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Bulletin SAF 1882


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Séance du 5 août 1882

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SEANCE DU 5 AOUT 1882

Frésidence de M. A UDRA.N, Vice-Président .

Sont présents : MM. Ducourtioux, V. Roussin,
Trévédy, Le Gendre, S. Moreau, Le Maigre, Laporte,
Bolloré, Malen, Luzel, Hardouin, Salzac, Faty, Maillot,
Covec, Cormier. .
Sur l'invitation du Président, ,et en l'absence àu

Secrétaire, M. Cormier accepte ces fonctions et prend,
place au bureau.
En conformité avec l'ordre du jour, il est procédé au
renouvelloment du burean. .

, Sont élus :
MM. Th. de la Villeniarqué, mem­
President:

bre de l'Institut.

Ft'ce-Presidents : Audran, juge de paix.
l'Abbé du Marhallach, vicaire
général.
Luzel, archiviste départe ..
mental.
Aymar de Blois, ancien con-
seiller de préfecture.
Cormier, a voca t. .
Secretcdre-adJoint:
Tresorier: Le Maigre, directeur de la
compagnie d'as~urances Le

Fz·nistère .
- t le Prl~sident proclame le résultat des élections et
in'e M. le Secrétaire à donnee lecture du procès­
ver, de la séance du 15 juillet. Ce procès-verbal est
ado~ \

On procède ensuite à l'admission de M. Gaverend,
Juge de paix de Pont-l'Abbé, présenté par MM. Trévédy
et Cormier. .

M. de la Villemarqué entre en ce moment, et
s'excuse d'e n'avoir pu arriv~r à l'heure fixée pour
l'ouverture de la séance. Son absence bien involontaire

est le résultai d'un retard occasionné dans la marche
du train. .
M. le Président lui fait connaître le résultat des
élections qui viennent d'avoir lieu et l'invite à prendre
le fauteuil de la présidence. M. de la Villemarqué prie
M. Audran de continuer de présider et lui demande
la parole pour remercier la Société du nouvel honneur
qu'elle lui fait.
M. de la Ville marqué donne ensuite lecture d'une

lettre du Ministre de l'Instruction publique, en .
date du 29 juillet, lui annonçant l'ordonnancement
d'une somme de 500 fI'. au nom de la Société archéolo­
à titre d'encouragement pour ses
gique du Finistère,
Société remercie M. le Ministre de
travaux. La
cette nouvelle subvention; elle remercie également M.
Hémori, député de Quimper, à l'initiative duquel elle
attribue, au moins, en grande partie cette libéralité.
M. Faty communique une lettre de La Tour d'Auver­
Nivôse an II. Cette lettre sera
gne, en date du 1
publiée dans notre Bulletin, par faveur spéciale et déro-

gation à nos usages.
M. Trévédy commence ensuite la lecture de sC'
travail sur les fiefs de Coatfao et Pratanraz, p~
interrompant cette lecture à la fin de la prem;e

il continue de lire les notes de M. Arthu
partie,
la Borderie sur la vie de saint Gouesnou.

A vant de lever la ~éance, M. le Président donne
communication des diverses publications offertes à la
Société:
1 Q Jou'}'Jwl des Savants, janvier, février, mars, avril,
mai, juin et juillet.
20 Bulletin de la Societé académ'l"que de Brest, tome
VII. 1880-188'1 .

30 Mémoires et docurnents publz"és par la Société

Archéologique de Rambouillet, tome V. 1879-1880.

. 4.0 Mé1noz"res de l'Acadénu"e de Nîmes, VIle série.
Tome III. 1880.

50 Societé des sciences et arts du Havre.

trimestre. - 1881, 3 et 4 trimestres.
_ 60 A n;~ales du Musée Gui'met, Revue de l' h1"stoire
des religions. Tome V, no 2. Mars et avril, mai et

juin, 1882. . . .
La séance est levée à 4 heures 45 minutes.
Le Secrétaire-adjoint,
. . CORMIER.

. COMMUNICATION D'UNE LETTRE INÉDITE DE LA TOUR-
'D'AUVERGNE, PAR M. LE COMMANDANT FATY .

