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Bulletin SAF 1883


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Promenade château de Pratanras et au château de CoatFao (près de Quimper). Fourches patibulaires. Prééminences dans les églises. Droit de Sonnerie et de cueillette des oeufs

A. Serret

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PROMENADE A PRATANRAS ET COATFAO (1)

(Seconde Partie) .
Nous nous retrouvons sous les ombrages de Pratanras;
malS rassurez:-vous ... je ne vous y retiendrai pas long-
temps.

Il nous reste à voir quelle était la consistance des deux
fiefs de Coatfao et Pratanras et quels en étaient les droits,
en 1781, au moment où M. de Madec en devint le seigneur.
Nous avons vu que le chef-lieu de Coatfao était dans la
paroisse de Pluguffan et celui de Pr:atanras dans celle de
Penhars, Les deux fiefs s'étendaient principalement SUl'

ces deux paroisses et sur la paroisse voisine de Plonéïs. Ils
comprénaient en tout une soixantaine de manoirs, villages,
maisons, champs ou sillons de terres isolés (les aveux n'o- .

mettent rien) répartis sur vingt-deux aut es paroisses ou
trêves comprises aujourd'hui dans les cantons de Quimper,

Plogastel-Saint-Germain, Pont-l'Abbé, Pont-Croix, Douar-
nenez, et sur les paroisses de Locronan et Quéménéven,
canton de Châteaulin (2) .

(1) Un de mes amis,' grand lisem et grand promeneul" a lu la
de cette ~tude. Il se plaint aimablement de mes trop fré- .
première partie
·.ln lui réponds; « Mais je n'écris pas un livre,
quentes disgl'essions.
« ni même uu mémoire; je me promène Est-ce que vous auriez "hangé
« vos habitudes d'autrefois ct VOliS co damnez-vous à suivre la grande
« route, bien sablé et bi en droitt? . Non ... Permettez·moi donc, e~
« me promenant, de prendre encore les sentierF-l.à. peine tracés ... au
« risque de m'y égarer, ('·omme nous avons fait si souvent ensemble. »
(2) Canton de Qnimpel' ; Saillt-Corentin et Saint pel', Cœl1Z011 (aujourd'hui Cuzon, Ergué-Gabéric), Penhars et Plu­
guffan .
Canton de Plogastel-Saint-Germain: Peumerit, Plonéïs, Gourlizon
(trè"e de Ploaéïs), PlonéoUl'-Lanvel'11, Plovan, P lozévct, Pouldreuzic,
Lababao, Tréogat. .
Canton de Pout-l'Abbé; Combrit, Loctudy, Treffiagat, Tréoultré ou
Penmare'h. .
Canton de Pont-Croix: Audierne, Esquibien, Moi liard (aujou rd'hui
.. Sizun, Mahaloll. . .
Meilars), Cléden-Cap
CaIJton de Dollarnenez : Pouldergat et Poullan.
Le groupemêüt des biens dépenr.lants des deux fiefs peut s'inÙllil'e de

Chacun des fiefs relevait pour partie du Roi et pour par­
tie de la seigneurie du Quémenet, au marquis de Pont­
Croix. En 1651 et 1652, celui-ci céda au seigneur du
Brieux une partie du fief de Quémenet, comprenant des
terres dépendant de Pratanras; et à partir de ce moment,
Pratauras releva pour ces terres de la seigneurie du Brieux,
dont le chef-lieu ·était dans la paroisse de Kerfeunteun (1).
Pour être complet, il faut dire que le seigneur de Coat­
fao possédant dans la paroisse de Saint-Corentin deux .
pour lesquelles il 'payait 4 sols monnaie de rente,
maisons,
pOUl' ces maisons de l'Evêque de Quimper, et
relevait
devait lui rendre aveu. Il ne reste aucune trace de ,'ces
aveux aux Archives, et aucun des actes que j'ai lus n'en
fait mention. C'est dans un aveu rendu au Roi par l'évê­
que, le 14 juillet 1682 et conservé aux archives .de l:évèché ...

que j'ai teouvé la mention de la rente due sur les deux.
aurons à en parler p1us .
maisons dites de Coatfao. Nous

tarel.

A son tour, le seigneur. de Pratanras et Coatfao rece'llait
l'hommage de plusieurs possesseurs de terres nobles,

la part du prix total ~ffé.ren!e· aux biens ~itués dans chaque arrondis­
scmcllt do' bureaux cl enregistrement: « Sur la somme de 180,000 li­
vres, prix de vente, il y a pour les biens s us l'arrolldissement du
. bureau de Quimper, 80,000 ; pour celui . e P ont-l'Abbé, 55,000; pour
celui de Pont-Croix, 35,000; pour celui de LOJrllnan, fO,OOO. » Bureau
d'enregistrement de Quimpel', reg 208, f. 44, va.
(f) Ces actes ne se trouvent pas aux Archives départementales mais

sont 11entionnés dans un aveu sans date, mais posterieur à 1749' puis-
qu'il est l'eudu par le duc d'Aremberg. ' . '.

Voici son intitulé: .
« Aveu fO,urni par ... duo d:Are~berg des ~erl'es qu'il possède sous
haute et pmssante dame Mane-Josephe du Dlsquay, veuve de Messire
Jean-Josep? chef de n?m et d'armes, e~evalier, seigneur du Brieux,
dan;e de Kerve~, et ce a cause d une partie du fluf de la seigneurie de
Quemenet acqUIse pal' son auteur du seigneur Sébastien, ma.rquis de
R~s~adecv ~t de Mol~c. e~ ce en conformité des tran3actions passées le
7 ]UI,1l 16;>1 avec. l.edll seigneur de Molac et autre du 23 avril 1662
passee avec m~ssll',e Claude du Disquay, relatif- à l'aveu ;reCll Je 27 juil;
1638 pal' le dit seIgneur de Molac. » , .. ~' •

notamment des seigneurs de Kerlagatti et da Ke.rmabeu-
zen (1) et de l'abbesse du Calvaire (2). -
Outre les rentes féodales, dont nous parlerons tout a
l'heure, les deux fiefs possédaient un grand nombre de
rentes domamales-, quelques rentes cens ives et d'autres
revenus directs.

Les revenus directs et les produits des droits seigneu-
riaux autres que les rentes féodales, sont ainsi' évalués
dans l'état de 1771.

. Métairie de Pratanras . . . , . . . . .

Moulin de Pratanras ....,....

Bouteillage de Coatfao (3) . . . . . . .

Greffes des deux fiefs .' . . . . . . , . . » »
Dîme de Plonéis ...... - , , .. , ..

Etang de Kergalan. . . . . , . . . . .

12 carpes a 6 sols.. . . , . . . . . . .

45 domaines congéables . . . . • . . .

rentes censi ves, ; . . . . . . . . . .

Revenus des bois , . . . . . . . . . . .

En tout. , , . . . . , . . . . ,
Ou, en réduisant. . .

. (1) Aveu du i5 mars f 775 rendu par écuyer Pier,re-Guillaume Le
et dame Magdeleine-Renée Gouez­
Bouteillel', ancien officier d'infanterie,
unique et héritière de feu
nou de Kerlagatu, son épouse, ieelle fille

écuyer Gabriel-Louis Gouesnou de Kerdour, Reigneur de Kerlagatu.
à chaque terme de Saint-Micbel, 6 deniers
Ils reconnaissent devoir,
monnaie et :15 sols monnaie dessus une pièce de tel:re contenant deux '
arpents et demi, située aux issues de Kerlagatu ; et en outre, une 'flaire
de gants sur le total du lieu, aux fins de transaction du 25 avril f6l)4 .••
et d'aveu du 23 novembre :1743 .
Kermabeuzen était chargé de 4 sols de cheffrente pOUl' le manoir, ct
de jO sols et 8 .deniers pour les parcs de Robigolt.
la paroisse de Plu~uffa_n.
Kerlagatu était alors en
Le fermier de Kerlagatu p:iyait par an 34l) livres de fermage et celui -
de Kerlagatu-Bjhan 90 francs, en tout 43l).
(2) Aveux~ Notamment du :16 juillet :1706. Arch dép.
Par transaction du 26 Janvier :1636, les dames calvairiennes payaient
(( 60 sols monnaie, le :1l) de chaque janvier. " Le Calvaire était l'ancien
manoir de la Palue. C'est aujourd'hui le Séminaire.
(3) Nous verrons plus tard ce qu'était ce droit de bouteillage.

Les rentes féodales ou cheffrentes (1) étaient nombreuses
mais souvent extrèmement minimes (une écuellée de fro­
ment 2 deniers, 4 oboles, c'est-à-dire le sixièn.e dJun sou),
niers et oboles (2), pour les deux fiefs réunis « n'atteignait
« pas cent livres, il s'en fallait de beaucoup (3). »
Le receveur faisant, . com.me nous dirions aujourd'hui,
une déclaration de droits de mutation, suit l'usage ordi­
naire, et réduit intentionnellement 'les revenus. L'état de
1771 élève les cheffrentes à 120 livres 11 sous et 5 deniers ..
Ce chiffre, ajouté à celui des revenus directs, porte les
redevances des deux fiefs, en 1771, à 4,4841. 18 s. 10 d.,
somme sans doute inférieure au revenu vrai. En effet, _
comme nous l'avons vu, les terres du fief :avec ses droits
de toute sorte étaient louées, le 16 décembre 1779, à
la dame Gogibus de Ménimande, pour la somme de
5,000 livres (4). .
L'entretien des divers officiers des' fiefs, les frais de
recette et d'entretien, etc., devaient considérablement ré-
duire le revenu; et on peut croire que le receveur devait

avoir peu d'argent à faire passer à Bruxelles ou plutôt à
l'homme d'affaires du duc cYArem erg à ·Paris .
Je pense qu'il n'envoyait pas non plus à la duchesse les
!Jants que devaient le manoir de Kerlagatu, le manoir de

(f) Chl'f-rentes ou cheffrentes. « C'el't, suivant Du PHc-Poullllin, la
rente due au seigneur il cause de l'inféodation primitive. Les cheffreùtes,
dit cet auteur, SOI.l,t pr{)prem~nt les rentes féodales, . â la différence des
l'entes convenanCleres, ou sImples censi ves et foncièrt;ls. » Cané,
Dom. congo p. 6. . .
(2) L'obole, au moyen-âge, avait valu un demi-deniel'. C'est en ce
s~ns que ce mot est empl~yé dan~ le.s aveux" qui copient les anciens
lI~re~ La rente ne pouvaIt en faIt etre payee qu'en deniers, l'obole
n eXIstant plus comme monnaie courante .
. (~) Déclaration passée par M. Hervieux, conseillel' honoraire au Pré-
SIdIal et receveur du duc d'Aremberg.. Aveu d~ 1751. . .
(4) Voir fl'e partie.. ..

Pencoat (par. de Pouldergat), et même le domaine du

Coing (par. de Lababan), ni la eoëjfe que devait le manoir
de Pencoat. De même il n'adressait pas à son maître
dJhôteL les moutons gras dus par . Mezanrun et Ksrven
(par. de Plonéis), ni les « deux merlus sees » dus par

. Kerfoulgan-Bihan, paroisse 'de Tréoultré (Penmarch), ni
quantité de gelines (poules) dues par plusieurs villages. La
. duchesse a-t-elle même jamais goûté « le gâteau de fine
« fleur de froment de la laize du fond d'un tonneau, dû par
« des maisons d'Audierne .. par chacun an, au jour de la
« Nativité de Notre-Dame, et rendu au manoir de Coat-
C( fao (1) ~ » .
Devenu seigneur de Pratanras et de Coatfao, M. de
augmenta un peu ses revenus en supprimant la
Madec
ferme générale,et en exe~çant par lui-même certains droits,
au lieu de les donner à bail. '
Mais passons... Le chiffre des revenus . des deux nefs
peu. Ce qui nous intéresse et ce qu'il faut étudier
imporLe
ce sont les droits honorifiques et féodaux. de chacun d'eux:
la haute justice, les fourches patibulaires, les préémi­
nences dans les églises, ' le droit de sonnerie à Saint­
Corentin de Quimper, . le droit de cueillette des œufs, dans
la ville close de Quimpel' et ses faubourgs, enfin le droit
de bouteilLage deCoatfao. ·
Nous allons passer successivement en revue chacun de

ces droits.

