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Bulletin SAF 1883


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Du cartulaire de Landévennec

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DU CARTULAIRE DE LANDÉVENNEC.

La communication "qui va suivre a eu lieu par suite
de la snrvenance d'une décis.ion du Comité des travaux
historiques (sectioIi d'histoire et de philologie), "rel a- '
au manuscrit dont le titre vient d'être reproduit,
tive
ainsi que des réclamat.ions provoquées par cette dé­
Cision. « Je considère commp- un devoit', a dit M. le
« Conseiller Hardouin, de porter à la connaissance de
« la Société, la teneur entière d'un rapport présenté à
« la Commission de la bibliothèque communale, dans
« sa séance du 13 juillet 1883, et tran~mis avec la
« délibération approbative prise le même jour, à l'ad-
« ministration municipale de Quimper. ») Ce rapport
, est ainsi concu :

La Commission doit aujourd'hui se préoccuper, de nou-

veau, et ' pl us anxieusement que jamais, du Cartulaire de
Landévennec.!l ya même toute urgence à le faire. Un exposé
préliminaire qui comportera, malheureusement, une cer-
taine étendue, devient d'ailleurs indispensable.

S'il était besoin de rappeler l'im'portarice hors ligne de
notre manuscrit au point de vue de l'histoire de Bretagne,
il suffirait de reproduire le passage suivant d'un rècent

rapport officiel sur lequel il y aura lieu de "bientôt revenir:

« On peut induire du Catalogue des abbés, inscrit fo 140 v
« que, sauf certaines additions de. peu d'importance, le
~ manuscrit a été écrit au temps de l'abbé Helisée dont le
« nom avec la date MXL VII est tracé de la même main
« que le corps du volume. Le nom du successeur est d'une
« autre écriture. » .
Des propositions d'échange ou d'achatdumème Cartulaire
se sont tout naturellement succédé. L'une d'elles quoi-

que résultant d'une lettre de M. le Ministre de l'Intérieur

du 1 décembre 1874, n'eut pas plus de sl!ccès que les au-

tres. La Commission consultée rappela, dans sa délibéra-

tion du 7 janvier 1875, qu'il imp.ortait à la ville de Quimper
de conserver soigneusément ( le manuscrit le plus ancien
(( et le plus curieux que possède sa bibliothèque. »
Comme l'a constaté l'honorable et savant M. Ramè, dans
le rapport auquel i.I a déjà été fait allusion .. présenté le

à la section d'histoire et de philologie, le
13 décembre 1882
Comité des travaux historiques fut saisi, dès 1841, d'une
demande d'impression du texte entier de notre manuscrit;
mais, sur la proposition deM. le comte Beugnot, le Car tu-
laire de Redon obtint la priorité. M; Aurélien de Courson
en donna, vingt-deux ans plus tard, l'édition magistr.ale
chacun connaît.
que
Cartulaire de Landévennec n'en demeurait pas moins,

l'une' des sources les plus précieuses de notre
lui aussi,
histoire~ A ce titre, son tour d'impression ne pouvait tar-

der à veni~ et M. Le Men, archiviste départemental du
eut mission expresse d'en préparer la publication
Finistère,
intégrale. .
Deux délibérations, en date des 28 mai et 30 n.ovembre

1875, se réfèrent à l'accomplissement de la tâc-he qui désor-
mais se trouvait ainsi dévolue à ce regretté savant.
Par la première, . toutes facilités lui avaient . été procu-
rées, pour la transcription du manuscritloriginal. Par la
secondé, sur l'insistance de M. Le ' Mèn et en conformité
d'une lettr"e de ' M. le Ministre de l'Instruction publique,
adressée à la municipalité de Quimper, là Com-
\iVallon,
mISSIOn emlt exceptIOnnellement un avis favorable à la

