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QUEI~QUES OBSERVA1'IONS
r.S DANS L'J':GLISE DE LOCMARIA,
PR1\S QUIMPER.
FA l ,'. '. . .
PAR M. LE COVEC
Avant de quitter Quimper, j'ai voulu visitee en détail
l'antique église de Locmal'ia ~ et cette visit.e m'a permis de
fail'e des l'emarques très-intéressantes dont je crois devoir .'
entret.enil' la Société archéologique. .
J'ai fait pl'endre (Jar ma fille le dessin du bénitier. Il me
paraît avoir été un baptistère du XVIe siécle. A cette époque,
le baptème s'administrai.t encore par immersion; d'aprés"
M. de Caumont, l'usage de plonger la par.tie basse du corps
dans la cuve baptismale ne fut abandonné que fort tard,
vers le commencement du X\[Ie siècle et mème postérieu-
rement a cette époque dans certains pays.
J'ai examiné ensuite plusieurs pierres tombales qui se ..
trouvent dans un des bas côtés, a gauche de la nef. Ces
piel'res portent, gravée au trait, l'image du défunt; encadrée
dans une arcade tréflée avec une ornementation carac-
téristique du XIIIe siècle. .
L'une d'elles, qui représente, je cl'ois, une abbesse, ou du
moins une prieure, se tl'ouve dans l'enceinte réservée des
fO,nts baptismaux . .
Des deux côtés de l'ogive tl'ilobée entOUl'ant la tète, sont
deux anges agenouillés qui tiennent élevé un encensoir.
Les pieds de la défunte reposent SUI' un lévrier.
Il m'a été impossible, malgl'é l'assistance de notre honoré
confrère, le Président Trévédy, qui a bien voulu m'accom-
. pagner dans une seconde visi te, de lire le nom de la personne
a la mémoire de laquelle a été gravée cette pierre tumu
lail'e, m~is nous avons pu déchiffrer les mots : Hre :
JACET : .... , ANNO : DNI : MeCe : SCDO (Secundo) :
REQESCAT (Requiescat) : IN : PACE: AMEN. .
BllI,LRTIN DR LA Soc. ARf.B~:()T,. DU FINISTÎm.E. - TOl\H: X.
Après un troisième examen, que rai fait seul, je croili;
pouvoir compléter l'inscription ainsi qù'il suit: .
JACET : RELLA (Regilla) : LOSOARN ... VIGESIMA :
HIC:
DIE : MERCURII ; REQ (Requievit) : EBRIA : DNI (Domini);
ANNO : DNI : MCCC : SCDO (Secundo) : CUI (cujus):
AIA (anima) : REQESCA-T (Requiescat) : IN : PACE: AMEN:
. Je laisse à des archéolog,ues, plus versés que je ne le
' .: ' suis dans la lecture des caractères et des abréviations en
usage au XIIIe. siècle, le soin de me rectifier si je me suis
trompè. C'est déjà un point importapt de n'avoir pas de
dou te sur l'année.
En avançant vers le sanctuaire, on trouve une seconde
conservée que je croyais de la même époque;
tombe bien
mais l'inscription que j'ai pu reconstituer, toujours avec
l'aide de M. Trévédy, permet de constater qu'elle ne
remonte qu'aux premières années du XVe siècle.
L'arcade tréflée est semblable à celle de la pierl'e tumu-
laire que je viens de décrire; mais l'ornementation diffère
la place des anges portant des encensoirs,
en ce que, à
on a gravé les armets du défunt des deux côtés de l'arca
ture, et elles ont été reproduites au-dessous de l'effigie.
L'écu porte trois têtes posées deu:eetune; et voici quelle
est l'inscription gravée en. bordure: .
HIC JACET MAGISTER ALANus DE PENLEU, PRIOR DE Loc
MARIE ~ QUI OBIIT OlE VICESIMA VII · JUNII ANNO DNI
MCCCCV, ORA PRO ILLO.
Ce prénom d'Alain rappelle celui du fondateur de
On lit dans le Dictionnaire d'Ogée :
l'abbaye.
« Le monastère de Loc-Maria fut fondé vers 1030 par
«( Alain Caùhiart, comte de Cornouailles, en faveur de sa
« fille Hodierne, qui en fut la première abbesse (1) .
