 263 ... ' LE dit (p. 228) que les victimes de la
peste de 1349 furent enterrées dans ces jardins. Il n'indique pas ou il a
puisé ce renseignement. On peut se demander pourquoi cet endroit aurait
été choisi en i349. Le chanoine MOREAU explique très-bien au contraire
que l'inhumation des Anglais cantonnés aux Regaires se soit faite dans
les jardins voisins : « Ils mouraient, dit-il, en si grand nombre que
«( leurs gens les enterraient à monceaux dans les jardins et n'allaient
« ,çhercher églises ni prêtres. ),
gretter; mais il n'est pas interdit de dire que les lieux
avaient autrefois un charme agreste qu'ils ont nécessaire-
ment perdu (8) .
N'est-il pas permis !1ussi de regretter la tour Penalen,
jetée bas pour gagner quelques mètres de terrain t ... Mais
d'autres destructions aussi
passons 1 ... nous verrons bien
peu nécessaires et bien autrement fâcheuses.
Du pont Firmin, nous gagnons la banlieue de Rosporden,
c'est-à-dire le faubourg qui continue la rue Neuve.
Voilà auprès de nOus la fontaine qui porte le nom de
Saint-Corentin. Cambry se trompe (9), quand il dit que
c'est là que vivait le « petit poisson, lequel tous les matins
« se présentait au saint qui le prenait et en coupait une
« pièce pour sa pitance et le rejetait dans reau, et qui tout
« à l'instant se trouvait entier sans lésion ni blessure, »
Albert Le Grand nous apprend que la fontaine où vivait
au pied de Menez-Hom, en
ce poisson merveilleux était
Plomodiern, au bord de la mer (10) .
Dne statue de saint Corentin décorait la fontaine. « Un
« ivrogne de la rue Neuve ayant brisé cette statue, ' Dieu
« vengea saint Corentin en frappant de la peste la maison
({ du coupable, d'où la contagion gagna les quartiers' ,de la
« ville. » Sur un vœu fait à saint Corentin le fléau cessa
« au lieu même où il avait commencé (1643) (11) .
Devant nous, entre la colline à droite et l'Odet à gauche,
voilà l'emplacementd'·un des 'anciens hôpitaux de Quimper,·
l'hospice Saint-Julien, dont les dépèndances s'éten - •
daient jusqu'à la rivière, vers là garè aetuelle. Détruit par
un incendie en 1626, il ne fut pas reconstruit et fut uni à
un autre hôpital, celui de Sainte-Catherine (12). La cha
pelle Saint-Julien subsistait encore en 1683 ; elle devait
sur la route même, du côté nord, à peu près à l'em
être -
branchement de l'ancienne route de Concarneau (13).
L'agglomération et la colline voisine portent toujours le
nom de Saint-Julien.
. Entrons maintenant dans le faubourg: voici, à gauche,
la chapelle de la Madeleine, qui marque la place d'une
ancienne léproserie; mais pas assurément de celle qui fut
détruite en 1594, comme gènant la défense de la ville, et
que nous retrouverons plus loin.
n avait suffi du vocable de .la Madeieine pour déteeminer'
M. de Blois et M. Le Men à placer à cet endroit l'ancienne
(14). Mais un titre que j'ai retrouvé léve tous
léproserie
les doutes: c'est une senten(~e du Senéchal de Quimper, de
1667, antérieure de quelques années aux plus anciens regis-
tre du Présidial conservés aux Archives départementales.
q~'en 1667 il Y avait auprés de la Madeleine
Elle constate
un cimetière, qu'un peu 'auparavant il y avait, dans la cha
pelle, des fonts baptismaux; et que ce cimetière et ces
fonts étaient exclusivement destinés aux lépreux ou ea
queu;c. Les registres du Saint-Esprit mentionnent, en
effet, de 1633 à 1643, les baptêmes de dix-huit enfants
appartenant à des familles signalées comme eaqueuses;
et ces baptêmes sont les seuls célébrés à la Mc.deleine (15).
Les maisons des six familles repu tees caqueuses se tou
chaient et étaient rue Neuve et rue du Stang, dite du nom
. du ruisseau qui y coule. Il ne s~mble pas qu'en 1667 il-y eut
un hôpital à cet endroit; il est inême possible qu~il n'y
ait jamais eu d'hôpital de Sainte-Madeleine: 'les léproseries
étaient le plus souvent un groupe de maisonnettes au voisi-
• nage desquelles on bàtissait une chapelle.
Quoiqu'il en soit, la chapelle de la Madeleine était un
XIIIe ou XIVe siècle. ~Ile .a été vendue natio-
édifice du
nalement, c'est-a-dire livrée a la destruction, en 1792
(28 avril). Vers 1850, elle:était l'atelier d'un maréchal. De
nos jours il n'en reste plus trace. .
En décembre 1490, « sur l'ordre de Mgr de Cornouaille et
« de Mre de Kaynmerc'h (Keimmerc'h ou Kimel'c'h), capi-
« taine de la ville » (16) on commença a creuser a travers
la prairie, de la Madeleine a l'Odet, une douve profonde
sans doute les eaux de la rivière et celles
que remplissaient
du Stang ; et, des terres retirées de la douve, on forma un
boulevard. Ce travail fut considérable, si on en juge par le
temps qu'il a coûté, six mois. (17) .
Au mois de juillet précédent, Quimper avait vu les mon-
tagnards de 1'Arrez escalader ses murs, piller et brûler ses
maisons (18). Une terrible exécution s'était faite dans la '
prairie entre Pratall1'as et la route de Pont-l'Abbé, où,
selon la trad.ition, le.sang des montagnards rougit encore les
eaux du ruisseau; mais la ville pouvait · craindre une
et elle prenait ses précautions.
invasion nouvelle
Il importait d'ailleurs de protéger le faubourg; une fois
Locmar,ia
maître du faubourg l'ennemi pouvait filer vers
par le pied du mont Frugy, et revenir sur le faubourg de la
Terre au Due. '
- Mais il fallait beaucoup de monde pour défendre utilement
un ouvrage avancé d'une longueur de deux cents mètres.
la raison qui le fit négliger ou supprimer 1 C'est ce
Est-ce
que je ne puis dire; toujours est-il que, un peu plus d'un
siècle après, Moreau ne mentionne pas la dou ve et le bou-
levard. Il nous apprend seulement qu'il y avait auprès de
. la Madeleine une barrière pour défendre le faubourg. Mais,
sans la douve et le boulevard, la barrière était une défense
a peu pI'ès nulle. Eh effet « les gens de pied » pouvaient
la tourner et la prendre a revers, a droite en s'approchant
par la prairie de la Madeleine, et même à gauche, « en
DU F NISTER
« venant par dessus la Montagne et en se laissant couler à
« bas. » Ainsi fit la troupe de Lézonnet, gouverneur d~
Concarneau, lorsque celui-ci assaillit Quimper, à la fin de
huit terribles « rondaches, armés
juillet 1594; et, quand les
cc de pied en cap », qui précédaient sa cavalerie, arrivèrent
à la barriére, ils la passérent sans résistance (19).
