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UN DERNIER DEBRIS DE LA CHAPELLE SAINT-JEAN, A QUIMPER. 
Il existait autrefois, a l'angle de la rue Vis et du quai, 
du coté ouest, et dans l'emplacement de la rnaison nO 2, 
une chapelle dédiée à saint Jean. Elle s'ouvrait sur la rue 
Vis. Ses . dimensions étaient vingt mètres de long sur 
huit mètres de large, d'après le plan de 1764. Cette chapelle 
a été démolie, il y a environ trente-cinq ans. 
Un trottoir vient d'ètre .construit le long du quai; et une 
borfle plantée contre l'angle de la maison étant devenue 
inutile a été enlevée. Sa base retirée de terre a laissé voir 
. des sculptures sur les quatre côtés. 
Nul doute que cette pierre ne provienne de la chapelle 
sain t Jean. Lors de la cons truction de la maison, .le ma
çon ayant besoin d'une borne, aura cherché dans les 
la chapelle un bloc a sa convenance: Un 
décombres de 
pinacle sculpté tombe sous sa main, il convient; mais les 
sculptur9s sont de trop; le marteau en a vite raison et 
n'épargne que la base qui devait être enfouie en terre. 
J'ai cru devoir demander a notre confrère, M. l'Ingénieur 
en chef Fènoux, de déposer au Musée archéologique ce 
dernier débris de l'antique chapelle. Il a bien v0ulu m'ac
corder la grâce de la pauvre pierre, qui, après tant de 
vicissitudes, était cette fois condamnée à être mise en 
pièces pour faire du macadam ... Vous jugerez peut-être 
qu'il n'est pas sans intérêt de conserver ce dernier souve-
nir d'un hôpital fondé a Quimper avant le milieu du XIIe 
siècle. . 
Cette date est fournie par une charte de Conan IV qui 
occupa le trône ducal de 1156 a 1169. Le duc confirme les 
privilèges accordés aux maison~ des frères hàspitaliers de 
Saint-Jean de Jérusalem au nombre desquelles l'Hôpital 
Saint-Jean,ainsi désigné: « Hospitale inter duas Quimper» 
entre les deux Quimper ... la vieille ville; Civitas Aquilonia 
déjà nommée, comme aujoUl'd'hui, Locmaria, bâtie sur 
l'emplacement de rétablissement romain, et la ville neuve, 
c'est-a-dire une partie de la ville actuelle, bâtie dans l'an
gle formée par l'Odet et le Stéir, au-dessus de leur confluent, 
sur le territoire donné par Grallon a saint· Corentin (1). 
Je puise ces renseignements dans une notice de M. Aymar 
de Blois, intitulée c( de quelques antiquités de la ville de 
Quimper. » 
Voici ce que le même auteur a écrit ailleurs de la cha
pelle Saint-Jean (1) . 
cc Il est probable que la chapelle Saint-Jean, qui vient 
« d'être démolie, était l'un des nombreux hospices des 
c( frêres hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem~ auxquels 
« ont succédé les chevaliers de Malte. Cette chapelle était 
« du XIIIe siècle, autant que l'on en pouvait juger dans 
« une construction si simple (2). 
« Ce bénéfice de Mal te, jadis commanderie, n'était plus 
« depuis longtemps qu'un ~es membres de celle du Para
« clet, dont la maison commendale était en la paroisse de ' 
« Pommelvez, au diocèse de Saint-Brieuc. 
« Il y avait une justice attachée a la seigneurie dépendant 
« de l'Hôpital Saint-Jean, justice qui s'exerçait a Quimper. 
A propos de la commanderie du Paraclet, on lit dans 
Ogée (1) « La cure de Pommelvez était autrefois présentée 
« par le commandeur du Paraclet, seigneur de la paroisse. 
« La commanderie avait une haute justice qui s'exerçait a 
« Callac. » , 
On voit encore aujourd'hui la chapelle du Paraclet; mais 
elle a été reconstruite au siècle dernier et n'a aucun carac-
(f) Ogée, V Quimper. Note de M. de Blois, article Hopitélux, page f20 
(écrit vers f850). ' , 
(2) La pierre déposée au Musée doit provenir d'une resta~lfation, Caf 
ses' ornements ne Elont pas antérieurs au~Ve siècle. " ' , 
tère. Quant à la commanderie, le 'nom seul en reste. Il est 
donné à la ferme bâtie auprès de la chapelle. 
Cette ferme est comprise dans -une ancienne lande qui 
s'ètendait sur plusieurs centaines d'hectares autour du 
bourg, et son nom de Parc-Mestre (champ du maître) se;n-
ble une réminiscence des anciens seigneurs. 
La commune de Pommelvez est dans le canton de Bour
briac (arrondissement de Guingamp) ; son nom s'écrit au
jourd'hui : Pont-Melvez. Que veut dire ce mot et quelle en 
est l'étymologie ~ . 
