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Bulletin SAF 1882


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L’île de Sein ou de Sizun

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L'ILE DE SEINS OU DE SIZUN (1)

Si deux jours seulement que je viens de passer dans cette
He·ne me permettent pas de vous en donner une monographie
complète, je veux au moins, par cette courte notice, vous
faire part de mes impressions; heureux, si je puis amener
quelques-uns d'entre vous à entreprendre ce voyage.
L'île de Seins est située en face du département du
Finistère, à 3 lieues 1/2 environ de la pointe de Plogoff, et
à peu près au milIeu d'une digue ou série d'écueils qui
s'avancent jusqu'à 6 lieues au large, jusqu'au rocher dit
Ar-Men, sur lequel, après avoir vaincu des difficultés sans

nombre, après '" un . travail incessant de plus de douze ans,
et chaussées vient d'ériger un
l'Administration des ponts
phare de premier ordre. .
est peu visitée,.
Quoique rapprochée du continent, elle
parce qu'elle en est séparée par un mauvais passage que
un proverbe brèton, ne passe sans peur sinon sans
nul, dit
douleur. .
La plupart des auteurs qui ont écrit sur cette île, l'ont
identifiée avec l'insula Sena dont parle Pomponius Mela.
je crois, à tort" ainsi que je vais essayer de vous le
C'est,

1 siècle, au 3 livre de sa
démontrer. Le géographe du
description des pays alors connus, ,parle des îles et, dans
la mer de Bretagne, il cite l'Insula Sena (2), da'ns laquelle

(i) Voir le Procès-verbal de la Séance du 3 décembre i88i,' page 204.
(2) Sena in Britannico' Mari, Ossismiis Jdversa littoribus, oraculo
anUstites' perpetua virginitate sanctœ, numero
insignis est,. cujus
novem esse t·raduntur .......... Galli senas vocant.
(Pomp. Mela. De situ orbis. Lib. III) .
On trouve dans les manuscrits: Gallizenas, Galligenas, Galligenaz,
Barrigenas, et d'autres v~riantes plus ou moins corrompues. (Malte­
i832, tome 1II, livre !B • .
Brun, Géographie univ., édition de

il place l'oracle de la divinité des ' Gaules: neuf prètresse$
• gardant une virginité perpétuelle; elles étaient .soUvent
consultées, car elles avaient, croyait-on,. pouvoir sur le

et les tempêtes; elles guérissaient tOlJtes es­
beau temps
pèces de maladies et elles quittaient, qlJand elles. le vou­
laient, leur figure humaine : on les appelait Sènes.
Mais, dans la mer de Bretagne, il y a d'abord Belle-Ile,
Seins, Béniguet et Ouessant; comment choisir ,entre
Groix,
tou tes ces îles?
Ptolemée, d'Alexandrie, parle aussi d.e r Insula Serui ...
mais il place cette île en faèe du P-romonto-rium Gobœum.
Ce cap, situé au pays des Ossismii., ne me paraît pas devoir
être la pointe du Raz, qui ne se trouve au pays des Ossis-
• miens qu'en mettant leur capitale à Carhaix; si, au con­
traire, I).OUS transportons Vorganium. dans le nord du
Finistère, le cap Saint-Mathieu est bieR le p,.omontorium
Gobœum (Gobaion acron); et, en fa.ce, nous trouvons l'île'
serait l'ancienne Sena.
d'Ouessant, qui
Je sais bien que cette opinion est contestée; plusieurs
érudits: MM. de la Monneraye eL Kerviler mett.ent le
Promontorium Gobœum à la pointe du Raz, M. A. de la
Borderie est aussi de cet avis; mais, il me semble difficile
d'admettre que le géographe ait parlé de la plus petite de~
îles de la mer _ de Bretagne, ~t du inoins important des pro­
~ontoires, sans parler .de l'île d'Ouessant ·et du cap Saint-
Mathieu (1). _ '
L'illustre chantre des Martyrs a placé à l'île de Seins
l'épisode de la prêtresse Velleda, dernière des nelJf vierges
de Teutatès; mais, cette autorité tombera, lorsque je vous

(1) On peut consulter à ce sujet les procès-verbaux du Congrès de
l'Association bretonne de Quimper, en 1873, page 58, où notre regretté
collègue, M. Le Men. émet aussi fopinion de placer Sena à Ouessant;
M •. Kervile~, lui a~ssi, plaçait le Promontorium Gobœum à la pointe
1 Insu la Sena, à Ouessant, mais sous une forme dubi-
Samt-Matllleu, et

aura~ fait connaitre l'absence de monuments druidiques

dans l'île.

