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Bulletin SAF 1883


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Les hôpitaux de Quimper avant la Révolution

Major Faty

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LES HOPITAUX DE QUIMPER

AVANT LA RÉVOLUTION DE 1789

PAR ]YI, LE COMMANDANT FATY.

LES PREMIERS' HOPITAUX DE QUIMPER
Préciser l'époque a laquelle des hôpitaux furent fondés a
Quimper serait d'autant plus difficile que les renseignements
et surtout les documents qui" concernent nos établissements

hospitaliers sont peu nombreux et ne remontent qu'a une
date relativement l'écente. Par nos chroniques, par nos

anciennes légendes des saints de Bretagne, on voit que, ,
dès l'introduction du christianisme en notre pays, les
abbayes, les monastères et surtout les demeures épiscopa-

les, outre une école où venait s'instruire la jeunesse, pos-
sédaient encore des locaux mis a la disposition des pèlerin~
et des malades indigents. Il est très probable aussi que les
Templiers, qui avaient a Quimper ml prieuré, à l'entrée de
la rue Vis, pres du Quai, y annexèrènt une infirmerie,

comme le prescrivaient les statuts de leur ordre. Telle est
du moins, au sujet de ce prieuré, l'opinion de notre regretté

président M. de Blois. Ce n'est qu'en 1239que nous savons,
avec certitude,qu'a cette époq ue, notre cité était en posses­
d'un hôpital, qui, sans doute, existait bien antérieure­
sion
ment. Nous l'apprenons pal' un acte capitulaire signé de
l'évèque Raynaud « et du noble et vénérable Chapitre de ,

cette ville », daté de l'octave de l'Assomption de l'an 1239,

et qui accorde annuellement a l'hôpital de Quimper qua-
l'ante sous sur les an,nates, c'est-a-dire sur les revenus de
la première armée d6s béiléfices vacants. Le précieux Car-:
tulaire de la cathédrale de Saint-Corentin, qui rapporte cet
acte ' capitulaire, fait également mention de cet hôpital, en
1264 ... 1375 et 1400. D'après ce document, . cet établissement .
nommé Domus Dei, Hôtel-Dieu, était d@ cl'éation ecclésias-

BULJ~ETlN DE LA Soc. Ancn(.~OL. DU FINlSTÈIŒ. TO'lE X. '

tiq ue et probablement le seul . qui existât aux XIIe et
XIIIe siècles, car plus tard, nous en comptons quatre, qui
furent dotés par l'évêque Bertrand de Rosmadec, et ' qUI
subsistaient déjà de son temps, ainsi que nous l'avons
démontré., d'après un acte de l'an 1431, par lequel il fonda
nous avons précédemment
l'Aumônerie, institution dont
enteetenu notre Société.
Ces quatre établissements hospitaliers étaient:
1 ° Sainte-Catherine, à l'eptrée de la rue et du pont de ce
nom et dont. une partie des bâtiments est encore aujourd'hui
occupée par la Préfecture;
2° Saint-Antoine, sur la place Mescloaguen, transformé
· en maison d'arrêt, depuis la Révolution;
3° Saint-Yves, au nord-ouest de la ville., prés du manoir
des Salles;

4;0 Saint-Julien., à l'extrémité de la rue Neuve; la mon-
tagne Saint-Julien nous en rappelle le nom. Quelques-uns
qu'une léproserie, que d'autres placent à Pen-ar-Stang.

Rien de précis à ce sujet; tout c.e qu'on sait., c'est qu'en
· 1479, il existait une maison ou l'on recueillait les lépreux,
et dont la Commune réclamait l'administration contre le
clue cet établissement fut détruit,
Chapitre. Nous voyons
à l'époque de la Ligue, œaprès un chapitre de' dépense qui
au compte du -miseur Rolland Ledenic et qui
figure
dit: « ' Paya aussy ledict feu Ledenic deux escuz douze
« solz faisant six livres douze solz à' deux hommes envoyez
« par commandement du capitaine de la dicte ville, le Va
( de septembre IIIIxxXIIII (1594), mettre le feu aux mai­