1 HAUTES JUSTICES.

Comme nous l'avons dit ailleurs (2), le marquis de Pont-
Croix, dans un aveu au Roi, du 30 octobre 173J, se préten­
dait seul seigneur haut justicier dans les paroisses de

(i) Aveu de 27 novembre i70t.
(2) Promenade à la Montagne do la Jus.tice. Bulletin de t 882, page 33.

plonéïs et de Penhaes. Quand il émettait cette proposition,
ce seio'neur oubliait qu'un de ses prédécesseurs avait, par
'ustices de Pr.atanras et de Coatfao. . .
Pl'atanras et Coatfao établissait ses deux hautes jus-
tices par d'autres actes et très anciens (2). ..
Le premier en date mérite l'attention, c'est une « Sentençe

« portant réception de séneschal et procureur fiscal ès COUl'S
(t de Coatfao et Pratanras au siége présidial de Quimper,
« du 16 janvier 1443~ » ,
Il était interdit aux seigneurs de rendre la justice en
a des offi­
personne et ils devaient déléguer les fonctions
jugeant en leur nom (3) ; mais" comme il était admis
ciers
en principe que toute justice émane du, souverain, les juges
des seigneurs, appelés quelquefois juges subalternes (4), ne
entre[' en charge qu'après avoir été reçus par les
pouvaient
juges du Duc d'abord, et plus tard, du Roi. La sentence de
1443 est le procès-verbal du serment du sénéchal et du
procureur fiscal des cours de Coatfao et Pratanras (5).
De la nominatio.n d'un unique sénéchal et d'un unique
procureur fiscal pour les deux fiefs, il ne faut pas conclure

(t) Mais il est résumé dans un extrait des aveux du (( manoir noble
cc et 8nden de la Pallue où est à présent bâsty le couvent monastère

ci et asile des Dames reJigieu.ses du Calvaire de Quimpel', etc. . Extrait
de François-lI yacin the Visdelou, postérieur à 1709.
signé
(2) Claude Visdelou' produit un petit nombre d'actes à la Cour des
C?mptes (lnventai:-e de 1641) ; mais son petit-fils François-Hyacinthe
VlsdfllClu en fourmt un grand nombre, qui sont énuméréS dans la
Sen'enJe de 1683. Voir 1 partie.
(3) Denisart. Vo Juges.
(4) Ferrière. Vis Juges des seigneurs et Justice 'subalterne ou sei­
gneuriale.
(5).r~ ~st cl~ir qu~ l'expression siége présidial est inexact~, plJi ~que

)e presIdIal n,ex 'stal t pas ·en 1443. Les . rédacteurs de la sentence de
1683. ont parle 10 langage de leu l' temps. .
VO/l', page 39 du Bulletin, un procès-verbal de réception d'un sénéchal'
BULLF.TIN DE LA Soc. ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. ... _ TOl\1E X ·

qu'ils fussent réunis dans les mêmes main~ avant l'acquêt
, d'e 1542, Les seigneurs voisins s'entendàient entre eux pour
confier les mêmes fonctions aux mêmes personnes; comme
aujourd'hui, si la comparaison ne semble pas trop irrespec­
tueuse, deux propriétaires voisins s'accordent ·pour insti­
tuer un garde unique des terres de chacun d'eux.
Ce cumul était ~ne nécessité: les justices seigneurales
étaient trop nombreuses et trop peu occupées pour que

put trouver assez d'officiers pour chacune d'elles et
l'on

qui pussent se contenter d'un titre près d'une seule juridic-
tion, tant il eût été peu lucratif (1).
Mais le seigneur de Coatfao et de Pratanras établissait
la haute justice par bien d'autres titres:
Cahier des exploits donnés à requête des procureurs

fiscaux des deux cours au nombre de six-vingts de l'an

15:~0 à l'an 1680;
Registres des greffes et tenues d'audiences de 1540 à

(1) Faut-il des preuves de ce cumul nécessaire et quelquefois sin-

gu l1er ....
J'ai eu sous les yeux:
t 0 Un bail fait, ]e 7. mfli. 1722, ail nom de Radegonde de Visdelou,
par Jean Le Jadé, en même temp,s notair'e royal, procureur de Quimper et procureur fiscal de Pratanras et Coatfao.
2 Un aveu de Coatfao et Pratanras, du 14 mai' t 755, où on IiI : « Les
(( hautes justiees annexées des deux fiefs s'exercent Ijal' un sénéchal, un
« proeureur fiscal, procureurs, qUt sont ceux du présidial qui sont en
« pos~ession d'y postuler 1 aux justices des deux lièf ); etc.
3° Un acte du fi décembre 1782, reçu par 'deux not3 ires des jul'idic­
tions des Regaires de Quimper (à J'évêque), du Quéméllet (au marquis
de }lont-Croix), dtl Coatfao et Pratan ras.
Le sieur AmeUe" dout nous parlerons plus loin, était en 1742, procu­
reul' fiscal des Regaires, receveur des 'devoi rs de la province de Bre­
tagne (pour le roi) à Quimper et de plus marchand. (Arrêt du 24 jan­
viel' 1742. ' Ardt. dép).
Tel était en même ttlmps juge royal et seign(;l~riaI. C'est Hinsi que le
père du célèbre mêdeciu Laënnee était, en 1776, conseiller du roi, lieu­
tenant de l'amirauté (j uge royal) et sénéchal des Regai ('es (de l'~vêque).
Son père est qualifié dans son acte de décès· (1 et' novembre 1.782) d'ancien
en lusieurs juridictions' et de receveur des déCimes de l'évêché ùe
juge
Cornouai les. '

déet'ets de mariage et tutelles, de
Scellés, inventaires,

Actes de notaires au nombre de six-vingts, de 1511 à
Aveux et déclarations passés par les nO,taires et reçus
judiciellement au nombre de 80, de 1500 à 1680 ;
Procédures criminelles faites par lesdites cours au nom­
bre de 30, datées de 1630 à 1680, avec deux arrêts confiT­
matifs de 1649 d 1651 (1) ;
Enfin une ordonnance des commissaires de sa majesté (2)

réduisant au nombre de deux les notaires de la juridiction
de Pratanras (16 mai 1541). '
De ce qui précède, il paraît résulter que les juges de
Coatfao et Pratanras,plus heureux que les magistr'ats d'au­
jourd'hui; étaient en vacances presque perpétuelles (3) jet
c'est le cas de rappeler le 'mot d'Hévin, qu'en Bretagne
« la plaidoirie était très rare n'y ayant tout au plus que
« huit tenues de plaids par an pour les matières réelles et
« huit autres -pour les personnelles et mobilières (4) »
Les juges de Pratanras et Coatfao siégeaient au temps
d'Ogée dans la même salle basse des Cordeliers que les
hautes justices de Quéme~et, du Hilguy et de Plessix-

Ergué (5). "
Voici du reste en quels termes la justice est réclamée par
l'aveu de 1751 : '

(1) Il ne faut pas oublier que l'appel des sentences portant condam­
nation à des, peines .corporelles n'a été rendu nécessaire que par l'ordon-
1670. Nous rappellerons plus tard l'arrêt
nance de reformabon de

(2) François Callou, conseiller au Parlement et Gilles du Bois Guêhen­
Mue, commissaires des états du pays et duché.
(3) Il se peut du reste que beaucoup de papiers aient été perdus dans '
, le pillage de Pratanras et emport de papiers de 1594.
(4) Hévin, Consult. IV, p. 15.
(5) Ogée, Dict. VoQuimper.

« Le seigneur à droit de cour et j uridiction4aute, '
« moyenne et basse, et l'exercice d'icelle tant en l'audi-
« toire du Présidial de Quimper et juridiction de Quéme-
« net qu>aille.urs où bon lui semble en ses fiefs, par séné-
« chaux, baillifs, lieutenants, procureurs fiscaux, gref­
« fiers, procurèurs, notaires, sergents et autres officiers ... »
Que le seigneur pût juger où il lui semblait bon, cette
était excessive. En effet, le siège de la juridiè­
prétention '
tion était fixé par l'ordonnance ou par la possession immé-
moriale et ne pouvait être déplacé sans une décision souve-

rame.

, Cet1e observation est justifiée par le fait suivant qui se
passait peu auparavant à Quimper même. ' Le prieuré de
Locamant ou Logomand (paroisse ,d-e Fouesnant) dépendait
originairement de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé.

Il fut uni et annexé au collége de Quimper, en faveur des

Pères Jésuites, par lettres. patentes données à Fontaine-
bleau, en septembre 1681. Le prieuré avait haute jus­
tice (1). Une de ses dépendances était le lieu de Saint­
Laurent, tout près de Quimper, derrière Pen-ar-Stang.
Les audiences se tenaient d'abôrd alternativement chaque
semaine a Locamand et a Saint-Laurent; 'mais, dans la
.' suite de.s temps, certains sénéchaux, qui apparemmen't

demeuraient au voisinage de Locamand, cessèrent, de leur
autorité privée, de siéger à Saint-Laurent. En 1703,

les Pères Jésuites, sur . les réclamations des habitants

voisins de Saint-Laurent ... voulurent rétablir l'ancien ordre
de choses; et, pour le faire, ils durent demander l'autorisa-

tion au Parlement, qui l'accorda par arrêt du 19 décembre'

(f) Et des patib,ulaire:~ dont je ferai quelque jour connaître l'exact

emplacement.

(2) Cité en marge d'un aveu du 20 mai 1683. (Arch. départ., fonds
Saint~Laurent). Cet arrêt a été retrouvé aux archives de la Cour.

2° FOURCHES PATIBULAIRES .

Le seigneur ne réclamait pas de fourches patibulaires
pour Coatfao ; mais Pratanras avait le~ siennes. Le sei­
gneur invoquait à cet égard « un acte daté du 8 m.ars
1478» (2) et voici en quels termes il les réclamait, en 1751.
« A aussy (le seigneur) patibulaires à quatre piliers, de
( tout temps immémorial, aux 'issues du manoir de Pra­
« tanras, sur le ' grand chemin de Quimper aux villes de
« Douarnenez· et de Pont-Croix, dans la paroisse de Penhars'
« dépendante du fief de Quéménet : carcan.. ceps et.

« collier» (2). -
Par ces trois derniers mots il faut entendre un poteau
O'arni d'un « anneau de fer auquel étaient attachés par le

« cou les criminels condamnés au carcan », ou, selon
l'expression de notre Code pénal, à l'exposition publique (3).
Les voisins n'ont pas gardé souvenir des patibulaires, et
il n'en reste aucune trace, Peut-être cependant n'est-il
pas impossible d'en déterminer à peu près l'emplacement .
Allons voir 1 ... Nous franchissons la grille qui défend
l'entrée principale de Pratanras ; mais, . avant de passer
. outre, remarquons ce champ qui s'ouvre, de l'autre côté
de la route, juste en face de la borne kilométrique n° 59 .
A l'angle du champ et de la route, à droite, se voyaient,
il y a quelques années, les débris d'une chapelle de très

(1) Inventaire.

(2) Preuve décisive que le gibet de la coUine de la Justice n'étant pas
le ~ibet de !'ratamas était bien celui du fief de Quéménet. Voir Bulletin
de 188~, pages 36 et suivantes.
(3) Le:s seigneurs hauts justiciers pouvaient seuls avoir 'un poteau Oll
carcan. . .
Le mot de carcan s'employait pOUl' exprimel' le supplice et l'instru­
me:nt du,suppli.ce, comme aujourd'hui, daos le langage vulgaire; le mot
, .pnson s emplOIe dans le sens d'emvrisonnement.
Voir Dcnisart et Ferrière au mot Carcan.
L.'expositioll publique a été rayée de nos Codes pal' le décret dn 12
avrll -1848. . ' ..

, petite dimension nommée vulgairement la Chapelle des
œurs~ en breton Capellic-ar-viou (1).
Pourquoi ce nom et d'où vient-il?, C'est, me dit un
homme âgé, fils de la fermière de M. de Madec à Pratan-
« ras (2), qu'auprès de la chapelle, il se tenait anciennement
« à certains jours de l'année, ,une sorte de foire aux œufs. »
Il semble permis de retrouver dans cette tradition un
cueillette des œufs, qu'exerçait à
souvenir du droit de
Quimper le seigneur de Coatfao en même temps seigneur
Pratanras et dont il laissait le profit à ses vassaux.

Nous y reviendrons plus tard.
Depuis l'établissement du cadastre de Penhars, en 1827,
la direction des voies publiques aux abords de Pratanras a
La route de Plogastel-Saint-Germain, qui
été modifiée.

se soude aujourd'hui à la route de Douarnenez, à 150

mètres au-delà de fentree de Pratanras, la côtoyait a.upa­
ravant, et tournant brusquement à gauche passait auprès

de Capellic-ar-viou. C'est le tracé du ~adastre. Mais, plus
continuant à côtoyer la
apciennement, la route de Plogastel
route à travers la 'lande, ne la rencontrait que vers l'entrée
du .chemin vicinal qui conduit au bourg de' , Penhars, en '

contournant le jardin de Kerrien. L'ancienne assiette

est encore visible sur la lande .
La route de Douarnenez et de Pont-Croix, qui tourne
à gauche à quelques Înètres en avant de la
aujourd'hui
grille de Pratanras, passait autrefois à travers le pa.r,:c jus-
qu'au dessous du point où elle rencontre aètuellement la
route de Plogastel. En face de ce point s'ouvrait l'entrée de

Pratanras.

La demeure seigneuriale était ainsi bien plus près de la

(f) Elle n'est mentionnée dans aucur. titre. Le talus dll champ
est bâti des pierres de la chapelle.
(2) Hervé Pennanéac'h, homme de confiance à Kerrie,n, et digne de
titre.
son

route qu'aujourd'hui; et il ù'est pas probable que les pati­
bulaires fussent dressés sur le pourpris du château. Elles

devaient être de l'autre côté de la route, sur cet espace en
long qui restait vague et déclos entre les deux routes de
Douarnenez et de Plogastel-:-Saint-Germain. .
Cet eSfaceest aujourd'hui partagé en plusieurs parcelles:

si l'une d'elles portait le nom de Justiçou ou Justiciou (les
. Justices), n0111 populaire des patibulaires, l~ problème
serait résolu. Mais cet indice nous fait défaut et il faut
nouS résignel' à ignorer l'exact emplacement des ' patibù-

làires de Pratanras.
Reprenons maintenant la route de Quimper et suivons le

chemin qui, d'auprès de Kerrien, se -dirige vers Penh~1 rs.

