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Bulletin SAF 1883


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Le monument de Luzuen (commune de Nizon)

H. de la Villemarqué

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LE MONUMENT DE LUZUEN

La Société archéologique du Finistére recueille déjà le
bénéfice de l'intérêt dont elle a fait preuve dans sa dernière
séanc'e, envers les antiquités artistiques de la commune de
Nizon, et son allocation, quoique ' minime .. pour la répara-

tjon du calvaire de cette commune, lui a valu, avec des
remerciements, uné communication importante relative à
un, monument d'un autre ' genre placé sur les limites de
et de Melgven.
Nizon
Maire de Nizon, en:: date du 27 mars 1883, nous
M. le

apprenait la nouvelle suivante:

« Je viens prévenir le Président de la Société d'archéo-
. logie que 'la propriétaire de Luzuen, la veuve Le Guével,
a fait marché avec quelques ouvriers pour le nivellement

.. du tumulus de Luzuen, à l'effet d'en tirer le moellon ou la
taille qui lui sont nécessaires pôur bàtir. Le travail ~t les
sont commencés. Peut-être jugera-t-on opportun
fouilles
de se rendre sur les lieux. » ,

Je n'ai pas hésité à m'y rendre en compagnie du Maire

de Nizon; dès le 29 mars, regrettant qu'une indisposition
notre Vice-Président, M. Audran, toujours de si bon con- .
l'empêchât de prendre part à notre visite. Mais il m'à
seil,
remis un volume des Antiquités du Finistere, du chevalier

nature à donner quelques renseignements
de Fréminville, de
sur le monument. de Luzuen.
On lit dans ce volume, publié à Brest en 1835, p. 152 et

« Toute la partie méridionale du Finistére est un pays

très couvert et très boisé. En quittant tout chemin frayé,
et marchant au milieu des bois et des taillis, je gagnai le
bourg de Nizon, çl'où me dirigeant au nord, j'arrivai bien­

• tôt sur le versant de la vallée qu'arrose la rivière l'Aven.

Une forêt · druidique (sic) ombrage toute cette contrée si

. ", o'e et. si romantique. C'est la rOI'èt de Lnzuen; son
RcUl\ ,1,0 "
ffit pour démonteer l'antiqui té de son oeigine. »
seul
nom ..
Après une étymologie fantaisiste du nom, étymologie
u'il juO'e « confirniée par le nombre et la gl'andeur des
et dont il signale l'importance incontestable, il poursuit:

« Mais aupal'avant faisons connaître un monument du
' moyen-âge qui s'y trouve aussi et que j'y rencontrai
d'abol'd : .'
« C'est une de ces tours isolées, premiers édifices féo- •
daux, et dont nous avons trouvé de nombreux vest.iges

dans le Finistère. Mais celle de Luzuen offl'e une particu­
larité que nous n'avons vue dans aucune autre; elle est
carrée, tandis que toutes celles que nous avons examinées
jusqu'ici sont toujours rondes. .
« Malgré l'antiquité de l'époque a laquelle on doit faire re-
monter les premières fortel'esses baronhiales,celle deLuzuen

est mieux conservée que toutes les amres du mème temps.
« Deux de ses côtés sont encore debout, et ont.une assez
grande hauteue. Elle est ~onstruite en pierres qui ne sont .
point appareillées ni équarries, et s'éléve, selon la coutume,
au sommet d'un !ceep ou butte artificielle de forme coniq ue,
entourée d'un vaLLum ou fossé, avec un ' retranchement
extérieul' et circulaire. »
Notre confl'ére, M. Flagelle, ex-arpenteur, de Lander-

neau, a confirmé les observations de M. de Fréminville'

M. Marteville les a reproduites., ' à l'article MELGVEN, dans
son édition du Dictionnaire historique et géographique de
.Bl'etagne d'Ogée (J 843); mais on n'avait fait jusqu'ici que
des observations superficielles.
En voici qui ne le sont pas, et je les substitue axec un
vrai bonheur et un grand profit pour la science, à celle~ que
j'avais rédigées: elles sont d'un maître. Notee savant con-
frére., Pabbé Abgrall, m'écrit: .

« Pont-CI'oix, le 12 avril 1883 .

« Monsieur le Président,
« Je n'ai qu'un petit instant pour vous écrire ces lignes. .
Je viens de recevoir le dernier Bulletin de la Société
archéologique, et je vois porté à l'ordre du jour de la
séance de Samedi, 1.4 : Communication du Président sur
les premières fouilles du tumulus de Luzuen.
« Je. suppose qu'il s'agit du tertre de Luzuen en Nizon . .
Pensant que vous n'ètes pas allé vous-même sur les lieux,
et que vous n'avez pour base que des communications qui
ont été adressées, je me permets de vous soumettre les
vous
notes. que j'ai prises moi-même, dans l'excursion que j'ai

faite à Luzuen, samedi 7 avril.