« sons du Lazaron, prés les fossez de la dicte ville., pour
« empescherle logement des gens de guerre: » Ce docu-
· 'ment omet de nous renseigner sur le lieu ou étaient ces
maisons; peut-être se trouvaient-elles · près du cimetière
Saint-Louis, à l'endroit très-rapproché des remparts nommé

ce côté de la ville était,
On sait que
aujourd'hui-La Santé.
si tuation, exposé aux attaques des
de préférence, pal' sa

a8siégean ts. .
Enfin, nous ajouterons qu'un petit prieuré, nommé
Saint-Laurent, paraît avoir été quelque temps hospitalier;
il était situé en Ergué-Armel, pàs loin du l1-1ont Frugy et a
proximité de la voie romaine qui allait aboutir a Locmaria.
Ayant été détruit en 1626) par un incendie, Saint-Julien,
en raison de l'insuffisance de ses ressources, ne fut pas
rétabli. Saint· Yves, qui ne jouissait que d'un faible revenu,
fut supprimé, pai· ordonnance de l'évêque de Quimper, en
date de 1656.Ces deux établissements furent unis, le premier
à Sainte-Catherine et le second à Saint-Antoine.
Des quatre hôpitaux que possédait autrefois Quimper, il
ne reste plus qu'un, celui de Sainte-Ca~herine, qui fut

transféré, à la Révolution, dans les locaux de l'ancien '

Séminaire, où il existe encore .

L'hospice Sainte-Catherine, qui devait être de fondation
ecclésiastique, Jut, jusqu'en 1547, gouverné par un prieur
à la nomination du chapitre; il en usait en bénéficier et)
jouissant du revenu pour son propre compte, ne se mettait

point ~n peine de la destination charitable de l'établisse· ...
m~nt, dont on avait cli"angé la dénomination d'hôpital en
celui de prieuré, qu'il ne conserva plus, lorsqu'en exécution
de l'arrêt du Parlement du 6 septembre 1547, son adminis-
tration fùt remise en mains laïques. Le gouvernement de
Sainte-:-Catherine devint alors une sorte de fonction muni-

cipale, comme cela existait déjà. pour Saint-Julien, Saint-
Yves et S8.int-Antoine,. et le pt'ieur ne fut plus qu'un cha-
pelain salarié. L'hôpital Sainte-Catherine fut ainsi soumis

à la l':'éforme, suivant les dispositions du Concile de

Vienne. La nomination des administrateurs, en vertu de

l'arrêt de 1547 qui ordonne de choisir à cet effet deux
prud'hommes et gens de bien laïcs, avait lieu à l'élec-

. tion par les bourgeois de la ville, en commune assemblée,
la cloche sonnant,' au jour choisi par ,l'évêque de Cor­
nouaill.e, qui présidait cette assemblée, à laquelle prenaient
part Je chapitre de l'église Saint-Corentin, le sénéchal de
Cornouaille et le proc~reuI' du roi, convoqués à cet effet.
Cette manière de procéder était en usage depuis un ~temps
immémorlal pour la nomination des administrateurs des
trois autres hôpitaux de la ville. Etait-ce une sûre et exacte
application des ëlispositions du Concile de Vienne, dont le
Concile de Trente a reproduit plus tard quelques canons. On
peut en douter, maiE? peu importe, c'était un progrés
immense dans la voie du bien, que le Parlement de Breta­
gne étendit, l'année suivante, à tous les hôpitaux du pays
dont l'origine ne serait pas reconnue purement ecclésias-

tiq.ue. La négligence des bénéficiers justifiait pleinement

c~tte sage précaution que Fleury leur reproche avec amer-
tume d'avoir rendue nécessaire. On tf'ouve, vers la même­
époque, nombi'e d'ordonnances de nos rois qui ont pour
objet aussi de généraliser ces mesures, dans diverses con-
trées de 'la France.

En 1587, date des plus anciens comptes, deux bourgeois,

élus de trois ans en trois ans, se partageaient, par année et

demie, l'administration qui leur 'était confiée par la ville et
remettaient leurs comptes, dans les années suivantes, à l'un
de leurs successeurs, pour être examinés par des membres
du Chapitre et de la communauté de ville Leur eharge
commençait en 1587, à la Saint-Jean; mais en 1608, on fit