, A droite ... à travers les arbres et par dessus un vallon
verdoyant, nouS apercevons la colline de Kercaradec. Le
sommèt de cette colline~ qui domine un vaste espace, a étè
l'assiette d'un camp ou oppidum Gaulois, nommé, selon
l'usage, ,camp de César. Sa circonvallation enco~'e visible
enferme une enceinte de plus de trois hectares (1).

3° PRÉÉMINENCES DANS LES EGLISES.
Les prèéminences des deux fiefs sont longuement dè­
Cl'ites dans un curieux procès-verbal dressé, . le 19 août
1641 et jours suivants, par Mire François. de Kergoët,
seigneur du . Guilly, . conseiller du roi, sénéchal de Cor­
nouailles, assisté de Jean Prouhet, commis au greffe, en
présence d'écuyer Jacques du Haffond, seigneur de Keres­
cam, conseiller et procureur du roi, et én 'compagnie de
Claude Visdel~u, ancien sénéchal de Quimper et en ce
moment· président au Parlement.

0). La colline vient d'être semée de pins. '
Vou l~ descr!ption .qu~~n a donnée M. Le Men. Bull. de 1876-'(7, p. 126,
etCongres de IAssoCiaholl Bretonne de 1873.

. Comme nous l'avons vu, le 4 août 1638., Claude de
Visdelou avait rendu aveu au roi et déposé ses pièces à
l'appui, à la ' cour des cemptes (1). Il semble que ses
parurent
preuves, en ce qui concernait les prééminences,
insuffisantes; et la Chambre des comptes, pal~ arrêt du
« qu'il serait, par l'un des
13 juillet 1640, ordonna
« Messieurs de ladite Chambre ou prochain . juge royal
« des lieux, fait estat et procès-verbal des bancs, tombes,
« armes, écussons et lizières mentionnés audit aveu. »
Un arrêt du 1'9 février 1641 accorda un délai de six mois
« à cette fin. » Le procès-verbal est dressé en exécution de
ces interlocutoires (2). .

Les prééminences se partageaient inégalement entre
Coatfao et Pratanras ; mais, tandis que Coatfao avait bien

· plus de cheffrentes que Pratanras, ce dernier fief avait des
prééminences dans un plus grand nombre d'églises ou de
chapelles . .

Coatfao n~avait de prééminences qu'à Meillard (3) (au-
· jourd}hui Meilars) et à . Pluguffan: « une vitre et le droit
· « de litre et de lizière en dedans et en dehors commè
« seigneur fondateur. »
lizière semblent synonimes et
Les deux mots litre et
employés ensemble par pléonasme. Le litre « est une cein- .
« ture funèbre de un pied et demi ou deux pieds de large
« qui se peint autour des églises av.ec les armoiries des
« défunts. » Le droit de litre n'appartenait originairement
qu'aux seigneurs patrons et fondateurs; plus tard, il fut
·aux seigneurs hauts justiciers, mais à la condition
étendu

(f) Voi.r Fe partie.
(2) Archives départementale. Voir à l'Appendice, A, le résumé du trans-
port du sénéchal. . .
(3) Le sénéehal ne se transporta pas à Meillard; mais la préémi-
nence dans cette église p:-uait avoil' été 'admise sans difficulté. .

au-dessous de celui du -seigneur
que leur litre fùt peint
fonda.teur (1).

Pratanras posséqait :
A Saint-Corentîn de Quimper, une vitre dans le transept -
et une autre au chœur (2) ; - .
Au couvent de Saint-François, une vitre au chœur, quatre
tombes armoriées devant l'autel, un écusson sur un béni-
Cloître; .
tier du
Penhars, des vitres, un banc et une tombe;
A Plonéis, une pierre tombale;
A la çhapelle de Notre-.:Dame de Vertu « joignant l'église
Saint-François» (des Cordeliers) au septentrion, une

vitre et le droit de « litre et lizière, comme seigneur fonda-
teur et supérieur » ;

Enfin les mémes droits de vitre, de litre et de lizière à -la
chapelle du Pénity, adossée au _ Mont-Frugy , vers le

milieu des allées de Locmaria, et à la chapelle Saint-
- Eutrope (par. de Locronan) (3). _

A Penhars et à Plonèis, le seigneur -de Pratanl'as ne-
pouvait avoir que la seconde -place. La première apparte-

(1) Voir dictiollnaiœ de Trévoux, DellisarL et Ferrière, au mot litre.
Ces deux juriscomultes s'élèvent contre l'usage « indécent de faire

« porter à la maison de Dieu des martjues profa~es dé la DÜblesse des
. « morts, co::nme s'ils avaient quelque seigneurie ~ur les lieux saints. »
Aujourd'hui, le mot litre se dit d'ulle ceinture funèbre que rOll tend
_ autour des églises aux obsèques solellileHtls.
(2) Ces vitres décrites dans Je procès-verbal de f641 se voient eocore,
celle du chœur (4 fenêtre du côté sud à partir de l'entrée du chœur) a
restaurations; celle du transept (f re fenêtre -côté Est)
subi quelques
subsiste. La Croix d'or des Lezongar se voit du premier coup d'œil.
- Voir -!J1~nogr. de la cathédrale, page 27 (nO 25) et page 534 (nO 83).
La descflp,tlOll que M. Le Meu donne -de cette demière vitre, d'après liT!
a,:eu passe ,par la dame de Derval d-iffère un peu de la description que
Je p,roces-verbal. Il est probable que M. Le Men ne connaissait pas
fait
le proces-verbal de fMf récemment retrouvé aux archives départe-
mentales.

. (3.' Il ne reste aucune trace de la chapelle Saint-Eutrope qui Mait
avec une autre chapelle dédiée à Saint-Maurice an hant de la
• Situee,
côte sur l'ancienne route de Quimper- , à l'entrée de Locro~an. _

nait de ' droit au banc et à la vitre du marquis de Pont­
Cr·oix. Celui-ci dan"s l'aveu de 1730, n'attache pas moins
d'honneur au titre de fondateur et principal bienfaiteur
de ces églisei::i et de plusieurs autres qu'à son titre de
premier suzerain des mêmes paroisses;

· . 4° DROITS ' DE SONNERIE ET DE CUEILLETTE DES ŒUFS

Le seigneur réclamait pour Coatfao le droit de « sonnerye »
et de cueillette des œufs, droits singuliers dont l'exercice
allait donner lieu en 1741 à un curieux débat .

Voici; d'aprés l'inventaire de 1641 et les aveux ·du der­
nier siècle, en quoi consistait le droit de sonnerye et de
cueillette des œufs. .
Le seigneur de Coatfao faisait sonner de la corne « en la
« ville et église cath édrale de Quimper les jeudis abso­
« lus (1), vendredis Saints et samedis de Pasques » •

Son droit de cueillette des œufs « consistait à level', le
« mardi de Pâques,' par les hommes qui avaient corné la
« semaine prècédente, deux 'œufs de chaque maison où il
« y a gens mariés, et un œuf de chaque maison où il y
« a veuf ou veuve. » Les maisons non habitées ou occupées

par des célibataires n'étaient pas soumises au droit.
La sanctiot! de ce droit singulier n'était pas moins sin-

guliére et devait être' très-efficace: c'était, d'aprés l'inven-
taire et les aveux « le droit de lever, faute de paiement, les.
« serrures avec tenailles et marteaux. »
Plusieurs titres portent que le seigneur laissait les œufs

aux vassaux qui ·les avaient cueillis. Ceux-ci apportaient

. d'autant ,plus de zèle à la cueillette, dont le produit appro ·
visionnait les marchés de Quimper ou peut-ètre était
vendu près de la chapelle Ar Vioù. Le bourgeois malavisé

(1) Jeudis de l'absolution, le jeudi saint. C'est ce jOUl' qne dans la
primitive église d'Occident se donnait l'absolution auxpénité-llts publics .

qui avait laissé e'nlever sa serrure, n'en était pas quitte,
s'il voulait la recouvrer, pour un liard ou deux; et, d'après
la tradition, c'est à beaux deniers comptant que les vas­
saux faisaient payer la rançon des serrures.
Nous rechercherons plus tarq si la sonnerie était pour le
seigneur de Coatfao un droit ou un devoir de fief ... Mais
remarquons dès ici que l'Évêque ne réèlamait pas la son­
nerie; et qu'au contraire le seigneur la revendiquait comme
un drod.· De même la 'perception des œufs nlétait pas

réclamée par ce dernier comme le prix: d'un service rendu,
mais comme un droit corrélatif au droit de sonnerie. .
Voici le spectacle donné chaque année à Quimper de':'
puis comme avant l'aveu de 1638 (1). '.
A l'office de Ténébres, quatre vassaux de Coatfao en­
traient à l'église cathédrale munis de « cors ou cornes en
terre (2); ils pénétraient dans le chq:mr et s'asseyaient sans
daçon parmi les chanoines (3).» A un moment donné ... ils se .

tout à coup, faisaient le tour de l'église « en cor­
levaient
naillant» (4), sortaient sur le parvis et· parcouraient les
rues de la ville close et même les faubourgs, sans entrer
pourtant dans le fauboUl'g de la Terre au duc, qui ne fai­
sait pas partie du fief de l'évêque .. On pense bien que les
cc polissons » de la ville aussi nombreux et aussi bruyants
qu'aujourd'hui, s'empressaient à leur faire cortége.

(t) Je puise ces renseignements dans des lettres ·é.1rites au sieur
Morea~, procureur ~ la cour (~e Rennes~ , par le sîeur Amctte, procu­
r~ur fiscal des Regal res de QUIll?per,. receveur de~ devoirs de .la pro­
VIDce de Bret~gne et marchand a QUlmper. Je dOlS la communication
de ces lettres. a. M: ~aufras du Châtellier ... Le sieur Amette est plein:
de son sUJet, 11 eCllt longuement et sa correspondance formerait une
brochure.
(2) Il s'agit de ces trompes de terre cuite encore en usage dans les
campagnes du pays .
(3) Le sieur .A~ette. ex-agère., Les vassaux prenaient place aux stalles
u bas chœur, a 1 entree ' .

(4) Comme des foux (sic) dit le sieur Amette. .

Le mardi de Pâques ,« les paysans cOrnards » revenaient:
deux portaient des paniers et les deux 'autres étaient
armés de marteaux, de pinces et de tenailles. Ils ne s'in­
quiétaient pas de savoir 'si lès maisons étaient habitées par
des gens mariés, par des veufs ou veuves ou par des céli-
bataires, ou même si elles' n'étaient pas habitées; mais
(( allant de porte en porte » escortés par une troupe d'en­
fants, ils réclamaient devant chaque maison deux œufs;
mais ils se contentaient de ' l'offre de deux liards. Si les

deux œufs ou les deux liai'ds étaient refusés, ils enlevaient

Ta serrure.

, Les bourgeois ne s'inquiétaient ' pas trop de savoir,: si le
droit était dû et régulièren;ten t perçu. , La redevance récla­
mée était si minime, que chacun s'estimait heureux de
racheter sa serrure à si bon compte; et puis la semaine
précédente les coll-ecteurs avaient tant amusé les enfants!

Les uns maugréaient un peu" les autres riaient, tous
. payaient.
Mais le -mardi de Pâques, 4 avril 1741, l'affaire .tourna
au tragique. ' . .
Les droits seigneuriaux de Coatfao et Pratanras étaient
alors exercés par le comte de la Marck, tuteur de' sa fille,
unique héritière de sa mère morte, comme nous l'avons vu'
en 1731 (1). Le comte de la 'Mark était en ce moment à

Rennes.
Ce jour donc, 4 avril 1741, pendant vèpres, les vassaux

de Coatfao en faisant leur cueillette ne trouvant personne
dans une maison, se mirent à frapper sur la serrure dont
Ils brisèrent l'entrée. Cette maison servait de grenier et de
cellier et ne devait pas le droit. Son propriétaire éütit le

sieur Amette procureur fiscal des Regaires, qui demeurait .-
à peu de distance dans la même :ç'ue (2).

(1) V. Fe Partie.
(1) La rue des Regaires, d'après la tl'aditiol1.

Il était vraisemblablement étranger au pays puisqu'il ne

savait pas le breton; mais on peut s'étonner qu'il ne COl1-
~ût pas l'usage de la cueillette des œufs, puisqu'~l hab~tait

Quimper depuis plusieurs années (1). . .
En ce moment le sieur Amette s'entretenait « dans sa
chambJ'e » avec son ami Guillaume-Thom'as Le Dilay, sé- ,
néchal des Regaires et un capitaine de Douarnenez, d'une
importante affa~re. On discutait les 'conditions du transport '
par mer~ à Bordeaux, de dix mille et une livre tournois de
liards, c'est à dire, en comptant bien, de HUIT CENT MILLE
QUATRE-VINGTS LIARDS (2). . .
Tout a coup un cordonnier du voisinage, que Je sieur
Amette dans sa reconnaissance, qualifie de « vénérable »
vient brusquement rompre l'entretien. Il entre tout essouflé,
il annonce au sieur Amette la voie de fait commÎse par les
vassaux de Coatfao ; et, en preuve de son dire, il apporte
« charitablement » comme piéce de convictiùn,« l'entrée
« de la serrure, » Il ajoute que sans les deux liards que la
dame Amette attirée par le bruit a donnés, sans discut~r,
la serrure eût sauté l '
Le sieur Amette n'y comprend .rien; « curieux de voir
« ces gens la» et" comptant les convaincre par de bannés

raisons,il descend dans la rue. Sa curiosit~ allait $tre satis-
faite; mais son éloquence devait rester impuissante.