(1) Suivant la règle de Fontevra,dt 'qui y fut d'abord établie, le 'tem
porel du couvent était régi par des moines soumis à. l'abbesse, à laquelle
ils devaient com'pte de leur gestioll .
« En 1120, l'abbaye de Locmaria fut donnée par l'évèque
« de Quimper (ou ' plutôt par le duc Conan III), à rabbaye
« de ' Saint-Sulpice de Rennes, de .J'ordre de Saint-Benoît ;
« elle en devint un prieuré et fut assujett!e à la même
« règle.
de 'Bretagne des lettt'es
(/. On trouve dans l'histoil'e
par Henri II, roi d'Angle-
« d' exem ption don nées en 1172
• terre à cette communauté. »
Mais, sans ,m'arrêter davantage à çes 'considérations
historiques, je reviens au sujet archéologique de mon étude.
La forme extérieure dLi tombeau m'avait induit en erreur
sur son époque. En effet, toutes les pierres tombales du
XVe siècle qu'il m'a été donné de voir, ont une orne,menta
tioil bien différente. Dès la fin du XIIIe siècle, les têtes des
1 statues s'abritent habituellement sous un dais décoré de
,fr'Ontons aigus. « A partir du XVe siécle, dit M. de
, petits
Caumont, on voit les pierees tombales chal'gées d'une '
« infinité de détails d'architectuee. Le défunt est yeprése.nté
« au centee d'un riche portail dont les faisceaux de colonnes
« portent de petites figue6s de saints placés à différentes
« hauteurs dans des niches, Sur d'autres ,pierres, on a "
« figuré l'intérieur d'une ôglise ou d'une chapelle au centre ,
« de la,quelle le défunt se tient debout les mains jointes. ~.
« Une chose à remarq uei', ajout.e ce savant archéologue,
« c'est l'usage qU'dn adopta auXVe siècle de formel' la,
« tête, les mains, les pieds du défunt avec du marbre,
« quèlquefois, quoique trôs rarement, avec du cuivre. »
Dans un réce~t voyage que j'ai fait dans le Nord de la
, France, j'ai pu constater ra justesse de cette remarque.
Dans l'ancienne cathédl'üle d~ Saint-Omer j'ai vu des
pierres tombales du XVc siècle parfaitement consel'vées,
décop(~es de -riGhes gravu!'es au trait reproduisant tous les
détails de l'aechitecture de l'époque. La tête, les mains des
personna'ges sont sculpte es '-dans le marbl'e, en clemi
r .' lief, et le calice d'un abl)(~ est en c lli vr'e.
A Locmaria, notre pierre tut111daire du XVesiècle Ile
représente que l'ornementation des tombeaux du XIIIe siècle,
la fOl'me des lettl'es ell e-même est celle usitée en ce siecle.
Faut-il en concl ure que, sous le rapport de la décoration des
sépultures, la "Bretagne était bien en retard sur' les autres
contl'éesde Ja" France? On pourl'ait, je crois, l'avancer
sans cl'ainte d'erreur. Peut-être cependant dans une pro-
. virice aussi attachée à ses uS8ges et à ses traditions, s~est
on simplement · borné àreproduil'e les formes antérieu
rement adoptées ~ Peut-être aussi la difficulté de sculpter
le granit a.,.t-elle" fait préférer les dessins les plus simples ~
Quoiqu'il en 'soit, il est certain qu.e le tracé de l'ogive de
. 1405 est .semblable à celui de l'an 1300 .
Tout près de cette tombe, on en aperçoit une autre sur
laquelle on n'a gravé qu'une simple croix, mais les extré-
mités deslbranches de cette croix sont contour:nées en forme
de fleurs de lys comme on les figurait au XVe siècle .
Enfin, jai remarqùé une quatrième pierre tOt1)bale SUl'
laquelle on ne voit qu'un mot, probablement un 'nom, écrit
en grandes lettres. gothiques comme on les traçait en Bre:"
tagne à la fin du XVIe siecle et au commencement du
XVIIe. Elles m'ont rappelé_ ~une inscrIption très nettement
marquée qui se trouve au-dessus du palier de l'escalier de
pierre du manoir de Coat -Bily (comrnune de Kerfeunteun) .