Remarquons ce chemin dit de Pen-ar-Stang, qui descend
la Madeleine. Ce chemin c( montant, sablonneux} .
près de
({ malaisé» et qui plus est, servant par endroits de lit au
ruisseau du Stang ... était jusqu'à la fin du dernier siècle,
l'unique voie de Quimper à Bénodet. Il forniait sur ce point
la limite du fief de l'Évêque et dll fief de Saint-Laurent,
dépendant du prieuré de Locamand (~ar. de Fouesnant). .
Le prieuré avait une haute justice' s'exet'çant alternati ve
ment à Saint-La,urent même ou à Locamand (arrêt du
1703) et des patibulaires à deux piliers. Au
19 décembre
commencement du dernier siède, les Jésuites auxquels,
comme no.us l'avons dit, le prieuré avait été annexé, obtin-
rent, par arrêt du 12 octobee 1703, le déplacement de ces
patibulaires. Elles furent transpol'tées d'auprès de Kerra-
dennec à l'angle formé, au haut de la côte de Saint-Julien,
par l'ancienne route de Concarneau, et l'ancienne voie
romaine, qui, de ce point, se dirige vers Locmaria, par
derrière le mont Frugy (20) .
La fontaine du Stang, dont l'eau coule dans le chemin,
y a plus de trois siécles, à l'alimentation de la
servait, il
ville. Elle était cc amenée en l.ln bassin ave'c pompe
« au voisinage du couvent des Cordeliers, par des tuyaux
« souterrains de plomb. ou d'étain. » _ •
En 1529, l'eau manqu& aux Cordeliers; on,reconnut que
tuyaux éta.ient rompus dans la rue Neuve ... et on se mit
les
devoir de les réparer. Mais un sieur Lebel, demeurant
dans cette rue, et qui voulait apparemment confisquer l'eau
à son profit, s'opposa violemment à la réparation. Telles
furent les difficultés de procédure soulevées par lui, que,
pour y I!lettre un terme, il fallut recourir à Pintervention
du roi François 1 , qui était alors à Rennes (21).
Nous entrons dans la rue Sainte- Catherine, dite du nom
de l'hospice voisin . La chapelle borde le coté gauche de la
rue. Pendant la Révolution, elle a servi d'auditoire au hi-
bunal criminel (22). La salle dite du Lycée est le reste de
la chapelle qui s'avançait jusqu'au bord de l'eau: aucun
passage n'existait alors en cet endroit le long de la rivière . .
En 1594, le duc d'Aumont, n1aitre de Quimper, jugea que
l'hôpital et l'église de Sainte-Catherine pouvaient nuire à
la défense de .la ville. Il ordonna. la démolition de ces édi-
fices qui dataient de 1530. Chose honteuse! des gens de la
ville « sans en être requis, » mais pour faire leur cour au
nouveau maître, s'empressérent aux travaux de démolition .
« Ils s'y employaient même de telle affection, » dit le cha-
noine Moreau « que les maçons ne faisaient pas tant
« d'échecs (de dégâts) comme eux » (23). A toutes les épo
ques, il y a de ces gens que dévore leur zéle de nouveaux
con vertls ....
En 1645, on reconnut que l'hôpital et sa chapelle ne
génaient 'plus perf2"onne et on se mit à les rebâtir. Les mêmes
mains qui. avaient travaillé à la dérnolitionont pu tl'availler
à la reconstl'uction. L'hospice Sainte-Catherine a été,comme
on voit, bâti deux fois en cent quinze ans. -
Sébastien II, marquis de Rosmadec, gouverneur de
Quimper, continuant la tradition de Pévéque Bertl'and de
Rosrnadec, fondateur de i'hospice, concourut généreuse
ment à la réédification. Pour ce double motif, c'est très
justement que le titre de fondateur de l'Hôtel-Dieu et du
, couvent de Sainte-Catherine est réclamé par son succes
seur, le marquis de Pont-Croix, dans ses aveux au roi (24) .
III.
Nous voila rendus au pont Sainte-Catherine, pont de la
Révolution (1791), aujourd'hui pont de l'Evêché.
Ce pont construit 'en bois d'abord, a été reconstruit en
pierres en 1753. Une porte l~ fermait autrefois a chaque
En avant de la porte de la ville, il y avait une arche
bout.
en pont-levis (25). Cet état est attesté par le compte du
miseur, en 1594, et par le chanoine Moreau: il subsistait
1682. L'aveu de l'évéque au roi mentionne « le
encore en
. « moulin entre les deux portes de la rue Neuve. » En 1753,
la communauté de ville obtint de l'évêque la suppression
des portes et du pont-levis; et on peut remarquer que le
plan de 1764 ne figure plus de tours auprès du pont.
Du pont, sur lequel
nous nous arrêtons, regardons en
amont d'abord.
Voila à gauche le palais èpiscopal appuyé sur le' mur de
ville et plus loin la tour Penalen; devant nous «( sur une
« langue de terre» (26), c'est-a-dil'e sur une petite île de la
rivière, voila le moulin de l'Evêque « avec ses trois roues
« verticales et leurs trois coursiers .... Contre le moulin,
« vers midi, est une tour, laquelle est saillante de 15 pieds
« sur le passage du trop plein des eaux. » EntI'~ le 2 et
le 3 coursier, tout contre le pont, un lavoir; au-dela, le
jardinet du moulin; au midi, entre le 3 coursier et la
rivière, est Ut} chemin qui s'ouvre sur le pont même: il est
établi sur une vieille fortification de douze pieds de lar
geur. De l'autre côté de la rivière, est un abreuvoir auquel
on accède par une ruelle partant de la rue Sainte-Cathe
rine (27).