(1) En 1.738, il a,vait été parrain d'un sœur de M. de Madec. ' ,
V. F~partIe. AP • . D. .' .
(2) Au dernier sièelè, les liards paraissent avoir été la monnaie cou- '
raute en Bretagne.
Les paiements en foire se faisaient en grande partie en liards: c'est
ai~si que vcrs la I?ême époque, en f 743, à une foit·c de Crosty (trève de
du Faouët, une vache vendue huit écus de six livres
Samt-Tugdual) pres
fu~ I?ayée 2 écus en argent et 6 écus en liards soit 2880 liards. (Procéd.
SUlVIe contre Ma,rion du Faouiit, pendue à Quimper en 1755).
~. Je bar?n Richard, préfet honoraire, m'apprend que, vel's 1818, une
maison de VU1S de Bo~dealJx, qni faisait d'importantes affaires avec la
Ba:-.s~-~retagnc, reCe,\lalt des propllsitions de pi:liement irnmédiat, à la
~olldltlOn qne ees. paiements se fissent en liards; pour payer une somme
ùes barils de liards. '
Importanto les cbents bretons envoyaient

Amette va bravement au devant des vassaux qui conti-
nuaient leur tournée. Il les aborde en leur demandant en
françaIs: « Pourquoi avèz vous brisé la serrure de ma
« maison ~ » Les autres, qui ne le eomprennent pas, mé­
contents de se voir interrompus, répondent par des injures,
que des officieux traduisent avec un aimable empresse-

sement.

, -Le sieur Amette battu dans cette rencontre d'avant garde
' se replie. Il se tîent debout sur le seuil 'de sa maison,
attendant bravement les assaillants et préparant ses, argu­
ments. Les vassaux vont de porte en porte et arrivent en
devant celle du sieur Amette. La ils font
quelques minutes
halte, criant en chœur « ar guir ! ar guir 1 (le droit! le
« d.roit !) » et brandissant « leurs pinces, tenailles et mar­
« teaux. »
Le sieur Amette prend la parole: « Quel droit demandez
« vous ~ où sont vos titres, pancartes, sentences ou arrêts f

, « Est-ce un droit royal ou seigneurial? Expliquez vous,
«' autrement je ne paie rien! Vous avez r.eçu deux liards
« de mon épouse pour mon autre maison qui ne les devait
« pas, et dont voici la piéce, d'entrée; ce paiement doit
, « 'compter pour la maiso'n que j'habite »(1).
Ce petit discours traduit par des voisins surprend les
vassaux qui se retirent, et le sieur Amette s'applaudissant

du succès de son éloquence retourne' a son capitaine.
Mais les vassaux étaient allés rendre compte !iu sieur

-Hervieux, conseiller honoraire au présidial et chargé

d'affaires du comte de la Marck. Cinq minutes après,
celui-ci se fait annoncer, et le sieur Amette descend «( dans
sa cuisine » (2) pour le recevoir. ,En-ce moment des coups

sc,;: PL

(f) Je copie textuellement.
(2) La chambre au premier étage, la cuisine au rez-de-chaussée :
à la cour, receveur général des devoirs et
voilà la maison d'un. avocat
procureur fiscal des Regaires. Aimable simplicité du bon vieux temps!

de marteau retentissent. .. La journée s'avançait,les vassaux.
n'avaient pas de temps a perdre, aussi fr~ppaient-ils « à
préambule « et d'un ton de colère »: « Qes gens-la se plal­
« o-nent de vous.» « C'est moi, répond le sieur Amette,
sa serrure; il répète au sieur Hervleux ce que deJa Il a
dit auX paysan~ ; et ii le supplie de faire cesser ce tapage.
• Loin de là, le conseiller honoraire dit aux vassaux un mot
. en breton fi. que le sieur Amette ne comprend -pas », mais
qui semble redoubler la « furie des paysans. » L'un d'eux,
l'aBée de la maison pour dégontér la
entre même dans
porte, acte contraire au droit. « Voila la vivacité qui prend
à son tour » le sieur Amette, et il « repousse du pied cet
insolent. »
Le sieur Hervieux sort alors « tout en colère » en disant

que c'en était trop et que le sieur Amette s'en repentirait.
Le sénéchal des Regaires, qui dans cette bagarre avait
seul gardé son sang-froid, s'avise de dire « que si le droit
«. est dû on le paiera; mais que si l'on use de voie de fait,
« on peut se plaindre et qu'il sera fait bonne justice. » A
quoi le terrible Hervieux répond: « Vous vous opposez
« donc au droit ; vous vous en repentirez aussi: ».
Tel est le récit du sieur Amette. Le récit "du sieur Her­
vieux est différent. D'après lui, le sieur Amette, sans rien

vouloir entendre, aurait. traité les collecteurs de coquins,
marauds, etc., les aurait menacés . de prison, et, pour
en finir, leur aurait dit que s'ils ne se retiraient pas, il
casser la tête, « dem.andarit à cet effet, ses pis-
allait leur
tolets. » .
Un des collecteurs ayant riposté qu'il userait de . son
droit, le sieur Amette lui donna deux coups de pied dans le
ventre et dit tout haut sur la. rue que le droit n'était pas dû
« ce qui fut · répété par le sieur Dilay en ces termes ·:

« Ecoutez, peuple, ne payez pas ce droit,la ville est à
« nous. » (1) .

Après vêpres, le sieur Hervieux, accompagné du sr Le
Jadé, procureur fiscal de Pratanras et Coatfao, alla trouver
l'évêque pour se plaindre du sieur Amette; mais le prélat
répondit qu'i~ considérait cette perception comme abusive
et que l'année prochaine il ferait arrêter les collecteurs. Le
sieur Hervieux ne se tint pas pour battu, et le lendemain
il alla porter les titres de Coatfao à l'évêque. Celui-ci en

« prit lecture et répondit « qu'il lui suffisait de ces piéces et
« qu'il n'en voulait pas d'autres pour fonder son opposέ
« tion au droit de sonnerie et de cueillette des œufs tel
« qu'il se pratiquait. »

Sans perdre un jour, ]e Sr Hervieuxavertit .M. de la
Marck de l'aft'aire, se plaignant et du sieur Amette et du

sénéchal des Regaires.
Voilà le pauvre Amette plus inquiet qu'il ne veut le dire;

pour se rassurer, il a besoin de .se répéter que ce « guerrier,
« (M. de la Marck) n'entend pas les affaires, et qu'il ne se
« soucie pas plus de celle-ci que du sieur Hervieux. »
Quelques jours après, il était détrompé. Si M. de la Marck
n'entend pas les affaires, d'autres les entendent pour lui;

. et l'affaire a été communiquée à des avocats de Paris ...
de Paris! quand à Rennes on pouvait consulter du Parc-
Poullain 1. ..•

Les avocats de Paris ont répondu qu'il « faut se pourvoir
« devant le juge de Quimper, s'il est juge royal. » En quoi,

remarque avec raison Amette « ils ont donné a gauche; .
« puisque ni mon confrère (le sénéchal), ni moi ne sommes
« justiciables des juges de Quimper, et que le prétendu. délit

(f) La phrase emphatique du sénéchal des Regairr.s ne me semble pa's
vraie que les discours de Tite-Live, et ce seul trait m~ rend 'sus­
p)us
pecte la vérité du récit fait pal' le sieur Hervieux •

« a été commis dans le fief des Regaires et par des officIers

« de cette juridiction. »
Mais Amette n'y a rien gagné. Le Parlement de Rennes

est compétent. ,Le sieur Hervieux le sait., et dès le 28 avri},
sa requête est partie pour Rennes. .
Grand èmoi dans la maison Amette !... Le mari· a beau

écrire qu'il ne « craint rien, au contraire, qu'il a dû faire
. « ce qu'il a fait, qu'il est dans la bonne foy, qu'il ·est en
« réQ'le à la 'petite voye de fait 'près, mais que vim vi
repeLlere licet». N'im porte! Il est clair.q ue sa science, dont
il semble un peu vain, et son latin ne lui rendent pas le som-
meil tranquille; et la pauvr~ Mme Amette « surtout est
« bien chagrine, car, d.it philosophiquement son mari, les
« femmes tremblent en fait d 'affaires, faute de savoir. »

Un long mois se passe dans ces alarmes. Enfin il arrive
de Rennes des nouvelles rassurantes.

L'évêque de Quimper était alors Annibal de Cuillé, dont
le pareat de même nOm venait" de remplacer a l'an1bassade
d'Espagne le père du comte de la Marck. Mgr de
était parti pour Rennes; il avait entretenu M. de
Cuilllé
la Ma'rek « en compagnie de son parent l'ambassadeur
et du président de Bedee; » le diplomat~ et le 'magistrat
avaient déclaré au comte de la Marek que « son prétendu
« droit aux œufs et aux serrures ètait insoutenable. » Ce

mot avait suffi : et )'évéque n'avait pas eu de peine à
obtenir de · la eoùrtoisie du seigneur « une suspension
« d'armes jQ.squ'aux . prochains Etats où l'affaire serait .
« :discutée. » M. de la Marck 's' em pressa de faire trans­
mettre à ses vassaux de Coatfao défense de venir « à

« Pâques prochain corner dans l'église cathédrale et

« prendre place au chœur » et apparemment de cueillir
les œufs; et. il écrivit dans le même sens au sieur Her- "
vieux (c auquel » ajoute le sieur Amette, qui ne pardonne
BULLETIN DE LA ' Soc. ARCHÉOL, DU Fn~lsTÈRE. ' TOME X. 6 .

pas 'au receveur de Coatfao les terreurs qu'il lui a causées,

« le nez a déjà allongé. »
Il va sans dire que la requête en poursùite extraordi­
naire était retirée, et les époux Amette pouvaient enfin dor­
mir tranquilles .
Mais ce repos ne devait pas durer; et ... pour comble de
il allait être troublé p~r celui même que le sieur
disgrace,
Amette avait chargé de, l'assurer; je veux dire le sieur
procureur à Rennes et son cousin .
Moreau, son

Un avocat, dit-on,. ne plaide pas bien ses propres af­
faires. Le sieur Moreau avait fait sienne l'affaire de son
et son zèle l'emporta. Il est clair (( que l'affaü';e en
cousin,
"« voie extraordinaire démontée, » il fallait rester sur ce

succès .

Que fait le sieur Moreau ~ Il imagine, sans même avertir
son cousin, do présenter à son tour requête pour le sieur

Amette « comme accusateur des paysans co~nards, en son
propre et privé, et obtient en hâte un arrêt ordon­
nom
nant une information et renvoyant l'affaire aux juges
royaux de Concarneau (1) .

Voilà donc le sieur Amette, devenu, sans le vouloir et le
savoir, demandeur contre les vassaux de Coatfao ou plutôt

contre haut et puissant seigneur le comte de la Marck,
et demandeur seul! La requête n'a pas été prés'entée au
nom du sénéchal; si le procès est perdu, le sieur Amette
n'aura pas l'égoïste consolation de voir les frais partagés
par son ami Dilay. Et le si~ur Moreau n'avise même pas
son cousin de sa requ~te et de l'arrêt (2) qu'il a obtenu 1
C'est seulement par l'information qui commence à Quimper
que le sieur Amette apprend sa terrifiante victoire!

(f) L'arrêt se trouve aux Archives départementales .
(2) « Un be~ arrêt)) dit ironiquement Amette .

Le sieur Hervieux n'a pas perdu un moment et il choisit

bien ses témoins; parmi eux figurent « les quatre paysans
« cornards, ainsi que trois,ou quatre qui cornaient les an-

« nées précédentes. »
C'était un coup de foudre dans un ciel serein. La ( viva­
cité» reprend le sieur' Amette. Il écrit à son cousin une
lettre de reproches dont il essaie d'adoucir la forme; mais
entre chaque ligne. Ses raisons
le mécontentement 'perce
sens; mals en les lisant, au lieu de le
sont pleines de

clair que si Mme Amette a tremblé parce qu'elle n'entend
pas les affaires, son mari tremble à son tour parce qu'il les
sait trop bien. ' ,

L'affaire n'a pas été r or<ée aux Etats qui se tinrent à

Rennes du 1 octobre au 6 novembre 1742, puisque les
procès-verbaux n'en font aucune mention. D'autre part,
l'arrêt définitif que le Parlem ent aurait eu à rendre ne se
retrouve pas. Toutefois, il est de tradition q ue l~ sonnerie,
la cueillette des œufs et l'enlèvement des serrures se sont
exerc,és jusqu'à 1789.

Le Parlement a-t-il rejeté les arguments de l'évêque de
Quimper, ou le' prélat lui-même, ' après nouvel examen,
a-t-il reconnu le dl:oit du seigneur de Coatfao f ...

MS'I' de Cuillé disait :

Le droit de sonnerie, s'il existe, ne doit s'exercer qu'au
dehors et non dans la cathédrale, car on n'appelle pas 1 à
ceux qui y sont déj~.
l'église
Le droit aux œufs, s'il existe, est exercé d~ulle manière
abusive, puisque, d'après les titres, les œufs ne sont pas
dus par les maisons inhabitées: sur ce point il n'y a aucun
doute. ' '

« Le mode de perception est 'odieux. et contraire aux.