. cadrer cette administration triennale avec les années
civiles, et ils entrérent en fon'ctio'ns au 1 janvier. Plus
tard, au XVIIIe siècle, on préféra suivre l'année agricole,

et·ils gérèrent de Saint-.Michel en Saint-Michel, ordinàire-

ment pour le temps de deux ans. Ces fonctionnaires sont .
encore désignés sous les noms de gouverneurs, d'hospita- '
liers ou de pères des pauvres, et il fallait, dans le principe,

pour ètre habile à eXel'C81' ieur emploi, appartenir à 'la
bourgeoisie; les privilèges de la noblesse et de l'église pou­
vant être une entrave aux poursuites que leur gestion au­
rait entraînées, dans certains cas. Dès l'origine, cet office .
était regardé comme un devoir public, tel que celui de tu­
teur. Quand on était désigné pour le remplir, il fallait s'y
. dévouer; cependant ceux qui s'en reconnaissaient incapa­
bles se rachetaient quelquefois par un sacrifice ·d'argent.
Nous voyons un de ces élus donner 100 livres, applicables
auX pauvres, pour obtenir son exemption. On comprend l'a
facilement la répugnance de beaucoup d'hommes de bien à
entrer dans cette charge, quand on saura .qu'ils étaient
tenus d'assurer le service, pendant le temps de leur gestion, .
quelles que fussent les avances auxquelles ces dépenses .
pouvaient les obliger, sauf li se faire payer plus tard, lors
de la reddition de leurs comptes, les sommes dont ils n'au­
raient pas été couverts pa [' les recettes 'de l'établissement.
Ces comptes n'étaient som ent fournis que plusieur::; années
après leur gestion.
D'après ce système, le f .ouverneur entrant n'avait rien à

démêler pour son admini F' : l'ation avec celui qui lui succé-
dait ; il poursuivait seul le ; affaires qu'il avait commencées, ,,
et ce n'est que 10rsqu'eIler avaient pris fin qu'il ~e trouvait
en mesure de rendre ses comptes. Cependant ce mode de
procéder, d'après l'expéri ence" ayant présenté plllsÏ'eurs
inconvénien1s, surtout de cetarder l'apurement des comp­
tes, vers 1616, on suivi t une autre méthode : le gou-
. verneur prenait en charg:; toutes les recettes à percevoir"
d'après le rentier, mais claris le chapitre des dépenses, il

avait soin de comprendre toutes celles dont il n'avait pu
rec;onvrerle montant et d'en demander décharge. C'était à
son successeur qu'incombait le soin de faire rentrer à la
caisse ces arriérés, qui remontaient souvent ~ des époques
assez reculées, de poursuivre les débi.teurs) ou de demander

, . l'extinction de la dette, lorsqu'il y avait lieu, par exemple,
celle d'une l'ente sur une maison ' démolie, pour cause de

vétusté, ou incendiée par accident. D'un autre côté, on se
, relâcha dans le choix des gouverneurs, autrefois choisis
exclusivement dans la classe bourgeoise, en raison sans
doute de leur insuffisance et de leur peu de fortune, et dés
1675, on voit figurer noble homme Ignace Le Goazre,
sieur de Peninsquin, comme administrateur de Saint.,.
Antoine. Enfin, dans les derniers temps, avant la Révolu­
tion, parfois un seul gouverneur, au lieu de deux, gérait
chaque établissement hospitalier, . et suivant des lettres

patentes du mois de juin 1701, le bureau des hôpitaux avait
seul le droit, de procéder à sa nomination.
Les administrateurs ou gouverneurs, en rendant leurs
comptes et pour les détails de l'administration, s'adressaient

• a une institution nommée le bureau des hôpitaux, dont la
création doit remonter vers l'an 1547, c'est-a-dire aprés
l'enquête ordonné,e par le Parlement, mais dont la compo-
sition fut modifiée par lettre's patentes de 1701. Un sep.l des

registres de ses délibérations; celui commencé le 4 mars
1748 et terminé le 1f- mars 1784, est parvenu jusqu'a nous.
Ce document est tenu avec beaucoup d'ordre et de soin; il
nous donne les renseignements les plus intéressants sur
l'administration des établissements hospitaliers de Quimpèr,
' pendant trente-six ans. Nous voyons qUe ce bureau, qui se
rassemblait assez fréquemment, se composait de l'évéque,
~qui en était le président, d'un chanoine délégué par le cha-
pitre, du sénéchal au Présidial et de son lieutenant (appelé '
, aussi procureur du roi), lesquels étaient qualifiés 'de direc-
teurs nés, et de six membres électifs nommés par la com-
munauté de ville; en tout dix directeurs, 'plus un greffier.
Le bureau des hôpitaux, que l'on nommait aussi le bureau

