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N° II.
EXPLORA TI ON
D'UNE CHAMBRE SOUTERRAINE, A PONT-CROIX (1)
Par M. l'Abbé ABGRALL.
~~ette chambre est située à 300 mètres environ au nord de
l'èglise de Pont-Croix, exactement dans l'axe du clocher, a
40 mètres de l'angle sud-ouest du nouveau cimetière, dans
un champ appartenant à-M. ,Jean-Yves Trévidic, et portant
le n° 33, section B du plan cadastral, et la dénomination de
Parc-al-LeUt', c'est-à-dire Champ' de l'Aire.
L'existence de ce monument, que personne ne soupçon
nait, fut révélée par un éboulement qui se produisit sous le
passage d'une charrette; le mercredi 28 novem bre 1883. Les
enfants informés de l'appa~i1ion de ce trou, agrandirent
l'orifice, et, par un passage très-étro'Ït, descendant jusqu'à
trois mètres de pr9fondeur dans la direction nord-est, ils arri-
vèrent dans une chambre circulaire creusée dans le tuf ou
gneiss désagrégé, mesurant 1 m. 85 c. de diamètre et re-
cou verte par un plafond en calotte ou en voûte hémisphé-
rique, creusée également dans le tuf.
Informé de cette découverte, j:allai en .reconnaissance; et
le lundi suivant, 3 décembre, muni de l'autorisation du
propriétaire, je commençai les fouilles. Au bout de deux
jours, d'autres occupations plus pressantes m'obligèrent à
les interrompre pendant un mois et je ne pus'les reprendre
que le 4 janvier. AUJourd'hui 7 janvier, elles SOlJt te t'minées,
et, pour mieux en rendre compte, j'ai dressé un plan et une
coupe du monument tel qu'il se présente après l'exploration . .
. Ce souterrain,_ une fois dégagé, se. compose d'abord d\me
entrée A où s'est produit l'éboulement, d'un couloit' B, d'une
porte étroite et basse C, d'une chambre circulaire et ontiè-
Cf) Mémoire lu cl la séance du 26 janvier t884. · V. f re partie, p. f 5.
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rement couverte D, d'une seconde issue E un peu plus
, , haute èt plus large, 'et enfin d'un puits carré F dont les
parois montent verticalement. Dans tout cet .... ensemble, il
'n'y a pas une seule trace de maçonnerIe, tout estcr.euse ,
dans le sol du champ. Lors de la découverte, l'entrée A et
le passage B étaient obstrués de terres ,rapportées; une
couche de 30 ou 40 centimétres d'épaisseur couvrait aussi le
sol de la chambre; quant au puits F, il en était compléte
ment rempli. ( Voir le PLAN qui accompagnait par erreur la
2 livraison.) ,
Quelques coups de bêche dOI)nés dans ces ferres m'y
firent reconnaître des débris de poterie, des traces de cen-
dres et de charbon. Je résolus alors de les enlever entière-
ment, et je comlJ).ençai par le puits F.
A 70 centimètres de pl'Ofondeur, on rencontra un frag
ment de vase en terre samienne noire, puis à 10 ou 15 cen
timètres plus b,as, une large couche de cendres, d'e charbon,
et de terre brûlée, reposant sur un lit de pierres noirciesèt
calciné~s. Descendant toujours nous trouvions éparpillés
sans ordre des morceaux de poterie et de tuiles, des cail-
loux: ayant passé au feu, de petits dépôts de cendres; à
2 mètres de profondeur, au-dessus de l'issue E, un second
foyer assez considérable, puis toujours Jusqu'au fond la ,
même répétition de poteries fragmentées, trois ou quatre
morceaux d'amphore. '
Le déblaiement de l'entrée A et du couloir B donna le
même tésultat: débris de vases, cendres, charbons. A
1 m. ,50 C' , de profondeur, un mOI:ceau de mâchoire de cheval
dont une autre partie se trouva à deux mètres plus loin et
à un nivea.u plus bas; les dents au nombre de six ou sept
étaient parfaitement conservées. Ce sont les, seuls osse
ments qu'on ait pu rencontrer d,ans cette fouille. Même
parmi les cendres qu'on aurait pu Cl~oire pI~oveI)ir d'une in- ,
cinération de cadavre" je ,n'ai ' pu en trouver la moindre ,
trace. La couche de terre rapportée qui couvrait le sol de la
chambre circulaire sur une épaisseur d'environ 40 centi
tpètres, et dans laquelle fespéraistrouver qùelque vase
intact, n'a fourni . que trois ou quatre petits fragments de
poterie. Immédiatement sur le tllf ql}i formait le soL naturel,
sé trouvait une couche très-légère de terre fine, ou plutôt de
cendre selon toute ' apparence, et d'après le dire même des
fouilleurs que j'employais.
Cette chambre était-elle réellement une sépulture, et les
cendres déposées sur le sol étaient-elles les cendres du
bûcher sur lequel avait été incinéré le défunt? Nous
reviendrons sur cette question; mais auparavant il importe,
je crois, de faire une énumér~tion aussi exacte que possiblë
de tous les objets recueillis dans la fouille .: . /
1 ° Cendres et charbons, à différentes hauteurs.
2° Pierres brûlées ou ayant passé au feu,dont quelques frag-
ments ont même subi un commencement de vitrification.
3° Une dizaine d~ galets, soit intacts, soit fragmentés:
deux d'entre eux proviennent de la côte de Plouhinec .
. 4° Plusieurs pierres roulées provenant du vallon de
Pont-Croix . .