« Au nord du village, belle motte de 8 mètres de hauteur;
sur 21 de diamètre. Les douves qui en forment fenceinte
ont 2 mètres de profondeur et 4 mètres de largeur.
« Au sommet de la motte on reconnaît les murs d'une
tour, ayant 4 métres de creux à l'intérieur. Les murs ont
une épaisseur de 1 m. 15. Les pierres de la partie supé­
. rieure de cette tour se sont éboulées et ont rempli l'inté-
rieur avec mélange de terres. . .
« Le côté Est de ce grand tertre a été dégradé et coupé à
dans le ' courant du mois de mars, pour aplanir le
pic,
champ dans lequel il est situé. On en a retiré une quan-
tité considérable de moellons. .
« Dans la section ' qui est faite, il est facile de reconnàître
les murs de la tour qui descendent à une profondeur de
50c. dans l'intérienr de la motte, c'est-à-dire à envi­
ron 4 m. 50 c. au-dessus du bord des douves. Ces murs
sont construits en moellons reliés par un mortier de
terre glaise. Pr..esque au bas de ces fondations, correspon­
dant à l'intérieur et à l'extérieu'r de la tour, et même dans'
l'épaisseur des murailles, régne une couche de cendres
mélangées de charbon et- de terre brûlée, et ayant une
épaisseur de 10 à 15 cent.imètres. 1
« Quelques-uns disent que parmi ces cendres on a re­
cueilli des grains de blé calcinés. Au milieu des débris'
retirés du tertre, se· trouve une pierre creusée en auge ét
polie par le frottement; c'était une meule à concasser le
grain, 'chose assez extraordmaire à l'époq ue où a été cons­
truite cette fOI'teresse, car au VIlle et au IXe siècle on
8,vait dû abandonner cette façon de préparer la farine, et
. on employait depuis longtemps les moulins ~ bras. .

« La motte de Luzuen est. couverte de beaux arbres et
, n aspect réellement pl ttoresq ue. Il est regrettable
o le u .' r 1 d tt f
« La première inspectIOn ev::It aIre reconnaltee que
J'est point un tumulus, malS une motte servant de
as . . . d' 1 d 1
'ation à fail'e consIstait a egager un peu es murs e a
a espéeel' que les fouilles mettent 'au Jour 9. uelqu~s armes'
autres objets de l'époque. Les belles fOUIlles faIte? dans

la motte de Coat-Morvan, en Mahalon, par M. le v~comte
de Saint-Luc, ont été sous ce rapport à peu près mfruc-
tueuses. . . •
« Il est à souhaiter que ce monument SI ,curIeux de
Luzuen ne soit pas tou.t-à-fait détruit. Il s~l'ait du devoir
de la Socièté archéologIque d'u~er de son mfluence. pour
empêcher toute autre dégra?atIO~: 'peut-êtr~ aUSSI., les
difficultés qu'ont rencontrées Jusqu lCdes ouvrIers, fimront-
elles pal' les arrêter. , '
« Agréez, etc. '
« J.-M. A,SGRALL.1 prêtL'e. »
Effectivement le 8 avril, ils n'avaient pas encore repris

leur œuvre; à cette date M. le Maire de Nizon m'écrivit:
« Les travaux de démolition ' sont arrêtés jusqu'à nouvel
ordre. » Les renseignements qu'il me donne sont à joindre
à ceux de M. de Fréminville et complètent ceux de M. Ab-
graU. '
Le clos où s'élève le tertre se nomme, dit-il, COAT-PARC-
AN-TOUR, c'est-à-dirè le « bois du champ de la tour »; ce
bois est désigné comme futaie dans la matrice cadastrale.

La contenance du champ est de 35 ares 10 centiares.
Les champs voisins portent les noms caract$ristiques de
PARC-AN-ToUR-BRAS ét de PARC-AN-ToUR-BIAN, « champ
de la grande tour » et « champ de la petite tour » ; preuve "
qu'il y avait deux donjons de hauteur différente. Celui
qu'on est en train de démolir a une élévation de dix mètres
environ, et une circonfél'ence de cent soixante-dix à' cent
quatre-vingt mètres. (M. Abgl'all n'a trouvé que huit
métres de haut et 21 d~ diamètre).

Parmi les débris qui jonchent le sol, je n'ai rien remar­
. qué de digne d'intérèt que la meule à concasser le grain)
a bien déterminé l'usage; mais elle n'est
. dont M. Abgrall

pas d~ nature à fixer l'âge du monument; pour cela il
faudrait trouvee quelques armes, et surtout quelque mon­
naie, èomme le souhaite M. Abgrall, sans l'espérer.
. Quant au vœu émis par notre confrère, pour sauver ce
qui reste encore .du monument, je n'ai pas besoin de dire
que notre Société le partage complètement; 'et votre Prési­
del1t va se hâter de prendre les mesures de nature à arrêter
toute nouvelle dégradation. .
En tout cas il se hâte de remercier de votre part. M. l'abbé

Abgmll ' de son excellent rapport. . .
· H. DELA VILLEMARQUÉ.

LES RUINES ROMAINES DE LA PORTE":NEUVE

NOTE DE M. LE COMTE DE BRÉM0ND D'ARS

En 1878, je vous faisais part des découvertes que j'avais
faites sur .l'emplacement de la villa romaine située ·dans
le bois de la Porte-Neuve, près la .fontaine de ·Saint- .
Léger (voir le Bulletin de cette année). Une seule cham-

bre avait été débla.yée; on en avait retiré des briques,
des tuiles, des fragments de lambris en plâtre, des parois
et. du plafond, recouvet~ts de peintures semblables à celles
qui décoraient la villa du Pérennou.
Un de Ines amis et confrères, M. le comte Régis de .
rEstottrbeiJlon, Secrétaire de la Société archéologique de
Nantes et des f)ibliophiles bretons, qui s'est déj à fait con-