« lois : le droit de capitation même.1 le plus priYi-
« légié' de tous les droits, n'a jamais reçu une pareille
« sanction, surtout un jour de fête où toute contrainte

« cesse )) 0). L'évêque 'nie du reste absolument que les

titres autorisent « le bris et l'enlèvement des serrures. »)
Cette argumentation qui pa'raît pleine de sens était-elle
conforme au droit établi ~ ... C'est ce qu'il faut voir. '
Le droit de sonner'ie était ancien, puisque Claude Vis­
delou invoque en preuve le contrat d'acquêt de 1542 : et,
d'aprês la Sentence de 1683, le droit tel qu'il était exercé, '
a été reconnu par arrêt de la Cour des comptes du 19 fé­
vrier 1642. La même Sentence mentionne, de proche en

proche, de 1628 à 1679, des aveux des vassaux de Coatfao
'reconnaissant le devoir de faire la sonnerie .
Quelle était l'origine de ce droit singulier ~ ... On a cru '

(Mgr de Cuillé et Me Hervieux dans sa plain te au Parle-
ment semblaient radme.ttre) qu'il s'agissait d'appeler les
fidéles à l'église, aux jours où les, cloches se taisent en
signe de deuil, pendant que le Christ est au tombeau.
• Mais la sonn'erie ainsi entendue, eût été ' un service dû

par le seigneur de Coatfao; or il 'ne rend pas aveu à l'évê-
que, qui lui-même, dans ses aveux, ne réclame pas ce
devoir; bien plus 1 dans ses aveux au Roi, le seigneur
réclame la sonnerie comme un àroit honorifique. .
J'ajoute que l'énoncé même du droit de sonnerie dément
cette signification et cette origine. En effet, la sonnerie se
fait aux offices du Samedi-Saint; or, dès le matin, au
Gloria de la messe, 'les cloches sont, comme on dit aux
enfants, revénues de Rome 'j la sonnerie ainsi
entendue

àurait été inutile le Samedi-Saint, après midi.

(1) « Capitation. imposition extraordinaire qui se faisait par tête dans
les besoins pressants de ,'E.tat n, et dont personne n'était exempt.
Voir Ferrière. Vo Capitation.
Le mardi de Pâques était jour de fêle, au même titre que le di­
manche.

Enfin la sonnerie dans lJ Eglise cathédrale a' été admise
pl-.U'· l'arrèt de , la Cour des comptes de 1642,. et par les
Commissaires ùu Roi en 1683 : il faut, donc que la sonnerie
ait eu un autre but que d'appeler l~s fidèles aux offices.
Une tradition ancienne confirmée par le dernier seigneur
contient pe,nt être la vérité sur ce point. La voici: , Lors de '
la rèconstruction de la Cathédrale, l'évêque Bertrand de Ros­
madec (1417-1445) eut besoin d'une énorme quantîté de pieds
de hèü'es. ·Le sol de Coatfao (bois dù hètre) en était cou-
yert. Le seigneur (c'était alors Henri du Guermeur, Pierre
de Rostrenen ou Jean II du Pont) (1), les offrit gratuitement;
et l'Évêque reconnaissant, pour perpétuer le souv:enir de ,
cette libéralité, concéda à Coatfao le droit de sonner dans
l'éo'lisc et dans les rues de la ville épiscopale.
Le deoit de cueillette des œufs qui semble corrélatif au

droit de sonnel'ie, était exercé très anciennement; en effet
le receveue dans le compte rendu, en 1501, des revenus du
fief arriérés depuis dix-huit ans,prend charge des œufs
perçus depuis 1483 (2).

Cependant ce droit a été formellement contesté par Hévin
(Questions féodales, chap. II). Le sieur Bougis, commis-.
saire du Roi, niait que l'évêque eût l'universalité de fief
dans la ville, et il en donnait pour preuve « que d'autres
« seigneurs y exercent des droits féodaux, dont ils ren­

« 'dent aveu au Roi, sçayoir le seigneur de Cludon pour
« le droi t de prendre un os moëlIier sur chaque boucher, et

« le seigneur de Bienassix (3) pour le droit de prendre
« deu x œufs sur chaque maison. »

Hévin, avocat de l'évêque, répond:
« Que le prélat s'opposera à ces perceptions (ce qu'il ne
paraît pas avoir fait) ;

(1) V. f re partie. . '

(2) Compte de flSOLV. 1 Partie.
(3) Comme seigneur de Coatfao.

« Que ce droit n'appartenait pas aux' Ducs, qui recon-

« naissent en de nombreux titres n'avoir rien dans la ville

« et terre de l'Eglise;
Que le Roi n'a pas investi « les 'dits seig"neurs d'aucun
« droit sur la cohue et sur les maisons de la ville;
. « Que l'a réformatlOn du domaine de Quimper, en 1539,
« n'en fait aucune mention; •

« Que les seigneurs de Bienassix et de Ciudon ne peuvent

« sans titre, irivoquer aucune inféodation .depuis 1539, -
« ni la prescription, puisque l'Eglise et son patrimoine

«. étant sous la garde du Roi, nul de ses sujets ne peut
« l'arracher dE' sa main. »
Enfin, et cet argument est le dernier, « que ces prétendus
« droits ne peuvent être droits de fiefs; mais une rénova- .
« fion des rapines que les . sergents féodés, du nombre
« desqueLs sont lesdits sieurs, s'étaient efforcés d'intro-

« duire et que le duc J'ean condamna par sa constitution de

« 1420, répétée dans la réformation de la coutume (art. 671)
« et la longueur de temps ne peut établir ces extorsions. »(1).
Hévin écrivait en 1686; et, coïncidence assez piquante, à
, cètte époque même, la sentence de réformation de 1683
mise au pied de l'aveu au roi de 1681, àdmettait sans diffi-

cuIté la cueillette des œufs et sa sanction, l'enlévement des
serrures.
Cette jurisprudence n'était pas nouvelle:

Le mardi de Pâques, 2 avril 1608, messire Jacques

Briand, prêtre et sous-chantr.e de la cathédrale, et plu-

sieurs bourgeois refusent les œufs. Le sieur de
Goublaye (2) porte pIa~nte : une information s'ensuit, ' un
décret (peut-être de simple ajournement) est rendu, et une

(t) Voir' dan~ Hévin (Cons. IV. p. 15) Cette constitution du Duc
« très so\emnelle et faite ditlrs son généraL parlement ou assem"
Jean V
te blée des trois Estats. c'est un titre d'honneur pour ~ eau V. "
(2) Gilles Visdelou (V. 1 partie) •

sentence favorable au seigneur intervient, le 23 avril 1608.
Le mardi de Pâques 1648, les époux Guillerm, bourge~is
de Quimper, refusent les œufs «avec viollences » et Me Jac­
ques de Jaur.éguy, sieur de Lestriourez, procureur fiscal de

Coatfao fait dresser procès-verbal du fait.
Le seigneur de Coatfao était â ce moment Claude Visdelou,
ancien sénéchal de Quimper, devenu président aux enquêtes,
L'affaire dort pendant une année; mais, les 9 et 11 janvier
1649, une information se fait; un décret, deprise de corps
cette fois est rendu « contre ces accusés» qui sont empri-
sonnés le 23 janvier, et condamnés le 25,
Mais la cour de Coatfao jugeant entre son seigneur
et des bourgeois de Quimper n'est-elle pas suspecté de
partialité? Les condamnés relèvent appel, le 28 janvier;

]0 13 févriel', l'appel est reçu en la cour; et, le 3 juillet,

intervient un arrèt confirmatif (1) .
. Le seigneur de Coatfao n'était pas dans l'instance à pro-
pas de laquelle Hévin était c()nsulté, et le jurisconsulte n'a
pas connu les précédents judiciaires que l'Évêque, son
client, n'avait aucun intèrêt ~ révéler. Au contraire, les
commissaires qui ont rendu 'la sentence de réformation

. a vaien t ces décisions sous les ' ye ux, et ils les visent dans
leur sen tence.

. Tout considéré, il ne parait pas qu'il puisse rester de
doute sur le droit de sonnerie dans l'église comme aux
carrefours; ni sur te droit aux' œufs
ayant pour sanction

l'enlèvement des serrUres, '

Cf) Ull des deux seuls al'1'êts l'efldus sur ùes sentences de Coatfao et
P ratanras, dont nous trouvions trace. .

-6° BOUl'EILLAGE DE COATFAO.

Le comte de la Mcl.fCk av'ait vu contester, en 1741, son
, droit dE) ~ sonnerye et cueillette des Œufs »; M. de Madec
eût, q,uarante ans plus tard, à faire reconnaître judiciaire-

ment son droit de « bouteiLLage » (1).

« Le droit de bouteillage, dit Dom Lobineau (2) estoit un
« dGS plus considérables (des droits féodaux). Les seigneurs
« levoient de ' grands droits sur la vente du vin et de tous
« autres bruvages, comme la cervoise, le medon ou hydl'o-
« mel, le piment (3) et le cidre. » ,

Le bouteillage de Coatfao consistait dans Je droit de pré-
lever « un pot ou bouteillée de cinq pintes (4) ,de' vin et
« deux denrées de pain de chaque vaisseau qui entre et
« décharge vin en la rivière de Quim'per, » c'est-à-dire,
comme il est expliqué, « aux quais de ' la ville » (5). Il
semble même que la bouteille poùvait « être prise d'une
« de trois barriques que le seigneur pouvait faire percer

« pour en avoir le choix. » (6).
L'exercice de ce droit était très-ancien, puisque, à
l'appui de l'aveu, il était produit .en 1641, des baux de bou-

(f) Voir la procédure aux titres de Coatfao et Pratanras. Arch. départ.

(2) Dom Lobineau, tome 1 , page 20f, Livre VI. CX. On a fait du
vin en Bretagne, Voir Appendice B. '
(3) Pimaut, pigment, piment. Vin rouge pl'éparé avec des épices.

Encor vous cn JUI'e et temomg,
Le pal u ct' en fer à témoi ng, ,
Que je ne beurrai ·le piment

Devant un an, si je ne ment.
de RoqueflHt.)
(Roman de la Rose. , Diet .

Je dois cette citation à noti'e confrère, M. Luze!.
cinq pintes
(4) La pinte (mesure ' de Paris) était de 4, lib'es 607 :
valaient 23 ht. 28 cellt.
(0) Inventaire des pièces à l'appui de l'aveu de f6'38 . .,- Il semble
que la perception des denrées de pain était tombée en désuétude.

(6) Procé({. de 1781.

de ce droit est porté en charge dans le compte rendu en
M. de Madec rompit avec l'usage et fit. lui-même percevoir
le bouteillage;. mais i·l avait ma.! choisi son commis (2).
C'était un homme d'assez mauv9ise mine, et qui, je le soup­
('on ne, devait largement user de la faculté de goûter le vin
avant d'arrêter son choix.. .
Le 26 novembre 1781) la barque le Saint-Jacques;
commandée par ]e patron .Mathurin Doré ... venàitd'accoster.

Le déchargement commençait; et; parmi les barriques dé­
barquées, il yen avait plusieurs à, l'adresse du sieur Claùde-.
Philippe-Thérèse Boutibonne) marchand tout récemment
établi à, Quimper.·· .
Le commis arriva portant d'une main une bouteille
aux armes de Coatfao) et de l'autre un
d'étain écussonnée

perçoir. Il était déjà, ivre) et) par comble de malheur, il
avait le. vin taciturne.
Il avisa une des barriques du sr Boutibonne) et, sans
mot dire) il se mit à, la percer: Le · sr Boutibomie ne le
connaissait pas ... non plus que l'équipage du navire; et il

(1) Le sommaire du compte De fait pas connaître l'évaluation du .
droit. . . '
. En 1648. Jacques d; Jauréguy,. seigl~ellr de Lestrio\ll'ez, P1'()curcur .
et econorne dudit drOIt, en prend charge pOlir dix
fiscal de Coatfao
à raison de 24 livres par an. '
années
En f 735, le comte de la Marck « l'afferme, pal' adjudication publique
« à éteinte de feux ll, ct après trois bannies affirmée,.. sous serments pa;

« c~~x 911i les .?n.I faites, pOUl' cinq ans et.à raison de 30 livres pal' an. ))
C etaIt, para:tt-Il Irop cher. car, avant le terme du bail, en 1737 le
droit est loué po')r 25 livres au sieur Bougèant. . '
En 1751, le même en donne 36 livres.
revellllS de 1771 évalue le droit à 30 livres.
L'état des
. L3 modicit,é du fermage peut étonner. EII effet; la bouteillée de Coatfao
etant de 23 Irtr. 2g cent., la perception sur 10 navires était de 232 litres
80 cent., ~lus, d'll~e d~ nos.barriques. De nos jours, le fermier du droit,
devenu adJu~hcataue a 30 hvres eût fait une bonne affaire. .
(2) Le m?t commis s'employait au dernier siècle dans un sens plus
large qll'au,jourd'hui. Voir di ct. de Trévoux.

-6 BOUTEILLAGE DE COATFAO.