commUDlcatlOn et même avec déplacement Une seconde
allait s'ouvrir.
période

Ce fut très assidùment que M, Le Men, une fois à l'œuvl'e,
prépara, en vue d'une impression entière et prochaine, la
reproduction tout ensemble la plus 'laborieuse et la plus
complète de l'original. Il convient, du reste, de laisser, ici,
la parole .au· docte rapportem' de la section. « M. Le Men, '
(( a-t-il dit, laissait, dans ses papiers, une copie du 'Cartu-
(( laire préparée pour hmpression. L'exécution matérielle
(( de cette copie est soignée. lVlais sa véritable valeur ne
. (( pourra être appréciée que quand elle aura été collationné.3
( avec le manuscl'i t original. La famille de M, Le Men l'a
( adressée au comité avec l'espoir' qu'elle prendrait place
( .dans la collection des documents inédits pour l'Histoire
( de France. »
Qu'il soit permis d'ajouter en passant que Mlle J Je Men
avait prêté, aux travaux préparatoires de l'édition attendue
le concours le plus infatigable, depuis ~omme avant la mort
du chef de famille, dont le traitement d'archivis.J;e constituait
l'unique fortun e. La Commission, si elle y eût été appelée,
se fût fait un devoir de signaJer toutes ces circonstances
à la haute bienveillance du Comité des travaux historiques,
en même temps que du chef si dévoué du département
de l'Instruction publique et des Beaux':'Arts ..
L'usage . ulterieur de la copie qui avait été directement
transmise par 'la famille Le Men pOler l'impression du Cdr-
en son entier, semblait tellement cedain que, par
tulait'e
sa délibération du 2 mars dernier, prise sur la communi-

cation qui lui fut donnée d'une lettre de M. le Ministre. de
l'Instruction publique, en date du 12 février précédent, la
Commission se fit un devoir d'exprimer un avis favorable
au déplacement momentané du manuscrit original èt à sa

transmission à Paris. Elle émit le vœu que la bibliothèque
communale de Quimper ne fût point oubliée dans la distri-

bution des exeulplaires de l'édition compléte qu'elle devait

tenir pour dès longtemps résolue. Elle n'a connu qu'ulté-
rieurement, par la lecture du Bulletin :q,0 4 de l'année 1882,
le rapport présenté au nom de la Commission de publica...;
tion des mélanges, rapport dont la section a fait siennes
les conclusions ainsi conçues: ' « Il n'y a pas liell de donner
« suite au projet de publication du Cartulaire de Landé-
« vennec, en ce qui concerne la partie hagiologique du ·
« manuscrit. La Commission considère comme utile au
« progrès des études philologiques une édition complète
« de la partie historique de ce Cartulaire. Mais la copie
« de M. Le Men devra être remise a un philologue versé

« dans la connaissance de l'ancienne langue bretonne et·
«capable d'ajouter au texte la préface et les notes critiques

/ « qui font actuellement . défaut au . travail présenté au

« Comité. »

Ainsi, a l'édition complète depuis si longtemps décrétèe
et ittendue, se substituerait la publication d'un simple
fragment du texte, d'un fragment ramené dans le cadre, .

devenu un autre lit de Procuste, de la spécialité d'études, •
objet de la prédilection d'un érudit de grandèt légitime
renom. -
La Commission ne se doit-elle point a elle-même d'appeler
d'une décision aussi regrettable, sous tous les rapports, à
qui de droit et tout d'abord au Comité lui-même, a nouveau
et plus complètement informé ~ L'hésitation ne saurait, ce
semble, être, ici, un seul instant permise . .
D'une part, en effet, ' les conclusions du ra,pport cité se
réfutent .par les prémisses elles-mêmes qu'il contient.
,D'autl'>e part, ces conclusions ne tendent à rien moins,

comme il sera facile aussi de s'en convaincre, qu'a rendre
de moins èn moins accessible hors de Paris l'une des

sources les plus essentielles de l'histoire de BretaO'ne anté-
. rieurement au XIIe siêc1e.