Telle est la description abrégée du procès-verbal des
[ortificatlOns. Le receveur de l'évêque, Laennec (28),
s'indigne que l'ingénieur voie une tour de ville dans la tour
du moulin et une fortification dans le mur de soutènement
du terre-plein du moulin. Mais le compte du nuseur
ne laisse aucun doute sur la destination de cette tour. Il
nous apprend en effet qu'elle était ruinée en 1594, et que
les Quimpérois, dans leur ardeur belliqueuse qui devait
si vite tomber, entreprirent « de la réparer et de la man
« teLer en atten'dant de la faire reconstruire ) (29). C'était
une défense avancée, comme la tête de pont voisine, et elle
était destinée à empêcher l'ennemi de se loger dans le
moulin. .
Regar'dons maintenant en avaL. . -
Voilà à gauche l'hôpital de Sainte-Catherine et l'enclos
des religieuses; à dr·oite .. entre le vieux mur de ville et la
rivière, le Parc Costy, que Moreau nomme Parc-ar-Coz
Le sol du Parc a été exhaussé et planté d'arbres en 1740;
et c'est la promenade élégante, ou comme on disait aux
derni.ers siècles, le Cours de Quimper (31). En même temps,
la ville a fait l'acquisition de terrains de l'autre bord de
l'eau: elle les a transformés en une place; et, pour relier
le parc Costy et la promenade nouvelle, elle a construit ce
troisième pont que le plan nomme Pont de Samt-François, .
du nom du couvent voisin.
Ces travaux ayant été exécutés sous l'intendance de
M. de Pont-Carré de Viarmes, le pont fut d'abord nommé
Pont-Carré, et la place Champ-de- Vwrmes. Mais, l'inten
dant dispat'u, on s'empressa de les débaptiser. Le pont prit
le nom de Saint-Fl'ançois qu'il a gardé longtem ps. La
place devint, d'un nom un peu ambitieux, le Champ-de-
BataiLLe; en 1792, elle se nommait le Champ de la Fédé- "-
ration .. un nom malheureux qui devait vite passer de
~node! Le 7 nivose an II, elle redevint le Champ-de-
Bataille.
L'enclos des religieuses hospitalières s'avançait encore
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XII. ). ·16
en 1764, par une longue saillie sur la place voisine; et
André propose avec raison de le ' rescinde!' à la hauteur du
pont. Le rescindemen t eut lieu peu après. Enfin, en 1760,
la ville planta les allées de Locmaria qui continuaient ses
promenades. Mais, avant même ces nouveaux embellisse
ments., la communauté de Quimper était très fière de
rœuvl'e accomplie en 1740 ; en effet les travaux du pont
ayant porté dommage au mur' du jardin des religieuses, et
celles-ci ayant demandé une réparation (qui allait de soi),
la communauté de ville repoussa vivement, on pourrait dire
violemment, cette juste demande; et dit entre au tl'es raisons
que le « champ de Viarmes est certainement le plus beau
« morceau de la province, et peut-être du royaume, en son
« genre, au dire de tous les étrangers. » Et notez que les
ormeaux qui décorent ' la place n'avaient que quelques
années de plantation! Il est difficile de pousser plus loin
ramour du clocher l. .. et, ce qui est plus grave ... le mépris
des droits d'autrui (32).
Au-delà de l'enclos des hospitalières se voient]e cime
tière et la petite chapelle de Sainte- Thérèse.
C'est auprès de cette chàrelle que se faisait chaque'
année, le premier dimanche de mai, le tir' du Papegaul. Ce
jeu a persisté à Quimper jusqu'à l'abolition prononcée par
arrêt du Conseil du 7 mai 1770. C'était une solennité pré
sidée par le Sénéchal ou un conseiller au Prèsidial, accom··
pagné du Procureur du Roi, du Syndic de la ville, et assisté
d'un greffier. Aprés l'abattage du papegaut, l'abatteur
était conduit à la' chapelle du Pénit.y (dont nous parlerons
tout à l'heure). La il affirmait sous serment avoir chargé
son fusil « loyalement et sans fraude » ; et le Sénéchal lui
d~nnait « main levée du papegault,» c'est-a-dire qu'il
lui' permettait d'emporter chez lui « l'oiseau '» comme un
trophée de sa victoire. De plus, ce qui avait plus d'intérêt,
il J'autorisait a jouir des droits attacbés à sa royauté d'une
annêe. Le principal était l'exemption du droit de billot,
dont nous aurons occasion de parler plus tard (33) .
Nos prédécesseurs d'il y a plus de trois siècles pouvaient,
comme nons, admirer la cÎme verdoyante du mont Frugy'
Un. mémoire de la communauté de ville de 1726 mentionne
« des arbres plantés, il y a plus de deux cents ans sur le
, 'Prugy (34) ; mais c'est seulement vers 1800 qu'on y a tracé
des allées (35). ,
Le plan figure . d'un simple trait (1 ia montagne de
Frugy » J il n'indique pas la place des Patibulaires du Roi:
de temps immémorial et a la fin du dernier siècle elles
se dressaient au sommet de la promenade actuelle, a peu
près dans l'axe de l'escaliet et du château d'eau (36).
Les lieux ont bien changé depuis 1764. Les Patibulaires
ont disparu et personne ne les regrettera; mais chose
curieuse! personne n'en sait plus la place. L'hospice est
devenu ' la Préfecture; au commencement du siècle. Le
cimetière détruit en 1792 est devenu une 'petite place, près
de laquelle fut planté le Chêne de la Liberté et qui a
été plus d'une fois le théâtre des fétes de la Raison. Le
nom de Plateau de la Déesse qu'on donne a cette place
conserve ce souvenir (37). A certains j'ours de l'année, la
place sert de lieu de danse, tant la mémoil'e de sa première
destination est perdue!
Arrêtons-nous sur le Dont Saint-François.
Vous apercevez à gauche les allées de Locmaria plantées
de trois rangs d'arbres .
A vant cette plantation ces lieux étaient vagues, paeaît-il,
et formaient un.e l'abine. Mais, il y avait un passage entre
la riv:ière et la colline, puisque Lezonnet envoya par là un
détachement pour passer le pont de Locmaria (38). Les ha-
bitantsde Quimper trouvaient commode de déposer leurs
fumiers le Jong de cette route. On essaya vainement de
faire cesser cet usage; enfin .. vers· 1681, le Sénéchal, juge
de police, prit un moyen héroïque: Il ordonna « que tous
« les fumiers disparussent dans trois jours, faute de quoi
« pourra un chacun en dIsposer (39). » Je me figure que
l'aurore du quatrième jour n'a pas vu de fumier sur la
rabine du Pendy.