En voyant ces inscriptions, usées de plus en plus par le
frottement des pieds des fidèles, devenir presq u 'illisibles par
la boue qUlles incruste, je ne pui~ me défendre d'exprimer
le regret qu'on ait em ployé de semblables piel'res au dallage
de l'église, saIlS qu'on puisse donner pour raison que c'était
pour les maintenit' SUI' les restes · des personnes dont elles
perpétuent la l1lèmoil'e. Tout porte à cl'oire, en effet, qu'elles
. ne doivent pas se tl'ouver Ù. Jeui' empla(~ement 'prim'itif,
puiscr des parties d'autl'es r~ierl'es qui ont ètèbrisées sont
placées a c6té dans le but évident de remplir des vides.
J'ai méme aperçu dans le pavage tine pierre qui a été
autrefois un autel.
II y aurait lieu, à mon avis, de nettoyer toutes ces pielTes
sépulcrales et de les dresser contre la paroi du mur: elles
seraient ainsi préservées et rendues plus apparentes.
Il ne restera pour personne aucun doute sur leur position
ancienne et même SUI' leUl' _ . provenance, l'une d'elles
portât.-elle le nom d'un laïque; car, comme le dit M. Viollet-
Le Duc dans son Dwtionnaire raisonné de l'(uchitecture
française du XIe au X Vie siècle: « Au XIIIe siècle les lois
« ec~lésiastiques qui dèfendaie~t d'enterrel' . des laïques
« darts l'enceinte même des 'églises tombèrent en désuétude.
« Les chapitres des églises cathédrales ' seules continuérent
cc généralement d'observel' ces régIes, mais les paroisses,
« les collégiales, les églises abbatiales mèmes tirérent un
« pt'ofit considérable de la vente du droit de sépulture dans
« les églises et bientôt les murs et les pavé'S des nefs furent
« couverts de monuments, d'inscriptions 'et d'effigies .
( Leschœut's étaient réservés pour les membres du
« clergé et pour de très hauts personnages. »
Et, à ce sujet, je cl'ois devoir; le remarquer, il est · proba
_ hIe que c'était dans le chœur de l'église de Loc-Mari~ que
se trou vait autrefois la pierre qui est maintenant adossée
dans le jardin de la cure contre des arcades romanes avec
moulul'es, monument dont on ne devine pas l'existence â
moins d~en avoi.r été prévenu par le hasard, comme cela
m'est arrivé. 1
La pierre en granite dunt je parle, porte en plat-relief,
comme dans les tombes du XIIo siécle" l'effigie · d'une
abbesse dont les mains sont jointes sur la ' poitr'ine et
~nongées. Le l'elief de la figure, des mains et du vêtement
est produit au moyen de cavités faites dans l'épaisseul' de
la dalle. Au bas de cette dalle., se trouve un évidemment qui
devait être autrefois rempli par un lévrier sur lequel étaient
posés les pieds de la statue .
D'aprés . M Viollet-Le Duc, « vers la fin du XIIe et le
« commencement du XIIIe siècle, on plaça dans les églises
« beaucoup de ces tombes avec effigie ou demi-relief, peu
«élevées au-dessus du pavé. Elles étaient trés fréquemment
« exécutées en bronze coulé ou repoussé, émaillé, et consis-
« tant en une pl i1qlle de métal posée aux quatre coins sur
« des colonnettes très trapues, sue des livres ou simplement
« sue des cales. »
« Nous ne possédons, ajoute cet auteur, que quatre
« tombes de métal d.e ce genre. Deux sont sans émaux, ce
« sont les tombes des évêques d'Amiens, Evrard de Fouilloy
« et Godefl'oy, .
« Les deux autres tombes de bl'onze qui nous restent
« encore sont celles de Jean et de Blanche de Fl'ance,
« enfants de saint . Louis., et déposées, a vant la Révolution,
« dans l'église de l'abbaye de Royaumont, sous deux niches
« décol'8es de peintures. . ..
« Ces tombes foet petites représentent, en cuivre
« repolIssé, doré et gravé, les deux enfants sur deux plaq ues
( de cuivl'e dOl'é et émaillé, avec riche bordure egalement
« émaill ée, aux armAS de Feance, de Castille et d'Aragon .