des pauvres, et qui, avant 1731, tenait ses séances au

palais épiscopal, se réunissai t dans une des salles de

l'hôpita.l Saint-Antoine, sur la demande des administrateurs ..
ou lorsqu'il survenait quelque événement important, « les
« membres à la manièl°e accoutumée convoqués par le
« maire et prévenus pal' les héraults de la ·ville. » Lorf?que
l'évêque était absent, le président du bu l'eau était son.gl'and
vic.aire ou vicaire général. .
dans cette assemblée, représentait le
Le sénéchal qui,
.l'oi et dont les fonctions le mettaient constamment en hos-
tilité avec l'évêque, jadis souverain de la cité et dont l'au-
tt>rité temporelle s'affaiblissait insensiblement de jour en
jour, était parfois un contrôleur bien gênant, jouissant de
certains droits sur les hôpitaux et souvent en rivalité avec
le président; qui n'en était plus, comme autrefois, le direc- .
teur absolu. Ainsi, nous voyons" dans la séance du 26 juiri
1749, le sénéchal de Quimper y apparaître et s'exprimer
. avec une certaine hauteur ... peu soucieux du respect dû à la
personne du prélat président: « A l'endroit a comparu
« messire Hervé-Gabriel de Silguy, sénéchal au Présidial
« de Quimper, lequel, S lll' l'avis qu'il a eu que le bureau
« était assemblé, sans q i,~il ait été averti; que l'usage d'en
« agir de la sorte ne S)'jst Introduit qr:e depuis quelque

(c temps, a requis qu'il l' I.H ordonné la lecture des lettres
« patentes du mois de j llin 1701; ce 'que la direction de
« l'administration a fait et exécuté, aux termes desdites
« lettres patentes, ce qU 0 lors des assemblée's on se con-
« forme à ce qui y est prescrit, requérant qu'il plçl.Îse à
« Monseigneur l)évêque président de faire exécuter ]e

« contenu. »
L'oubli de convoquer 10 sénéchal à la réunion du bureau
avait-il pour l'notif un s C' ntiment de rancune déguisée, ré­
sultant .de récents conflits entre les autorités civiles et

ecclésiastiques de Quimper ~ On serait presque disposé à le

croiee .. en voyant apparnitre si brusquement c~ magistra t
dans le conseil et réclaJl181' les droits qui l'autorisaient a

en [aire partie, Suit ce paragra pho, qui donne satisfaction
au sénéchal: c( Le bureau, sue la représentation ci-dessus
« de M. de Silguy, est d'avis que les lettres patentes de
' cc 1',01, les arrêts, règlements et déclarations du ' Roi en

« consèquence seront exécütés et qu'on continuera d)avertir

« M. de Silguy ~t autres personnes qui ont droit d'assister
c( au bureau des assemblées, qui s'y feront comme par le

« passe. »
Mgr Auguste-François-Annibal de Farcy de Cuillé était
alors évêque de Quimper. ,

Nous avons dit précédemment qu'en 1239, et probable-
ment bien avant cette époque, ,il existait lm hôpital ft
Quimpee ; 'nôus en avons la preuve par un acte capitulaire
de l'évêque Raynaud, à qui nous devons la reconstruction
du chœur de notre cathédrale. Nous reproduisons ce do-

cUqlent, qui est peu connu et que nous avons déjà ~ité.

Il est extrait du Cartulaire du chapitre de COl'nouaille : « A
« tous ceux qui les présentes verront etc .... Raynaud, par
« la misèricorde de Dieu, humble ministre de l'église de
_ « Qujmper, sachent tous qu'aprés avoir mûrement songé
« a l'état de p'auvreté de l'église de Quimper et reconnu
« qu'il es t im possi ble que ses resso urees suffisent a sa
« restauration, Nous avons, du consentement de notre
« chapitre, accOl~dé et accordoris, dans un sentiment de
« piété, la première année des fruits de toutes les églises
« du diocèse de Quimper, qui viendront a vaquer sous
({ notre collation, a l'œuvre de la. fabrique de ladite
« église, en faisant compte néanmoins de ces mêmes fruits
. « pour quarante sols par ' année qui doivent revenir à
« l'hôpital de Quimper-Corentin sur lesdites églîses. Les
« présentations qui se feraient avec notre assentiment ne