Le plan nous montre les trois rangs d'arbres inter
rompus par la cale du, Pénity, en face de la rue Vis; et
une note indique que « la cale a été supprimée en 1787 et
« que son emplacement a été planté. » Les arbres plantés
en cet endroit ont gagné les autres de vitesse
Voilà à une petite distance} un peu en arrière, au pied
du Mont Frugy, la chapelle du, Pénity. D'auprès de la
chapelle part ce petit chemin vert, dont j'ai déjà parlé ..
menti·onné paraît-il, .dans un titre du XIIIe siècle, qui
monte vers les Patibulaires, et fait de ce côté la limite du
fief épiscopal et du prieuré de Locmaria.
La chapelle du Pénity était construite dans l'escarpe
ment de la colline qui se voit encore, et sert de séchoir aux
filets des pêcheurs. Elle avait la forme d'une croix, et une
de ses ailes avançait un peu sur la voie rublique; aussi
les allées n'avaient-elles, à cet endroit, que deux rangs
d'arbres. C'était un mince inconvénient que la route fit là
une courbe à peine sensible; mais il y a des gens épris
d'un amour malheureux, l'amour de la ligne droite, et
peu soucieux des anciens monuments (*).
En 1776, on avait proposè d'abattre l'aile droite avan
çant sur 10 chemin. C'était déjà trop ! En 1810, on fit
(*) Cet amour malheureux p-·rsiste pn ce pays. Tout récemment le
ConseIl municipal de Sizun proposait de faire passer une route en ligne
droite a travers cc l'Arc de triomphe » à l'entrée du cimetièr~, monument
presque unique dans le Finistère. C'est à nos conIrères, .MM. FÉNoux,
Ingénieur en chef, et BIGOT, Architecte diocésain, que la commune de
Sizun devra, malgré elle, la conservation de ce monument. V. Bull.
XI. ire partie, p. 43 .
plus et on crut assurément faire mieux. On jeta bas
toute la chapelle .. , et voilà justement ce qu'on appelle
embellir une ville! Il Y avait au Pénity lin Ecce Homo et
des statues de bois faites en 1681 (40), d'un beau travail,
qui n'avait pas été brûlées en 1793, puisque Cambry a pu
les admirer deux ans après: les fenêtres étaient garnies
de vitres dont Cambry a vanté le dessin et le coloris (41).
Tout cela a été perdu; les statues ont sans doute servi à
faire du feu, et .les vitraux ont été brisés .... C'est ainsi,
comme nous le verrons, qu'on entend les démolitions à
Quimper.... .
Faut-il vous avouer une faiblesse ? .. Je ne puis pas fran- .
chir le pont du Stéir sans me tourner vers amont et sans
me représenter ]a tour dYangle, que figure le plan. La tour
se réftétant dans les eaux limpides de la rivière était char
'mante à vOÎl' avec sa guirlande de lierre, sa parure de
valérianes, sa couronne de lilas fleuris. En 1862, avec ce
sans-gêne dont nous allons avoir tant d'autres preuves,
on l'a jetée bas ... Nous reviendrons sur ce point quand
nous ferons le tour des murs de ville.
Vis-a-vis le pont du Stéir, presque au confluent des deux
riviéres, remarquez cette maison: C'est celle de M. Gues
don de Clécunan, le Sénéchal des Regajres, aïeul maternel
du docteur Laennec; 'et c'est là que va naître son illustre
petit-fils, le 17 février 1781 (42).
Sur la rive droite s'ouvre le quai. Il est planté par .
parties notamment aux abords de la Chapelle Saint-Jean,
a l'entrée 'de la rue Vis. Ce quai, du pont a la rue Vis,
est, paraît-il le plus ancien de Quimper (43). Il a dû
. être construit entre 1539 et la ~n dù siècle. En 1539, en
effet, le procès-verbal de Réformation du domaine donne
à cet endroit le nom de R ive de Quimper; et plus tal'd
1 e chanoine Moreau le nomm'e Quai de L' Is le (44).
La rue Vis, que nous retrouverons plus loin, existait
avant 1539. C'est au voisinage de cette rue, vers l'angle
qu'elle ,forme avec le quai à l'est, que se trouvaient
anciennemen't l'auditoùoe, la prison du Roi et sa cohue,
.. qui, comme nous le verrons plus tard, furent déplacés un
peu avant 1514. ' .
Le vaste espace compris entre le quai, la rue Vis, la rue
de la Vieille-Cohue et la rue du Quai, était en 1539, -occupé
par quelques courtils et une vaste prairie nommée le Pré
A illet, du nom de son ancien pl'opriétaiee (45). .
A l'angle ouest de la rue Vis et du quai était la chapeLLe
Saint-Jean. C'était le de l'nier reste d'une maison de Frères
Hospi taliers de Saint-Jean de Jérusalem (depuis chevaliers
de Malte). M. de Blois suppose que ~ette maison e,st
désignée dans une charte du duc Conan (1156-1J69), par
le mot : hospitale inter duas Quimper.' l'hôpital entre
les deux Quimper, l'ancien Quimper ou' Locmaria, et le
nouveau ou la Ville Close (46). .
La chapelle Saint-Jean était le chef-liAu de l'ancienne
Commanderie de Saint-Jean de Quimper devenue, depuis,
membre de la Commanderie de La Feuillée Saint-
simple
Jean avait haute justice. Il ne possédait à Quimper que
sa chapelle, son auditoire et un petit jardin derrière la
chapelle. Il avait qllelque rentes et dîmes dans le~ parois
ses de Cuzon, Penhars, Plonéis, Plouhinec, Plozévet. Saint-
Evarzec, Beuzec, Saint-Thois et Edern. C'était en somme
un mince revenu et peu assuré: beaucoup de titres avaient
été perdus, et le receveur déclarait en 1731, que dans quel
ques paroisses, il devait se contenter « de ce qu'il en pou
(( vait tirer par la douceur!» (47) Nous dirons plus tard
comment s'exerçait la haute justice de Saint-Jean.
Le nom de l'Ile Saint-Jean, donné à l'emplacement sur
lequel s'éléve le Palais de justice, et le nom de ,Hanoir de
l'lLe que nous trouverons tout à l'heul'e, nou s apprennent
que cet espar:e était au XVIe siècle compris entre le cours
principal et un bras de l'Odet.