Cette lettre n'a jamais été publiée, dit IV1. Faty, elle est
conservée dans les archives d'une des plus honorables
familles de la Bretagne; nous avons eu la bonne fortune
d'obtenir l'autorisation de la communiquer à notre Société

sans doute à l'imprimer, quoique notre règle­
qui tiendl'a
ment nous interdise absolument la politique. Comme tout ce
auteur ne saurait ètre indifférent,
qui rappelle son illustre
nous allons d'abord en donner une description aussi exacte
que possible~ Sa date est du 101' Nivose an II, de la République;
ou du 21 dècembre 1793; elle est adressée, des avant-postes
sous Fontarabie, à un jeune parent, élève d'artillerie, à
Mezières. La lettre .déployée présente une surface de 22 cen­
timètres sur 17, le papier en est commun, d'une teinte légère­
ment bleuâtre, les bords ne sont pas ébarbés, récrIture en
est correcte et très lif;ible. Destinée à un intime, à un parent,
le savant auteur des Origines Gauloises a écrit d'abon­
dance, dans le style et l'esprit passionnés de son ternps,
sans se préoccuper de quelques fautes, même d'odhogra­

phe, que nous ne prendrons pas le soin de rectifiel', voulant
laisser à cette pièce tout son caractère authentique. Elle
est pliée en forme de portefeuille, c'est-à-dire sans enveloppe;
extrémités n'est pas relevée à l'intérieur, en sorte
une des
que, quoique cachetée, en écartant les feuilles, un indiseret
pourrait en prendre connaissance; elle a été scellée au
. moyen d'un peu de cire rouge; sa suscription, dans certai­
nes parties, est presque effacée; cependant on y lit très-bien
destinataire ainsi que le lieu de sa résidence
le nom du
enfin, elle porte le timbre de Saint-Jèan-de-Luz et a é
taxée quinze décimes. . . .

(( 1 Nivose 1793, 2 de la République française,
une, indivisible et éternelle.

( Je reçois, mon cher parent, avec un pla.isir infini de vos
nouvelles de Mézières, après trois années de séparation;
je vou s écriYis de Bayonne, il y a près de 18 mois, par un
jeune homme des environs de Dax qui me fit accroire qu'il
allait se fail'e examiner à Chaalons pour entrer dans l'Ar-
tillerie; mais j~ay 'sçu depuis qu'il tint une autre l'oute et
qu'il passa làchement aux émigrés. Je suis bien étonné que
vous ne soyiez encore qu'élève dans votre corps" où il me
semblait que vous auriez déju. dù èü'e aussi avancé que je
le suis dans ~e mien" c'est à dire capitaine. Vous m'avez
adressé votre lettr'e sous la désignation dè généf'al; mes
talens ne sont pas de ceux qui mènent à ce grade, et il y a
apparence que je n'y parviendrai jamais ; ma santé et mes
forces phisiques étant presqu'entièrement épuisées, et ma
vue sm'tout s'éteignant de jour en jour, J'achève mes ,
32 ans de servioe y compris 5 eampagnes, dont 3 au service
de la République, ayant toujours été employé à la tétè des
grenadiers, aux avants-gardes de l'armé~, ou aux avant
postes. Aussi le tems m'a-t' il couromié de ses lauriers;
n'la belle chevelure est aujourd'hui blanche comme
neige. J'ai la certitude d'un congé d'hiver dont je dQis
pr'ofiter dans les 1 ers jours de ' janvier et que je compte
passer dans ma ('hamnièl'e de Lampaul, et en partie
chez ma nièce. 'Mou faible patrimoine a . été séquestré
comme si j'avais émigré, et tandis que\je combattais pour
ma patrie; vous voyez que je n'ai pas été exempt pour ma
part de quelques tribulations, mais je les compte pour rien,
si j'ay le bonheur de voir triompher la cause glori~use que
j'ay embrassé, celle de la libeeté et de l'égalité; je ne
varierai jamais pour ces sentiments que j'ay toujours eu au
plus profond de mon cœur. Notre armée se maintient dans

une position respectable vis à vis des Espagncls, quoiqu'in­
férieure de moitié en nombre à celle de nos ennemis .
Je suis bien faché, mon cher parent, que ma position ne me

permette pas,de pouvoir accourir au devant de vos "besoins,

I?-1ais je me trouve dans la nécessité moi-même d'emprunter
pour faire ma route. Les assignats ayant perdu jusqu'à ce
moment 50 pour cent à Bayonne, et ne recevant pas de
secours de chez moi, je me suis vû réduit à faire, à pied
et sans domestique, le's 3 campagnes que je viens d'accom­
plir; ne croyez pas que ce soit défaite de ma part; vous me
connaissez assez pour être bien assuré que de pareils
moyens ne sont pas ceux d'un caractère tel que le mien.
Comment avez vous pû imaginer que les brigands de lEi