« seront point assimilées a ces vacances. Donné dans l'oc-
« tave de l'Assomption de Notre Dame, J'an 1239. »
Quarante sous étaient alors une somme considérable;

elle représenterait près de 700 francs de notre mon­
naie. d'aujourd'hui Le règlement de l'évèque Raynaud
l'esta longtemps en vigueur; il fut annulé, en . 1503, .
pal' le roi Louis XII.
« L'idée que l'on peut se faire de l'ancienne tenue · de
« l'hospice de cette ville -' di t M. de Blois, nous le représen-
« terait comme un établissement pour la distribution des '
« secours ressemblant autant à celui des dames du Saint-

« Esprit, existant actuellement sur les Douves, qu'à nos
« hôpitaux modernes. Comm,? lieu d'asile, l'hospice, à son
« origine, n'était qu'une espèce de maison bourgeoise, dont
« les quelques pièces étaient réparties entre des infirmes, .
« des enfants et, dans l'occasion, entre quelques malades,
« dont quelques provisions, les légumes' du jardin, plus le
« porc engraissé'chaque année, joints à de modestes rentes
« foncièl'es, suffisaient pour as.sueer la subsistance, à m:oins

« que les pauvres valides ne fussent chargés d'y pourvoir
« eux-mêmes, sur l'aumône hebdomadaire qui leur était
« distribuée. »
On 'peut donc admettre que cet hôpital fut établi
par les premiers évêques de Quimper. A ce titre, et
comme chargés par le droit commun de l'église de veil­

leI' à toutes les œuvres de bienfaisance, il leur appartenait
d'exercer, avec leur chapitre, un contrôle sur l'administra­
tion de cet établissement, qui, selon la coutume, était
don née à un ecclésias tiq ue bénéficier, portant le nom
de prieur. Mais les bénéfices étaient inamovibles, le titu-
laire ne pouvait être. révoqué que pour des càuses 'g~aves,
prévues par les ~anons; de li:t souvent, chez ce fonction­
naire, une tiédeur et une .négligence qui portaient ·le plus
grand préjudice aux pauvres qu'il était appelé à secourir;
et même parfois, il finissait par considérer sa charge
comme une source de revenus" qu'il était en droit d'ex-

ploiter à son avan.tage. ( Sans doute quelque plainte de

cette nature excita la sollicitude du chapitre ~t l'enga~
gea, le mercredi d'avant l'Epiphanie de l'année 1403, sous
l'épiscopat de Thépaud de Malestroit, a faire une visite
inattendue dans l'hôpital, qu'a cette époque, on nommait
indifféremment Hôtel-Dieu ou Sainte Catherine. Le Cartu­
laire, qui en rapporte les résultats, nous fournit les détails
les plus intéressants $ur son défectueux régime; il va
nous donner une idée plus précise de cet étahlissement et
un curieux inventaire de son mobilier. Voici le menu de

cet inventaire:

12 couettes avec 12 oreillers, ' 8 couvertures fourrées,
tant de peaux de lapin que de peaux d'autres animaux,
8 couettes piquées et 2 serges plus 20 draps pour les mala­
des. En second lieu, pour le service de la chapelle: un
calice d'argent, une chasuble et d'autres ornements sacer­
dotaux, pour l'autel. 1 tem, dans la maison du prieur
dudit hôpital, 2 couettes de plumes avec leurs oreillers; -
2 couvertures fourrées, l'une de peau de lapin et l'autre de
peau de chévre. Item 2 bancs, 2 tables et un coffr~.
Quant au régime de la maison, voici ce qui fut appris
par la servante de l'hôpital. Marguerite , attachée au
service des pauvres de ladite maison, déclare avec ser-

ment « q.ue le prieur est dans l'usage de donner tantôt 3 ..