, Le comte de la Md.rck avait vu contester, en 1741) son

droit d~ ~ sonnerye et cueillette des "Œufs »; M. de Madec

eût, q,uarante ans ' plus tard, à faire reconnaître judiciaire-
ment son droit de « bouteiLLage » (1).
« Le droit de bouteillage, dit Dom Lobineau (2) estoit un

« des plus considérables (des droits féodaux). Les seigneurs
« levoient de grands droits sur la vente du vin et de tous

« autres bruvages, comme la cervoise, le medon ou hydl'o:-
« mel, le piment (3) et. le cidre. » .
Le bouteillage de Coatfao consistait dans Je droit de pré-
lever « un pot ou bouteillée de cinq pintes (4) ,de' vin et
« deux denrées de 'pain de chaque vaisseau qui entre et

« décharge vin en la rivière de Quimper, » c'est-à-dire,
comme il est expliqué, « aux quais de ' la ville » (5). Il
semble même que la bouteille pouvait « être prise d'urie
« de trois barriques que le seigneur pouvait faire percer
« pour en avoir le choix. » (6).
L'exercice de ce droit était très-ancien, puisque, à
l'appui de l'aveu, il était produit .en 1641, des baux de bou-

(1) Voir la procédure aux titres de Coatfao et Pratanras. Arch. départ.

(2) Dom Lobineau, tome 1 , page 201, Livre VI. CX. On a fait du
vin en Bretagne, Voir Appendice B . .

(3) Pimallt, pigment, pimen t. Vin rouge préparé avec des épices.
Encor vous en jure et témoing,
Le palu d'enfel' à témoing, .
Que je ne beurrai ·le piment
Devant un an, si je ne ment.
(Roman de la Rose . . Dict. de Roquefort.)
Je dois cette citation à noti'e confrère, M. Luze!.
(4) La pinte (olesure de Paris) était de 4, litres 657 : cinq pintes
valaient 23 ht. 28 ceut.
(5) lnventaire des pièces à l'appui de l'aveu de 1638 . .,- Il semble
que la perception des denrées de pain était tombée en désuétude .

(6) Procéd. de 1781.

teillage remontant sans interrurt.ion a 1589; et le produit
de ce droit est porté en charge dans le compte rendu en
1501) pour les dix-huit années précédentes (1). .

M. de Madec rompit avec l'usage et fit.lui-meme percevoir
le bouteillage ;. mais ï'I avait maJ choisi son coml1~is (2).
C'ét.ait un homme d'assez inauv8ise mine, et qui, je le soup­
conne devait largement user de la faculte de goûter le vin

avant d'arrêter son choix. . .
Le 26 novembre 1781, la barque le Saint-J aeques .,
commandée par ]e patron Mathurin Doré" venait d'accoster.

Le déchargement coù:lInençait; et; parmi les barriques de­
barquées, il yen avait ph;tsieurs a l'adresse du sieur Claude-
Philippe:.Thérèse Boutibonne, marchand toutrecemment

établi a Quimper.·' .

Le commis ' arriva portant d'une main une bouteille

d'étain écussonnée aux armes de Coatfao, et de l'autre un

perçoir. Il était déja ivre, et, par comble de malheur, il
avait le. vin taciturne.
Il avisa une des barriques du sr Boutibonne, et, sans
mot dire, il se mit à la percer~ Le sr Boutibonne ne le
conl1aissai t pas" non plus que l'équipage du navire; et il

(f) Le sommaire du compte ne fait pas connaître l'évaluation du .
droit. . . .
:1648. Jacques d:l Jauréguy,. seigl~eut' de Lestriollrez, procurcur
fiscal de Coalfao et econorne ducht drOIt, en prend charge, pour dix
il raison de 24 livres par an.
années
En f 735, le comte de la Marck « l'afferme, par adjudication publique
« à étejnt~ de feyx »: ct après tr.ois bannïes af~rmée" sous serments pa;

« c~~x 911I les .!w.' faltes, pour cmq ans et à ra!son de 30 I!vres par an. l)
C etait, paraü-II trop cher, car, avant le terme du bml, en 1737 le
droit est loué po')r 25 livres au sieur Bougeant. '
En i 75i, le même en donne 36 livres.
L'état des revellllS de 1771 évalue le droit à 30 livres.
. V1 modicit.é du fermage peut étonner. En effet·, la bouteillée de Coatfao
etant de 23 lltr. 21:l cent., la pel'ceplion sur 10 navires était de 232 litres
8~ cent., ~lus. d'Il~e d~ nos.bal'l'Ïques. De nos jours, le fermier du droit,
devenu adJu!hcatalre a 30 hvres eût fait une bonne affaire. .
(2) Le, ID?t CO~n1n:is s'~mp}oyait au dernier siècle dans un sens plus
large qll aU.lourd hUI. VOIr dlct. de Trévoux .

ignot'ait le droit du seigneur de Coatfao. SUl'pris de la li-
berté que prenait cet homme ivre, il s'avança vers lui en
demandant des explications. L'autre, sans rien répondre ...
continua sa besogne. Le ' siéur Boutibonne à bout d'arg-

guments le menaça de coups dl3 cannes (sic) ; et, comme
les menaces n'avaient pas plus de succés que les observa-
tions, pour en finie, il prit la bouteille et la jeta à la ri-
vi~re. La mer était haute et la bouteille entraînée' pal'

son poids disparut. . '. .
Le percepteur, auquel cette incartade avait rendu la rai­
son, recourut à son seigneur, et lui rendit compte, sans
insister probablement sur sa maladl'oite obstination. Sans
perdre un instant,. M. de Màdec présente requête au juge
de l'Amirauté (1) pour qu'il « soit fixé heure et jour pour

« l'audition des témoins, . qu'il soit ordonné qu'il sera par '

~ le- siég'e descendu à la pl'Ochaine basse marée pOlir, en
« sa présence, fail'e extraction de la bouteille et être
« dressé procès-verbal de son état, - faire défense .
« au capitaine Mathurin Doré de délivrer les vins de son
« chargemeo.tavant que le droit ait été acquitté; et,
« pour être présent à la de$!cente, permettre d'assigner le
« sieUr Boutibonne. »

La requête esf signée de Me Robin substituant ' Lavau,
procureur; elle est répondue par le lieutenan t Théophile­
Marie Laënnec (2) ; le sr Boutibonne est assigné.

A cinq heures du soir, la mer étant basse, le lieutenant
délégué arriva sur le qt1ai,accompagné du procureur du
roi, et assisté de son greffier, M. de Madec avec sori

. (1 ) « L'Amirauté est une juridictiQn attl'ibnée au Grand Amiral de
( France, qu'il exerce par ses lieutenants particuliers ou généraux. ))
les lieutenants particuliers sont établis dan~ tous les ports. Ferrière.
V. Amirauté.
« Ces tribunaux connaisseut de toutes les actions procédantes du
commerce qui se fait par mel·. )) Denisart. V. Amirataé.
(~) I.e père du célèbre médecin.

l'Odet coulai.ent limpides-comme aUJourd hUI et la bouteIlle
fut vite reteouvée. Un homme du .port alla la pêcher et
reçut vingt sols pour sa peine. Il fut constaté que la
bouteille « n'avait subi aucun dommage. »
Le droit fut perçu et les parties furent ajournées au
lendemain « attendu la célérité que requiert · le fait. »
Communication au procureur du roi fut ordonnée.
L'audience ouverte, le sieur Boutibonne s'excusa, comme
il avait fait la veille, de sa vivacité, par son ignorance du
droit du seigneur de Coatfao, et par l'obstination du commis

toute explication ; il protesta, d'ailleurs, de
à lui refuser
et de son obéissance au droit.
son respect pour M. de Madec
Le seigneur 'de Coatfao admit ses excuses; « et · le siége,
« ouy les parties et le procureur du roy, ordonna que le
( droit appelé le bouteillage de Coaifao continuerait d'Mre
( perçu comme par le passé; et condamna le sieur
« Boutibonne aux frais de. la descente et aux dépens
« liquidés à 20 livres 16 sols et 6 deniers. »

. Notre revue des droits seigneuriaux terminée, reste une
dernière question: le seigneur de Coatfao et Pratanras
était-il sergent Jéodé de la cour des Regaires de Cor':'

nouailles, c'est-à-dire de la justice séculière de l'Évê-
que' ' . .'
Le sergent Jéodé ou fieffe c'est-à-dire pourvu d'un fief
chargé des notifications et
était, dans l'origine, un officier
de l'exécution des jugements, et en même temps de 'la per­
ception des revenus du seigneur. Nous l'appellerions au­
jourd'hui huissier et receveur. Plus tard, il cessa de faire
, la perception où, comme l'on disait alors, . « l'amas ou la

cueillette » des revenus, et ne garda plus que la première
partie de ses attributions; il en . ~tait ainsi à Quimper au
dernier siècle, l'évêque ayant un recevéur (1). .
Avec le temps, et ... pour une causé que nous dirons plus
loin, de trés-graud.s seigneurs devinrent sergents féodés,
du Duc de Bretagne, témoin, pour n'en citer qu'un seul; le

baron du Pont (2). .' .

En pai~mel?t de se:::; services, le !::î81'gent féodé recevai t

une terre, dont.le revenu .lui tenait lieu de salaire ou de

gage, pour les notifications et exécutions faites à la requête
du seigneur: cette terre se nommait gage de La serg.en­
ter?e. Pour les actes notifiés à la l'eq uète des parti~s le ser­
gent féodé était salarié par celles-ci, comme les hUlssiees
d'aujourd'hui. .
Mais la plaidoirie étant fo'rt t'are en Bretagne (3), les
sergents trouvèrent à propos de suppléer aux salaires qui
étaient ou leur semblaient insuffisants . Entre aùü'es expé­
dients" ils s'avisérent d'irbposer «. les hommes de leur
« gage, » de perceptions abusives que réprimèrent les or­
donnances des Ducs (4). C'était une somme d'argent
comme ètrennes, au premier jour de l'à~" sous le nom de
hoc in anno, (5) un chapon vers le carnaval, des œufs
au temps de Pâques, une gerbe ou un boisseau de blé à
l'~oût, . un muid de cid"l'e ou de vin, lors de la récolte des

pommes ou du raisin (6).

(t) Mais lors de la Réformatïon de 1.539, le scrgcnt féoclé de l'Evêque
recette. .Voir ci-dessous p. 87, note 2.
faisa it encore la
(2)VOÜ' tre partie. Seigneu rs de Coatfao. !ean II du Pont: Je' nc puis
ici; mais je reviendrai quelque JOUI' SUi' cc pomt dau& une
insister
étude sur tG3 Sergents féodés. .
(3) Voir ci-dessus p. 59.
(4) Notamment la Constitution de Jean V. V. ci-dessus, p. 78_
Il faut lire la Philippiq1J e d'Hévin contre-les l'xaçtions des Serge.nts.
Consult. IV. V. au~û Questions féodales, p. 277 et suiv.
(5) Ménage a rapproché ce mot de Aguilalleuf ou Agllinannée.· Voit'
de M. Le Men (sui' l'Aguilanneuf, p. i77).
Etudes historiques
(6) V. plus haut P, . 80 et plus loin ApPE~DICE B .

La cueillette des œufs faile à Pâques par le seigneur de
Coatfao. sur le fief épiscopal de Quimper, a paru à Hévin

« une rénovation des rapines des sergents; » et, de ce fait
mal interprété, je crois, il a conclu, comme nous l'avons vu,
ue ce seigneur était sergentféodé de la cour des Regaires .
mets de penser qu'il s'est mépl~is, et je vais essayer de le .

démontrer.
Se1'O'ent féodé de l'Evêque, le seigneur de Coatfao aurait

d.ù de toute nécessité, l'endre aveu à l'Evêque, pour son
gage, or il ne rend pas aveu. D'un autre côté l'Evêque, dans
un aveu au Roi de 1682, ne mentionne pas la sergenterie

de Coatfao (1).
Sans gage, pas de sergent féodé. - Quelle était donc le
gage de la sergenterie deCoatfao ~ . Ce n'étaient as-
surément pas les deux maisons de la ville dites de Coat~
fao, puisqu'èlles étaient assujetties à une rente. Les

4 sols monnaie réclamés sur ces maisons les assimilent à
un grand nombre d'autres, on pourrait dire à toutes les ' ,
maisons de la ville close (2).
Or, si les maisons de Coatfao avaient été données en
gage ou paiement des services du sergent, elles n'auraient pu
être soumises à aucune autre redevance que ses services. -
. .Vous allez voi'r un exemple de cette règle pris dans le
même aveu de ]682.

Le silence gardé par l'évêque su:r la sergenterie de Coat-
fao ne peut être le· résultat d'une inadvértance,' et il. est
d'autant plus significatif que, dans. le même aGte, l'évêquè
prend soin de mentionner un li.eu donné en gage de .sergen-
ierie jéodée. . .

. W Les anciens titres de l'Évêché de Cornollailles ont presque tous
dIsparu en 1793. C'est une perte irréparable pour l'histoire Ile Vuimper.
. (2) Sallf trois ou quatre appartenant au Roi, me dit M: Luzel. Voir
Cl-dessous, page 87, note 2. . . " ,

On lit en effet un peu IJlus loin dans l'aveu au Roi,

«' Connaît aussi le seigneur Evêq ue être dû :
En la paroisse de Lanniron la foy hommag~ ....• etc. et
éheffrentes. comme il s'ensuit: .

Sur le manoir de Pouiguinan . . . . . .

Sur le château de Pratmaria, sergerite-

rie féodée. . » »

Sur le village de Kerbaley ....... .
Sur le manoir de Kergoadalez . . . . . » 17 »
Etc., etc. .
ne là résulte clairement: ·
1 0 Que la terre donnée en gage de sergenterie n'es t sou-
mise à aucune autre redevance que les servir:es du '
sergent; .

