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Bulletin SAF 1882


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Des diverses monnaies en usage en Bretagne au 16e siècle

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DES DIVERSES . MONNAIES EN USAGE EN BRETAGNE
AU XVIe SIÈCLE.
A notre époque on s'efforce, avec juste raison, d'établir
un systéme monétaire uniforme. Le progrès est t.rès-Ient
sous ce rapport; il n'y a pas lieu de s'en étonner, car il
semble que la diversitè des monnaies a été particulière-
ment agréable aux nations; chacune voulait conserver
son individualité sous ce rapport. Voici un exemple de la
difficulté qu'il y avait au XVIe siècle à opérer. un paiement
en argent.
Aux termes d'un acte passé au château de Guéméné le
mars 1533, par les notaires de Hennebont et de Kemperlé,
noble homme mésirre Antoine de Montbourchier, chevalier
sieur du Plessix et de Largentaye, eschanzon ordina:re
du roy, en son nom et comme garde naturel de Claude
de M ontbourchier, son fils aisné et hériUier principal
présomptif et expectant de luy et de feue dame Marie de

Mallestroit~ sa fame, vendait à noble home Charles de
Guer, sieur de la Porte-Neuve et de Heznant (1) la sei­
gneurie de Riec, située en la paroisse de Riec et celles de
Bannalec et du Treffvou, pour la somme de six mille livres
tournois.
Pour solder ce prix d'acquisition on employa QUATORZE
espèces de monnaies:
1 Sept vingts-unze doubles ducats d'or et de pois à qua­
rante livres unze soubz tournois chacun (2);

(1) Marie de Malestroit, dame de Largcntaie et fille de Jean, seigneur
Ponteallec, étàit sœur' de ADne de Mdlestroit qui porta la tene de
Pontcallec à son mari, Hené Papin; et Marie Papiu, petite fille de ces
derniers, épousa, le 30 hvril 1598, Charles de Guel', acquéreur, qui, par
de Fon mariage, réu nit les deux seigneuries de Riec et de la Porte­
suite
Neuve, et les laissa à Olivier de Guer, son fils.
(2) C6tte première indication n'est pas exacte. il faut lire 4 livres
11 sols chaque double ducat, ce qlli donne un tolal de 687 livres 1 sol.
En metlant le ùucat à W livres fi sols, la somme payée serait, avec
cette monnaie seule, de 6,123 livres 1 sol, c'est-à-dire supérieure au
prix total. D'ailleurs. l~s ducats qui figurent à l'article 2, et sont né·
cessairement de la moitié; ne sont évalués qu'à 45 sols 6 deniers •

2° Cinquante et un ducatz à quarante et cinq soubz six
deniers tournois chacun;
3° Saize cents traize escus d'or sol et de poys à quarante
et cinq soubz chacun; .
40 Trois ducats de chambre d'or et de poys à quatre
livres dix soubz chacun;
5° Quatorze croysades d'or et de poys à quarante-'cinq
six deniers chacun;
soubz
6° Quatre-vings-unze escus d'or esprouvé de poys à
quarante et trois soubz six deniers chacun;
7° Six vingts-deux quartots d'or et de poys à soixante
et six soubz chacun;
8° Neuffescus d'or vieux de po ys à cinquante et un soubz
six deniers chacun;
9° Cinq lions d'or et de poys à cinquante-trois soubz
chacun;
10° Six nobles à la rose d'or et de poys à cents soubz
chacun;
11° Trois nobles Henri d'or et de poys à quatre livres
douze soubz chacun; .
12° Trois centz soixante escus d'or légers pesant en·
semble quatre marcs sept onces d'or, ensemble vallant sept
cent cinquante livres; .
13° Vingt et six angelots d'or légers pesants ensemble
marc, deux gros d'or à dix-neuf livres dix souuz
derny
chacun; .
14° Outre et en monnaie la somme de vingt soubz six
deniers tournois vallants et montants en tout les dictes
dit p,oix de six mille livres tournois, et cela
espesses au
fut compté, pesé et reçu par le vendeur, qui en consentit
quittance.
Dans la longue nomenclature gui précéde il y a treize
monnaies d'or (2,454 pièces) et une seule, la dernière pour
appoint, est de cuivre; elle serait donc bien plus nombreuse

