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Bulletin SAF 1881


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Les cercueils de pierre du Morbihan (époques romaine, mérovingienne, carolingienne et capétienne)

Abbé Euzenot

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LES CERCUEILS DE PIERRE DU MORBIHAN
Une étude approfondie des monuments funérail'es du
Moyen-Age devrait comprendre les diverses formes des

tombeaux., les modes d'ensevelissement, la position du
corps, le vêtement, les objets enfermés dans la bière:
monnaies, fioles à paefum, vases de bois, de terre ou de
verre pour eau bénite ou encens, croix d'absolution, ar­
mes, bijoux, etc. De ]'~nsemble de ces données résulterait
une reconstitution de l'homme, avec ses croyances; ses
usages, ses mœurs publiques et privées. Un pareil travail, .
souvent im possible, toujours difficile, est, d'ailleurs, h0rs
de mon pouvoir, et le champ est si vaste qu'un simple ré­
sumé ne saurait, pour être satisfaisant, contenir la ma­
tière dans un espace restreint. Il suffira donc, dans ces
notes rapides, d'énumérer, après les archeologues, les for­
mes successives des cercueils de pierre, avec la date appro­
ximative de leur emploi et les particularites les plus re­
marquables de l'ensevelissement, et de classer, suivant ces
indications, les principaux monuments analogues qui ap-
paraissent dans le Morbihan.

Depuis les premiers temps, les chrétiens ont eu des cer-
cueils de pierre. Il serait facile de le démontrer par les ins-
criptions et par des textes empruntés à des auteurs de
diverses époques. Une épitaphe chrétienne des Catacom­
bes, de l'an 345, porte: in hoc sarcojago conditus (1).
Le poëte Prudence écrit (2) :

Spes eadem mea membra manet
Quœ recloLentia Junereo
Jussa ,quiescere sarcophago.

(1) M. l'abbé Martigny, Dict'ionnaire
des Antiq. chrét.; art. Sarco-
hage .

(2) Cathemerinon, III, v. ~OL

au l'apport de saint Augustin (1) aream in qU4 mor{uus

• pondur 9mnes jam sal'cophagum VQ:;ant. Et l'on sait que
tel était le nom, chez les chl'étiens comme chez les païens,

des tomb~aux de marbre ou de matière précümse, plus ou
moins enrichis de sculptures. M . . Edmond Le" Blant (2)
signale de riches monuments chrétiens semblables aux
mausolées de la voie Appienne. Gl'égoire de Tours (3)
atteste que, de son temps,.il existait, dans la basilique de
Saint-Véran, près de Saint-Allirè, des sarcophages ' de
marbre blanc, sur lesquels plusieurs miracles de Jésus-
Christ et des Apôtres étaient représentés en relief; au
chapitre suivant, il mentionne un tombeau sculpté, se-
pulchrum seulpturn. . .
Les cercueils de pierre étaient réservés aux pe·rsonnes
d'un certain rang: Les soldats et les gens du peuple étaient

plus simplement inhumés: quelques planches, .des tuiles
ou des débris grossièrement reliés, plus rarement une
caisse de pierre, voilà ce qui constituait le tombeau; parfois
même, la dernière demeure du fidèle était l'intervalle resté
libre entte deux tombes enfouies l'une près de l'autre (4).
Grégoil'e de Tours, parlant de la peste qui désola l'Auver-
gne, en 571, dit que « la mortalité fut telle à Clermont,
qu'on fut forcè ' d'enterrer jusqu'à dix corps dans la même
fosse, parce que les bières en bois et les cercueîLs de pierre

vmrent a manquer. »
Les saJ;cophages étaient placés à la surface-du terrain
dans les cimetières, ou rangés autour des basiliques, ou
superposés par couches dans la profondeul' du sol. Ces
diverses dispositions, observées à Rome, se reproduisent
. aussi dans ]e reste de l'Occ5dent, spécialement en Gaule. Les
tombeaux de ce dernier pays ont beaucoup d'analogie avec

(1) De Civit. fJei, lib. ~'\'I!I, C. 5.
Manuel d'épigraphie cMétienne, p. 200 •

(3) De gloria Confess., c. XXXV.
(4) M. Edm. Le Blallt, loe. cit., tH} 145, ilote.

ceux d'Italie; ils sont seulement moins ornés et le travail
en est plus grossier (1). L'Eglise avait dû primitivement
fixer les types qui, adoptés universellement, détermin'èrent,

par leurs modificatiôns, les formes successives des tom-

beaux .
. Les cercueils de pierre, nombreux en Italie, dès le
Ille siècle, ne le deviennent ailleurs qu'a'u suivant; mais
ils sont, dans les provinces, d'un emploi plus prolongé.

Comme le remarque M. Le Blant des inscriptions funé-
1 bres fournies par les marbres de Rome et : ceux de la
Gaule, c'est la la conséquence nécessaire du retard. puis
l' de la persistance que la province apporte a suivre l'impul-
sion domiée par la ville 'i3ainte (2). '
Les cercueils de pierre se divisent en quatre catégories
se rapportant aux époques romaine, mérovingienne, carlo-
vingiénne 'et capétienne. Bien que ces dénominations,
surtout la premiére, ne soient pas d'une justesse parfaite,
je les emploierai a la suite de M. l'Abbé Cochet et d'autres
auteurs .

CERCUEILS DE L'ÉPOQUE ROMAINE.

Divers signes caractérisent les sarcophages les plus
anciens: leur grande dimension, .leur épaisseur, leur forme

régulière. Le coffre a 2 m. 20 c. de long et quelquefois
est taillé a angles droits et ressemble a une
davantage. Il
L'un des petits côtés, porte parfois une
auge rectangulaire.
croix en relief. Le couvercle est massif, surélevé en pans
de toiture ou arrondi en dos d'âne; il est complètement
vé d'ornements décoratifs. Ce genre de cercueils a été
pri

(i) Abbé Martigny, [o c.
dt., tombeau.x, etc.
(2) loe. cU., 30, 3:1.
BULLETIN DE LA Soc. ARCHÉOL. DU Fi~IStÈ1HI • .• TOMII VIU 12

en usage au IVe et au Ve siècles et probablement au com-
VIe (1). .
. mencement du
Lorsque les païens eurent adopté l'usage d'inhumer, ils
déposèrent a côté du mort, les attributs de sa profession et
• chers; ils y joignaient
tous les objets qui lui avaient été
différents vases contenant des aliments et de la boisso'n,
comme pour lui servir de viatique durant son passage a
l'autre vie. Dans Jes cercueils chrétiens, au contraire, dès '
paraît ré­
les temps les plus anciens, le mobilier funèbre
duit a sa plus simple expression : c'est une fiole avec du
et un, deux ou trois vases de bois, de verre ou de
parfum,
terre qui devaient renfermer de l'eau bénite ou de l'encens.
à parfum ne se trouvent plus a l'époque méro-
Les fioles
vingienne; les autres vases disparaissent avec cette pé-
riode et ne se rencontrent plus dans les tombeaux avant

le XIIIe siècle (2).