« tant 2, tantôt 4 sols pour le pain.,- suivant le nombre des

«. pauvres; de même que ledit prieur donne auxdits pau-
cc vres, chaque dïmanche et chaque jeudi, pour leur être "
cc distribuée par elle déclarante, une somme de 9 deniers,

« et qu'elle reçoit une part égale "a célIe revenant a l'un
« des pauvres. Réquise de s'expliquer sur l'état de la

« maison du IJl'ieur, elle déclare qu'il demeure avec un
« sieur Lagadec et une domestique; elle ajoute enfin
« que ' Rival1on,· fils dudit prieur, . et Mabille, sa sœur, '
« demeurent avec lui. » Ce prêtre avait suns doute été

marié, avant son engagement dans les ordres sacrés; on

. f'emar'quera qü'il n'assistait pas à l'enquête., soit qu'on eùt
profité de son absence ... soit qu'il se fût abstenu intention-
nellement. . •
D'après les renseignements que nous venons de lire, on
se demande quel devait être le nombre des pauvres soignés,
à cette époque, dans l'établissement. S'il n'est pas positive­
ment déterminé, on peut du moins l'évaluer approxima­
tivement; la literie permettait de recevoir douze pauvres,
en y comprenant la servante chargée de les soigner. Si
nous prenons une moyenne qui n'a rien d'exagéré.. on.
admettra facilement le chiffre de dix malades, dont la
dépense annuelle devait s'élever à 286 sous, qui, en raisop
de la rareté des valeurs métalliques, à-cette époque ... devaient
suffire pour l'achat des denrées que nous paierions aujour-
d'hui envîron 1,800 francs. .
date de l'enquête qui précède, à l'an 1546, nous

ne connaissons plus de documents concernant nos établisse-
ments hospitaliers ; poUl~ continuer ce travail, c'est. aux
archives de nos anciens hôpitaux, qui remontent seulement
à cette dernière année, que nous nous adresserons. Nous

avons le regret de constater qu'elles sont lJeU considérables .

et qu'elles présentent de nombreuses lacunes difficiles à

combler; cependant, telles qu'èlles sont, nous tâcherons
d'en tirer le meilleur parti possible: pour poursuivre notre
œuvre qui, nous le craignons, laissera beaucoup à désirel',
sous bien des rapports.
Nos archives hospitalières, c'est pénible à révéler, pendant
plusieurs siècles, n'ont pas été classées. Reléguées dans
quelque coin obscur, outre de nombreuses soustractions,

elles ont encore eu à souffrir de la dent des rats)
surtout celles sur parchemin. Ces rongeurs, en les lacé-

rant en partie, . en ont rendu la lecture impossible. Ce
n est que vers 1 43, qu'un membre de la commission
administrative de l'hôpital vint signaler leur déplorable

situation. La délibération., après ce rapport, mentionne

qu'on prendra des mesures pour les classer et en préserver
. les restes d'une ruine totale. Mais, parait-il, les choses, de-
meurèrent en ce fâcheux état, faute de trouver une personne
apte ' à mener le travail a bonne fin. Vip,gt-deux ans plus
tard,sousl'administration de M. PorqUIer, maire de Quimper,
chevalier de la Légion d'honneur et officier 'd'Académie., au
mois d'avril 1855, M. de Blois fut prié de vouloir bien
s'occuper de ce classement et .d'en dresser un inventaire .
. C'est donc à la complaisance de notre ancien Président
-et à l'initiative de M. Porquier que nous devons ta conser-
vation des quelques titres encore existant. Comme ' tant
d'autres, ils aui'aient fini par disparaître, en nous laissant
dans une ignorance presque complète sur l'histoire de nos
anciens hôpitaux. Nous ajouterons que l'inventaire dressé
pal' M. de Blois est précédé d'un intéressant comrl1entail'e
sur nos premiers établissements hospitaliers;.il nous a été
de la plus grande utilité pour l'exécution de notre travail.

L'HOPITAL SAINTE-CATHERINE
Cet hôpital, nous l'avons déjà dit, était sans doute
le plus ancien de tous ceLÎx qui ont existé à Quimper.
On . peut avec certitude le considérer comme ayant été
fondé par les premiers évêques de Cornouaille. Son installa-
tion sur l'emplacement aujourd'hui occupé par la Préfec­
ture., devait remonter à l'époque de sa création; il fut
et reconstruit, à plusiem's reprises, toujours sur le
démoli
même terrain, par son voisinage du palais épiscopal, il
tl'ouvai~ à portée de la surveillance de l'évêque qui, clans