2 Qu'en 1602 le possesseur de Pratmaria était investi de

la sergenterie. '

Or, le seigneur de Pratm.aria était à ce moment Guil-
laume Du Haffond., seigneur de Lestrédiagat (1) .
Un siécle et demi auparavant, le . sergent féodé des Re-
gaires était un sire la Réformation du domaine royal à
le pr'océs-verbal de
Quimper (1539), que le sergent de l'évêque était « noble

(i) Aveux de f682 et i&92, qtl~a bien voulu me communiquer M •
Créac'bcadic, notaire à Quimper, propriétaire actuel de Pratmaria. -
Cette terre, comme <)U' le voit par les aveux de l'évêque el du seigneur,
relevait ponrpartie de l'évêque et pour partie du prieuré voisin de .
Locmaria. Les seuls aveux que possÈ'de 1\1. Créac'h :adic sont rendus
à la prieure de Locmaria; et I.laturellement ne mentionnent pas la ser-
genterie des Regain:~s. ' _
(2) Famille très ancienne ef très distinguée de ce pays. Les Coata·
nezre avaient enfeu aux Cordeliers;' de :1436 ' à :1480, sept d'entre eux
y ont reçu la sépulture, et deux autres, en i!500 et f!537.
Extrait du nécrologe des Cordeliers, communiqué par M. Pol de
Courcy. ,

« écuyel', Richard de Coatanezre) sieur de Kerpaen, à cause
« de sa di te seigneurie » (1). · .
Ainsi en 1539, la teL're d~ Kerpaenétait le gage de la sei-

~eu rendu par l'évêque en 1682. Ce fief avait donc été
la 'Réformation, et l'évêque avait donné Prat­
aliéné depuis
maria en g.age à un autre sergent.
pour nous résumer, en: 1682-, au temps même où

Rèvin affirmait que le sieur de Bienassis, seigneur de Coat-
fao, était sergent féodé de l'évêque, le prélat déclarait que
gage de sa sergenterie était le manoir de Pratmaria, et
nous savons par les titres de cette terre qu'elle était à ce
moment auX mains .de la famille Du B affond.

Dira-t-on: « Mais l'évéque de Cornouailles n'avait-il pa$
.plusieurs sergents féodés? »r .
Ce n'est pas probable puisque l'aveu de 1682 n'en men- '.
tionne qu'un; et la justice des Regaires était trop peu oc-
cupée pour comporter plusieurs sergenteries. .
Et puis quel intérêt les puissants seigneurs, possesseurs
de Coatfao, auraient-ils eu anciennement 'à devenir sergents
féodés de l'évêque? .

Qu'un grand seigneur, fût-il baron de Pont ou sire de
Rosmadec, ambitiomiât une sergenterie du Duc, cela se

comprenait. . Pourquoi? Sans doute parce que « la 'hauté
« j u~tice était naturelle aux [J.ages des sergents féodés du
« Duc» (2) et le seigneur quelque puissant qu'il fût déjà,

n'était pas fâché d'ajouter une 'haute justice à celles qu'il

possédait ailleurs. C'est pourquoi les sergents jéodé-s du
au point que ,Fr~nçois II, sans respect '
Duc se multiplièrent

. (2) Arch. départ: Notre v!ce-pl'ésident, M. Luzel,. archiviste, s'occupe
~n ce momellt merne de resumer et de rendre lIsible pour tous cet '
Importa.nt d,o~.mment. Le sergent est mentionné à propos ' de la
perceptwn d nne rente. • .
(2) Héviu (Questions féodales), page 209.

pour la possession acquise, prit le parti, en 1486, d'en
réduire le nombre à cinquante-deux pour tout le duché (1).
• Mais l'évêque' de Qllimper et les autres ' seigneurs
hauts j llsticiers ne possédant leurs hautes justices que par
une sorte de délégation, la haute justice , ne pouvait être
attachée aux gages de leurs sergenteries. . '
motif aurait donc , porté les seigneurs du Pont,
Quel
possesseurs de Coatfao jusqu'àprès 1539, à devenir sergents
féodés de l'évêque? Croirons-nous qu'ils aient cherchè dans

la sergenterie des Regairesune occasion de lucre, lorsque
nous avons vu l'un d'eux assez insouciant de son fief de

Coatfao, qu'il n'avait sans doute jamais visité, pour négliger
d'en percevoir les revenus pendant dix-huit ans?
Concluons donc hardiment, contre l'opinion cl"Hévin, que

le seigneur de Coatfao n'était pas sergentféodé des Regaires
de Cornouailles. ,

M. de Madec ne devait pas jouir longtemps' des droits
seigneuriaux de Coatfao et Pratanras. Il n'avait que ,qua­
r:wte-huit ans; impatient du repos,il avait demandé et
allait obtenir do. service comme colonel (2) ; mais ses nom-
breuses blessures se rouvrirent et il mourut, le 27 juin 1784,
dans la; maison qu'il s'était construite rue du QU,ai (3). Le
lel1demain, il fut inhumé dans une des quatre tombes qu'il

Ct) Dom Lobineau'- J; page 76f.
li- y avait dix sergent ,~ féo1.és du duc pOUl' l'évêché de Cornouailles.

pal' Dom Maurice pO\lr 1462 (Tome II, page 2),
Dans la Iist.e 'donnée
je relève les noms des sireS' du Pont, de Rosmadec; du Chastel, de
P lœllc, d'li n Lezongar (qlli n'était pas seie;neur de P ratanras). Hévi n,
pour prouver que de très-grands seigneurs êtaient sergents féoMs, cite

seigneurs du Pont, de Rosmadec et de Plœuc. (Questions féodales,
les
(2) Année littéraire tôme V de f784, p. f7.8. .
il faut lire
(3) Acte de décès, Saint-Mathieu'. L'acte dit sU?' le quai:
rue du quai, appelée aussi rue du sel. v. plan de F64.

't co;nme seio'neur de Pratanras, devant l'autel de
poss al, l?
l éO'Iise des Corde1 iers (1). .
M, de Madec laissait quatre enfants. Deux étaient nés
au 1'100'01 et les autres à Quimper et à Pratanras, L'aîné,
Bal(ha~ar-René-Félix, âgé de seize ans en 1784, était à
l'école militaire, Il devait vivre presque son siècle (2), Une
fille mourut enfa~t en 1791, l'autre sans alliance, Le frère
et la plus jeune sœur ont continué la descendance de M. de
Madec (3).
Mme de Madecdevait suevivre à son mari plus d'un demi-,

siècle et beaucoup de personnes habitent .auj.ourd'hui

Quimper qui l'ont connue (4). .
Le 15 octobre 1793, le comité "le surveillance de Quimper
al'racha Mme de Madec à ses jeunes enfants, et la fit détenir
à Kernisy comme aristcc . '~:f.] , Six jours après, il la faisait

mettre en liberté par ce motif entre autres « que son mari
'C( n'avait dù les distinctions dont il avait été décoré qu'à

son mérite (5). )) . Dernier et significatif hommage rendu au
patriotisme de M, de Madec.!, . .

Vers cette ép.oque Balthazar de Madec émigra (6), et sa
mère ELIt de nouveau anètée, cette fois comme mère d'émi­
gré. Mais, par arrêté du 26 fructidor an II (12 septembre

(f) L'inhumation est. congignée à un registre sur vélin conservé aux
AJ'chi~'es de la mairie de ()uimpel'. Ce registre est le dernicl' nécrologe
des t:ordeliel'8 11 relate les inhumatiolls qui ont eu lieu depuis 1682
jusqu'à la suppre3sion du couvent.
(2) ,Né ~t baptisé à Agra (Mogol) ' en février 1768, mort cl Pl'atanras,
le 16 .lanvlCr 1865. .
(3) V. Appendice C· •

(4) Née .C!l, 1!53 (?ete de bllptême rapporté à Agra (Mùgol), f6 aotH
q53. .\tance a treize ,ans, en 1766 (mariélge à Pa pllnd Il province ,

d Agl'a) , Morte le 26 avnl ,184i, à Quimper, dans sa 88 anllée.
(5) ~egist/'e des clélibératioll~ dll Tl'ibunal du Comité de surveillance
dc QUIlUjtCl' ou Montagne-sur-Odet, conserv~ aux archives du greffe. '
(6) Il figure Sil/' la liste des émigrés dressée en vertu , de la' délihél'a.
de !a commission administrative du Finistère (6 décembl'e 1793). Il
bon
est qualIfié d'officier d'infantel'Ïe. . •
BULLETIN DE LA, Soc. ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. ' TOME X. 7

1794), elle fut l~elâchée 'et renvoyee à[ PClthal's) c'est-à-dil'e
à Pratanras (1).
Depuis ce jour., la vie de Mme de Madec s'écoula paisible .

Douce) bienveillante, entourée d'affections, elle vivait retirée

et mélancolique (2). Elle regrettait le soleil,qui avait brillé
sur ses années de jeunesse et dont notre soleil n'était à ses

yeux-qu'un pâle reft.et. Elle mourut à Quimper, le 26 avril
1841, et fut inhumée au cimetière de Penhar::;., Quelques
années après, la ville de Quimper fit abattre l'église des
Cordeliers) dévastée en 1793 (3), pour bâtir une ,halle. Les
restes de M. de Madec furent exhumés et déposés dans la
. tombe qUI avait reçu sa veuve .
, A quelques pas 'de cette ' tombe, se voit celle de M. Le
Goaezre de Kervelégan, mort en 1825, le dernier « sénéchal
« de Quimper et premier magistrat de Cornouailles. »

Que de fo is,"~en :,):1,:~ant à Penhars, je" me suis arrêté
devant-les tombes du dernier seigneur de Coatfao et Pra-
tànras et du dernier sénéchal de Quimper! Elles évoquent

le souvenir d'un ordre de choses disparu) dont moins d'un
siècle nous sépare et que nous ne connaissons plus ....

J. TRÉVÉDY.

(f) Registre du Comité de surveillance.

, (2) « Elle est peu répandue dans les sociétés » dit le Comité de sur·
veillance clans son ridieule langage. .
' (3) Le 12 décemhre 1793, jour dt) saint Corentin, l'église fut saccagée,
ou brisées, le, tombes al'Illoriçes marte·
les statues des sai lits brûlées
lées. Et les héros de cette triste journée s'imaginaient, dans leur dé­
que ces honteux expll)its égalaient leur patriotisme à celui des
mence,
et des Madec ! -' ~
d'Assas

A.PPEN·DICE •
A (Page 64).

Le procès-verbal, du s,èn~chal ne conti~nt pas ,m.oin~ de
vingt-trois page,!? dune ecrIture serrée. C est le reClt dune
véri table Odyssee. . ,, ' . ' . .
Le sénéchàl se rend d'abord a l eghse de Samt-Co.rerrtll1,

puis il visite l'église de Saint-François, 'puis la cha-
Pemtv. . . .:
Pendant ce ter'f)'p.s: le.s chevaux ont été sellés. Les magis- .
trats les enfourchent ' et par.tent pO~J~ Penh:;rs, et. de la. se
rendent a Pluguffan. ICI les VIslteurs eprouvent une

désagréable su.rprise. La P?inte de" ce. j.oli clocher ,qui se
dresse si hardanent au mIlIeu de l egl1se es.t tombee sur
la toiture du chèBur qu'il ~ enfoncée, et la vitre du chevet
· est brisée.
Le recteur, Mre Michel Ri ollay est app.elé" et .« juré sur
« ses saints ordres d'ètre purgé de conseils, affection et ·
· « pollicitation » il « dit ladite église et couverture avoir
c( 'été ruinées par' le t.onner)'e en janyier dernier. » M.alÎs il
montre un fragment de vitre au.x armes de Co~tfao trouvé
par lui dans' les décombees, « vitre qu'il avait touj.ours vue
« a la fenêtre du chevet. » .
Les magistrats remontent a cheval et se hâtent vers
visite faite, le soir est venu, et il
Plonéis. Cette dernière
leur est gl'and temps de (c retoumer a leurs demeuran­
« ces a~Quimper. »
Le lendemain" l'Aurore en s'éveillant pu voir le sénéchal,
le procureur du roi, le greffier et le présiden.t aux enquêtes
trottant sur la route de Locronan.
~n entrant dans::cette ville ils visitent la : chapelle de
Samt-Eutrope. .
s.eigneu(~le Pratanras est en même temps sei­
Mais le

gneur du RIble" grande tel're en Plomodiern. La visite des
préé0inences de Pratanras estfinie, ceile deslprééminenç-es
du RIble va commencel'. .
Le Sénéchal visite l'église de Saint-René (Renan ou .
~onan, il s'agit de · l'ég lise paroissiale de ·Locr-nnan) Puis
1.1 part pOUl' P!ot11odiel'n, o~i. il visiL' l'église' paroissiale et
la c~a:pelle Smnt-Yves, pLllS. celle de Saint-Corentin a une
d~mI-I,Ieue. Ce'"n'est pas2totit .: le ~eigneur du Rible a une
VItre a Notre-Dame du Ménez-Hoin et une autre a Saint

Jean de la paroisse de Saint-Nic. Il faut donc gravir le
Menez-Hom et de la se rendre a Saint-Nic .
Après quoi, le sénéchal et sa suite allèrènt sans doute,
goûter au manoir du Rible situè a peu de distance, un repos
trop chèrement acquis. . .