Le rite païen voulait qu'on jetât dans l'urne cinéraire ou
Un usage analogue
dans le cercueil une pièce de monnaie.
s'est maintenu chez les chrétiens: pendant tout le moyen­
bière; cette pratique subsis­
âge, on a mis un sou dans la
terait encore en Alsace, dans le Poitou et ailleurs (3) .
Aux sépultures chrétiennes des Catacombes, des mon­
naies sont souvent fixées. Elles n'y figurent ordinairement
qu'à titre de pur ornement; quelquefois, elles indiquent
l'époque de la 'sépulture, par le règne de Pempereur auquel
elles appartienn'enf Lorsque les médailles sont d'empereurs
et de temps éloignés, elles sont déposées comme_
différents
sont à
moyen de reconnaissance. Quand les monnaies
l'intérieur d'un cercueil, il n'yen a qu'une seule, ou s'il y
en a plusieurs, elles portent toutes l'effigie du même prince,

(1) M. ~. Lacroix (Bibliophile Jacob), Vie militaire et religieuse au
Moyen-Age et à l'époque de la Renaissance, p. oi3. -
(2) A. Lacroix, ibid., p. !>08.
(i) A. LaCf()ix, loc" cit. p. 51.0.

pour marquer la date de l'ensevelissement (~). Suivant
M. Le Blant, les sépultures chrétiennes de la Gaule ren­
ferment parfois des médailles du Haut ou du Bas-Empire (2). •
Je ne connais pas, dans le Morbihan, de cercueils de
pierre réunissant tous les caractères de ce premier genre.

Il existe cependant, à Cléguérec, dans la chapelle dédiée
à saint Morvan ou Morvan un tombeau monolithe, de granit,
qui s'en rapproche par certains côtés. En voici les dimen­
sions intérieures : longueur 2 m. 20 c.; largeur, à la
tête: 0 m. 53 c.; au mileu : 0 m. 75 c. ; au pied: 0 m. 41 c. ;
profondeur: 0 m. 27 c. Le couvercle tectiforme se compose '
deux pierres juxtaposées, dont chacune a, dans sa partie

renflée, 0 m. 39 c. de largeur. A certains jours, le couvercle
et les petits enfants sont déposés dans le sarco-
s'enlève,
phage : la croyance populail'e est qu'ils apprennent ainsi
plus vite à marcher seuls. Ce cercueil est donc de forme
presque ovoïde, tandis que la bière du premier genre est
une auge rectangulaire. Il en a cependant certains carac-

tères : il a 2 m. 20 c. de long; le couvercle est surélevé en
pans de toiture. Il n'appartient pas au troisième type dit
pour la tête, la logette creusée
carlovingien : il n'offre pas,
dans la pierre; et le couvercle de cette sorte de tombeau
est bombé ou semi-circulaire. Il possède un des signes du
, sarcophage mérovingien: il est plus large à la tête qu'au
pied; il s'en distingue par ses dimensions, qui ne sont
jamais 'aussi grandes dans les bières de cette dernière
époque. Enfin, le tombeau de saint Molvan présente un
caractère qui lui est propre et ne se rencontre nulle part
ailleurs : il est renflé en son milieu. De sa comparaison
avec les divers types, il résulte donc qu'il n'a rien du genre
carlovingien et qu'il appartient, par sa masse, sa grande

(1) Abbé Martigny, loc. cit. ,. objets trouvés dans les tombeaux.
(2) Inscriptions cMétiennes de la Gaule, l, p. 210.

longueur et la forme de son couvercle au type dit romain,
et au type mérovingien, par sa plus grande largeur a l'une
de ses extrémités. Il présenterait une forme intermédiaire
entre ces deux genres voisins et serait de l'époque de la
transition de l'un à l'aut.!'e, du commencement du VIe siècle-
Le sarcophage de saint Molvan es't un monument des plus
précieux pour l'archéologie.
On rencontre fréquemment des auges de pierre, carrées.,
0 m. 30 c. a 0 m. 35 c. de long sur 0 m. 20 c. a 0 m. 25 c.

large; elles servaient a recevoir des ossements extraits

de sépultures anciennes, en cas de reconstructions faites
dans des églises qui cachaient des tombes sous leur pave-

ment. Lorsque ces travaux mettaient a nu des cercueils, il
arrivait souvent qu'on les brisât~ en voulant les ouvrir ou
les déplacer ; on déposait alors tout ce qu'on en retirait
dans c~s petites auges, qui occupaient moins d'espace (1).
Je connais deux auges qui, bien que plus grandes,
a ce genre. -
appartiennent certainement
La chapelle de Sainte-Avoye, en Pluneret, contient
0 m. 90 c. de c6té: c'est le bateau
une pierre creusée, de

de sainte Avoye. .
Plœmeur, dans une ferme établie sur
A Lannènec, en
les ruines du prieuré bénédictiI! qui succéda au monastère
de sainte Ninnok, on conserve Hne auge dont la tradition
la destination primitive: pour les uns
indique nettement
c'est le bé (tombeau), pour la plupart, le new ou bag (bateau)
sainte Ninnok .. Ce petit coffre, de granit, est, extérieure­

ment, presque circulaire: de ' forme ovale a un c6té a
peu prés rectiligne, au dedans, il présente les dimensions
suivantes: longuem' du grand axe: 0 m. 40 c.; du petit
axe: 0 m. 38 c. ; profondeur: de 0 m. 20 à 0 m. 25 C ... " .
Il est évident que ces auges ont, comme leurs analogues

(1). P. Lacroix, loc. cit. p. !SiiS.

qu'on observe ailleurs, recueilli les ossements extraits des
anciens tombeaux:
la persistante tradition qui unit le
Comme preuve de
au souvenir de sainte Ninnok,
coffre de pierre de Lannénec '
je citerai le fait suivant. Au moins de septembre 18S0, le
fermier me dit, en présence de plusieurs personnes, que,
il y a quelques années, il rie cultivait pas alors cette
et demeurait dans un 'village .voisin, le new de
terre
sainte Ninnok était placé dans une écurie, qu'on y donnait

à manger aux chevaux et que, à la suite, toutes ces bêtes
étaient prises de vertige et finissaient par périr .
Mais comment ces deux coffres de pierre ont-ils pu être
, transformés' par l'imagination populaire en bateaux quI
auraient servi à de saints personnages pour passer la
mer? Sainte Ninnok a vécu au Va siècle et sainte
A voye au IVe ou au Va; à cette époque.J ton construisait

des tombeaux du genre précédemment décrit; il est
probable que leurs corps furent déposes dans de sem­
blable bières. On peuf·supposer que le tombeau monolithe
au temps ou ces cercueils ont été découverts
était inconnu,
Le peuple aura été étonné de leurs dimensions; et, .combi-
nant leur forme avec le souvenir conservé de l'origine
étrangère 'de saintes toujours vénérées, il aura été amené
à y reconnaître les nacelles qui les ont miraculeusement
ou les reliques furent
portées en nos pays. Les auges,
mises, reçurent ensuite la même attribution .