« Le jeune prince pose les pieds sur un lion et la prin-
« cesse SUl'· un lévriel'. Des anges thuriférères, en demi-
« relief, sont fixés aux côtés de la tètè de chacun d'eux, et
« des religieux, aussi en demi-relief, se détachent SUt les
« fonds d'émail aux côtés des personnages. Ces deux plaques
« très inté['~ssantes sont aujourd'hui . déposées dans l'église
« de Saint-Denis, a côté du maitre-autel, en face du tom-
« beau de Dagobert. » .
J'ai vu récemment à Amiens les tombes d'Evrard de
Fouilloy et de .Godefmy. L'un de ces deux monument.s,
celui de l'évêque Evrard, est, comme le dit M. Viollet-Le
Duc, que j'ai déjà cité, d'une grande valem' comme art.
Cet éminent al'chitecte ignorait sans doute au moment
où il publiait son beau Dietionnatre raisonné d'a,.ehite(!
tUf'e~ qu'une cinquième tombe en bronze avait été trouvée
en Bretagne à l'abbaye de Notre~Dame de la Joie. C'est
celle de Blanche de C,hampagne, duchesse d.e Bl'etagne),
fondatrice de cette abbaye. ,
Saint-Séverin, notre ' confrèt'e, a bien voulu
M. du Bois
me communiquer la notice suivante qu'il a extl'aite de la
Revue des Sociétés savantes, 5 série, tome VI, page 122:
« Blanche de Champagne naquit en 1220, de Thibaut IV
« de Ch?~pagne et de sa seconde femme Agnès de Beaujeu.
« En 1235, elle devint duchesse de 'Bretagne, par son
« ITJariage avec le duc Jean let·, dit le Roux, en faveur de
~< qui venait d'abdiquer Pierre de Dreux, surnommé Mau-
« clel'c. '
« Restée veuve en 1237, ,Blanche de Champagne eut le
« désir de , se retirer dans un monastère. Dans ce but, eIlê
« fonda en 1252, à quelque distance d'Hennebont, en remon-
« tani 1/3 Blavet, une abbaye appelée Notre-D'3.me 'de la Joie.
« C'était un cou vent de l'ordre de Citeaux. Les édifices en
« étaient très vastes, mais il n'en reste ' plus que les bâti-
« ments accessoires construit~ bien apres ,la fondation'
« principale. Blanche en devint la première abbesse, Elle
« y mourut, le 5 août 128:t Son corps fut inhumé dans
« l'abbaye dont elle était la fondatrice.
«Sur le tùmbeau qui lui fut él'igé, reposait uue statue de
« bronze, de deux mètl'es de long, qui est un monument des • •
« plüs intéressants au triple point de v~e de l'histoire, de
« l'art et de l'industrie au moyen-âge. Cette statue repré
« sente la duchesse étendue, la , tête soutemië par un
« coussin, les yeux ouverts, les mains réunies SUl' la poitrine
« et allongées, v,êtue de la robe et du manteau d'abbessè,
« la tète couverte d'une de ces coiffures dont on l'eteouve ,
« les semblables deux cents ans plus tard dans les minia
« tures du manuscrit d'Anne de Bretagne, les pieds appuyés
« sur un chien. Sur la ceinture qui entoure la taille de la
« duchesse, on lit cette inscription dont les lettres sont en
« léger relief: -
FLERE sr QUOD FUERIT MlSERERE
« La face seule de la statue est obtenue par le procédé
« d~ coulage, tout le reste est en bronze estampé et appli-
« qué sur une âme en bois dégrossie au ciseau. Les pla-
({ ques de bronze adhèrent les unes aux autres par des
« rivets plats. C'est le procédé de la dinanderie-appliquée
, « au bronze. L'on 11e conuaît pas d'autre exemple de ce
« mode dè dl'essage sur ce métal.
« Cette statue a été tl'arisportèe en 1873 au Musée du
« Louvre ' » (1) ,
Il Y a une sorte de monument intermédiaire entreces tom-
beaux isolés par un court support et les plates tombes: ,C< Ce
« sont, dit M. Viollet-Le Duc, des statues couchées SUL' un
« lit légèrement incliné et ayant au-dessus dll pavé un
« faible , relief. Ces tombes étaient placées dans le chœur
« des églises ou dans les chapelles, de façon à ètre vues
« des fidèles et à ne pas gènel' la circulation. »
De son côté, M. de Caumont parlant des pierres tom-
bales dans sa Statistique l1wnumentale s'exprime ainsi:
,(t) La liste ehronologique des abbesses qui suivait cette biographie
s'arrê'ait à la 2 (Ü ; Thél(~S!" du BOllél:iez d(' Kerorg:.:en.