SIon énumérait, comme je me propose de le faire ci-apré!l,
les diverses monnaies d'argent et de billon en usage au
XVIe siècle.
Un savant qui a laissé à Quimper, les meilleurs sou­
venirs, un archéologue connu de beaucoup des membres
de la Sociétè, M.l'abbé Tollemer qui fut, il ya quarante ans,
principal du collège de Quimper, a publié le journal d'un
sire de Gouberville et de Mesnil-an-Val (1553 à 1562).
Ce gentilhomme campagnard, qui habitait le Cotentin,
inscrivait régulièrement et chaque jour les mises et recettes

faites (par lui) d empuys le sabmedy, 25 jour de mars 1553;

avec le mesmoire d aulcunes choses qui d empuys le dict
jour se sont ensuyois, tant pour (ses) affères que pour ceulx

d autruy, les qutlz se seroyent trouvés avec les (siennes).
Dans ce joürnal, qui nous donne les détails les plus mi­
nutieux et les plus intéressants sur les usages et les mœurs
du XVIo siècle, Gilles de Gouberville (1) inscrit: Au 26
fe\lrier « je baille à LA HARELLE, SUl ce que je luy puys
debvoyr un escu pistolet, 45 sol:~.» Cette SERVITEURE
était encore à son service le 3 novembre 1559,) qu'il lui
« bailla pour ses gages de tout le passé , précédent le
leI' aust la somme de 18 livres 6 sols » restant de 20 livres
et {( 30 solz que je lui baille pOUlo aust, septembre et octobre
derniers; somme: 19 libvres, 6 solz. »
Ce payement fut fait en huit sortes de pièces de mon-
nales :
Ung double ducat,) ung angelot, deux ùnpérialles, ung

chevalot, une ' horne,) une réaLle de 8 solz,) et en mon-
noie .t9 8olz, somm.e: 19 llb. 16 solz .
Ailleurs M. l'abbè Tollemer (2) nous donne le nom des
espèces de monnaie relevées par lui dans le journal de
G. de Gouberville. Nous voyons .défiler dans l'ordre alpha-

(1) Page 33 .
(2) Page 45 .

bétique: angelot ... anime, blanc, carolus, chevalot, croysades,
deniers, doubles, douzains, ducats simples, ducats doubles,
écu aux alliances, écu aux ancres, écu pistolet, écu sol,
écu soleil, enseigne d'or, fl'ancs, gros, horne, impérialles
doubles, jacques, jocondales, liards, mailles, niquets, nobles
à la rose, philippus, demi philippus, portugayses, réalles,
saluts d'or, testons.
Soit 35 pièces de monnaie et encore je crois que la liste
n'est pas complète (1) .

Nom: croyons devoir ajouter à ces quelques n(ltes L'intéresslnte com­
munication qu'a bien voulu nous faire notre honorable et savant
confrère, M. le Président Tl'évédy, et qui résulte des indications qu'il a
recuei Hies su r le mème sujet.
Le 28 avril f74i, le Receveur de l'Évêque de Quimper écl'Ïvait dans
une lettre que M. Trévédy a eue sous les yeux:
cc Il était question, avec un capitaine de barque de Douarnenez, -
Il d'envoyer des liards à Bordeaux. ce que Je fis,' le 6 du mois, où j'en
Il chargeay pOlir fO,OOf livres. li ' .
5,1'011 multiplie Pd!' 20 pour avoir le nombre des sous, on a 200,020 ;
et ce nombre multiplié paL' 4 donne 800.020 liards. .
(On aurait bien pu ét.lblir un chiUre rond et réserver, sur cet énorme
chargement, les 80 liards ùe reste pour l'cnvoi suiva.:t).
Il s' mble que les liards étaient alol's à Il campagne à peu rr('s
la seule monnaie courante. En effet, dit M. le Préliident Trévédv, ùans
la procMure de Marion du Faoud, pendue à Qllimpel' en f755, on
relève ce fait .: c'est qu'en f 743, un cultivateur "en da nt en foire, auprès
du Faouët, une vache pour le prix de 8 éc,us de six livres, recevait
deux écus de six livres, el le reste, soit 6 écus ou 36 livres ou 720 sous
en liards, c'eht·à·dire qu'il reeevait 2,880 liards .
. Cette profusion de menue monnaie devait être d'un usage bien
incommode et l'on devait nécessairement cn perdre beaucoup. Ce qui
le pro,u \'erait, c'est la grande quantité de liards (la plupart à l'effigie de
Louis Xlii) qui se retrouve dans les moindres fouilles ou mouvements
de terrain.

(f) Le Magasin pittr)resque a donné une longue analyse de l'inté-
ressant ouvrage de . l'abbé ',follemer. (Année t88f, pages 182, 228,