CERCUEILS DE L~ÉPOQUE MÉROVINGIENNE
Au VIa et au VIle siècles, les cercueils de pierre
changent de caractère. Tous sont encore creusés dans
sont moins considé-
un seul bloc, mais les dimensions

rables : le sarcophage dépasse rarement 2. mètres de lon­
gueur; il est plus étroit à la place des pieds qu'à celle
la tète du mort. A la fin du VIle siècle apparaît un
autre signe qui deviendra général au VIlle; le cercueil est
un peu moins haut du côté des pieds et se relève du côté
de la tête. Aprés cette époque, le coffre continuera à pré-
senter une largeur moindre à la partie inférieure, mais les
parois en longueur auront sensiblement, toutes les deux .......
la même élévation. Plat ou légèrement tectiforme, le cou­
vercle est fait d'une grosse pierre taillée, comme dans le
est tectiforme, sur
cercueil antique. Lorsque le couvercle

'es pans sont souvent figurées des tuiles plates, iectum
imbricaium; au VIe siècle, il est parfois presque aussi
élevé que le corps du tombeau (1) .
Auprès ou à l'intérieur de ces bières, on trouve quelquefois
des vases, d'une pâte peu épaisse, d'une couleur brune'
grise ou noire. Il y a peu de variété dans la décoration, qui
consiste en dessins faits, à ce qu'il semble, à l'aide du poin­
la roulette. Ces dessins forment
çon, de l'estampille ou de
des zigzags, des damiers, des croix de Saint-André, de,s
chevrons, de simples raies. On a rencontre des agrafes en
bronze ciselé, des plaques de ceinturons avec boucles
et ardillons, des francisques, des fers de framée et de
javelot, des couteaux, depuis la taille de l'instrument de
jusqu'à la dImension de l'épée, des scramasax, des
poche
anneaux, des pendants d'oreille, des colliers .
fibules, des
grains d'ambre, de verre, etc. ; des fragments
composés de
de cuir de bœuf et des parcelles de tissus, laine, crin, ayant
servi à envelopper le corps etc. ; des morceaux de silex (2).
(i) P. Lacroix, lac. cit.; p. !H4: Abbp. Martigny, loc. cit., tom-
M. l'abbé Cochet, Notice sur les séptûtures chré­
beaux, sacorphages;
tiennes de Saint-Ouen, de Rouen, p. 21.
(2) Abbé Cochet, lac. cit., p. 23 -26; M. G. Millescamps; le cime"
ière de Caranda, etc.! p. 6-8 •

Les perles d'ambre, très-prodiguées à cette époque, três­
rares à toutes les autres, étaient considérées comme amu-
létiques. Saint Eloi voulant prémunir les peuples de son
temps contre les superstitions païennes, disait: « qu'aucune
femme ne porte de l'ambre à son cou (1) » •
Beaucoup de tombeal.lx des époques mérovingienne et
capétienne contiennent des baguettes de coudrier. En 1656,
on trouva, à Saint-Germain-des-Prés, un bâton de cou-
drier dans la tombe de la reine Bilichilde, épouse de
Childéric II. Des sépultures monastiques de Sainte-Gene­
viève, découvertes en 1807, ont présenté des baguettes que .
les religieux tenaient dans les mains, etc. Ces verges ou
bâtons, portés à la main, symbolisaient peut-être le voyage
de l' éterni té (2). . .
Certaines plantes, qui se conservent toujours vertes, ont
été souvent placées dans les tombeaux. Le laurier était
ordinairement l'arbre auquel on donnait la préférence.
Fréquent à l'époque mérovingienne, cet usage remonte à
l'origine mê'me du christianisme; il s'est trouvé du laurier

dans l'urne qui contenait les restes des apôtres saint Simon
et saint Jude, dans l'ancienne basilique vaticane (3). Cette
pratique subsiste toujours, au moins dans nos campagnes;
j'ai vu bien souvent placer des rameaux de laurier sous la
tête du mort, dans la bière. Un auteur du XVIe siècle (4)
déclare qu'on veut ainsi marquer -que « ceux qui meurent
dans la paix de Jèsus-Christ ne csssent pas de vivre; car,

(1) "Vie
de Saint-Eloi,
par Saint-Ouen; -
Abbé Cochet, loc. cit.,

(2) Monfa.ucon, Les Monuments de la Monarchie française, 1,173;
Albert LenOlf, Statistiqull monumentale de Paris, 3 livre; apud abbé
Cochet, Exploration des anciens cimetières de Rouxmesnil et d'Estran
p. 12; Sépulture chrétienne de Saint-Ouen, p. 27. '
(3) Abbé Martigny loc. cit., Objets trouvés dans les tombeaux •
(4) Jean-Étienne Duranti, De ritibus ecclesiœ catholicœ, lib. VII, c. 25 .

quoiqu'ils meurent au monde, selon le corps, néanmoins,
selon l'âme, ils revivent en Dieu. )
Le Morbihan possède plusieurs cercueils . de l'époqu~
mérovingienne. ,

granit, excavé
A Béganne, se trouve un tombeau, en
avec soin. Il compte: 2 mètres de longueur, 0 m. 50 c.
de largeur à la tète et 0 m. 33 c. au pied.
Dans la chapelle de Saint-Mamert, de Landaul, on voit
un cercueil de granit, avec un couvercle de même en dos •
d'âne; il a : 2 mètres de longueur environ, 0 m., 50 c. de
largeur à la tête et 0 m. 30 c. au pied .
Le sarcophage de saint Gulstan, dans l'église paroissiale
de Saint~Gildas-de-Rhuys, est 'long de 1 m. 90 c. et large,
à la tête, de 0 m. 70 c. et, au pIed, de O. m. 48 c. Le schiste
est la pierre employée. Ce tombeau a été ouvert, en 1809,

pour en ex traire des reliques destinées à l'église Saint-
Goustan d'Auray. Aucune constatation archéologique n'eut
lie'u. En outre, d'après Albert Le Grand, ce saint fut disci-
aurait vécu au com­
ple d'un abbé Félix, de Rhuys, qui
mencement du VIle siècle, et il mourut vers l'an 608 .
D. Lobineau, au contraire, le rattache au restaurateur de
l'abbaye de Saint-Gildas, saint Félix, qui vivait au XIe siè-
cle. Dans cette incertitude, et la forme intérieure du cer­
cueil étant inconnue, je ne puis déterminer s'il appartient
à la période mérovingienne ou à la période carlovingienne.
D. Lobineau " me paraît cependant le mieux appuyé .
L'avis de
La chapelle de Lomarec, en Crac'h, contient un cercueil
de pü~rre qui mérite une étude détaillée. Par l'inscription et
les autres signes qu'il porte, il constitne un des monuments
les plus précieux de notre région. J'en ' emprunte la des­
cription à M. de la Villemarqué, l'éminent directeur de
. notre classe d'archéologie (1).
(1) Mémoire sur l'inscription de Lomarec, près Âuray,. Académie
des inscriptiollS et belles-lettres, i81':8 .

« Le cercueil est placé à g-auche de l'autel, du côté de
l'évangile, à l'angle nord-est du chœur; il est scellé dans
le mur même de la chapelle et enfoncé en terre d'environ
o m. 20 c. Le bloc de granit où on l'a creusé présente une
longeur de 2 m. 07 c. à l'extérieur et de 1 m. 58 c\ à l'inté-
. rieur; il "a s'élargissant de bas en haut, de maniêre à
offrir une cavité de 0 m. 15 c. de làrgeur au pied et de
o m. 47 c. au sommet. A la partie inférieure, on remarque
une petite excavation circulaire formant égout du dedans
,au dehors; à la partie supérieure, au fond du tombeau, à

l'endroit où devait reposer la tête, tournée vers l'autel, est
gravée une croix à branches égales de 0 m. 23 c. de haut
sur 0 m. 23 c. de large, dont la figure est celle d'un l ma-

juscule romain, coüpé transversalement par un autre 1. Sur
la paroi interieure du côté gauche, scellé dans le mur,

on lit:

, IRHAEMA >K INRI
« Les caractères de cette inscription ont en moyenne
o m. 10 c. de haut sur 0 m. 005 m. de larg~ et 0 m. 01 c .

