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Bulletin SAF 1884


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Correspondance à propos du tombeau de Jean de Montfort

Abbé Euzenot

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XVII .
CORRESPONDANCE
A PROPOS DU TOMBEAU DE JEAN DE MONTFORT

Plusieurs communications ont été faites à la Société ar­
chéologique du Finistère, au sujet de la dé'couverte de
(:Jnimpedé. La compétence des correspondants donnant une
valeur réelle à leurs renseignements, il y a lieu d'en tenir
compte, et de les reproduire au moins par extraits .
1. Les carrelages funéraires .
Un de nos confrères normands, aussi instruit que modeste,
dans une note précieuse, constate l'analogie du pavage du
chœur où a été enterré Montfort avec les dallages de même
Iiature de la Basse-Normandie.
Les petits carreaux de terre cuite, bruns ou rouges, avec
blancs dévernis, trouvés dans les ruines
dessins jaunes, ou

de l'église abbatiale des Dominicainsde Quimperlé (p. 279)
répondent exactement à ceux des abbayes des environs
de Bayeux. Ori 'yi'ènconùait autrefois, en grand nombre~
dit notre savant c6nfr~rej ces petites briques li fond bT'uft
avec dessins jaunes, ou lijondjaune avec dessins bruns .
Le même carrelage existait cependant, selon lui, dans
les salles des châteaux, et il pense que les briques sortaient

des fabriques de Molay (1).
D'où venaient les nôtres? Quel était le lieu de fabrica­

Le four a briques et a poteries de Penerven, dont on
tion?
tout près de l'enclos des Dominicains,
voit des vestiges
était-il déja établi ?

(f) Cf. Le rapport de M. Ch. Marty-Laveaux (Bulletin du Comité des
Travaux historiques), allnée 1884, nO 2, p. fio.
BULL. AitCHÉOL. ou FINISTRRE. TOl\1E XI (Mémoires). 20

Ce qui est certain, c'est l'identité du carrelage de la salle
de l'ancien château de Carnoët et du chœur de l'Abbaye
Blanche: une des briques provenant de l'une et toute sem­
blable à celle donnée au M usée de Cluny par le baron
Dennel'y-, s'adapte si exactement au fragment" trouvé dans'
l'autre, et en complète si bien le cintre, que toutes deux
n'ont pu sortir que du même moule. On se rappelle d'ail- .
leurs que les deux maisons de plaisance ducales: celle de
la rive droite du Léta, et celle de la rive gauche, qui fut
convertie en abbaye par Blanche de Navarre, avaient même
nom ·et même origine (1).
Les cercueils maçonnés du Moyen-Age. (2)

Les sarcophages appartenant à l'un des trois premiers
genres de tombeaux de pierl'e usitès au Moyen-Age, sont
monolithes. Le cercueil en maçonnerie récemment décou­
vert dans l'emplacement du chœur de l'ancienne église des
Dominicains de Quimperlé, ne peut se rattacher à aucune
de ces formes Par la comparaison des caractères qu'il pré­
sente et de ceux du dernier type appelé capétien, on arrivera
peut-être à déterminer la période à laquelle il faut le rap-
porter. .
Le cercueil capétien a été employé de la fin du XIe siè­
cle aux dernières années du XIIIe. Il est fait de morceaux
de pierre juxtaposés, ordinairement fixés à raide de mor­
tier. Le fond n'est jamais garni de dalles; le corps repose

(i) J'ai visité les ruines de l'antique château Ile Camoét, sur la rive
droite du Laita, dit Cambt'y, Le citoyen P .. , ., garde de la forêt de
Carnoët, cu a suivi les murs recouverts de terre, d'arbres, de mousse '
ils entour'aient un parc de plus de deux lieues de circonférence. Dan~
les fouilles qu'il a vu faire, qu'il a faites lui·rnême dans le chàteau il
n'a trouvé .d~ remarqutble qUl~ de grands carreaux vemissés ... , ~ul'
lesquels de Johes barn bochades, des caprices, étaient exécutés. (J1 oyage
dans le Finistère, en 1794 et 1795, III, H3, H4).
(2) Cette note de M. l'abbé Euzenot eom pIète ses renseignements sur
les sIgnes carar.téristiques des tombes du XIVe biècle.