M. du Bois Sainl-Séverin '\ pli la COllJpléter en compulsant les annuaires
de B"etagne '
La 24 abbessé aélé N. ùc Bertiu, nommée tlll 1760.' M"o de Verdière
appelée il ' lui suc('éde\' parait avo r immédiatement abdiqué.
I.a 25 abllcssc, N. de la Bourdonnaye, nommée en f766, vivait
encore en i 785. ,
, L';tbbavti d~ la JoVe possédait 15,000 livres de reVéllUS, et il y
avalt 50 Ï'eligieuse~ en 1 n5.
« Les tombes placées àu -dessous du pavé, furent recou-
a vertes d'une dal·le unie ou ornée de quelqlles moulures
« peu saillantes ,: je ne connais guère de ces pierres 'tom
« baIes qui remontent au XIIe siècle. Les plus anciennes
« que rai remarquées sont du commencementdu XIIIe siècle.
« Il y en avait pourtant dans les églises romanes :, Orderic
« Vital parle de tombeaux dé(!emment ,couverts d'une
« pierre blanche. ) ,
« Ces pierl'es durent recevoir pal'~ois des mo~lures en
« creux ou d'un relief peu considél'able, et, s'il n'en reste
« plus aujourd'hui c'est qu'il a fallu renouveler les pavés
« dont elles faisaient partie. »
Ainsi donc notre pierre tombale de Locmaria offt'e un
grand intérèt aL~ poi~t de vue archéologique et vous me
pardonnel'ez, je l'espère, mes longues citations pour mettre
ce fait en évidence. II sel'ait a désil'er que cette pierre
sculptée ne restât pas' ainsi exposée aux injul'es dè l'air et
inconnue de ceux.qu'elle doit intéress81~ et qui ne peuvent
en soupçonne.r l'existence.
Je crois aussi devoir formuler un vœu : C'est que la
croix roma" e, qui surmontait autrefois le pignon du tran-
sept nord de l'église de Lor,maria, soit soigrieusement
conservée, car les croix romanes du XIe siècle deviennent
de plus en plus rares. Celle de Locmaria est déposée, pro- .
visoirernent sans dnute, dans la partie de l'égli-se qui est
maintenant remplie pa~ des échaffaudages; ma.is elle ne sera
plus mise a la place qu'elle occup~it, puisqu'elle a été rern-
placée pal' une croix neuve qui n'en est que l'imitation.
Si je ne craignais de trop prolonger cette causerie coupée
de digressions, je vous parlel'ais. encore d'une petite statue
d'évêque reléguée a tel'l'e 'dans un coin du cloître dont les'
arcades s'ouvl'ent SUl' le jal'din de la CUl'e. Cette statue, en
pierre calcaire, si j'en juge pal~ la forme de la crosse et la
hautenr Feobable de la mUre, en gl>andepartie bl'isée, doit '
datee de la fin du XIIIe siècle ou du corn mencemenl du XIVe.
M. de"Caumontfait remarq'uer qu'on peut tirer quelque parti
des mitr.es et des. crosses pour reconnaÏlre l'àge des sta
t~les, des bas-reliefs et des peintures à paetil> du X.IIe siècle,
et particulièrement pour la classification des effigies tumu
laires. '
« Les mîtres,fait observer lè savant auteur, furent d'abord
« très-basses, n'ayant pas plus de 3 à 4 pouces de hauteur;
( elles continuèl'ent à ètee peu élevées, corn rarativement
«. à ce qu'elles sont aujourd 'hui, jusqu'a lafin du XIIIe siècle.
« Dans le XIVe siècle, la mitre s'est élevée paefois jus-
c( qu'a la hauteur de 7 à 8 pouces; dans le XV elle s'éleva
« jusquJà 12 pouces; enfin dans le XVIe elle atteignit la
« hauteue disproportionnée'que nous lui voyons aujourd'hui.