de profondeur. Le couvercle du sarcophage a dû pendant
longtemps le dérober aux regards. Aujourd'hui, ce cou-
vercle n'existe plus; il a été ,brisé. Le tombeau lui-même a
été endommagé par le temps. Le rebord extérieur est tout
usé. 'La paroi intérieure qui porte l'inscription est en meil-

leur état de conservation; on y remarque seulement une
fissure déjà fort ancienne, produite sans doute par le tas­
sement de la mur~ille. 'Quant aux restes du mort, ils sont
tombés en poussière. Je ne m'arrêterais pas à faire remar-
quel' que le peuple prétend que c'étaient les/ reliques de
l'apôtre saint André, patron de la chapelle, si la croyance
populaire, toute puérile qu'elle est, n'attestait la vénération

séculaire dont la tombe est l'objet. Elle est telle que les
mères bretonnes, de temps immémorial, y apportent leurs

petits enfants malades de la coqueh!che et les y couchent
pour les guérir, ne doutant pas qu'elles leur donnent ainsi
pour berceau le tombeau d'un saint, d'un disciple de Jésus-
Christ. » ,
La cercueil de Lomarec appartient a la période mérovin­
gienne. Il en a tous les caractères; il est moins considé­
rable, dans ses dimensions, que les tombeaux de l'époque .
précédente; il est plus étroit a la place des pieds qu'a la
partie supérieure; enfin, il ne présente pas la marque
caractéristique de la biére carlovingienne, la cellule étroite
évidée dans la pierre pour loger la tête du mort. Il remonte
donc aux temps compris entre les premières annêes du
VIe siècle et le commencement du VIlle. L'étude de l'ins-
cription, du chrisme et de la croix permettra peut-être d'en
déterminer la date avec plus de précjsion.
Pour l'inscriptton, il suffira de rapporter les conclusions

adoptées par M. de la Villemarqué.
(( Les archéologues les plus compétents, dit-il, ont été
frappés de la physionomie de ,l'inscription; ils n'hésitent
pas a la croire fo)'t ancienne,. et même a la faire remonter
jusqu'au Ve ou au VIe siècle. Les caractères, en effet ... sont
ceux qu'on voit sur les monnaies armoricaines de l'époque
mérovingienne expliquées par M. Le Normand et publiées
par M. de Saulcy, dans la Revue numismatique. »
Tout d'abord, on pourrait prendre les quatre dernières
lettres pour l'abréviation connue du titulus crucis : Jésus
Nazarenus Rex Judœoruin, LN.R.I. Mais cette abré­
viation, suivant l'auteur, (( ne remonte pas très-haut.

M. Edmond Le Blant ne l'a pas remarquée dans les époques
reculées dont il relève les inscriptions. M. de Longpérier
n'en a pas trouvé non plus avant le XIIIe siècle. Dans la
collection de croix de toutes les dates faite par P. Arthur
Martin, il n'y a qu'un seul christ avec le titulus abrégé, et
ce christ n'est que du XIVe siècle. »

Les termes de l'inscription appartiennent au breton an­
cien. «( A première vue, dit M .. de la Villemarqué, je n'y

remarque qu'un seul mot qui se retrouve sans altération
aucune dans le vocabulaire usuel des Bretons de France:
pour entendre les autres. il faut recourir à l'idiome archaï­
que de la population des îles britanniques qui a donné son
notre Bretagne française .... L'auteur de l'inscrip- .
nom à
tion de Lomarec a voulu placer dans le tombeau une
formule utile au mort, et il n'a cru pouvoir mieux faire que
d'y graver un acte de foi et de sujétion à Jésus-Christ.
. Telle a été son idée, si je la saisis bien; je traduis donc:
quelqu'un dont Jésus-Christ est le roi, c'est-à-dire, « un
sujet ou un serviteur de Jésus-Christ,; » littéralement,
« de qui est Jésus-Christ en roi. » Je traduirais avec plus
de précision en latin : illius cujus est Jesus-Christus in
regem Mot à mot: ir) de; ha) qui; ema-, est; X, Jésus-
Christ, ln, en; ri., roi. L'épigraphiste breton a rendu,
d'après le génie des langues celtiques et par un idiotisme
encore usité en gallois, l'inscription si ordinaire des sépul·
tures chrétiennes des Ive, Va et VIa siècles, famuLu8 Iesu­
Christi., serous Iesu- Christi., dont M. Le Blant donne tant
d'exemples. »
Cette traduction J a bien voulu me dire M. de la

n'a pas
Villemarqué, trouvé de contradicteur parmi les

philologues. .

Avant d'essayer de reconnaître, par l'étude du mono-
gramme et de la croix, la date de notre monument,
j'ajouterai que la place occupée par l'inscription offre une
particularité à signaler. Après avoir indiqué dans quelles
un certain nombre d'épitaphes se sont présen­
conditions
tées, M. Le Blant écrit : « Plus nombreuses sans doute
étaient celles que recouvrait le sol, et parmi ces dernières

(f) Manuel d'épigraphie chrétienne, p. 200, 20f.

il en était souvent que la tombe elle-même dérobait au
regard. Ces légendes se gravaient de trois manières: sur

une plaque déposée clans le sépulcre; sur la face intérieure -
sur la dalle qui
du couvercle qui fe.rmait le sarcophage, ou
en formait le fond (1). )) "L'inscription de Lomarec est
gravée sur l'une des parois latérales du cercueil.
Le chrisme résultant de la combinaison du X et du trait
vertical sans boucle, est le plus ancien et le plus rare 'des
monogrammes chrétiens. On s'en convaincra par l'examen
rapide des temps où ils furent employés.
Il est avéré, par une épitaphe que sa date consulaire
(268) place avant le régime de Constantin, que, dés lors, les

un monogramme composé des deux pre-
chrétiens ,avaient
mières lettres l et X du nom grec de Jésus-Christ: X (1).
Le chrisme formé du X et du P, lettres initiales de
Christ, paraît, pour la première fois, d'une manière cer­
taine, au temps ~de Constantin, sur les tituli romains datés.
anciens marbres connus ornés de ce signe sont de
Les plus
331 et de 323. Cette dernière année est celle de la mort de
Lucinius, et c'est a cette époque seulement que le chrisme
commence a être gravé sur le$ monnaies impéri'ales. En 355,
, il est placé entre alpha et oméga. En 347, on avait vu ap-
paraître d'autres formes, celles notamment où la croix se
montre plus visiblement, c'est d'abord le monogramme où
le type précédent admet, au milieu du X, une ligne transver-
sale X. Bientôt, le X lui-même est supprimé et ne laisse
plus que les éléments formant la croix monogrammatique,
type qui, jusqu'a la fin du XIVe siècle, marche de pair avec
Ve siècle, le p disparaît a son
l'ancien. Dès le début du
tour et la croix latine ou la croix grecque se substitue au
monogramme par la suppression de la boucle du P. Après
405, le X avec P s'éclipse presque complètèment, du moins

(i) De Rossi, Jn~criptions chrétiennes. apud Mélrtigny.