le principe, y exerçait une autorité absolue. Plus tard, nOus
ne savons par quelle circonstance, èe fut au chapitre
qu'appartint le droit de nommer un prieur pour l'adminis­
trer, droit qui, en 1264, fut réclamé par les chanoines et !
reconnu par Guy de Plounévez, évêque de Quimper. Cette

prérogative leur attribuait la surveillance de l'établisse­
ment, comme le démontre suffisamment l'enquête de 1403.
La ville de Quimper. d'après M. de Blois, possédait,
depuis le milieu du XIVe siécle au moins, une sorte de
constitution municipale; elle avait un procureur des bour­
aeois et un connétable chargés, l'un, des intérêts civils de
la communauté, l'autre, du commandement de sa milice;
mais.la police et l'aùtorité restèrent un attribut de la juri-
diction féodale de l'évêque. Vers '1475, cette cité ,entra en
lutte pour disputer, tant au prélat qu'a son chapitre-,
chacùn des privilèges dont l'ensemble devait compléter son
organisation en communauté, et favorisée par la Folitique
des ducs, elle vint à bout de son entreprise. C'est alors que
. ' ]a gestion de la léproserie et de la chapelle du . Guéodet, .
regaedée par les bourgeois comme leur chapelle pr'iva-
ti ve, échappèrent à la juridiction ecclésiastique. .

Encouragée par plusieurs succès, la communauté de '
notre ville, en raison de la mauvaise administration de
l'hôpital Sainte-Catherine, qui, en 1545, sous 'la direction
de son prieur, Ollivier Frélaud, était tombée plus . bas
que jamais, trouva l'occasion de faire des réclamations

très vives malheureusement trop justifiées. La cour de
Quim pel', par arrêt du 1 Cl' octobre 1545, prescri vit une
enquête, qui fut faite du 29 août au 15 septembre 1546, par'
son sénéchal~ Pierre de Kermorial, assisté de Jehan Robert,
notaire ducal (1), .

Cette enquête, approuvée par le Dauphin de' Franee~
produisit des révélations déplorables. On y voit qu'à
cette époque, les autres hôpitaux Saint-Antoine, Saint-

Julien et Saint-Yves, quoique possédant des revenus

(1) Il est à remarquel' que ces officiers ministériels, quoique la Bre­
tagne. fût défillitiveme~t réllnie à ' Ja France, depui~ 1532, ne prirent
que bIen plus tard le titre de royal. . .

extrêmement modiques, entretenaient et logeaient environ
vingt pauvres, mais que l'hôpital Sainte-Catherine, infini­
ment mieux doté, n'en possédait que cinq ou six, bien qu'il
fùt riche de 300 à 400 livres de rentes; et encore ces cinq
ou six pauvres étaient-ils abandonnés à la charité publique.
- Pierre Sinquin ... témoin dans l'enquête, dépose qu'ancien-
nement "il avait vu cet hôpital bien tenu et qu'il y avait
« abondance de charlits (lits clos) et gü,tes, pour la plupart

« garnis de couétes et ç1.e couvertures d'un côté et d'autre,

« pour recevoir les pauvres malades et . impotents ou être
« logés sustentés et entretenus en iceux dessus les r.eyenus
« rentes et levées appartenant à l'hôpital. » Ce même '

témoin dit que .les autres hôpitaux n'avaient pas ensemble

plus de quinze livres de . revenu. . Pierre Foucher avait
Vl!-, dans les temps précédents, un prieur qui distribuait
aux pauvres de Sainte-Catherine la valeur de deux deniers

seulement pal~ semaine, pour la subsistance de chacun
d'eux. Yves Cal vez, autre témoin, ajoutait que l'abandon
fut encore porté pl~s loin, et que l'aumônier de la ville
crut alors' devoir venir au secours de ces malheureux. Les
choses, suivant ce témoin, allaient beaucoup mieux, dans
le temps·passé. Il se souvenait d'avoir vu, dans sa jeunesse:
une bonne femme, servante des pauvres, qui 'leur faisait la
soupe et blanchissait leur linge; ils étaient alors en assez
. . bon nombre et bien entretenus. De nombreux · témoins,
encore entendus, vinrent témoigner de . l'insouciance dont
on usait à l'égard des pauvres, souvent laissés dans le plus
déplorable dénùment par le prieur actuel Ollivier Frélaud
et la plupart de ses prédécess .::urs, qui, comme lui, étaien
accusés de détourner à leur profit les revenus de l'établis-
sement.· .
En 1547, le Parlement, qui se composait alors de
l'assemblée des Etats de la: Bretagne, tenait ses séances à