Le chevalier de Fréminville voyait dans le mot de Sena

la désignation d'un collège d'hommes anciens, de druides,
et dans le nom de l'île de Groix (Morbihan), celui d'un
collége de druidesses.
trouvant une certaine ressemblance
Les étymologistres,
entre Sena et Sein, ont admis une seule île pour ces deux

noms, mais n'est-ce pas le cas de leur appliquer cette
épigramme un peu modifiée:
Sein nous vient de Sena; sans doutè,

Mais il faut avouer aussi '
Qu'en venant de là jusqu'ici,

Il a bien changé sur la route.

Au surplus, la désignation de île de Seins ou des Saints
est toute moderne. M. Le Men, dans ses Études historiques
sur lePinistère (page 42), dit que l'ancien nom de File est
Enez Seun.1 qu'il a toujours entendu prononcer par les
Bretons de l'île en une seule syllabe Sun, avec le n nasal.
Un auteur auquel je .vais faire de larges emprunts, le
• Père Antoine de Saint-André, en écrivant, en 1666, La Vie
de Michel Le Nobletz,J prêtre et missio~naire donne à notre île le nom de l'île de Sizun .
Le nom de île des Saints, que lui attribue Ogée, n'appa­
raît qu'au xvm siècle, et ne peut avoir été donné aux insu­
laires qu'à cause de leur grande piété.
Le nom de He de Seins, donné aujourd'hui et conservé
par l'administration civile et religieuse, et qui est constaté
sur la tombe d)un des derniers pasteurs de l'île: Sinuum in­
sulœJparrochus, ne peut être qu'une iro9ie, car les seins de ,
l'île ne peuvent donner à ses enfants qu'un lait bien amer.
n'est pas de nos jours que l'embarras sur
D'ailleurs, ce
la façon d'écrire le nom de l'île existe. En 1741, Pierre
Kersaudy, recteur chargé de la tenue des registres de

l'état-civil inscri~ait, en tête dé son cahier: Baptêmes ...
de Sizun;

en 1783 le curé écrit: Isle des Seins. .
e crOlS onc . .
uer et qui lui vient de sa position en face du cap

Sizun (1).

Avant de passer à l'histoire proprement dite de l'île, je
veux vous entretenir un instant, et pour en finir avec les
fables ... des monuments druidiques ou mégalitiques qu'elle
renferme. (J'emploie a dessein ces deux mots, car il me
semble ditficile de faire ici une distinction.)
Il m'a été dit, dans l'île, qu'au dernier siècle,il y existait un
dolmen qui servait de magasin a poudre et qui avait été

détruit par les Anglais,lors d'une descente sur l'île,au com­
mencement de ' ce siècle; je ne puis en dire davantage.
Il y a la fameuse chaise Er-Kador; ce n'est qu'un rocher
qui, par une bizarrerie de la nature, représente un fauteuil.
Reste cependant un monument qui méri-::e une dascription
spéciale. A cent mètres environ du bourg, et près la croix
do-granit qui annonce au loin aux marins en mer l'entrée
du port, deux menhirs deboùt, a environ quarante centi­
mètres de distance, l'un de l'autre, l'un, le plus au nord, d'une

Scisun, Sizun et Susun, nom de risle de Sain adjacente à la ba"Sse
Cornonaille; on la nomme vulgairement et mal l'isle des Saints. Ce nom
est écl'it, dans l'ancien cartulaÏl'e de Landéveunee, qui est d'environ Je
IX8 siècle, Seidhun, lnsula Seidhun, et dans la vie bretoune de saint
Guénolé, Enp.z Cap Seizun, ce qui veut dire isle du cap Seizun. .
(Dictionnaire de la langue bretonne de Dom Louis Le Pelletier (p. 804).
Ussa, Ouessant, isle adjacente au .Bas · Leon, fort connue des naviga­
qui disent Ussan. Dom A lexis Lobineau écrit Ouessant, Alias Us.
teurs,
Camden met Ad Gallicum littus Osissimis, sive Brilanniœ Armoricœ
prejacet AX"ANTOS Plinii, quœ nomine integro étiamnum USHANl' voca­
tur. (Dom Le Pelletier, p. 926.)
BULUIIN DE LA. SOC. A.RCHÉOL. DU FINISTÈRE. ' Tome IX. 2