à Rome, et particulièrement sur les épitaphes; la croix
d~ plus en plus rare, et l'une et
monogrammatique devient
l'autre s'effacent à peu prés sans exception devant la croix ·
nue. La disparition du monogramme s'opère moins rapi-
\ de!Dent dans le reste de l'Occident; en Italie même., les
inscriptions des. Alpes Cottiennes présentent encore d'assez
chrisme ordinaire, vers la fin du
fréquents exemples du
Ve siècle. En Gaule, le X avec P s'emploie de 377 à 547 et la
croix monogrammatique de 400 environ à 525 ou 540. D:au-

tre part, le chrisme paraît sur des monnaies de princes mé-

rovingiens du VIe et du VIle siècles. Quant au monogramme
primitif y formé de ,1'1 et du X, après avoir été aperçu
au Ille siècle, il se montre de loin en loin et rarement pou,r
vers la fin du Ve. M. Le Blant signale, dans la
se perdre
Premièl~e Lyonnaise, à Saint-Germain-du-Plain, l'épitaphe

d'un évêque JamJychus étranger au pays. Cette inscription
qui est précédée de deux croix sépal~ées par le X inscrit

dans un cercle, présente, dit-il, le type particulier aux der-

nières années du Ve siècle; l'auteur ajoute que le mono-

gramme X se trouve dans la Viennoise., en 491 (1). Dans
les épitaphes 'ou inscriptions tumulaires~ le monogramme
et du P, ne dépasse pas le
complet ou abrégé, formé du X
VIe siècle; le monogramme primitif~ cÇ)mposé 'de 1'1 et du X,
arrive à peine à cette époque; ce dernier chrisme est celui
On est donc fondé à conclure que
du tombeau de Lomarec,

ce cercueil n'est pas postérieur au VIe siècle; il n'est pas
non plus antérieur à cette période; cary alors seulement,
du type méro~ingien. Il
commence l'emploi du sarcophage
est vrai que, au temps de Charlemagne, le monogramme

gl'and houneur; mais les cercueils de la forme
redevient en
de celui que nqus étudions -n"étaient plus en usage.

Cf) Abbé Martigny,
art. Monogrammes, Croix; Le Blant, loc. cit.

On connait les différents types antiques de la croix :
desussata, en forme 'de X, croix de Saint-André; com-
missa, patibulata, trilaterata, faite comme le tau T;
quadrilaterata + et +, à quatre ou seulement a trois
branches égales, cette dernière appelée aussi immissa,
forme vulgaire. La croix decussata est l'un des éléments
du chrisme; nous avons vu qu'elle figure sur des poteries
mérovingiennes. La croix en tau était, chez les païens, le
signe de la félicité, de la vie, du salut; chez les Egyptiens,
en particulier, le symbole de la vie future. Les chrétiens
l'employèrent d'assez bonne heure : on en trouve de
l'an 370. On se rappelle que avanh le Ve siècle, aucun
monument ne présente la croix immissa, ni la croix grec­
que ou équilatérale; sur les sépultures, la croix nue n'est
pas fréquemment employée avant le milieu du même siècle.
Il reste a déterminer la date extrême a laquelle les croix
qnadrilaterata et immissa disparaissent des inscriptions
monumentales et des inscriptions tumulaires. Or, M. Le .
. -Elant (1) fournit les indications suivantes : dans les ins-
criptions monumentales, ces cro~x ont figuré .. en Gaule, de
445 a 675, dans les épitaphes, a Rome de 450 a 589, et .. en
503 a 680 environ. D'autre part, la croix grecque,
Gaule, de
spécialement, se montre, sur les monnaies au VIe et au
VIle siècles, 'concurremment avec le chrisme. De toute
nous ne sortons pas de la période mérovingienne;
façon,
en particulier, pour les monuments, nous ne dépassons pas
le VIle siècle. Il est donc naturel de rapporter la croix du
cercueil de Lomarec et le cercueil lui-même a la date du

chrisme, c'est-a-dire au VIe siècle .

(i) Loc. cit., p. 28, f9 .

III .
CERCUEILS DE L'ÉPOQUE CARLOVINGIENNE
Par leur forme pesante et rude, les sarcophages rappel­
lent un peu les tombeaux du IVe et du Ve siècle. Les
pieds 'sont gènéralement amoindris comparativement au
haut du corps. En outre, ce qui distingue nettement ces
bières des cercueils des époques précédentes, c'est un
emboîtement, une entaille, une petite cellule évidée dans
la pierre pour loger la tête du , mort. Le pl us souvent,.
l'emboîtement est rond ou arrondi; parfois il est carré,
comme dans lés cercueils faits de plusieurs morceaux, de
la période suivante. En un mot, dans ces bières, au lieu
d'être creusée carrément et en forme d'auge, l'excavation
est ménagée dans des proportions répondant à l'amPleur
des membres : arrondie ou carrée, à l'endroit ou la tête
devait -reposer, elle s'élargit aux épaules et se retrécit gra­
duellement avec le -corps jusqu'à la place des pieds. Les
tombeaux carlovingiens les plus anciens, ceux gui remon­
tent à la seconde moitié du VIlle siècle, présentent un
caractère de la période précédente: ils sont plus élevés à
la partie antérieure qu:à l'autre. Le type du couvercle.,
presque toujours d'une seule pièce, comme les auges elles­
mêmes, a quelque chose de bombé et de semi-circulaire.
A partir du Xe siècle, et surtout au XIe, les couver­
cles sont décorés de sculptures grossières, de croix en
bas-relief, d'écailles, imparfaitement figurées, de facettes
triangulaires, etc., qui rappellent de loin l'ornementation
des sarcophages romains et qui servent de motifs à l'ar-
chitecture romane (1). .

(t). Abbé Crchet, Notice sur les Sépult. chrét. de Saint-Ouen,
p. tg, 20 ; r. Lacroix, Vie milit. et relig., etc., p. oH ; M. de
Caumont, COurs à'antiq. monum., 6 partie •

La plupart des auteurs qui ont spécialement étudié la
matière font remonter la construCtion de ces coffres de
pierre à une période comprise entre la seconde moitié du
VIlle siècle et la fin du XIe ; d'autres assurent que les
ont été employés du XIIe au XIVe
cercueils de cette sorte

siècle. Ce dernier système, qui est celui de M. de Caumont,

par l'examen des caractères
est irrévocablement condamné
observés dans le Morbihan et ailleurs.
On connaît les dates exactes de quelques-unes de ces
à Jumièges, en 1052 .. dans un
bières. Ainsi, l'on inhumait,
sarcophage à cellule circulaire, Robert Champart, anc'îen
On connaît également un cer­
archevêque de Cantorbéry.
cueil en maçonnerie, dit capétien, qui remonte à la fin du

XIe siècle : celui " de Constance, duchesse de Bretagne,
fille de Guillaume~le-Conquérant et femme~ d'Allain Fer­
gent, décédée en 1091. A l'ouverture de son tombeau, à
Saint-Melaine de Rennes, le 9 juillet 1672, une croix, por­
tant une formule d'absolution, fut rencontrée, donnant ces

indications. En o:utre, un grand nombre de croix sembla-
bles ont été trouvées dans. d'autres cercueils en maçonnerie. '
L'écriture, tracée à la pointe, a été examinée par les plus
. savants paléographes de l'Ecole des Chartres, de la Biblio-
et des Archives nationales; elle a été jugée par
thèque
eux appartenir aux XIe et XIIe siècles (1), Il est donc
par des exemples authentiques, que le cercueil
constaté,
au milieu du
appelé carlovingien s'employait encore
XIe siècle et que, à la fin de cette même époque, appa-

raissent des bières faites de plusieurs morceaux, incon-
nues auparavant. Les défenseurs du premier sentiment
limitent l'usage des sarcophages monolithes à cellule au
temps où se montrèrent les tombeaux en maçonnerie. Peut-

(f) Abbé Cochet, Notice sur les sépult. chrét. de Sa-int-Ouen,
p. H, 16, 21 ; Sépultures gaul., rom., (l'ang. et normandes, p. 303, 318.