5° Un morceau de grés quartzeux, oblong, usé à 'plat sur
une de ses faces et parfaitement poli comme une pierre à
raSOIr .
6° Un percuteur en grés, long de 13 centimètres, large de
4 centimètres et demi et épais de 2 èentimètres, portant des
traces de percussion sur les deux bouts et sur ' les deux
côtés, et offrant beaucoup d'analogie avec les instruments
de même nature qu'on trouve dans les sépultures de
du bronze. . .
l'époque
7° Un rog~Olide silex noir .
8° Un morceau de fer tout oxydé et dont on ne peut plus
déterminer la fOl;me ancienne .
9° Deux ou trois quartiers de granit d'assez belle dimen-
, sion dont 1'un est taillé et poli sur deux faces, et l'autre
sur une seulement ; ce dernier, poli ùn peu en creux, et
fragmenté sur les bords, s'emblerait avoir été une meule à
concasser le blé ,
Un morceau de molette.
11 ° Une mâchoira de chev.al.
120 Deux morceaux de tuiles à rebord.
13° Cinq ou six morceaux de tuiles plates, sans· rebord,
et de différentes épaisseurs. .
11° Un petit di,sque percé ou fusaïole, formé d'un frag- '
ment de vase en terre rougeâtre. .
15° Le fQnd d'une amphore, trois morceaux de la panse,
et l'amorce d'une anse du même vase.
16° Une anse en terre rouge, de 14 centimétres de lon
gueur, 6 centimèUes de largeur ' et 2 centim'èt.res et demi
portant sur sa s-urface extérieure une èanne-
d'épaisseur,
lure avec ornementation feuillagée faite à rébauchbir.
17° Environ 160 fragments de poterie appartenant ,pres-
que tous à des và'ses différ,ents. . .
Deux ou trois seulement sont faits à la main, sans le
secours du tour, tous les autres sont de facture romaine .
Six ou sept apPÇtrtiennent à des vases samiens, deux sont .
ornementés. La plupart des autres sont en terre grise,
quelques-uns ont une couverte très fine et lustrée; plu-
sieurs portent, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, des tra-
ces de fumée ou de suie. '
Si on compare la disposition et le mobilier de ce monument
avecla. forme etle mobilier de celui de Rugéré, en Plouvorn,
(Voir la relation faite par M. Amaury de Kerdrel, ,tome 1
du Bulletin de la Société archéologique du Finistère" '
séance du 14 février 1874, page 111), on sera frappé dès
rapports qui existent entre ces chambres et galeries sou
terraines, situées à si grandes distances l'une de l'autre.
M. de Kerdrel arrive à cette conclusion que le monument
qu'il a exploré est une sépulture; M. Le Men, il me semble, ,
affirme la même chose à propos du souterrain de la Tourelle,
sur le mont Frugy, à Quimper.
la première inspection de' la chambre souterraine qui
nous occupe, j'avai.s pensé que ce pouvait être un ancien
refuge; mais après 'l'e~ploration; il me semble qu'il ne reste ,
plus de doute sur sa destination et q:ue c'est réellement une
chambre sépulcrale. Singulière sépulture, dira-t-on; rites
bien extraordinaires, qui consistent ,à fermer la tombe du
'défunt au moyen de terres rapportées en y jetant pêle
mêle des débris de vases cassés. Et cependant, si l'on y
réfléchit bien, cette sépulture de l'époque gallo-romaine
n'est qu'une continuation et une dérivation des sépultures
gauloises, des dolmens et des tumulus. Les terres qui rem
chambr~s dolméniques sont, le plus souvent,
plissent les
mêlées de fragments de vases et de débris de cuisine, restes
d'un repas funéraire; l'enveloppe des tumulus renferme
également des poteries fragmentées et de petits dépôts de
cendres et de charbon. Ici, dans les terres qui ont servi à
fermer la chambre sépulcrale et à la préserver de toute
retrouve les mêmes usages, les mêmes rites.
violation, on
Du reste, j'ai pu le constater dans une autre sépulture
de la même époque, sépulture gallo-romaine aussi, quoique
faIte dans un dolmen, et ne renfermant que des débris
statuette de Vénus Anadyomène, monnaie
romains, vases,
de Tétricus, et cela à côté d'autres chambres et de galeries
absolument, gauloises.
Pour terminer, .il est bon de signaler l'es chambres sou-
terraines connues dans le département et offrant des rap-
ports avec' celle de Pont-Croix:
1 ° Ferme de Rugéré, près de Kerusoret, en Plouvorn , ,
2° Soutertain de la Tourelle, sur le mont Frugy.
3° Lande de Dinéault, à 200 I1,1ètres du village de Keré-
dan.
de Penguilly, galerie
PeumO erit J dans le bois
éboulée.
50 A Landivisiau, souterl'ain avec tuiles et ossements près
de Kerlouët.
60 A Mahalon, souterrain, substructions et tuiles, au nord
de Lésivy. 0 0
70 A Trégourez, on signale aussi de longues galeries sou
• terraines .. connues sous le nom de Toul-ar- C'horriket ou
Trou des Nains.
Il est probable que ces sortes de monuments sont nom-
breux, mais plusieurs resteront inconnus. Une exploration
sérieuse de ceux qui ne le sont pas pourrait donner lieu à
des découvertes intéressantes et instructives;
ABGRALL,
Professeur au Petit-Séminaire de Pont-Croix.
BULLETIN- ARCR~:OL. DU FINlSTÈRE. 'Tome Xl. (Mémoires). 4