hauteur moyenne de 3 mètres, d'une largeur, à la base, de
1 m. 50 et d'une épaisseur de 25 centimètres; l'autre, un peu
moins élevé, présente à sa base les mêmes dimensions;, tous
deux sont élevés sur un amas de cailloux roulés d'environ
1 m. 20 de hauteur au-dessus du sol. A 35 mètres, au nord de
ces deux menhirs, qu'on appelle. dans le pays les Deux Cau­
seurs, une grande pierre à bassins, d'une hauteur moyenne
de 1 m. 80 et d'une circonférence de 12 mètres : la plate-
forme supérieure présente sept cuvettes avec trois rigoles:
l'une au nord; l'autre, la plus importante, au sud-ouest,
et la troisième, au sud. Al'ouest, une autre pierre à bassins,
10 mètres: la surface présente deux
d'une circonférence de
bassins principaux, l'un a sa rigole à l'ouest, l'autre, au
nord. A l'est de cette deuxième pierre, une réunion de
trois pierres à bassins,sernblables aux précédentes, et enfin,
à 65 mètres au sud-est et ' à 50 mètres des deux premiers,
un autre menhir plus petit ayant de haut environ 2 mètres.
Peut-on voir dans ces pierres les restes d'un temple
païen ~ Je ne le crois pas. Tout a été dit sur les pierres à
. bas!?ins, dans lesquelles on avait autrefois cru voir des
autels sur lesquels les prêtres gaulois faisaient des sacri­
fices humains; la science démontre aujourd'hui que ces
bassins et ces rigoles se forment naturellement sur les
grandes roches granitiques; que .les eaux pluviales ~.'~i
séjournent pans ces bassins tendent à les augmenter en
désagrégeant insensiblement la roche et que la surface de
l'eau continuellement agitée par les vents s'échappe par les
rigoles.
J'ai fini
ave~ les temps passés, j'arrive à l'histoire vraie

de l'île.
III.
J'emprunte à l'ouvrage du Père de Saint-André la des­
cription qu'il fit de l'île, au commencement du XVIIe sièc e,

et je terminerai par les changements apportés depuis, et
tels que je les ai constatés (1).
« Cette isle souffl'e toutes les disgraees de la nature .
« Il n~y croist aueun arbre, et si ton veut se chauffer
« pendant fhyver, il faut le faire avee du goëmon., et ee
« jeu ineommode bien plus par la puanteur de sa fumée
« qu~il ne soulage par la faiblesse de sa ehaleur. Le ter­
« roi" ne porte que de l'orge, qui suffit à peine à nourrir
« les habitants de tisle pendant trois mois, et la plupart
« ne vivent,le reste de l'année,que de racines qu~ils mangent
« au lieu de pain, avec un peu de poisso.n sans beurre,
« sans huile et sans aucun autre assaisonnement. Ils ne
« boivent jamais de vin que quand la mer leur en porte avec
« les déb"is de quelque naufrage, et ils se contentent de
« l~eau d~un puits ,que le voisinage de' la mer rend presque
« aussi salée que la mer mesme, et bien loin d'en estre
« incommodez, ils sont plus robustes et vivent plus long­
« temps que ceux de la terre ferme. »
« Les hommes., dès l'âge de huit ans, passent les jours
« et les nuits à la pêehe, n'ayant pour abri que les voiles
« du navire.» Les femmes labourent la terre, récoltent
l'orge, et, comme elles n'ont ni moulin ni four, elles font
moudre leur orge « à force de bras, dans un petit moulin
« semblable à ceux dont on se sert pour écraser la mou-

« tarde, et en font ensuite du pain, qu'elles mettent euire
« sous la cendre de goëmon. »
« Le naturel et les mœurs des habitants répondaient
« a8..sez à la barbarie du lieu, aussi les appelait-on: Les
« démons de la mer. Loin de porter seeours aux nau­
« fragés, ils les pillaient et volaient; et vers le eommen­
ft eement du XVIIe siècle, l'évêque de Quimper, daus uné

(i) La 'Vie de M. Le Nobletz, prestre
et missionnaire de Bretagne.
(Edition t666; p. t90 ét t9L)

• de ses visites pastorales, ayant mandé sur la terre ferme
« le-recteur de l'isle, pour rendre compte de sa conduite,
« ce dernier fut accompagné par les insulaires,qui le récla­
« mèrent avec insolence à l'évêque quJils menacèrent des
,« grands couteaux dont ils se servaient pour ouvrir les
« poissons,) et le prélat ne crut sa vie en sûreté que lorsqu'il
« les vit sJembarquer pour repasser dans fisle. »
Telle était la situation de l'île de Sizun lorsqu'en 1613,
Michel Le Nobletz entreprit d'en évangéliser les habitants.
Il fut reçu par les pauvres pêcheurs comme un ange qui
maux. Jamais le saint mission-
devait bannir tous leurs
naire ·ne trouva plus de docilité et plus de dispositions à
'profiter de ses soins. Après les avoir préchez et cathéchisez
quelque temps, deux fois par jour il leur fit faire à tous
des confessions générales, qui furent suivies dechangements
si merveilteux qu}il n}y aV.1it personne qui nJeust pl>is ce '
ponr un autre que celui qui habitait autrefois
peuple
l'isle (1). .
Le Père de Saint-André signale ensuite les fruits de sa