B (Page 80) .
On a fait du vin en Bretagne et on en faisait encore en
dans l'arrondissement actuel de Fougères.

après la phrase que j'ai citée, 'page 80,
Dom Lobineau,

ajoute: . .
« Outee les vins étrangers que l'en faisait venir d'Anjou
. « et d'ailleurs, la province avait les Slens, et l'on culti-

« vait de tous côtés les vignes, sans doute avec plus de
« soin que de succès . . Il y en avait dans le pays de Dol,
« dans celui de Rennes d), a Montfort, à Dinan et aux en-
:« virons, même a Fougères et a Savigné (2), pays plus
« propres a fournir du bois, du gland et du chal'bon q~e .
« du vin; cependant on y en faisait; et les seigneurs de
« ces lieux nJétalent pas de ceux qui fissent le moins valoir
« leur droit de bouteillage. »
On peutrapprocher.de cette dernière phrase ce que rap­
porte Hévin '(Consultation IV) : Le marq uis de RomilIé,
seigneur de la terre d'Ardenne, office de sergenterie de la
cour de Fougères, prétendait, en 1684, percevoir des justes
de vin sur le bailliage de Saint-Georges de Restamba\llt
-(aujourd'hui Reinthembaut, arrondissement de Fougères).
On faisait donc du vin, il y a deux siècles, aux environs .
Fougères où le raisin ne mûrit plus. .

Mais Dom Lobineau ne dit pas qu'on ait cultivé la vigne
dans le Finistère; et il ne fau t pas que le nom de rue des

Ve.ndanges, donné à lB: rue de Quimper oùj'éceis ces lignes,
Ce nom est une traduction maladroite du
fasse illusion.
nom de Vicus Vineœ que · portait anciennement la rue .
UEvèque dans son aveu au Roi de 1682 traduit trés-exacte~
ment rue de la Vigne. Vinea s'entend aussi bien d'un cep,
d'un pœd de vigne que d'un vignoble ; mai~ n'est pas syno­
• nime de vindemia, et ne peut être traduit par le mot ven­

danges .

(f) Il est de traùitiofJ à Hennes que le vin de l'abbaye de Saint-
Georges était en réputation. .
. (;.1) Abbaye fondée en f f 12 dans la forêt de Fougères, par Raoui de
Fougèresl pour Vital, compagilOn de Robei't dl Arbrissel.

C (Page 89).

~Jal'ie-llenriette, la plus jeune des filles de M. de Madec,
née û. P l'atûlH'a " en 1782, .a. épousé ~ona ven ture-A~gustin
d'A,uphel'l1e t, issu d'une vlel!le famllle d.e N?rmandIe, que
d'anciens ct .(J'lorieux sou'veml'S rattachaIent a.la Bretagne.
[,,1. cl' Ampl~ei'~et était le onzième descendant ~le ~ertrand
d'Amphel'net,flLteuL de du Guesclm. ~ertrand etaIt cheva­
lier ... chè:.unbell~n du roi de Naval'reet chevalier du guet de

ln, vilte de Pal'lS, . •
Le connètabl'e, en devenan t le parrain du fils, récOIn­
pensait le dévoùment du père, resté avec tous ses proches '
invariablement fidèle à la cause française dans la guerre de
Cent ans. .
Richard, père de Bertl'and, avait été fait chevalier à la
bataille de Crécy (1346), où pour la première fois ~n
Europe il .f~lt fait usage du canon .. Il Y. con~ batt~i t auprès
du roi PhIl.lppe VI. Plus tard, Il defenult vaIllamment
et ayec succès la ville de Vire ; . mais dans une sortie, il
reçut seize blessures ·et fut fai t prisonniel'. Vire reconnais-
sante voulut payer une partie de sa rançon. ,
Michel, fils de Bertrand, chevaliel', seigneur de Mont­
chau vet, fu t e tanlbetlan du connétable A rthur de Riche­
lIwnt, puis chambellan du Roi et 'son maître d'hôtel en
En 1452, le connétable dé Richemont chargeait Michel
de convoquer et de présider la montre des nobles de la
vitomté de Vire, et de les faÎl'e armer et équiper.
En 145/·, un arrèt des Assises de Caen, le remettait
solennellement en possession , de sa baronnie de Mont­
chauvet, dont il avait été dépouillé, comme rebelje au roi
d'A ngLeterre, Henri V. . .
(Titl'es de la famille d'Amphernet).
PielTe de Rosti'enen, lieutenant d'Arthur de Richemont

et so~ gendl'e Jean II du Pont, seigneur de Coatfao, .ont
peut-etre combattu, sous les ordres du connétable au prés
de Michel d'Amphernet, dont les descendants p~ssèdent
aujourd'hui Coatfao. .

SÉANCE DU 10 MARS 1883

Présidence de M. le Vicomte HERSART DE LA VILLEMARQUÉ
MEMBRE DE L'INSTITUT

Etaient prés8nts : MM. FATY, TREVEDY, DE
KERJÉGU, DE BREMOND D'ARS, LUZEL, MALEN,

FOUGeRf\ y, LE MAIGRE, DE BÉCOURT, HARDOUIN,
DUCOU1{TIOUX, SERRET.
. M. de Blois, Secrétaire, s'excuHe par lettre de ne

pou voir assister à ]a séance. . .
Présentation et admission de nouveaux membres:
MM. Morel, Eugène et Ernest de Chamaillard, par
M M~ Trévëdy et Henry de Chamaillard; M. noul~gault

du Coud ray; par MM. Luze] et de la Villemarqué;
M. Nicol, juge de paix à Plougastel- Daoulas, par
MM. Luzel et Gustave Bigot-; M. Le Serree, notaire à

Pont-Aven et M. Le Maigre, capitaine à Clermont-

Ferrand par MM. Luzol et Le Maigre.
. . M. le Président dépose sur le bureau, pour la
Bibliothèque de la Société, les numéros du Journal des
Savants de Janvier et Février 1883 .
. Dans sa séance du 25 Mars 1882, la Société archéo-
logique avait émis le vœu que la façade de l'Église du '
Collège ne fût pas masquée par une des constructions
du Lycée. M. le Président est heureux d'annoncer
qu'une légère modification faite dans le plan priqlÏtif

donne pleine et entière I:latisfaction à la demande

exprimée par la Société. .
Chaque année, une somme de 400 francs est allouée
par le Conseil général à la Société 'archéologique du

Finistère. M. de la Vil1emarqué profite de la présence
de MM. de Bremond d'Ars et de Kerjégu, tous deux
membres du Conseil général, pour les remer?ier corç1i~­
lem81 t et il les pr'Ïe de vouloir bien exprïmer à leur~
collègues la reeonnaissan ce de la Société archéologique

pour cette allocation. ' , '.
la demande du bureau, les journaux de ' la
Sur
localité et du département seront invités à publier
l'ordre du 'jour et la date des séances de la Société.

Dans l'Annuaire du Finistère, qui vient de paraître,

il n'est fait mention ni de la Société archeologique, ni
du Musée qui pourtant y ont l~.mr place bien marquée.
M. de Bremond d'Ars s'en étonne beaucoup, et il de-
mande que dans la prochaine édition cette omission
soit réparée ,; il voudrait en outre qu'on s'entendît
a ,-ec l'éùiteur pour ins'érer d,ans 1'Annuaire une notice •
sur le département du Finistère. '
archéologique
La paroisse de Nizon possède un remarquable cal-

vaire dont la restauration faite au moyen de dons
Yolontaire~ et particuliers a été confiée à M. Larc'hantec,
l'habile sculpteur breton. ,
M. le Recteur de Nizon a prié M. le Conseiller gé­
néral du canton de Pont-A ven d'être son interprète
près de notre Société, pour qu'elle coopère à la restau-
ration de ce monument.. ' ,

Quoiqu'il n'y ait pas, de précédent, et uniquement
comme marque d'intérêt tout particulier, la Société
vote une somme de trente francs pour la restauration
' du calvaire de Nizon. .
La parole est donnée à M. le ' major Faty, pour la
)ecttlre du rapport sur les comptes -du Trésorier. :. - "

Après avoir fait observer que le recouvrement de la '

,.cotisation est souvent di.fficile à cause de l'éloignement

des so(:iétaires et demandé s'il ne serait pas possible

d'autoriser le Trésorier à employer la voie de la poste
pour le recouvrement des cotisations f8tardataires,

l'honorable rapporteur de la Commission donne les
chiffres suivants: .

Reliquat au 1 erjanvier 1881. • . . . .
Recettes en 1881.. . . . 2.304 f 80 c

Dépenses en 1881 . . ' . 2.088 12

t' en 1882.

En caisse au 1 janvier. . .. 2 . 105 f 17 c

Dans ce chiffre. remarque la Commission, est porté
en recette un mandat de 500 francs, allonés par ·le Mi~
nistère à la Société archéologique. du Finistère, sans
indication d'emploi spécial. L'affectation n'eût laissé

aucun doute, dit M. ,le Major Faty, si une lettre ex-
plicative adressée à M. le Président de la Société ar-
chéologique, lui fût parvenue avant notre dernière ·
séance.

Dans cette lettre notre honorable confrère, M. Hémon,
. député de Quimper, dont nous avons pu apprécier 'la
sollicitude et l'intérêt, explique d'une manière claire
et précise la manière dont sont alloués les crédIts par
' le ~1inistère aux Sociétés savantes.
t( ••••• Depuis que l'Etat a changé le mode de répar... ,

« tit.ion de ses subventions entre les Sociétés savantes,

« écrit-il, j'~ü cru devoir m'attacher à faire concentrer

. « Gale'i"[e des costumes bretons. C'est dans cet ordre
« d'idées qu'ont été allouées, pendant ces dernières
« années, des subventions d'un cara.c~ère excep-

« tionnel. . .
Cf Au début de 1882, j'exprimai l'avis que les besoins
« de l'entreprise parvenue à sa phase décisive exi-
« geitient pour cette année une somme de 4,000 francs .
« environ. . .

« Dès les premiers mois je fus avisé.d'une allocation
C( de 3,000 francs On m~ ' faisait espérer en même
« temps qu'on pourrait disposer d'une somme complê-
« mentaire sur le reliquat du crédit en fin d'exercice .

« Cette somme complémeùtaire est précisément celle
« de 500 francs accordée vers la fin de 1882. En

« tout cas les explications antérieures que j'avais'
« reçues ne peuvent laisser aucun doute: la so?nme
« a été allouée en considération de la Galerie ethnogra-
« ph/t'que et lui est exclusz'vement réservée..... Mais

« je crois pouvoir ajouter que dans une démarche
« récente près de M. le Directeur du service compétent
« j'ai exprimé le vœu q.u'indépendamment des al1oca­
« tions destinées à la collection ethnographiq lle, une

« subvention fut rétablie au budget des Sociétés
« savantes en faveur de la nôtre pour faciliter ses
« travaux courants. Soyez as.surés que je continuerai
« mes efforts dans ce sons. »).
Il Y a- donc lieu, conclut le rapporteur, de rendre
ce qui lui revient de droit à la Commission des cos-
turnes .bretons . et de .réd nire notre ·encaisse à 1.605 fl" .

Les- comptes de gestion du Trésorier sont d'ailleurs
reconnus exacts par M. Faty. M. le rappor~eur croît

seulement deyoil' faire les observations' suivantes:
1 Que la liste de sociétaires soit exactement tenue
au courant et que la colonne où est inscrite la radiation

des membres par une caJse ou par Ulle autre soit. rem-
plie afin de faciliter le contrôle du paiement des. coti-
sations.

2 Qu'un état de recettes, c'est-à-dire un résumé
indiqnant l'origine et la date des allocations ou des
entrées de fonds,. (les mandats de paiement restant

. entre les mains du receveur des finances) soit dressé
afin de faciliter les recherches q li 'il pourrait y avoir
lieu de faire à l'avenir .
En terminant, M. Faty fait remarquer que dans les

dépenses figure une note au compte de la section ethno­
. graphique et que par conséquent une réclamation devra.
être adressée à la Commiss~on des costumes.
Après diverses observations sur les travaux si inté­
ressants et trop peu connus de cette Commission,
travaux dont le contrôle et les progrès sont du do-
maine de la Société archéologique du Finistère et un
des titres d'honneur du département et de M. Beau,
leur directeur; il ·est décidé que la Société demandera
'. à notre honorable confrère, M. Astor, Maire de Quim­

per et Président de la Commission, un rapport de
nature .à éclairer le public sur la valeur de la galerie
des Costumes bretons, et à être inséré dans notre Bul-
letin. .
M. MaIl costumes . et en sentant toute l'importance, juge qu'Hs

ne doi vent pa~' nous faire onolier nos monuments cel-

tiques. M. le Président espère qu'ils ne seront pas
oubliés cette année; il rappelle que M. Henri Martin
s'est déjà occupé de ceux de Trégunc, et cite une
lettre de l'illustre académicien qui lui écrit en date du
26 janvier 1883 ':

( Nous contmuons avec succès nos opérations en .
Bretagne. Là a\lssi il y a plus que de la science à ,mes
yeux; ce que je m'attache avec tant d'ardeur à sau­
ver, ce sont les monuments de la foi de 110S pères en
l'immortalité. »)
Paroles remarquables et bien dignes d'être con-
servées.
par la lecture du Mémoire de
La séance continue
M. le Président Trévédy sur les usages féodaux des
seigneuries de Coatfao et de Pratanras ; elle est levée
à l'heure ordinaire.

POUl' le Secrétaire empêché,
A. SERRET.