III

Le vice rédh'îbitoire si tardivement découvert dans le
manuscrit de QuimpeL~ lui-même et non pas seulement
dans la copie, lacérée, comme on l'a vu plus hau t, consis­
terait EÙl 'ce que les pages hagiologiques, de beaucoup les
plus nombreuses, auraient ~té reproduites par les Bollan-
distes, d'aprés un manuscrit contemporain et a certains

, égards plus complet que le nôtre.
Dans le rapport, se trouve ingénieusement retr~cée la
curieuse histoire de ce manuscrit, qui provient de Fancienne
abbaye de Château-du-Loir. Il a eu l'heur de devenie le
n° 5,510 A de la Bibliothèque nationale. Son frére germain,

voire son aîné, n'a point franchi ... quant a lui, les confins de
la Cornouaille, leur commune et tant lointaine patrie. ,
Il Y fut honoré, enh"autres vi.sites d'étude, de celle d'un
trés docte membre du Comité, ainsi que le rappelle dans le
passage suivant de son rapport l'honorable M. Ramé:
« Ces élucubrations de l'anonvme de Landévennec sont

« un des rares documents qui permettent d'étudier la
« forme d'un nombre considérable de mots bretons, au

« XIe siècle. Ces mots ont été transcrits et imprimés de la
« manière la plus défectüeuse, dans les preuves de l'histoire
« de , Bretagne. Sans parler de ,ceux qui ont été intention­
« n~llement omis comme supedius, ceux qui ont été
« publiés sont parfois méconnaissables. Il y a h:'l., cepen­
« dant, une source' d'informations si importante pour la
« connaissance de la langue bretonne Iju'un de nos
« celtistes les plus expérimentés, M. d'Arbois de Jubainville,
« a jugé utile, il y a quelques années, d'aller 1'elevot', a
« Quimper même, sur l'original, tous les mots d'ancien
, « breton, conservés dans la derniére partie du Cartulaire
« de Landévennec. » ,. '
Que la disgrâce ultérieure de tout le surplus du manus-
crit et de sa copie date d" e l'incident ici l'appelé, c'est cc
dont il n'est guère possible de douter aprés lecture, du

second passage que voici du rapport déjà maintes fois
cité: « La copie de M. Le Men" après aVOIr ete sOIgneu-
« ment collationnée sur l'original, pourrait sèrvir de base
« à la publication (tronquée). Mais M. Le Men n'a accon1-
« pagné ,son texte d'aucune note philologique, et y a joint
« un index topographique incomplet tout à fait insuffisant.
« Il n'avait donc exécuté, quand il a été surpris par la
«( mort, que la partie matérielle du travail dont il s'était
« (ou plutôt, dont, très réellement, il avait été) chargé.
(; Le concours d~un philologue versé dans la connaissance
« de l'ancienne langue bretonne permettrait seul de donner

« une édition critique et définitive du Cartulaire de Lan-
fi- dévennec. »
Il n'y a désormais, bien entendu, qu'à s'incliner sous

l'unique réserve de la mise à néant de l'arrêt de morcelle-

ment si regrettablement survenu et de la reprise d'une '
impression totale du Cartulaire, devant l'indication qui a

prévalu. Ainsi l'exige le respect qu'elle commande à tous
égards. "
Ce n'est point, il faut se hâter de le dire, à des pl~éoccu­
pations budgétaires que la section a cédé. Elle a cru, avec
la dignité de sa mission intéressée à
son docte rapporteur,

ne point laisser reparaître dans une '-édition de notre ma·
nuscrit la partie hagiologique, plus ou moins heureuse-

ment reprodl!-ite dans une ,collection célèbre,. d'aprés le
manuscrit de Château-du-Loir.
Mais, tout d'abord, serait-ce donc que la publication
dans -les preuves des ouvrages de Dom Lobineau et de
Dom Morice, entr' autres, de séries entières de textes em-
pruntés au Cartulaire de Redon, eût dù, eJ.le aussi, avoir

pour conséquence de ne plus laisssr à la mémorable édi- .
tion dont la science historique a été redevable à M. Auré­
lien de Courson, 'd'autre espace que ceiui du lit d'e Procuste
dont il a déjà été parlé ~ ,