être cependant serait-il vrai de dire que l'un des deux
modes de sépulture n'a pas cédé immédiatement la place à
l'autre; il est même probable qu~ils ont été usités concur-
moins pendant de longues années: grâce à
remment, du
la vie indépendante de la Bretagné et il sa fidélité aux
types du passé, les inventions du dehors n'arrivaient que
et souvent se maintenaient après leur abandon
lentement
leur transformation aùx pays d'origine. Même au-delà
des limites bretonnes, la bière monolithe était employée, à
maçonn~rie étaient le plus
l'époque où les tombeaux en
fréquemment en usage. Bien plus, on exagéra, on tour­
menta les formes anciennes. Ainsi, l'on imagina, dans les
.Çiernières années du XIIe siècle, une sorte de cercueil

de pierre taillé extérieurement de manière à dessiner la • •
forme de la tête et à figure l', dans son ensemble, un corps
enveloppé du linceul, comme une momie (1). . Quoi qu'il
en soit de la persistance du type carlovingien, ceux des
tombeaux de ce genre qui sont plus élevés à la tête qu'au
pied, ou qui sont ornés de croix analogues aux croix
d'absolution ou de motifs d'ornementation romane, ont
leur date déterminée par ces caractères; de même que
en maçonnerie ont été en usage depuis la fin
les cercueils
du XIe siècle.
Un grand nombre de cercueils du type dit carlovingien
rencO:J.trent dans le Morbihan.
tombeau de saint Mériadec, dans le cime­
Le prétendu
tière de Noyal-Pontivy, est de' ce genre. En voici les
dimensions: extérieurement: longueur: 2 m. 20 c.; largeur

à la tête: 0 m. 90 c., â~ pied: 0 m. 41 c.; en dedans, lon-
gueur, emboîtement compris : 2 m. 02 c.-; largeur aux
épaules : 0 m. 50 c .... à la partie inférieure : 0 m. 23 c. Il
est plus élevé à l'extrémité antérieure qu'à 'l'autre; .cette

(i) P. Lacroix, loc. cit., p. lS14 ..

BULLEl'Ifoc. ARCHÉOL. DU Fll'USTÈRK. - TOME VIII.

surélévation est mesurée par la différence des profondeurs:
o m. 23 c., 0 m. 16 c.: on peut donc le rapporter à la pre­
mière période de la sépulture carlovingienne, c'est-à-dire,
aux dernières années du VIlle siècle.
la dénomination que cette bière a
Comment expliquer
• reçue et que la tradition lui maintient ~ D'aprés une opinion,
la seule admissible, saint Mériadec a vécu au VIle siè­
Le tombeau de Noyal ne peut avoir..de droit à porter
cle.
son nom, puisque les cercueils de pierre n'ont pas été ainsi
avant la fi'n du VIlle. D'après D. , Lobineau,
excavés
saint Mériadec serait mort en 1302. Cette date concorderait
suivant quelques-uns, cette forme de
avec l'époque où,
bière était encore en usage. Mais il faut considérer le'lieu
Or, le P. Albert Le
où l'évêque de Vannes a été inhumé.
cathédrale;
Grand déclare qu'il fut enterré dans l'église
les Bollandistes' affirment le même fait, qui est également
indiqué aux Propres diocésains antèrieurs à celui de 1875.
D'autre part..,; ce sarcophage n'a pu être construit en vue
translation d'une partie des reliques du saint: un cer­
d'une
n'est pas destiné à recevoir quelques
cueil de cette dimension
ossements.
au siège épiscopal, saint Mériadec
Avant d'être appelé '
iéjourna dans le voisinage de Noyal-Pontivy, à Stival. Le
souvenir de ses vertus et peut-être de bienfaits obtenus par
son'entremise, vécut longtemps parmi le peuple. Puis~ la
mémoire des faits est devenue moins distincte; le nom est
resté, on s'est rappelé confusément que .Mériadec a demeuré
dans la contrée, malS on a oublié les évènements de la fin
sa vie et son inhumation à Vanries. A une époque rela-

tivement récente, mais qu'on ne peut préciser, lorsque le
décvuvert, le peuple a été surpris de sa for­
tombeau a été
me çaractéristique ; il lui a reconnu, avec raison, une
haute antiquité; et, jugeant qu'un cercueil de ce genre
devait indiquer un grand personnage, il en a fait celui d'un .

des saints du pays. Peut-être encore faut-il admettre qu'un
Mériadec, différent du saint historique, mais éminent par
sa sainteté ou distingué par son rang, a vécu à Noyal, vers
à laquelle se rapporte ce tombeau., et qu'il y a été
l'époque

réellement déposé. Dans cette hypothèse, on s'expliquerait
sans difficulté, que, le confondant avec le saint solitaire de
Stival, le peuple eût attribué à ce dernier ce qui serait vrai
de son homonyme.
A u commencement de ce~lsiècle, plusieurs sarcophages
carlovingiens ont été découverts dans un champ voisin des
ruines de Coët-Bihan, en Questembert (1).
Près de la chapelle de Saint-Germain, en Elven, se
trouve un cercueil du même genre. Il a les dimensions

suiv.antes : longueur en dedans : 1 m. 79 c.; largeur, au
pied: 0 m. 25 c., aux épaules. : 0 m. 52 c. ; profondeur, aux
épaules :. 0 m. 30 c., au pied: 0 m. 22 c. Une logette a été
pratiquée pour la tête; elle a 0 m. 32 c. de largeur et
o m. 20 c. de longueur. Le couvercle a disparu.
Le cimetière de Molac renferme un cercueil carlovingien,
intérieures: longueur
en granit, dont voici les dimensions
totale logette comprise : 2 mètres; largeur, aux
épaules : 0 m. 46 c., au pied: 0 m. 18 c. Les parois étant
briséEts en parties, on ne peut plus déterminer la profon­
deur du sarcophage. La cellule pour la tête a : 0 m. 25 c.
et 0 m. 28 c. de largeur. Le couvercle n'existe
de longùeur
plus.

Le même cimetière contenait, il y a quelques années,
une autre bière monolithe, de même forme et à peu près
mêr:ne grandeur. Elle a été brisée contre la volonté et à
l'insu du recteur de la paroisse, par des ouvriers employés
à la reconstruction de l'église.
Lors de ces derniers travaux, un troisième cercueil, en
(1) Cayot-Delandre, Le
rbihan, son histoire et se, monuments, .