Cette île comprenait-elle la chapelle Saint-J ean ~ Je ne
le crois pas, la rue Vis . existant déja et le côté est de la
rue étant bâti depuis longtemps (48). Mail:; l'île devait étre
très "Voisine de Saint-Jean et elle s'étendait en longueur
jusqu'a un point assez voisin du bout du quai figuré sur le
plan.
M. de Blois nous apprend qu'en creusant les fondations
du Palais de justice on trouva une carcasse de navire pro-
fondément enfouie, et que dans une prairie, un peu plus bas,
on a remarqué des substructions « qui 'pouvaient se rap
«( porter a un ancien quai. » De ce double indice, il con
cluait, que si cet emplacement n'avait pas été autrefois le
port de Quimper, du moins il avait pu en faire partie (49).
. N'est-il pas permis de voir dans la carcasse du nav.ire et
dans ces anciennes substruétions des témoins de deux
époques distinctes 1 Trés anciennement, cette partie basse
de la ville a été couverte par les hautes eaux, comme
rétait, avant la éonstruction du chemin de halage, la plaine
au-dessous de Quimper. Mais plus tard,et a une époque
déja lointaine, l'île Saint-J ea-n s'était fOl'mée entre le lit
que la natur'e et les .hommes avaient creusé a l'Odet à
gauche, et un bras· de la rivière a droite; ce bras suivait
la dépression qui se remarque encore aujourd'hui dans le .
jardin au-dessus et la prairie au-dessous du chemin du
Kergoz ... (Vous voyez ce chemin marqué au plan et con-
.duisant a la Fontaine neuve). ..
Les substructions 'q ue mentionne M. de Blois se voyaient
dans cette prairie, au voisinage de ce chemin. Elles con-
sistaient, en deux pans de mu l'S parallèles, laissan t entre
eux un espace libre de deux mètres enyiron, « ressemblant,
« me dit-on, au canal de fuite d'un moulin. » C'est à cette
idée qu'il faut s'arrèter. Voici pourquoi:
Sur l'île Saint~Jean, il existait un manoir dit manoir de
d~vint . plus tard (1667) l'abbaye de Keriot. Il est
l'Ile qui
décrit minutieusement dans le procès-verbal de la Réfor
mation de 1539. Il comprenait dans ses dépendances immé
diates un moulin; et, d'après un aveu de 1687, le moulin,
n'existait plus depuis longtemps, devait être très près
qui
du chemin du Kergoz (50).
Un barrage établi dans l'Odet aurait été un obstacle a
l'accès du port. Le moulin devait donc ètre de ceux que
l'usage du pays nomme moulins à mer. Il devait être sur
le bras droi t de la ri vière. La pavtie supérieure de ce bras
servait de bief ou canal d'amener; les eaux y étaient
emmagasinées à l'heur'e où le flux les surélevait; et, au
. moment du reflux, rendues à leur cours naturel, elles fai
saient tourner le moulin . Le canal de fuite se déversait dans
le lit principal de l'Odet, entre le chemin du Kergoz et la
rue de Pont-l'Abbé. '.
La date de la suppression du moulin nous donne la date de
laconstruction du quai entre la rue Vis et la venelle du Ker-
goz. Le moulin a cessé de tourner quand son canal d'amener
a été fermé, antérieurement, comme nous l'avons vu, à
1687 ... ' Un autre fait vient à l'appui de celui-ci: En 1704,
le quai devant Kerlot était déjà plan~é, et l'abbesse obtenait
. du maréchal de Châteaurenault qu'il fut fait défense à la
communauté de ville de le replanter.
De la venelle du Kergoz à la rue de Pont-l'Abbé (rüarquée
sur le plan Bout du quai), le quai n'a été construit que très
tar'divement. J'en trouve la pr-euve danb le fait suivant: en
1717, d'abord, en 1726 ensuite, l'abbesse ' de Kerlot essaie
d'usurper et d'enclore la venelle du Kergoz. La ville s'op-
pose avec raison a la suppression de cette voie utile à tous
et indispensable aux riverams ; en 177], elle fait rem-
blayer la venelle: l'abbesse s'en plaint., le remblai chargeant
son mur 'de clôture; la ville répond que « le remblai sert ·
« au mur de point d'appui pour le. garantir de l'eau de la
« mer qui le dégradait et filtrant à travers inondait une
« partie de l'enclos de Kerlot.» . Si le quai avait existé,
sans interruption, à cette époque, il ~urait, comme
au moins
ces parties basses du terrain contre
aujourd'hui, protégé
les hautes marées.
Le plan nous représente cependant le quai comme
achevé; peut-être n'était-il interrompu qu'en un point,
où se déversait le canal de fuite du moulin ~ Et peut
celui
être est-ce là qu;il faut placer le pont à l' A nglais ou aua:
Anglais? M. de Blois dit que ce pont existait en 1735. La
délibération de la ville de 1772 permet de croire qu'il exis- '
tait encore à cette dernière date. Cette délibél'ation, comme
1687 et 1698, mentionne le chemin
]es. aveux de Kerlot de
- du Kergoz sous le nom de Venelle du pont aua: A nglais.(51) .
Le manoir de l'Isle est longuement décrit dans le rôle de
réformation de 1539, (f. 76-77,1'° et Vo). Je cite en abrégeant:
« Le lieu et maison ô ses crèches, courtils. jardins, colom
« bier, moullins, prés et parcs appelés l'Isle, joignant en
« semble ... donnant d'un côté '(à l'ouest) sur une venelle
« par laquelle on va de la rive. à la fontaine du Parc (ve
« nelle et fontaine du Kergoz), d'autre côté (au nord) sur
« le chemin qui conduit de cette fontaine à la rue Porz
« 11ahé, puis sur la rue d~ Porz -Mahé, au devant de la
« maison de Germain Toulbodou, » dont nous parlel'Ons
plus loin, « et enfin, à l'est, sur les derrières des cour
« tils des maisons ouvrant SUl' la rue Vis. » Comme on
le voit, ce vaste enclos comprenait plus que l'espace cir
par le quài, la venelle du Kergoz, la
conscrit aujourd'hui
rue de Bourlibou, le pourtour de la place Neuve et la rue
du Palais.