Vendée ayent pénétré j usq u'à Carhaix ~ J'ay trop de con­
fiance dans la valeur et le républicanisme de mes conci­
toyens et de mes compatriotes les Bas Bretons pour me
prêter à croire qu'ils consentent jamais à" retourner sous le
honteux joug de l'esclavage. Souffrons de certaines priva-
tions, soyons pauvres, mais sachons apprécier aujourd'hui
notre existence morale comme elle doit être sentie de tout
être qui a de l'élévation dans l'àme, et tenons jusqu'à la
mort à nos sermens, à notre foy donnée à la patrie. '
« Votre parent et frère en Révolution,

« Le Républicain LA TOUR D'AUVERGNE CORRET,
cc Capitaine dans la 148- demie Brigade d'Infanterie Commandant les
Compagnies détachées aux avants postes de l'armée des Pil'énées
occidentales sous Fontarabie. )l

Cette lettre, remarque M. le commandant Faty, dans un
commentaire digne du sujet, est une page d'histoire. La
Tour-d'Au vergne a pris, sans s'en douter, le soin de se
peindre lui-mème. Ce portrait ressemble à celui qui nous a
été transmis par la tradition; nous y retrouvons le philo­
sophe ant~que, le solqat modeste et résigné aux souffrances
ainsi que le patriote austèrE)' qui place au-dessus
du métier,

de tout l'amour et la gloire de son pays, malgré l'injustice
révoltante dont il est victime. En lisant sa lettre, il semble
que, de ce passé déjà lointain,' arrive jusqu'à nous le souffle
ardent de patriotisme qui animait celui dont la bravoure
fut honorée du titre de Premier Grenadier de France, dis-

tmctlOn qUI, apres sa mort, cessa d'être accordée même aux
plus braves de notrej ancienne armée. Ces sublimes senti-­
ments, cette grande modestie, ce noble désintéressement
ne sauraient trop être médités et trop donnés en exemple
notre génération affolée d'ambition et insatiable de .
richesses. La Tour-d'Auvergne finit sa lettre en se dési-

gnant comme capitaine à la 148 Demi-Brigade, grade
auquel il avait déjà été promu le 29 octobre 1784, dans le
avait parcouru sa carrière et
Régiment d'Angoumois, où il
obtenu ses brevets de Lieutenant et de Sous-Lieutenant.
Nous avons voulu connaître quelle était l'origine de cette
148 Demi-Brigade; nos recherches, puisées à des rensei­
gnements provenant du Ministère de la Guerre, nous ont
démontré qu'elle avait été formée à l'époque du licenciement
des Volontaires de la République, avec le premier Bataillon
d'Angoumois, auquel appartenait La Tour-d'Auvergne, et les

7° et 11 Bataillons de Volontaires de la Gironde. Ainsi
donc, notre brave compatriote se trouvait encore dans son
nouveau corps, au miüeu de ' ses anciens compagnons
d'armes, près desquels il avait passé la plus grande partie
- de son existence militaire. Né le 23 décembre 1743, La

Tour-d'Auvergne,lorsqu'il écrivit cette lettre .. avait cinquante
ans; à cet âge, un officier prend ordinairement sa retraite;
certes, comme il le dit, les fatigues de la guerre, dans les
conditions où elle se faisait alors, devaient être des plus
pénibles. Cependant il ne témoigne aucun mécontentement,
aucune plainte, son amour de la patrie lui fait pardonner
au Gouvernement républicain, qui le traite en ennemi, et lui
se eonti-
inspire pour son pays ce sublime dévouement qui

nuera pendant sept ans encore, pour se' terminer par une
mort glorieuse, survenue le 27 juin ' 1800, au combat
d'Oberhausen.
M. Faty achéïe son intéressant commentaire par un
tableau qui mériterait de trouver un peintre. En 'passant
devant la tente du Pnmier Grenadier de France, dit-il,
quand elle s'ouvl'ait, chaque matin, au son de la diane, on le
- voyait agenouillé et priant Dieu, couronné de sa belle che­
vel ure blanche.