mission: On n'y connait presque plus la haine, ni l'envie,
la médisance, ni les querelles et les procès, qui sont les
Toute la vertu
suites ordinaires de ces passions furieuses.
chrétiens de la primitive Eglise y fleu-
et la ferveur des
, rissent et les exercices de piété s;y pratiquent avec plus
d'exactitude, et dJassidu#é que partout ailleurs (2).
Pendant son séjour dans l'île, le saint missionnaire avait
remarqué un pêcheur nommé François Le Su, qui parais-
, sait y avoir plus de crédit que les autres et qui fut, en effet,

prit soin de le former
plus tard, nommé capitaine de l'île. Il
à la piété, et il y réussit si bien que, dans les vingt-huit

, années qui suivirent, les prêtres successivement nommés

, (1) La Vie de M. Le Nobletz, page 192.

(2) ' Id. page 193.

recteurs de l'île n'y firent qu'un court séjour, parc~ qu'il
était difficile de trouver un ecclésiastique qui voulût se con~

tenter, pour tout honoraire, de prélever un pol,sson sur
chaque bateau ~t d'habiter une pet/te cellule plùs semblable
à un sépulcre qu'à une maison, et dont encore il ne pouvait
à cause des pluies et des orages ,continuels (1); et,
sortir,
en cet état, le capitaine sut y suppléer.
Chaq ue dimanche.J il réunissait les habi tan ts ; il, leur
faisait faire une dévote procession où l'on portait la croix
et la bannière en chantant les litanies de la Vierge; il leur
annonçait les fêtes de la semaine et les jours d'abstinence )
et de jeûn~. L'après-midi ne se passait pas moins dévote­
ment, et après les Vêpres chantées en commun, le capitaine
faisait une lecture, dans un des 'livres que lui avait laissés
Michel Le Nobletz.
Aussi, lorsqu'en 1641 (vingt-huit ans après la mission)
deux Pères Jésuites vinrentdans l'île, ils n'eurent qu'à admi­
nistrer les sacrements à ces véritables chrétiens qui atten-
daient ce bonheur avec impatience (2). '

Cette mission terminée, les Pères Jésuites prièrent
l'évêque de Cornouaille de vouloir bien désigner un pasteur

à ' nos insulaires; mais qltelque pressantes que fussent les
instances du prélat, il ne put trouver aucun ecclésiasti.que
pour un labeur aussi ingrat. .
On songea alors à conférer la prêtrise à François Le Su:
. Il serait trop long de vous raconter ici les péripéties de ce
!3énédictins de Landévennec, mais je ne .
noviciat, chez les
puis passer ,sous silence les circonstances qui ont trait à
son examen.

François Le Su se présenta au chapitre cathédral, en
costume de pêcheur; les chanoines rirent beaucoup de cet

(t) La rie de • Le Nobletz, page t 95.
'(2) Id. page t97.

homme illet tré, presque sexagénaire, et qui demandait
l'administration d'une paroisse; ils l'éconduirent,~ans vou­
loir l'in térroger .
A la sortie, notre pêcheur fit la rencontre du Père Yves
Pinsart, théologal de Cornouaille et prieur des Domini­
cains de Quimperlé, qui, informé de ce qui venait de se
passer, fit rentrer François Le Su., et, sur sa demande, les
chanoines consentirent à l'examiner; les résultats furent
favorables au candidat, qui obtint sa nomination.

Les registres de l'état-civil remontent à 1718 seulement.
Je les ai compulsés avec soin, et j'ai relevé avec attention
les noms de douze ou quinze familles qui formaient, il y a
environ cent cinquante ans, la population de l'He: Les
PORSMOGUER, qui rappellent le nom de l'illustre amiral de
La Cordeli~re, et qui., comme lui, peuvent prendre pour

devise: Var mor a var douar; car si l'un d'eux commande
le bateau qui fait le passage, d'autres membres de sa
famille sont pourvus de charges municipales; les THY­
MEUR (1), les MILINER, également pourvus de charges mu­
nicipales; PITON, SALAUN, GUILCHER, COQUET, COUiLLANDRE,
GLOAGUEN, FOUQUET, et autres (2).
J'ai également relevé le nom de quelques-uns des suc­
cesseurs je François Le Su :

1718. H. Gonidec, curé.
1723. - Michel Le Gall.
(1) En l'an VII de la République (1800) F. Thymeur est .luge de paix
un autre Thymeur, commissaire du Pouvoir exécutif.
de l'île, et
(2) 1850. - Salaun, maire; Miliner, adjoint.
1874. - Guilcher, maire; Porsmoguer, adjoint .
1878.· ' Miliner, maire; Menou, adjoint.