C'est au manoir de l'Isle que le maréchal d'Aumont reçut
les députés chargés de traiter de la reddition de Quimper.
le manoir était, en temps de paix, la
A cette époque,
demeure de Jean Jégado, seigneur de Kerollain « brave et
« vaillant cavalier, autant qu'autre de son temps» qui venu
à Quimper « le 30 mai 1597, de bonne fortune et comme .
« d'une particultére permission divine, y arriva fort à pr"opos
« pour repousser La Fontenelle C).
C'est en ce lieu que les Cisterciennes établies, en 1652,
au manoir de Kerlot (par. de Plomelin), vinrent se fixer, en
1668, à la suite de geaves difficultés avec les héritiers de
leur fondateur. On a dit que ces religieuses avaient
imposé à leur maison nouvelle le Dom du manoir qu'elles
abandonnaient; mais le manoir de l'Isle portait déjà le nom
de Kerlot dés le temps dU: chanoine \. oreau (52).
Le manoir de l'Ile' et le manoir de Ker10t (Plomelin) étaient
la propriété de Anne . de Trémillec~ femme de Jean de
seigneur dt3 Kerollain, dont nous venons de parler .
Jégado,
Elle mourut en 1618, laissant à. ses de\lx enfants, Pierre et
Elisabeth, des biens considérables. Ces biens, dont je trouve
la longue énumération dans. un minu de 16;)7., semblent
avoir tous passé à Pierre Jégado. Dans cet acte, Pierre
prend les titres de seigneur d~ Trémillec, Kerlot, la Bois-
(li') MOREAU, p. 3i2 et suiv. '
Allain Chevillart, miseur, dans son compte, rapporte le fait au lundi .
II: 5 mai i597, et dit que Jean Jpgado, qu'il qualifie sr de K -ranhollen
ct (on trouve ailleurs Crec'holain) serait venu exprès avec ses gen,s pour
« donner secours à la ville contre les forces de La Fontenelle. » .
Comme on le voit, il n'est pas d'accord avec Aucun doute
ue la date et · les détails donnés par le Miseur ne soient la vérité. (Voir
XII, 2 partie, p. i97). Jean de Jégado devint, avant i606,
ulletin,
chevalier de .Saint-Michel, et plus tard gouvprneur d'Hennebont et de
. Port-Louis. Il vivait encore en i637 et était mort en i6iS2. (Fonds de
Kerlot). .
sière, LiE?iny., etc., qu'il tenait de sa mère, et ceux de che
valier, écuyer ordinaire de la petite écurie du Roi, capitaine
des gardes-côtes de l'Evêché de COt'llouaille. En 1652, il
à ses -titres celui de seigneur de Kerollain, qui lui
ajoute
venait de son père.
C'est le 26 mars de cette année, que Pierre Jégado fonda
l'abbaye de Kerlot, dont il nomma sa sœur abbesse ;. il lui
donna « pour son établissement, le tiers de ses immeubles, »
y compris le manoir de Kerlot, en, Plomelin, mais non le
manoir de l'Ile. Le titre d'abbaye roYa.le fut obtenu pour
la nouvelle fondation.
Par malheur, Elisabeth Jégado mourut., et son frère
survécut quelques mois à peine, 'laissant sa succes
lui
sion à des collatéraux. Ceux-ci, méconnaissant la volonté
du fondateur, s'emparèrent de vive force des biens et des .
titres de l'abbaye et démolirent « jusqu'aux fondements »
les constructions commencées. L'abbesse nommée par le
en remplacement d'Elisabeth Jégado obtint une lettre
Roi
de cachet « pour faire sortir les usurpateurs des domaines
de l'abbaye » j mais cet acte de justice ne réndit pas la paix
aux religieuses et des procès commencèrent qui allaient
durer quarante années. (Arcêt du grand Conseil du 10 sep-
tembre 1690 et transaction du 6 juillet 1699).
L'abbesse redouta.nt des violences nouvelles et prévoyant
la lutte judiciaire qui allait user sa vie, prit le parti d'aban
donner la campagne; elle acquit, en 1667, le manoir de
que les hèritiers de Pierre Jégado avaient vendu, et s'y
l'Ile,
établi t avec ses religieuses (53).
L'abbaye était bien loin de comprendre tout l'espace dé- -
pendant de l'ancien manoir. Les religieuses n'avaient ac-
qq.is que le manoir même, et ne possédaient en tout qu'un
peu plus de deu.x journaux et demi de terre (1 h. 59 a.) .
Le reste des dépendances du manoir était occupé par plu
sieurs particuliers et par une au tre communauté que nous
mentionnerons plus tard .
Une partie des bâtiments de l'abbaye de Kerlot ~ubsiste.
Son enclos est en partie occupé par le Palais de justice et
la rue dite aujourd'hui du Palais, projetée dès la fin du
(54), mais ouverte seulement vers 1830.
dernier siècle
Le chemin dit aujourd'hui du !(ergoi, a été en 1717 ... 1726
et 1771 l'objet de débats passionnés, entre l'abbaye de Ker
et la ville. Qui le croirait ~ En 1717, S. A. S. le comte
lot
de Toulouse, le chancelier d'Aguesseau, le maréchal de
Procureur général .. au Parlement, sans
Montesquiou, le
parler de M. Fleury,de Lossulien, gouverneur de Quimper,
et de M. Feydeau de Brou, in tendan t d,e Bretagne, ont eu à
s'occuper de ce petit chemin. En 1726, c'est à S. A. S.
Mgr le duc de Bourbon que l'abbesse s'adresse; et c'est
a lui que la ville envoie trois interminables mémoires ... trop
, longs pour être lus par Son Altesse ... (55) .
C'est a ces documents que j'emprunte quelques-uns des
et ceux qui suivent.
renseignements qui précèdent
Le chemin s'est autrefois nommé rue Pouderez (de la Po-
terie), « c'est la que se tenait le marché des pots de terre. »
En 1717 et 1726, le chemin était bien plus fréquenté qu'au
jourd'hui; et la communauté de ville chargée de son entre
tien donne une singulière preuve de la fréquentation de
cette voie « c'est qu'on y remarque des ornières d'un demi
profondeur. »
pied de
Le , plan de Quimper, s'il eût été dressé" quarante ans
plus tôt,eût figuré un pont au dessous du port, en face de la
rue de Pont-l'Abbé, a l'endroit nommé encore par tradition
Bout du Pont (Pen-ar-Pont).