Quimper ... et le 6 septembre de la même année, SUl' le vu de

l'information; le procureur général en obtint un arrêt. Le
Parlement, dans sês conclusions, considère l'hôpital Sainte­
Catherine comme étant de fondation ducale, assuré à
l'avance qu'il ne pourra être contredit par le Chapitre, qui .
était dans l'impossibilité de fournir des documents .démon­
trant le contraire et prouvant que cette fondation était
d'origine ecclésiastique. Voici en quels termes s'exprime
l'arrêt: '
« Ouy la remonstrance faicte par le Procureur général du
« Roy, qui dict que en ce pays et duché, y a plusieurs
« hospitaulx et Maisons-Dieu lesquels sont de fondation
« royale, princes et ducs de ce pays, fondées pour la nour-
« riture et entretenement des pauvres passant par le dict

« pays, ou pour aultres causes, toutesfois aucuns préten-
« dent attribuer à leur prou/il pat'tieüllier ét bursal les

c c revenus d'iceulx hospitaulx et Maisons-Dieu) ne veulent

« au-jourd'huy y recevoir ne heberger aucuns pauvres,

« tellement qu!ils demeurent non receus ' et entretenus
« mesmes en l'ospitaI de Saincte Katherine et autres hos-

(c pitaulx de ceste ville et des envyrons, ce qUlest contre
« les ordonnances du Roy et des saincts eonsill~s. Au

« moyen de quoy requérons commandements estre faicts
« aux Chapitre et Chanoynes de Cornouaille, qui jouyssent
« du revenu du dict hospital de Saincte Katherine, ou celuy
« qui est pour eulx commis, ensemble à touz aultres qui
« perçoivent ,les fruits du di ct hospital, à ce que dedans
« troys jours, après la signification de l'arrest qui inter­
cc viendra, ilz ayent à mestre p~~' devers luy (1e procureur

« du Roi) en la dicte court, touz et chacun une les lettres
« de fondation des dictshospitaulx faisant mention du
c( revenU diceulx, tittres et enseignemens qu'ils ont pal'

« devers eulx et en leur trésor. » L'arrêt ajoute que la

remise des titres doit être faite, toutes excuses cessantes.

etc.

Jehan Beaufils, huissier du roi, attaché au Parlement de

Bret.agne, signifia cet arrêt au Chapitre de Cornouaille.,
• assemblé au lieu de ses séances, en la cathédrale de Saint­

Corentin. L'évêque, . messire Maistre François de Viel­
chastel, et huit chanoines, au nombre desquels figurent
Drouitlard, Thomyn Guëno, Charles de Launay,
Guy
Gabriel Le Baud, Alain Kerancouet, Jean de Tivaralès',
s'y trouvaient réunis. Jean Beaufils en nou3 donnant les
noms ci-dessus, dans son procès-verbal, a bien soin de
constater qu'il fit lecture de l'arrêt, mot à mot, à haute et
intelligible voix. .
Ici, nous ferons remarquer que François de Vielchastel
n'a jamais été évêque de Cornouaille; il en remplissait les
fonctions; le titulaire était un Italien nommé Philippe de

Caméra (de la Chambre), cardinal"de Bologne., élu en 1546
et mort à Rome,. en 1550. Il ne parut jamais à Quimper. et
tenait probablement son évêché en commende. Il est à
remarquer que la GaUia ehristiana nova ne parle pas de
sa nomination à l'épiscopat. Son ~uccessellr fut Cajetan

Sermonett~, autre Italien, nommé par le pape Jules III, en
1550, . et qui se démit en 1560. Pas plus que le cardinal
de BologIle, il ne fit acte de présence dans son évêché,
se contentant d'avoir un vicaire général, nommé Jean de
Ti varalés," qui le représentait et qui était chanoine de

• la cathédrale de Quimper. Ainsi, on peut constater que
le siège de. Cornouaille fut pour ainsi dire privé, pendant

seize ans, de son premier pasteur, et à un moment où

sa présence était 'des plus nécessaires pour défendre les

intérêts de son église, mis en cause devant le Parle men t .

LE MAJOR FATY .

(La suzte au prochain numéro) .