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Bulletin SAF 1884


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Notes sur les foires de Quimperlé

Fr. Audran

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NOTE SUR LES FOIRES DE QUlMPERL'É (1)
Les foires de Qùimperlé sont au nombre de huit:
Le lundi de la Passion,foire des vieilles (foar groac'hed);
Le Jeudi Saint, foire des œufs;
Le 24 juillet, foire du Bourgneuf (autrefois St-Grégoire, '
puis St-Jacques) ;
10 août, foire de Saint-Laurent;
Le 29 septembre, foire de Saint-Michel;
Le 17 octobre, petite foire de Saint-Michel; "
Le 28 octobre, foire de la Toussaint (autrefois Saint-
Simon et Saint-Jude); ,
Le 24 décembre, foire de lVoël; ,

Un si grand nombre de foires pour une petite ville comme

Quimperlé démontre qu'au point de vue commercial, cette
avait autrefois une grande importance. Toutes sont
ville
anciennes, du moins elles existaient avant la Révolution,
• a cette époque, sauf la dernière, elles furent conservées
car,
par un arrêté de l'Administration départementale dont jé
parlerai dans la suite; et si pour toutes nous n'avons pas
les lettres' de fondation, .j'ai lieu de croire qu'elles sont an­
térieures a la réuniori de ' la Bretagne a la France, car si
d'une .date postérieure, les ,lettres patentes,
elles étaient
sans lesquelles elles ne pourraient exister, seraient cerLai-

nement'venues j'usqu'a rious.
Toutes, sauf la première, ont lieu" comme cela se ren-
cçmtre presquepartoùtailleurs en France, la veille de fètes
.' - ,religieuses bu à l'occasion de pèlerinages. '
" Un mot malnteriantsur chacune de ces foires. Celle du

lundi de ia, Passion, la première et la plus importante (elle
On dit communément a Quimpedé foire
dure trois jours).

. (1) Notice lue à la' séance du 29 mai f 884.

des vieilles, ce qui n'a aucun sens; le nom breton encore
conservé est Joar. groac'het (foire des vieilles), non pas des
vieilles filles ou femmes, mais du poisson de ce nom dont
on faisait à Quimperlè un gl'and commerce au XIVe et
XVe siècles (1) .

On sait qu'avant la découver{e de Terre-Neuve, il se
péchait sur les côtes de Bretagne une grande quantité de
poissons que l'on' séchait. On a vu pal' l'extl'ait de la réfor­
mation du domaine du Roi à Quimperlé que j'ai publié (Bull.
de la Société archéol.~ tome XI, page 67), que les sècheries

de poissons de Doëlan; près Quimperlé, étaient, en 1680,
abandonnées depuis plus de cent ans (2). On comprenait
alors sous le nom générique de vieiLLes, comme plus tat'd
sous celui de merluches, touB.les poissons que l'on séchait.

La foire du lundi de la Passion était donc anciennement

à Quimperlé, le débouché des produits de la pêche; mais

on n'y vendait pas seulement que des poissons secs et salés
et c'était à cette foii'e que les habitants de Quimperlé .de-
vaient s'approvisionner pout' toute l'année des ob,jets qui
n'étaient pas d'une vente courante et journalière.
Quimperlé n'avait pas, au dernier siècle, d'épiceries, car .
on ne peut donner ce nom à des boutiques où l'on trouvait .. '
seulement du sel, du sucre, du riz, quelques épices, du
. savon, de la chandelle de suif pour les bourgeois etde résine
pour les pauvres; c'est à la foil'e des vieilles qu'il' fallait
acheter, des marchands qui y venaient déballer, de la bou~ ·

gie de cire, du sucre rafiné, des fruits secs ... de l'huile d'oli ve,
des savons fins, des eaux de Cologne et de fleurs d'oran-

. (i) Grac'h, vieille femme, est une sorte de poisson de mer ùe la figure
et de la grosseur de la cGfpe, mais beaucoup moins · bonne ; pluriel,
grac'ha. On devrait écrire comme on prononce, gwrac'h; DICTION. DOM
LE PELLETIER. V. GRAC·H. _
(2) Depuis la pêche de la sardine, le port de Doëlan a pris une nou­
velle importance •

BULLETIN ARCHÉOL, DU FINISTÈHE. ' '1'o~1E XI. (Mémoires).

gers, etc. Dans le courant de l'année il fallait faire le voyage
Vannes pour se procurer ces objets que
de Quimper ou de
ron trouva au dernier siècle plus à proximité, à Lorien't.
C'est aussi à la foire des vieilles que l'on achetait pour les
enfants les jouets qu'aujourd'hui on leur donne au premier
de l'an. .

La foire du Jeudi Saint. Les foires aux œufs sont nom­
breuses, elles avaient leur raison d'ètre à une époque où le
carême ét.ait rigoureusement observé, alors que les évèques

n'autorisaient pas l'usage des œufs, du beurre et du ft'o­
mage. Cette foire rappelle encore l'usage assez commun
des œufs de Pâques. Il est aussi à remarquer que le jour
du Jeudi Saint est consacré à la visite des églises .