1724. Joachim-René Le Gall.
1741. - Pierre Kersaudy.
1744. Pierre Kerogel.
1750. " J. Arhan.
Les deux églises de Saint-Guénolé et de Saint-Corentin
sont de petits édifices du XVIIe siècle, dans lesquels il n'y a
rien a signaler. Notons, cependant, dans le cimetière de la
première église paroissiale, un beau calvaire eU Kersanton
élevé, il y a peu d'années, et qui sort des ateliers de
Larc'hantec, sculpteur a Landerneau.

La fabrique ne possède aucun titre antérieur a 1800.
Une délibération des administrateurs de l'île (8 thermidor
an III) nous apprend que les églises de Saint-Guénolé et de
Saint-Corentin possèdent entre elles trois quarts de corde
de terre couverte tous les ans par la mer et provenant de
testaments faits, à r article de la mort.
Une troisième église, celle du. Rosaire ... existait avant la
Révolution (les anciens registres en fo~1t mention), mais
personne dans l'île n'a pu m'en donner la situation.
Il ne m'a pas été non plus possible de me renseigner,
d'une manière exacte, sur la population· de l'île, avant ce
siècle.
349 habitants (1)
Le recensement de 1800 donne .....

En 1851 la population s'élève à.

En 18f.9

(i) Voir les R~cherches statistiques sur le département du Finistère;
par A. du Chateliler. Nantes, Mellinet (183li) et les Annuaires du dépar­
tement (1830-1880).

En 1867 la popalation s'élève à. . . .
654 habitan.ts.

En 1880, elle es t de 727 habitants, auxquels il convient
d'ajouter environ 350 Paimpolais, qui y viennent, dans la
belle 'saison, faire la pêche .
Aujourd'hui,la position des habitants s'est beaucoup amé-
liorée; les maisons, toutes groupées autour de l'église,
comme si elles réunissaient leurs efforts pour lutter
contre les tempêtes, ne sont séparées que par d'étroits pas­
sages que l'on appelle rues; les plus larges ont 2 mètres,
d'autres 1 m. 50, si 'ce n'est sur le port, où des quais ont
été faits . par les soins de l'administration des ponts et .
chaussées, dont un conducteur réside dans l'île.
La quantité de blé récolté, chaque année, n'a pas été
augmentée; elle ne peut encore suffire aux besoins des insu­
laires, obligés d'en faire venir du continent; mais, ' ils cul­
tivent aujourd'hui la pomme de terre, qui y réussit très­
bien, et les met pour toujours à l'abri de la famine .
Ils ont des vaches, qui leur fournissent suffisamment de
lait, et chaque fois que le passage ne peut se faire, l'une
d'elles est sacrifiée pour l'alimentation des habitants.

Il y a environ trois .ans,le maire, M. Miliner, a fait cons­
truire un moùlin à vent; il existe un four, et de nom­
breuses citernes fournissent à chaque habitation l'eau
potable. ' .
Le Gouvernement y entretient un médecin de la marine
et deux sœurs du Saint-Esprit chargées de l'école et de la
pharmacie. Le personnel administratif de I;Ue est complété
par un gendarme' de la marine représentant la force armée.
Les habitants trouvent encore un revenu dans la pêche
au soleil avant de les expé­
des congres, qu'ils font sécher
dier en Espagne, et dans l'excédant de leur récolte de

qu'ils font brûler. Joignez à cela qu'ils ne paient
goëmon,
aucun impôt, ni foncier, ni mobilier, ni de patentes; les

prestations sont inconnues, et la seule contribution réclamée
habitants et inscrite au budget de la commune; c'est
des
la taxe municipale des chiens. . .
En résumé, aujourd'hui, l'île est habitable. Vous pouvez
y aller., dans la belle saison; les insulaires vous feront bon .
par leur piété, qui est restée la
accueil et vous édifieront
même qu'au temps du saint missionnaire, il y a 250 ans;
mais gardez-vous d'y aller l'hiver, votre séjour dans l'île
par suite du mauvais temps, se prolonger 'd'une
pourrait,
manière peu agréable.