,pierre blanche, a été découvert: il n'a p0in" t été examiné. ,
Il est maintenant enfermé d.ans l'enceinte de l'église et
- couvert d'un mètre de terre. Je ne puis donc déterminer le
genre auquel il appartient; je sais seulement qu'il contient
crânes et des ossements de diverse grandeur.
cinq
Il y a six ou sept ans, M. l'abbé Lavenot, alors vicaire 'à
Quibéron, a découvert, dans les ruines de l'ancien prieuré
. bénédictin de Saint-Clément, en cette parOIsse, quàtre sar­
cophages monolithes, du type carlovingien, qui demandent

une étude détaillée. Ces monuments sont bien caractérisés;
la forme se reconnaît avec facilité, et, de plus, à certains
signes particuliers, il est possible' de trouver la date ap- ,
proximati ve de chacun des cercueils. ' "
L'un d'eux, d'une longueur de 2 mètres et d'une largeur
de 0 m. 75 c. et 0 m. 30"c., est plus élevé à la tête, 0 m. 40,

qu'au pied 0 m. 35 c. Cette surélévation, qui apparaît dans
es derniers temps des sépultures mérovingiennes, devient
d'un emploi général durant tout le VIlle siècle, cJest-à-dire
à la première. période des tombeaux carlovingiens, puis
disparaît. Ce cercueil portant le signe indiqué, peut donc
être attribué à la fin du VIlle siècle. La couverture est

toujours semi-circulaire ou légèrement bombée : elle est
ici semi-circulaire; mais, au lieu de suivre la largeur de la

bière, elle est d'une largeur égale dans toute son étendue.
est assez rare.
Cette exception
Deux autres bières ont la même hauteur dans toutes

leurs parties, l'une: O,m. 45 C., l'autre: 0 m. 40 c. Elles
sont donc postérieures au VIlle siècle; le couvercle pour­
rait aider à en déterminer la date. L'un de ces couvercles
est un peu bombé; il est orné de deux croix, aux extré­
mités d'une sorte de pied ou hampe. Ce signe ne s'emploie
qu'à partir 'du Xe siècle et sui'tout au XIe. Le cercueil est
donc de l'une de ces périodes, mais plutôt de la seconde;
en effet, le(croix 'figurées, croix grecquer;; pattées, ressem-

blent, presque exactement, sans le pied, aux croix d'abso­
": or; ces dernières ne
lution des tombeaux en maçonnerie
se montrent qu'aux XIe et XIIe siècles. Pour l'autre cer-
cueil, l'absence de sa couverture spéciale permet seulement
au VIlle siècle. A défaut du
d'affirmer qu'il est postèrieur
est fermé de dalles plates. Celles-ci
couvercle habituel, il
se rencontrent fréquemment sur les tombeaux anciens qui
ont servi à des sépultures suc ces si ves ; 'Or, la bière dont il est
question renfermait quatre squelettes, et, ce mode de cou-
verture étant particulier aux bières dites capétiennes, il
semble établi que ce cercueil a reçu un ou plusieurs corps
à cette dernière époque.
nouveaux
Le dernier sarcop ?e, qui présente cependant tous les
caraqtères de la sépulture carlovi~gienne, a un couvercle
tectiforme, ce qui n'existe que pour les tombeaux méro­
vingiens et romains : il y aura eu ici utilisation d'un
antérieur!3. .
couvercle d'une époque
Dans ces q~latre cercueils, l'emboîtement est rectangu­
laire. Habituellement, la cellule est circulaire ou arrondie
bières carlovingiennes, et l'évidement à angles '
dans les

dans les tombeaux en m~ço~­
droits ne se rencontre que
nerie. Ce signe caractéristique de deux espèces de cercueils
o n~a, du reste, rien d'absolument essentiel, quant à la forme;
la logette est
ainsi, dans le sarcophage de Noyal-Pontivy,
presque carrée, avec les angles arrondis.
o sculptures: dents de
Les couvercles portent différentes
scie, etc. ; ce sont des motifs d'ornementation très-usités
l'époque de l'art roman.

Le dernier cercueil contenait seulement un crâne; les
trois autres renfermaient chacun quatre squelettes. A côté
n'a rien découvert d'intéressant pour
des ossements, on
l'archéologie.
Rhuys possède un tombeau
L'église Saint-Gildas de
granit" celui de saint Félix, le restaurateur
monolithe, de

ae l'abbaye. Le couvercle est en dos d'âne. Les dimensions
sont les suivantes: longueur: 1 mètre 96 c. ; largeur, à la
partie antérieure: 0 m. 74 c., à l'autre extrémité: 0 m. 42 c.
Même en ne tenant pas compte des données historiques sur
ce personnage et sans connaître la forme intérieure de la
bière, on peut croire que le monument appartient à l'épo-
que carlovingienne. J'ai déjà fait remarquer que, à partir
du Xe siècle et surtout au XIe, la pierre de .couverture porte
signes~ entre autres, des croix analog,ues
souvent diffèrents
aux croix d'absolution. Ici, nous trouvons une croix grec-
que à extrémités élargies. Le tombeau se rapporte donc à
indiquées; Or, d'après D. Lobineau, qui
l'une des périodes
s'appuie sur les chroniques de Rhuys et de Quimperlé,
saint Félix serait mort en 1038. La théorie, fondée sur
d'autres observations, est ainsi confirmée par l'histoire.
Sur le couvercle de ce tombeau :est gravée l'inscription
suivante:

, + II ID FEBR OBIIT
FELIX ABBAS ISTIVS LOCI

La même église contient le tombeau en gramt de
saint Gildas. Il a les dimensions extérieures suivantes :
longueur: 1 mètre 80 c.; largeur, à la partie supérieure :

o m. 66 c., à l'autre extrémité: 0 m. 46 c. « Soulevée en
1856, dit M. l'abbé Luco, dans son Histoire de saint Gildas
la tombe laissa voir quelques ossements réunis
de Rhuys,
dans une espèce de boîte carrée taillée dans la pierre elle­
même. » Ce cercueil est donc de l'époque carlovingienne et
a remplacé la bière où fut déposé le corps du fondateur de
l'abbaye.

CERCUEILS DE L'ÉPOQUE CAPÉTIENNE
Les cercueils sont faits de morceaux de pierres juxta­
posés, ordinairement fixés à l'aide de mortier. Il n'y a
jamais de dalle pour servir de fond; le corps repose sur le
sol même. Les pierres des côtés sont dressées sur champ,
ou les parois sont composées de moellons; des pierres,
mises à plat, forment le couvercle. Il n'y a strictement que
la place du corps; un emboîtement carré a été pratiqué
pour la tête. Le plus souvent, comme aux deux époques
précédentes, le tom " au \ est moins large au pied qu'à la
partie antérieure (1). -
J'ai déjà signalé les croix dites d'absolution, qu'on trouve
fréquemment dans les tombeaux de ce genre. On y gravait
une formule d'absolution en faveur du mort: celui-ci même
était nommé dans le texte de l'inscription. La croix était
de forme latine ou grecque, souvent pattée; elle était faite

de bois, de plomb, quelquefois d'argent et se mettait sur
la poitrine du défunt, En 1142, après la mort d'Abailard,
Héloïse, abbesse du Paraclet, demanda à Pierre-Ie-Véné­
rable, abbé de Cluny, une formule d'absolution, afin de la
déposer dans sa tombe; ce qui fut accompli (2).
J'ai montré précédemment, par l'exemple du cercueil de
la duchesse de Bretagne, femme d'Alain Fergent, que le
tombeau en maçonnerie ou de moellons juxtaposés était
employè vers la fin du XIe siècle. Un document écrit nous
apprend que l'usage en subsistait encore dans les dernières
années du XIIIe, Nicolas Gellant, évêque d'Angers, mort