Ce pont, dit de Locmaria, avait une arche s'ouvrant pour
livrer passage aux navir>ès. Cette arche fut réparée pour
moitié par la communauté de ville en 1594 (56).
La prieure de Locmaria, se prétendait propriétaire du pont
qui unissait les deux parties de son fief; mais elle en concé
passage gratuit. En 1726, un bateau poussé par le
dait le
courant démolit l'arche mobile .. La prieure prétendit obli-
gel' la ville à faire la eéparation qu'elle considérait comme
une charge du passage livré au public. Cette prétention fut
par l'intendant de Bretagne; mais la prieure
repoussée
n'accepta pas cette décision. De longs débats s'ensuivirent;
enfin, en 1740, la ville imagina que le pont gênait la navi-
gation. L'abattre c'était imposer une gène à la circulation
par voie de terre et couper en deux le fief de Locmaria. La
prieure réclama en vain; ses bonnes raisons Iîe furent pas
et on démolit le pont, sauf à regretter, le lende
écoutées,
main, l'œuvre accomplie la veille (57).
Ce pont était très ancien: il est mentionné dès 1360. Le
août de cette année, il se tint auprès du pont une assem-
blée des nobles et des bourgeois. Ils appuyaient vivement
les protestations du chapitee qui, en l'absence de l'évêque,
s'opposait à ce que Charles de Blois battit monnaie dans
la ville, en violation des franchises du fief de Saint-Co-
rentin (58) .
Nous sommes à Bourlibou . ...
Un scrupule me prend: ai-je bien écrit ce nom? J'ai suivi
l'orthographe de M. Le Men; il veut qu'on écrive Bour
libo'u, sans nous dire pourquoi, ce qui aurait cependant
quelque intér'êt. Il rejette le mot de Bourg-Les-Bourgs,
(ou mieux Bourg-lez-Bourgs) adopté par la municipalité
Quimper et que M. de Blois explique ainsi: Locmaria
a préexisté, la ville de Saint-CorentIn, la Ville CLose, s~est
plus tard; {( et entre ces d,eux villes ou bourga-
construi te
« des, s'est établi près du pont de Locmaria, Un petit
« hameau qui doit évidemment, à cette situation, le nom
«( de Bourg-lez-Bourgs (bourg entre les bourgs), dont nous
« avons fait Bourlibou ».
L~orthographe du plan se rapproche de celle-ci: il écrit
Bour-lez-Bourg. C'est la même signification étymologique.
Le rôle de la Réformation de 1539, écrit Bour,qlebou.Si
cette orthogr-aphe est la bonne, elle semble indiquer une
autre étymologie. Le nom de Bourlibou apparaît au moins
Je me ~oumets à l'usage vulgaire: j'écris Bourlibou .
Puisque nous sommes à Bourlibou, je profite de l'occa-
sion pour rectifier une double erreur, que j'ai commise
• ailleurs (60). .' .
A l'entrée de la rue dé Pont-l'Abbé, à gaJ,lche si nous
tournons le dos à la rivière, voyèz èette. ma':i . &V!3C fron-
tons et corniches ... J'ai écri que cet~cons . .',qui, avec
ses fenêtres grillées, garàe enCOl'e l'aspect rébarbl:liti~d'une
prison, était la prison de l'Évêque. J'ai ajOlité~'qûe Bourli-
bou faisait partie du fief épiscopal. Double erreut' !
L'indication relative à la maison me venait de. M. le Pré-
sident de Lécluse, père, né en 1751, et que, pour ce motif,
je pouvais croire bien informé. Il m'est démontré aujour-
d'hui que M. de Lécluse a été mal compris. .
. Mais quand j'ai dit que Bourlibou faisait partie du fief de
l'Evêque, cette lourde erreur est mienne. Ce faubourg
appartenait au fief de Locmaria; dès lors il devient impos-
sible d'admettre que l'Evêq ue y eut une prison à lui. Mais
ce ri'est pas tou~: je vois par. les comptes d li receveur des
décimes de l'évèché que, chaque année, au dernier siècle,
il payait le loyer d'une prison (61). Donc l'Évêque qui, au .
moins jusqu'à 1667 62), avait eu auprès de l'évêché une · .
. prison, dont il louai une partie au Roi (63), n'avait plus de
prison à JuJ alf' dernier si.êG1~. ' .
Le receveur ne nous indique pas à qui apparte
nait la prison dont il payait a location. En 1667, le Roi
loua une maison de la Ville Close pour lui s0l'vir de prison;
mais cette maison était trop exigüe pour qu'on pût songer '.
a en sous-louer une partie ("). Au c~ntraire, la prison de
Locruaria, composée de seize grandes pièces, était hors de
proportion avec le petit fief du prieuré, fallût-il admettre
la traditibn, elle ait servi d'asile à des aliénés (64);
que, selon
et on peut, sans témérité., supposer qu'une partie en était
a l'Évêque. Ainsi s'expliquerait l'indication donnée
louée
par 1e Président de Lécluse . r'
Revenons maintenant sur nos pas pour faire le tour des
murs de ville .... En route je vous dirai comment ces murs
ont été con'struits. '
'. OTES DU CHAPITRE PREMIER
,(1) LE MEN, p. 49.
(2) Miseur, i594.
(3) M. DE BLOIS, l, 418.
( 4) Le Séminaire n'est pas figuré sur le plan; mais sa situation est
indiquée par le chen1-Ïn des séminaires, tracé au-delà de l'enclos des
Sœurs Blanches.
(5) M. LE MEN, p. 49 et 50.
. (6) Sépultures de la ChandeleUl', 1686-1751.. li m'a paru que je pou
vais signaler au souvenir la longévité de ce serpent.
,(7) Sépultures de Saint-Jlùien, 25 décembre 1788 .
· . (8) Le plan ne figure pas l'îlot d'Odet, dans .t'étang du moulin. Voir la
· 'vue de cette partie de Quimper dans la Galerie armorica·ine •
, . (9) CAMBRY, II. p. 331.
" , CI) M. de Blois a écrit que le roi fit bâtir une prison en 1.667; il ré-
sulte, au contraire, d'un arrêt du Parlement, de 1685, sur lequel je
. reviendrai, ue, à cette époque, la prison du roi était encore la maison
d'un particu ier tenue en location.
(iO) ALBERT LE GRAND, vie de saint Corentin. 1.