Ensuite, l.a,circonstancequ':U'aide del'unè de. ces explo­
rations qui, pour être familières aux érudits de profession,
n'en sont pas moins laborieuses, l'identité ou plutôt l'é­
quipollence pressentie entre la partie du texte dont les Bol­
landistes ont fait emploi et la partie correspondante du
manuscrit de Quimper, se , ü'ouve démontrée: cette cir-
' constance, disons-nous, est-elle réellement justificative de
la décision survenue?
Le Comité se propose assurément d'encourager et par
conséquent de faciliter 'partout les travaux sur l'histoire
nationale et sur ses sources les moins accessibles en même
temps que les plus sûres. Le . Comité veut que, jusqu'au
. fond des localités les plus humbles et les plus ignorées,
circulent ... pour ainsi ,parler, le goû(, l'assiduité et la sève
d'études aussi éminemment utiles, De moins en moins
d'ailleurs, on ne ,le sait que trop, est à redouter, en pro-
vince, leur exubérance,
Pourquoi donc, dans l'impression qui se prépare du Car­
tulaire de Landévennec, rompre le lien, briser le sceau
d'unité qu'une plume du XIe siècle créa, ne fût-ce que ma­
tériellement, entre les diverses parties d'une œuvre miracu-

leusement sauvée de la destruction ~
Pourquoi supprimer, dans l'édition qui depuis si long-
temps en a été résolue et commencée, les pages hagiolo-
mystiques, en nombre plus ou 'moins grand,
giques, voire
même utilisées par les Bolandistes ?
Leur collection n'est-ellè point hors de la por'tée des
ressources de la plupart des bibliothèques des dépar-

tements ?
Le Cartulaire de Landevennec en son intégrité, partant
en sa vérité et no'n point, comme la section si impitoyable-
ment l'y condamne, à l'etat de disjeetœ membra scripiurœ,
ne fait-il point corps, ' de son essence, avec toqt le surplus

des sources de l'histoire de Bretagne r Ne doit-il point

devenie accessible (désormais, partout et pour tous) au même
degré que les ouvrages et clue le Cartulaire déja cités, sans
pader de la correspondance des bénédictins bretons non
plus que des autres documents ' publiés et avec tant de
annotés en dernier lieu, par M. de la Borderie ~
savoir,
Enfin, n'est-il point de toute évidence qu'a l'indivisibilité
texte de ' Qùimper, dans . hmpression comme' dans le

manuscrit original, la cause 'des études historiques se ' .
tl'o u ve intéressée ~
En ces circonstances et en résumé, . la Commission e~ti­
mera sans doute qu'il y a urgence d'exprimer le vœu que

l'Administration municipale de Quimper, avec son dévoue-
ment aussi assidu qu'éclairé, sollicite de l~ haute bienveil-
lance tant de fois éprouvée de M.le Ministre de l'Instruction
publique et des Beaux-Arts" la continuation de l'impression

intégrale qui avait été commencée du Cartulaire de Landé­

vennec, par feu M. l'archiviste Le Men. La copie qu'll en

avait préparée serait, d'ailleurs, en son entier, et non pas
seulement dans la partie à la rluelle la' section d'histoire et

d'archéologie entend la réduire par morcellement du sur­
plus, révisée et complétée . ainsi qu'il a été spécifié dans
la délibération prise le 1.3 décembre 1882.
Apr~s en avoir délibéré, la . Commission appe,ouve à
l'unanimité le rapport qui précéde. Elle décide qu'il sera
tI'ansèrit sur le registre et qu'une copie en sera incess'am-

ment transmise à l'Administration municipale .