Melvez n'est pas le nom de la rivière. qui coule à peu de 
distance du bourg. Cette riviére, dès sa source, voisine 
de Pont-Melvez, prend le nom de Guer, qu'elle conserve 
jusqu'à la mer, au dessous de Lannion. 
Si vous interrogez les habitants du voisinage, vous en 
trouverez qui vous diront sérieusement: 
«( Un jour du Guesclin venant de Guingamp se hâtait 
« vers Pestivien pour en chasser les Anglais, (d'autres 
« disent La Fontenelle). Arrivé au bord du Guer, grossi 
« par les pluies, il trouva un pont si étroit que ses soldats 
« ne pouvaient pas y marcher deux de front. Impatienté, 
« il s'écria que ce Pont était fait pour les limaçons (malfet 
, « ou melvei dans le dialecte du pays). De Pont-Malfet 
« ou M.elvet, on a fait Pont-Melvez. » 
D'autres, plus érudits, risquent une étymologie latine . 
Ils rappellent que les Romains avaient à Pont-Melvez un 
oppidum correspondant avec celui de Quenevillec auprés 
de Carnoët (canton de Callac), situè à 25 kilomètres de 
Pont-Melvez et qui se voit distinctement de ce dernier 
site. Sur ce souvenir, voici ce qu'ils imaginent : . 
Le nom de Milvius était celui du constru,cteur du pont, 
un lieutenant de César. L'histoire n'a pas gardé son nom: 
peut-être redoutait-il cette mésaventure ~ il a voulu du 
moins que le pont, son ouvrage, perpétuât son souvenir, et 
il y a réussi: Pont-Melvez est une traduction de Pons
. klilvii. 
M. Quicherat n'admet pas .11.ilvzus au nombre des noms 
patronymiques de Rome; mais faut-il y regarder de si 
prés ~ 
Selon d'autres, Pons-Milvii aurait 'voulu dire simplement 
le pont du milan (en latin milvius) ; comme qui dirait le 
pont de la buse, oiseau qu'on voit souvent planer dans ces 
parages. , 
Et qui peut arrêter l'essor de l'imagination? 
PourqUOI ne pas supposer gue les légionnaires cantonnés 
à Pont-Melvez avaient lu Virgile et retenu les beaux vers 
,ou Enée décrit la Troie en miniature, que ses yeux atten-
dris retrouvent en Epire (1). C'est 1'usage des exilés 
d'imposer aux lieLlx ou le sort les a conduits des noms 
de leur pays, pour rappeler non- seulement le souvenir, 
mais comme l'image de la patrie absente. Pourquoi des 
Romains perdus au fond de nos bruyères n'auraient-ils pas 
donné au pont construit par eux sur un ruisseau inconnu 
des Gaules, le nom du Pont Milvius sous lequel passait le 
Tibre avant d'entrer à Rome (2) ~ 
Quittons les nuages et redescendons sur terre. Est-ce 
que Pont-Melvez ne voudrait pas dire tout sImplement le 
pont du moulin ... ~ . 
N'est-il pas permis de ne trouver dans la première s.)'l
labe de Melvez, le 'i;not meil (moulin) souvent écrit mel: 
témoin le nom du moulin de Melven, à deux kiloD,1ètres de " 
(0 Procedo et parvam Trajam, siIu.l1ata 'lue magnis 
Pergama, et al'entem Xanthi cognomine rivum 
AgIlOSCO : Scœœqlle amplectoI' limina portœ 
350 et suivants). 
(Virg. En. LIvre III, 
(2) A 3 kilomètres au ll9rd (le Rome. C'est auprès ~u Pont Milviu~ 
que Constantin défit Maxence et devint maUre de l'Emplfe. 
Q~imper., qui veut dire le Moulin blanc -(Meil gwen). Pour 
avoir le sens complet de Melvez, il ne s'agirait plus que 
trouver un mot qui, accolé en épithète à me?, pût se 
transformer en la syllabe vez, comme gwen entrant dans 
la composition de Melven est devenu ven. ' 
On m'indique gwez qui, d'après Le Gonidec, veut dire 
sauvage, inculte, et gwâz ou gwéz qui veut dire courant 
dJeau, ruisseau. J 
Il y a; eu en effet auprès du pont, un moulin, et le pont et 
le moulin étaient sur la lande dont j'ai parlé, nommée Parc
Mestre. 'Le Pont-Melvez, destitué de ses ambitieuses ' ori-
gines, serait-il le pont du 1I1oulin de la Lande ou le pont 
du Moulin du Ruisseau? l'amour-propre des habitants de 
Pont-Melvez devrait-il être condamné à accepter ce / 
sacrifice f 
Je laisse la décision à 
de plus habiles et je me déclare 
Incompetent.