«. Les cr0sses ... poui>suit M. de Caumont, furent primiti
cc vement tr0s-simples; elles ressemblaient à une houlette
c( de berger, terminée par une paetie l'ecourbée comme la
« volute d'un chapiteau ionique. Elles devinrent. plus hautes
. « et plus ornées' à partir du XIIe siècle, mais c'est au
c( XIVe et au XVe que les crosses atteignirent le plus ha.ut
« degré de magnificence.
cc Vees le XVe siècle et au XVIe, les crQsses s'allongèrent
« progressivement et atteignit'ont enfin, au XVIIe, la lon-
« g ueur qu'elles ont aujourd'hui, en même temps que leur
« crochet ' prit la fOl'me cambrée qui le cal'actérise iL
« p l'ésen t. ». "
Ce crderium peut s'appliquel' à "notl'e statuette qui mér'i-
rait une autre place que celle qu'elle occupe . .
Avant ,de quittee l'èglise,.j'ai fait relever pal' "ma fille
petit fragment de peinture muéale fort. aucienne qui se
trouve à côté de 18. port.e donnant accès dans le jardin de
la cure.
Ce petit coin a été dégagé du badigeon qui recouvre le
J'ai cru reconnaître dans une feuil1e pinnée,
reste du mur.
pein te en Jaune, etylacée horizontalement, une plante de la
famille des om bellifél'es.
Il est bien regrettable qu Il ne reste que SI peu de chose
Ce que nous en voyons encore
de ces vieilles peintures.
rappelle ce que dit M. Viollet-Le . Duc de ,la peinture murale
-antérieure au XIe siècle. Cette peintul'e était, d'apl'ès cet 1
éCI'ivain, appliquee soit sur la pierre même, soit sur un
enduit couvra~t des murs de maçonnèrie, et elle ne consis-'
tait, pOUl' les parties élevées au dessus du sol, qu'eh une
. sorte de badigeon blanc, ou blanc jaunâtre, sur lequel
étaient tl'acés des dessins très déliés en noir ou en ocre
rouge. Pl'ès du sol appal'aissaient des tons soutenus, bruns
rouges ou mème noil's, relevés de quelques filets jaunes,
verdâtres ou blancs.
Telles sont, Messieurs, les ohservàtions que j'ai faites
dans mes dernières visites à l'église de Locmaria, Je les
soumets a votre appreCIatlOn.
Permettez-moi de vous recommander, si vous allez à
Concarneau, de ne pas passer, sans l'examiner, devant un •
baptistère, creusè dans un bloc de granit, quise trouve
adossé au mur près des fonts- baptismaux de la nouvelle .
Ce baptistèl'8, en forme de baignoire ou de bateau
église.
plat, porte sur le devant de la cuve des arcatures ogivales,
et on peut le rapporter, je crois, au XIIIe siècle et peut-être ..
pour la Bretagne, au XIVe sièCle.
-Il est un peu plus étroit à l'une de ses extrêmités qu'à
l'autre, carré extérieurement et ovale à l'intérieur.
Ses dimenSIOns, que j'ai mesurées avec ma cann.e) et que
je donne approximativement sont les suivantes:
Longueur Om 92. . '
Largeur a l'un des bouts Om 62, a l'autre 0 m 59 environ.
Hauteur 0 m 35
et. 0 30 à fJeu pl'ès
du côté le pl us 'lal'ge
de l'autre.
. Pt'ofondel,lr intérieure Qm 25.
Ce baptistère, si mes souvenirs sont fidèles, est 110sé sur
une dalle de pierre carrée, un peu moins longue et un peu
·moins large que sa base, de s()rte que la cuve fait saillie.
La hauteur .de cette pierre de support ne m'a pas paru
dépa~ser.dix centimèfres .
Dans l'épaisseur de la pal'oi antérieure, on a creusé un
tro.u qui a servi peut-être de point d'attache à u.il couvercle,
post~rieurement, car il n'a aucune comm unication avec
l'intérieur et l'extérieur de la cuve. Les deux extl'émités n'ont
aucun ornement, les arcades ogivales s'arrêtant brusquement
des deux côtés au mlieu de leul' courbure. Par le fait, il n'y
aque .deux des arcatures qui soient complètes sur le de-
vant du baptistère L'ouvrier, al'rivé aux angles, s'est sans
doute arrêté devant les difficultés d'exécution ou pour
tout aU,tre motif, et tout porte à croire qu'il n'y a aucune
sculpture sur la paroi adossée à la muraille.
LE CovEe .