(H) M. LE MEN, p. 35~-355.
travail de M. le Major FATY. Bull. X,
(12) V. sur les hospices, le
(13) Dans un aveu du 20 mai 1683, les limites du prieuré de Saint
sont ainsi indiquées: « Le terroir confronte du levant sur la
Laurent
c( chapelle de Saint-Julien, le long du chemin de Concarneau etc .. , du
« nord le long de la rue Neuve jusqu'à la chapelle d,' Saint-Julien. »
. Arch. départ. Un mariage fut célébré à la même époque dans cette
chapelle. Reg. du Saint-Esprit. L'emplacement était encore reconnaissable
(I~) DE BLOIS, I. ~23. M. LE MEN, 107.
(15) V. pour plus de détails Notice SU?' les Caqueux devant le Séné
chal de Qllimpel', en 1667, Bull. de 1885, 2 partie, p. 256. "
(16) Mentionné ar M. LE MEN, p. U8-290. M. DE BLOIS a omis son
nom dans la liste es capitaines de Quimper. I. p. ~i5 .
(17)Miseur. L a douve tracée en ligne droite et perpendiculaire à l'Odet,
touche la rivière à 60 mètres envIron au-dessus de la tour Penalen .
(18) MOREAU. p. 15 et suiv. V. Bulletin IX, p. 283.
(19) MOREAU, p. 170-171.
(20) Voir sur tous ces points fonds de Saint-Laurent. Arch. dépar-
tementales. Les deux . arrêts du Parlement sont annotés en marge
d'un aveu du 20 mai 1683. Ils se retrouvent aux archives du Parle
ment avec un autre tr(!s curieux que je publierai quand j'étudierai les
hautes justices de Quimper.
(21) Lettre du Roi du 19 novembre 1529, fonds des Cordeliers,
Arch. départementales. Ce curieux débat trouvera sa place dans une
Notice sur les Cordeliers. .
(22) CAMBRY, II, p. 332. On c( a proposé près du pont de la Révolu
. « tion ... d'établi~ ?n pass~ge SUl: la riv,:. oriental~ (méridionale est plus
« exact) de la flVlere. 111s01eralt le babment ou sont réUnIS les corps
« constitués ... etc. »
(23) MOREAU, p. 260.
. (2~) Aveu rendu le 30 novembre 1730. Art. 2319, fO 382 rO.
Le marquisat de Rosmadec, érigé, (1608) en faveur de Sébastien 1 ,
fut continué (17i9) sous le titre de marquisat de Pont-Croix en faveur
de René-Alexis le Sénéchal de Carcado, fUs de Marie-Anne de Rosmaclec.
La descendance masculine de Sébastien de Rosmadec s'était éteinte en
(25) Le Subdélégué dit même qu'il y avait une arche en pont-levis à
l'autre bout du pont.
(26) Subdélégué, 2.
(27) P.-V. i3 ra et va. Le plan figure exactement tout cela .
(28)' Aïeul du grand médecin.
(29) Miseur, i594. Manteler, couvrir d'un mantelet, parapet portatif
en bOlS. (TRÉVOUX).
(30) MOREAU, p. 280. .
(31) « Un cours est uri lieu agréable où
est le rendez-vous du beau
« monde. 1) Dict. de Furetièi·e.
(32) Il faut lire, dans l'étude que M: le 'or FATY a consacrée aux
de Quimper (Bull. X, p. 396), les invectives de la
hôpitaux
communauté contre les religieuses coupables siniplement de défendre le
patrimoine des pauvres.
(33) Arch. départ., B. 741..
(3~) Fonds de Kerlot.
(35) M. DE BLOIS, 1. 4i8.
(36) Chan. MOREAU, p. 217. Sénéchal. 6, va.
(37) On dit même par abréviation la Déesse. Le chêne de la Liberté
avait prospéré. En 1848, le clergé fut appelé il le bénir ... Il est tombé
dans le cyclone du 3 septembre 1.873.
(38) MOREAU, p. 172. .
(39) Arch. dép. B. 18·.
(~O) M. LE MEN, p. 300.
(~1) CAMBRY, 1., p. 16.
(~2) La maison porte aujourd'hui le na 2 de la rue du Quai. Pour
. plus de détails voir la M .aison natale de Laennec. Brochure.
(~3) M. DE BLOIS, 1. ~18.
(~5) Procès-verbaux de la Réformation, fos 50 va, 51 Va, 9~ va .
• En 1~86, le Sénéchal de Cornouaille était Jean A!llet.
(~6) M. DE BLOIS, III. La Charte est aujourd'hui considérée comme
apocryphe; mais elle est très-ancienne .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE.' Tome XII. (Mémoires). 17
(4,7) Tous ces détails sont extraits du Terrier de la Commanderie de
La Feuillée, dressé en i730 et 1731, el approuvé, en 1.731, au chapitre
provincial du grand 'prieuré d'Aquitaine.
Le Terrier forme trois volumes in-folio. L'un d'eux, le tome III, con
tenant les commanderies de Saint-Jeàn, du Crosty et du Faouet, est déposé .
aux Arch. départ. . du Finistère.
(48) Réformation de 1.539.
(49) M. DE BLOIS. I. 418. .
(50) Aveu au Roi. Fonds de Kerlot.
(Di ) Même fonds. Aveux. . Mémoires de la ville. (1726) Délib. du 3
février 1772.
(52) MOREAU, p. 312.
(53). Fonds de Kerlot. Elisabeth de Jégado est morte en décembre
1.657 (Dom MORIeE, II. p. CL VIII). .
(54) CAMBRY, II, p. 332 . •
(00) Fonds de Kerlot. Il ~e nous reste que deux mémoires.
(56) Miseur, Bull. XII, p. 169. .
(57) Mém ire cIe la ville. Fonds de Kerlot. La ville, en i597,
avait réparé pour moitié l'arche mobile du pont. MISEUR.
. (58) DOM LOBINEAU, Preuves, col. 1.619.
(5~) LE J\!EN, p. 51.. M. DE BLOIS, III, p. 9. Acte au Fonds du
Chapitre. i5i 8. Arch. dép.
(60) Promenade il la Montagne de la Justice, etc. Bull. IX, p. 40 .
(61.) Archives de l'Évêché .
(62) Baux de la prisoll, de 1627 à 1650. . HÉVIN, p. 83 .
i ;3) M. DE BLOIS, l, 416.
(64) On la nomme encore aujourd'hui Bicêtre .
(r1 suivre) .