La foire de Bourgneuf. Par lettres patentes donné.es à
Vannes, le 12 avril 1434 et conservées aux Archives du
Finistère (fonds des Dominicains), le duc Jean V crée en
ses chapelains et orateurs, les frères pre8cheurs
faveur de

de Quimperlé, une Joire franche et exempte de tous péages,
coutumes' ~t droits de foires, sauf néanmoins l'impôt et
billot sur le vin et la bière qui seront débités en icelle, tes-
quels droits seront de moitié entre nous. Les Dominicains
furent maintenus dans la perception de ce droit par une
sentence de 1627.
Les lettres-patentes portent que cette foire se tiendra au
Bourgneuf au-devant de l'hôt~l desdits frères, le jour de
Mr Saint-Grégoire (12 mars), mais comme elle était trop
rapprochée de celle des vieilles ou peut-être aussi parceque
. le couvent du Bourgneuf changea de patron, elle fût fixée
au 25 juillet, jour de la fète de saint Jacques. A l'issue de
la foire les officiers de justice du duc tenaient au Bourgneuf,
probablement dans l'une des salles du couvent, les plaids

généraux.

La foiee de Saint-Laurent rappelle une chapelle aujour­
d'hui cabaret situé. entl'e la chapelle de Notre-Dame et
réglise paeoissiale, aujourd'hui démolie, de Saint-Michel.
La coutume, c'est-à-dire les dl'Oits de place et d'étalage à
cette foil'e, était pel'çue au profit de la fabrique de Saint-

Michel. Ce dr'oit qui, d'après un ancien rentier, rapportait
15 livl'es par an à la fin du XVIIe siècle~ fut plus tard
affenné 21 livl'es, 30 livres et même en 1714, 48 livres. En

1788, dernièee année dont la .perception est consignée sur
le rentie!', il n'était pas affermé, le trésorier de la fabrique
encaisse 42 livres et abandonne le sUI'plus aux bommes
qui avaient fait la perception.

La foire du 29 septembre. Saint Michel était le patron
d'une des paroisses de Quimperlé; c'est sur la place Saint­
Michel que se tenaient et se tiennent encore les marchés
hebdomadail'es; c'est là aussi que se tiennent les foires à
. l'exception de celles des Vieilles et .du Bourg- Neuf qui ont
lieu dans la ville basse. On peut donc avec raison admettre

que c'est la foire la plus ancienne de Quimperlé; malheu-
reusement jusqu'à ce jour je n'ai pu trouver ni dans les
aI'chives municipales ni dans les archives paroissiales
aucun document relatif à sa fondation.

La foire du 17 octobre, . petite foire de Saint-Michel, est
l'une- des moins importantes; elle semble n'avoir été créée
que pOUl' remplacer celle 0u ;J9 septembre lorsque celle-ci
n'était pas favorisée par un ' beau temps, car elle se trouve

trop rapprochée de la suivante à laquelle elle devait sou­
vent nuil'e.

La foire du 28 octobre. On lit dans un l'en tier de l'hospice

du XVIIe siècle: DROIT de coutume et péage aux foires de
Saint-Simon et Saint-Jude perçu de temps immémorial au
profit de L'hôpital de Quimperlé affermé pour payer au dit

h6pital trente tivres par an au terme du 29 oelobre. On
trou.ve au soutien de ce droit cinq pièces relatées au nouvel
inventaire (probablement une pancarte et des baux), mais
il serait à désirer qu'on 'eut des pièces plus probantes pour
la perception ft la conservation de ce droit. Si vers 1680 on
écrivait que le drol.! était perçu depuis un temps immémo-
rial on peut admettre sans difficulté qu'il s'agit d'une épo­
que antérieure à la réunion de la Bretagne à la France. On
sait d'ailleurs que l'ancien hopital de Quimperlé était de
création ducale et dès lors rien d'étonnant dans la conces­
sion de cette foire dont le produit quoique minime venait
augmenter les ressources d'un établissement bien pauvre .

, La dernière foire avait lieu la veille de Noël; je ne sais
pourquoi les administrateurs du Finistère qui en thermidor
an VI fixèrent les jours de foires et marchés du département
ne la conservèrent pas. Toujours est-il qu'ils la supprimè-
rent, qu'elle n'a pas été rétablie depuis et cependant quoi­
que n'ayant pas d'existence légale elle est encore très fré­
querltée
ne font
Les anciens comptes des miseurs de Quimperlé
nulle part ' mention des revenus des foires; elles étaient
donc toutes, sauf celle de Saint-Laurent et celles de Saint-

Simon et Saint-Jude, exemptes de tous droits de péage et

cela devait leur donner une grande importance.

Lors ,dé la Révolution les foires .qui se trouvaient la veille
patronales ou des pèlerinages n'attirèrent plus que
des fêtes
monde quand les églises furent fermées et finirent
peu de
presque par disparaître; cependant leur utilité était si évi­
dente que le Directoire exécutif, par un arrêté du 14 ger­
minal an VI en prescrivit le rétablissement. Celles de ,
Quimperlé, au nombre de sept, furent conservées et fixées
conformément à l'ère française en se rapprochant le plus

qu'il était possible des époques anciennes, sans les conserver
identiquement et en évitant qu'eLLes ne concol"clent à de
eertains égards avec l'ère abolie. Elles furent fixées par un
arrêté du 17 thermidor an VI au.x 15 des mois de ventôse,
germinal, floréal; messidor, fructidor, vendémiaire et bru­
maire: 4 mars, 3 avril" 3 mai, 2 juillet, 31 août, 6 octobre,
5 novembre.
Cet état de choses dura peu et
dès 1803, les foires repri-
rent leurs anciennes époques.
FR. AUDRAN. '