sur le sol mème ; des piel'l'es, luises à plat" ['()l'Illent le cou­
vercle. Il n'y a st rictement q ne la place du corps; un em­
boîtement carré est pratiqué. pou r la tête. Enfin, le plus
souvent, le tombeau est moins large au pied qu'à la partie
antérieUl'e. Les cercueils de ce genre contiennent fréquem­
ment des croix d'absolution dont l'écriture appartient au
XIe et au XIIo siècle. Au commencement du XIVe, les
grands personnages étaient ensevelis dans -des cel'cueils de
pieere tapissés de ploIn b. Dans la seconde moitié du même
siècle, au temps de Charles V, le bois 011 le plomb remplace­
tout a fait la pierre, même clans les sépultures de luxe.
Comme les tombeaux de cette sorte, le tombeau en
maçonneriB de Quimperlé est fonné de pierres, de gros
moëllons juxtaposés, unis au mortier; il n'est donc pas
antérieul' a la fin du XIe siècle. Il lui manqJle plusieUl's des
signes particuliel's des cer'cl10ils de ce genre. Il n'y a pas
lieu de s'en étonner: de même que, du sarcophage primitif, ,
on est descendu, paf' des dégradations, successives, au tom­
beau capétien, en passant par la forme mérovingienne et
la forme carlovingienne; ainsi le type capétien a été se
modifiant et p8rdant de ses caeactères réguliers jusqu'a sa

complète disparition. Le cimetièl'e de Saint-Clément, en ' ,
Quiberon, en fournit des exemples. Parmi les cercueils cette espèce qu'on y a l'encontrés, plusieurs avaient "tous
les signes du genre; d'autres, sans cellule évidée, étaient
plus larges a une extrémité qu'a l'autre; quelques-uns, sans

emboîtement, avaient la mème largeur dans toutes leurs
parties. Le cercueil de Quimperlé n'a pas l'évidement pOUl'
la tête; il a sensiblement la même largeur au pied qu'au
bout antérieur; il ne peut donc appartenir qu'aux derniers
temps de l'emploi des tombeaux de pierre. Il présente, en
outre, une particularité qui (-st toujours absente des bières
capétiennes: le fond est garni d'un dallage de pieere, tandis
que, dans les cercueils dont l'usage a cessé vers la fin du

XI il ~i(~cle, le cor'ps l'epose S UI' le sol même; il est dOllc
postéî;ieul' à cette date. On sait, d'ailleurs~ que, même pout'

les. sépultures des grands seigneurs, l'emploi de la pierr8 a
été absolument supprimé, à partir de la seconde moitié du

XIVo siècle et qu'on a substitué alors le bois ou le plomb
à la pierre. Le t9mbeau en question a été conséquemment
construit dans la période comprise entre l'époque où finit
l'usage des bières en maçonnerie offrant tous les caractères
du type capétien et celle où le cercueil de pierre est com­
plètement abandonné: il remonte à ia pl'emière moitié du
XIVe siècle.
Une autm observation est encore à faire. Le 'tombeau .

en maçonnerie, au temps où 11 était d'un emploi général,
était très étroit; il ne présentait que la place du corps. Au
contraire, le cercueil que je viens d'examiner est fort large.
A l'époque à laquelle il appartient, les bières étaient ta­
pissées de plomb; mais un corps, même enfermé dans une
châsse en bois couverte de plomb, serait loin de remplir
tout l'espace compris entre les parois latérales: il y aurait
lieu de croire que ce cercueil a été construit pour recevoir

deux cadavres.
Il est déplorable que cett~ tombe ait été autrefois boule-
versée et dépouillée. Sans parler du couvercle et de la dis-
position intérieure, elle pouvait contenir des objets dont
l'étude eût été des plus intéressantes, surtout en présence
des ossements qui y ont été découverts ..
Abbé EUZENOT .