(1) Abbé Cochet, Not. sur les Sépull. chrét. de Saint-:Oue'n, p. 9 •
(2) P. Lacr.oix, Vie milit. et relig. etc., p. :>09, :>10 •

en 1290 fut enterré « in sarcophago de tuffello de variis
peciis composito (1). »
On n'a jamais t.rouvé un seul vase dans ces cercueils,
non plus que dans ceux db la période carlovingienne ; il
s'en rencontre, mais rarement, autour d'eux. Il faut en

conclure que aux XIe et XIIe siècles, l'usage des vases

funéraires pour l'eau bénite et l'encens n'était pas encore
rétabli, ou, du moins, qu'on ne jetait pas dans la tombe les
vases destinés ft ce service (2).
Au XIIe et au XIIIe siècle, les 'bras sont posés ordinaire-
ment sur la poitrine; les avant-bras se croisent et les
mains touchent les coudes, Parfois, les mains sont jointes.
Antérieurement, et, en particulier au VIle siècle, elles
étaient placées dans la région de l'abdomen (3) .
Parmi les objets mobiliers recueillis dans ces cercueils,
on ne peut guères citer que les boucles de fer provenant de

ceintures et les bottines ou chaussures de cuir rencontrées
très-fréquemment aux pieds des défunts, surtout des moines
et des ecclésiastique qui s'inhumaient tout habillés. Chez

nos ancêtres, les chaussures signifiaient que l'on était pré­

paré au.jugement de Dieu. C'est la raison qu'en donnent

les liturgist~ du XIIe et du XIIIe siècle: ('( (Mortni) habe­

ant et soleas in pedibus qua significent ita se paratos esse
ad judicium ... Et, ut quidam dicunt, debeut habere caligas
circa tibias ut per hoc ipsos esse paratos ad judicium repre-
sentetuv (4). )}
A côté de ces sarcophages, on rencontre quelquefois des
cercueils monolithes ayant tous,les caractères des tombeaux
du VIe au XIe siècle. Ces derniers, dé 30uverts par les fos-

(1) D. Luc d'Achery, Spicilège, t. x. p. 251, opud abbé Cochet, loc.

cit., p. 16.
(2) abbé Cochet, loc. cit., p. 16, 17, 2f. '
(3) Abbé Cochet, loc. cit.; p. 17. 21.
(4) Durandus, Rationale divinorurr, offic.) lib. XII, c. 35.

soye urs du XIIe ont été utilisés par eux pour des person­
nages de leur temps. Deux signes le démontrent. A défaut
des couvercles primitifs, on employait des pierres plates
juxtaposées, suivant l'usage de l'époque: nous en avons
un exemple dans l'un des cercueils carlovingiens de Qui­
béron. De plus, comme on faisait des réceptacles pour
tète et que les auges mérovingiennes n'en avaient point, on
y suppléait en plaçant deux chantiers de pierre, ce qui
équivalait à une enta' A ~tiquée dans le monolithe .
Plusieurs cercueils du type capétien ont été décou.verts
à Saint-Clément, en Quibéron.
Parmi ces bières, les unes offraient tous les caractères
indiq ués : parois faites de plusieurs pierres unies au rpor- .,

tier, largeur moindre au pied qu'à la partie supérieure,
emboîtement carré; ce sont les plus anciennes du genre.
sans cellule évidée sont plus larges à une extré­
D'autres,
mité qu'à l'autre; elles n'appartiennent plus que par deux
caractères au type capétien. Enfin, quelques-unes, sans
emboîtement, ont la mème largeur dans toutes leurs par-
ties, elles dOIvent remonter aux derniers temps de l'usage
des cercueils de pierre. .
La plupart de ces tombeaux ne renfermaient qu'un seul
squelette. Tous avaient la même orientation: les pieds à
l'est et la tête à l'ouest, Durandus ou Guillaume Durand,
j'ai déjà cité, donne de cette position dans
le liturgiste que
« le mort ,semble
le cercueil cette raison mystique, que
prier et être pl'et à se lever aux premiers rayons du
ainsi
soleil. » ,

'Une bière qu'il faut rattacher au type capétien, a été
trouvée, en 1876, près des restes de l'ancienne chapelle de

Triee, en Guidel. Dans ce tombeau, plus large aux épaules
j qu'à l'extrémité 'inférieure, chacune des parois est faite de
deux dalles posées sur champ; d'autres dalles plates ser-

au lieu d'ètre carré,
vent de couverture. L'emboîtement

est triangulaire: deux pierres, mises sur champ et dispo­
sées obliquement par rapport à celles q:ui composent les
côtés, déterminent l'espace où reposait la tête. Cette forme
de logette est remarquable; c'est peut être le seul exemple

qui en ait encore été signalé. Le squelette était étendu sur
le sol., ~a tête à l'ouest, les' bras placés longitudinalement.
Avec les ossements, il n'a été trouvé que des tenailles de
fer fortement oxydées,
Kersaho, recteur de Locoal-Mendon, et
M. l'abbé
M. l'abbé Luco, tous les deux membres de la Société poly-
mathique du Morbihan, ont opéré des fouilles, le 25 et le
26 juillet 1878, dans le vieux chœur de l'église de Locoal,
au lieu indiqué par la tradition du pays et des documents

anciens comme étant celui ~ ~de la sépulture de saint
Goal.
~ la profondeur de 1 m. 25 C., on a découvert une tombe
maçonnée en pierres ordinaires, remplie de terre et enduite,
à l'intérieur., d'une couche de chaux; deux grandes pierres
plates en formaient le dallage. Ce tombeau paraît
appartenir au genre capétien. Il ne peut, en tout cas., être
la bière, au moins primitive de saint Goal, qui vivait au
VIle siècle.
Dans le courant de l'été de 1880, M. l'abbé Rio, recteur
de Saint-Gildas de Rhuys, a fait creuser une fosse, pro­
fonde d'un peu plus d'un mètre, autour de son église., en
vue de travaux destinés à en écarter les eaux pluviales et
l'humidité. On a trouvé plusieurs tombes monastiques, et
l'on .a remarqué qu'une petite cellule avait été ménagée
pour chaque tête et que les bières étaient faites de plu-
SIeurs 'morceaux. '
Cette étude sur les sarcophages nous conduit à la fin du
XIIIe siècle; il faut nous~ y arrêter. Au commence-
men t du XIVe., les grands seigneurs sont déposés dans
des cercueils de pierre, ' tapissés de plomb; mais, au

temps de Charles V, 1 -.bois ou le plomb remplace absolu­
ment la pierre, même dans les sépultures de luxe (1).
On rencontre parfois des cercueils en plâtre moulé; c'est
une mode qui a pris naissance au IXe siècle et qui a duré
jusqu-'au XIVe. Ces bières sont grossièrement décorées,
ur leurs côtés, d'ornements très-primitifs, de cercles, de
losanges, d'entrelacs, avec des emblèmes qui Fermettent
de fixer l'époque approximativement; ainsi, quand un cer­
cueil de plâtre est orné de fleurs de lis, on est certain qu'il
ne peut être antérieur au XIIIe siècle (2).
Enfin, on a découvert de grossiers sarcophages faits en
ciment, dans lesquels les corps ont été:déposés sans armes,
sans :vases, sans instruments d'aucune sorte; il est diffi­
à ces sépultures qui pour­
cile d'assigner une date certaine
raient être contemporaines des Carlovingiens (3).
Il suffira d-avoir seulement signalé ces deux derniers
genres de tombeaux; je n'avais pas à m'en occuper dans
ce mémoire sur les cercueils de pierre.

L'abbé EUZENOT.

(1) Abbé Cochet, loc. çit., p. 6 ~ P. Lacroix, loc. cit. p. 514.
(2) P. Lacroix, Zoe. cit. p. 514. .
(3) M. G. Millescamps, Le Cimetière de Caranda, p. 7 .