Responsive image
 

Bulletin SAF 1882


Télécharger le bulletin 1882

Un dernier débris de la chapelle Saint-Jean à Quimper

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


UN DERNIER DEBRIS DE LA CHAPELLE SAINT-JEAN, A QUIMPER.
Il existait autrefois, a l'angle de la rue Vis et du quai,
du coté ouest, et dans l'emplacement de la rnaison nO 2,
une chapelle dédiée à saint Jean. Elle s'ouvrait sur la rue

Vis. Ses . dimensions étaient vingt mètres de long sur
huit mètres de large, d'après le plan de 1764. Cette chapelle
a été démolie, il y a environ trente-cinq ans.
Un trottoir vient d'ètre .construit le long du quai; et une
borfle plantée contre l'angle de la maison étant devenue
inutile a été enlevée. Sa base retirée de terre a laissé voir
. des sculptures sur les quatre côtés.
Nul doute que cette pierre ne provienne de la chapelle

sain t Jean. Lors de la cons truction de la maison, .le ma­
çon ayant besoin d'une borne, aura cherché dans les
la chapelle un bloc a sa convenance: Un
décombres de
pinacle sculpté tombe sous sa main, il convient; mais les
sculptur9s sont de trop; le marteau en a vite raison et
n'épargne que la base qui devait être enfouie en terre.
J'ai cru devoir demander a notre confrère, M. l'Ingénieur
en chef Fènoux, de déposer au Musée archéologique ce
dernier débris de l'antique chapelle. Il a bien v0ulu m'ac­
corder la grâce de la pauvre pierre, qui, après tant de
vicissitudes, était cette fois condamnée à être mise en

pièces pour faire du macadam ... Vous jugerez peut-être

qu'il n'est pas sans intérêt de conserver ce dernier souve-
nir d'un hôpital fondé a Quimper avant le milieu du XIIe
siècle. .

Cette date est fournie par une charte de Conan IV qui
occupa le trône ducal de 1156 a 1169. Le duc confirme les
privilèges accordés aux maison~ des frères hàspitaliers de
Saint-Jean de Jérusalem au nombre desquelles l'Hôpital
Saint-Jean,ainsi désigné: « Hospitale inter duas Quimper»
entre les deux Quimper ... la vieille ville; Civitas Aquilonia

déjà nommée, comme aujoUl'd'hui, Locmaria, bâtie sur
l'emplacement de rétablissement romain, et la ville neuve,
c'est-a-dire une partie de la ville actuelle, bâtie dans l'an­
gle formée par l'Odet et le Stéir, au-dessus de leur confluent,
sur le territoire donné par Grallon a saint· Corentin (1).
Je puise ces renseignements dans une notice de M. Aymar
de Blois, intitulée c( de quelques antiquités de la ville de
Quimper. »
Voici ce que le même auteur a écrit ailleurs de la cha­
pelle Saint-Jean (1) .

cc Il est probable que la chapelle Saint-Jean, qui vient
« d'être démolie, était l'un des nombreux hospices des
c( frêres hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem~ auxquels

« ont succédé les chevaliers de Malte. Cette chapelle était
« du XIIIe siècle, autant que l'on en pouvait juger dans
« une construction si simple (2).
« Ce bénéfice de Mal te, jadis commanderie, n'était plus
« depuis longtemps qu'un ~es membres de celle du Para­
« clet, dont la maison commendale était en la paroisse de '
« Pommelvez, au diocèse de Saint-Brieuc.
« Il y avait une justice attachée a la seigneurie dépendant
« de l'Hôpital Saint-Jean, justice qui s'exerçait a Quimper.
A propos de la commanderie du Paraclet, on lit dans
Ogée (1) « La cure de Pommelvez était autrefois présentée
« par le commandeur du Paraclet, seigneur de la paroisse.
« La commanderie avait une haute justice qui s'exerçait a
« Callac. » ,
On voit encore aujourd'hui la chapelle du Paraclet; mais
elle a été reconstruite au siècle dernier et n'a aucun carac-

(f) Ogée, V Quimper. Note de M. de Blois, article Hopitélux, page f20
(écrit vers f850). ' ,
(2) La pierre déposée au Musée doit provenir d'une resta~lfation, Caf
ses' ornements ne Elont pas antérieurs au~Ve siècle. " ' ,

tère. Quant à la commanderie, le 'nom seul en reste. Il est
donné à la ferme bâtie auprès de la chapelle.
Cette ferme est comprise dans -une ancienne lande qui
s'ètendait sur plusieurs centaines d'hectares autour du
bourg, et son nom de Parc-Mestre (champ du maître) se;n-
ble une réminiscence des anciens seigneurs.
La commune de Pommelvez est dans le canton de Bour­
briac (arrondissement de Guingamp) ; son nom s'écrit au­
jourd'hui : Pont-Melvez. Que veut dire ce mot et quelle en
est l'étymologie ~ .
Melvez n'est pas le nom de la rivière. qui coule à peu de
distance du bourg. Cette riviére, dès sa source, voisine
de Pont-Melvez, prend le nom de Guer, qu'elle conserve
jusqu'à la mer, au dessous de Lannion.
Si vous interrogez les habitants du voisinage, vous en

trouverez qui vous diront sérieusement:

«( Un jour du Guesclin venant de Guingamp se hâtait
« vers Pestivien pour en chasser les Anglais, (d'autres
« disent La Fontenelle). Arrivé au bord du Guer, grossi
« par les pluies, il trouva un pont si étroit que ses soldats
« ne pouvaient pas y marcher deux de front. Impatienté,
« il s'écria que ce Pont était fait pour les limaçons (malfet
, « ou melvei dans le dialecte du pays). De Pont-Malfet
« ou M.elvet, on a fait Pont-Melvez. »
D'autres, plus érudits, risquent une étymologie latine .
Ils rappellent que les Romains avaient à Pont-Melvez un

oppidum correspondant avec celui de Quenevillec auprés

de Carnoët (canton de Callac), situè à 25 kilomètres de

Pont-Melvez et qui se voit distinctement de ce dernier
site. Sur ce souvenir, voici ce qu'ils imaginent : .
Le nom de Milvius était celui du constru,cteur du pont,
un lieutenant de César. L'histoire n'a pas gardé son nom:
peut-être redoutait-il cette mésaventure ~ il a voulu du

moins que le pont, son ouvrage, perpétuât son souvenir, et
il y a réussi: Pont-Melvez est une traduction de Pons­
. klilvii.
M. Quicherat n'admet pas .11.ilvzus au nombre des noms
patronymiques de Rome; mais faut-il y regarder de si
prés ~
Selon d'autres, Pons-Milvii aurait 'voulu dire simplement
le pont du milan (en latin milvius) ; comme qui dirait le
pont de la buse, oiseau qu'on voit souvent planer dans ces
parages. ,
Et qui peut arrêter l'essor de l'imagination?
PourqUOI ne pas supposer gue les légionnaires cantonnés
à Pont-Melvez avaient lu Virgile et retenu les beaux vers

,ou Enée décrit la Troie en miniature, que ses yeux atten-
dris retrouvent en Epire (1). C'est 1'usage des exilés
d'imposer aux lieLlx ou le sort les a conduits des noms

de leur pays, pour rappeler non- seulement le souvenir,
mais comme l'image de la patrie absente. Pourquoi des
Romains perdus au fond de nos bruyères n'auraient-ils pas
donné au pont construit par eux sur un ruisseau inconnu
des Gaules, le nom du Pont Milvius sous lequel passait le

Tibre avant d'entrer à Rome (2) ~
Quittons les nuages et redescendons sur terre. Est-ce
que Pont-Melvez ne voudrait pas dire tout sImplement le
pont du moulin ... ~ .
N'est-il pas permis de ne trouver dans la première s.)'l­
labe de Melvez, le 'i;not meil (moulin) souvent écrit mel:
témoin le nom du moulin de Melven, à deux kiloD,1ètres de "

(0 Procedo et parvam Trajam, siIu.l1ata 'lue magnis
Pergama, et al'entem Xanthi cognomine rivum
AgIlOSCO : Scœœqlle amplectoI' limina portœ
350 et suivants).
(Virg. En. LIvre III,
(2) A 3 kilomètres au ll9rd (le Rome. C'est auprès ~u Pont Milviu~
que Constantin défit Maxence et devint maUre de l'Emplfe.

Q~imper., qui veut dire le Moulin blanc -(Meil gwen). Pour
avoir le sens complet de Melvez, il ne s'agirait plus que
trouver un mot qui, accolé en épithète à me?, pût se

transformer en la syllabe vez, comme gwen entrant dans
la composition de Melven est devenu ven. '
On m'indique gwez qui, d'après Le Gonidec, veut dire
sauvage, inculte, et gwâz ou gwéz qui veut dire courant

dJeau, ruisseau. J
Il y a; eu en effet auprès du pont, un moulin, et le pont et
le moulin étaient sur la lande dont j'ai parlé, nommée Parc­
Mestre. 'Le Pont-Melvez, destitué de ses ambitieuses ' ori-
gines, serait-il le pont du 1I1oulin de la Lande ou le pont
du Moulin du Ruisseau? l'amour-propre des habitants de
Pont-Melvez devrait-il être condamné à accepter ce /

sacrifice f
Je laisse la décision à
de plus habiles et je me déclare

Incompetent.