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Bulletin SAF 1881


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Le rétable de Notre-Dame de Kerdévot

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que par la ligne magistrale. Les troupes ainsy que Partil­
lerie ont été embarquées sur différents bàtiments qui ont
tous mis a la voile a une heure aprés midi et ont fait route '
pour le Port Louis où ils sont arrivés a. cinq heures du
SOIr. .
« Tous les travaux faits pendant la défense ont été pro­
posés et exécutés par MM. BOUCHET; BELAVAU, FAVART
et BEY LIÉ, ingénieurs ordinaires.
« Ce journal est le même que j'ai envoyé au Ministre.
« Au Port Louis, le 3 novembre 1761. .
« Signé: BOUCHET. Àl

(Copié et collationné sur l'originrll manuscrit par M. MAURIÈS).
Il est procédé au dépouillement du scrutin ouvert
pour la nomination d'un Secrétaire. .

M. Aymar De Blois ayant réuni l'unanimité des suf­
frages est prodamé Secrétaire.
M. Faty donne ensuite lecture d'une de3cription d'un
bas-relief qui se trouve dans la chapelle de Notre-
Dame de Kerdévot, en la paroisse d'Ergué·Gabéric .

LE RETABLE DE NOTRE-DAME DE KERDEVOT.
Sur les confins de la paroisse d'Ergué-Gabéric, du côté
d'Elliant, a huit kilomètres de Quimper, on trouve la cha­
pelle de Kerdévot, de fondation princière ainsi que l'attes­
tent les couronnes ducales sculptées sur les murs. Au-dessus
, de la porte de la tour, on remarque une hermine pa88ante~
et, sur les vitraux, des ducs de Bretagne la' couronne en
tête; en outre, de nombreux écussons peints sur les mêmes
vitraux témoignent de la piété des seigneurs des environs
qui s'étaient plu a dotel~ et a embellir cette sainte chapelle.
Parmi ces blasons, M. de Courcy cite ceux des familles de

Guengat, T~éanna, Liziart, Kersulgar" Lanros, Autret de
Missirien, etc. " ,
édifice dédié à la Vierge est le but d'un célèbre pélê­
Cet
rinage qui attire une grande foulé de c-ampagnards; les
citadins de Quimper s'y rendent aU,ssi en partie de plaisir
et · donnent à ce pardon le nom pantagruélique de Ker-
fricot. .
C'est le deuxième dimanche de Septembre que se célèbre
la fête de la patronne de Kerdévot à qui on attribue la-pré­
servation miraculeuse d'une peste qui ravageait la paroisse
limitrophe d'Elliant à une époque trè~ ancienne, mais qu'on
ne saurait déterminer et dont le souvenir s'est conservé
dans une ballade bretonne publiée par M. de la Villemarqué.
Ce monument placé dans une situation pittoresque est
d'un bO,n style, il paraît remonter à la fin du XVe siècle ou
peu aprés ; son caractère architectur-al se rapporte aux
, édifices religieux de cette époque qui sont assez nombreux'
en Bretagne. L'autel principal posséde ùn magnifique réta-
ble à deux étages, de tuois métres de long sur deux mé­
tres de hauteur; il représente en une mllltitude de figurines,
avec les costumes du XVIe siècle, l'histoire de la Vierge. •
Sa vue provoque toujours une telle admiration chez les

paysans des environs de Quimper, qu'ils lui attribuent une

origine surnaturelle. Ainsi, ils racoptent que ce rétable
fut d'abord aperçu sur la mer non loin de Locmaria. Cette

nouvelle s'étant promptement répaudue dans le pays, les
processions des paroisses voisines se rendirent succes&ive-
ment à sa rencontre dans l'espoir de s'en emparer, mais il
ne s'approcha du bord que lorsque la procession d'Ergué­
Gabéric se présenta. On l~ mit sur le champ dans une cha-

rette àbœufs, et ceux-ci sans être conduits, s'arrêtèrent au
lieu où l'on a élevé la chapelle de Kerdévot.
Il existe aussi, au sujet de ce l'étable, une autre tradi­

tion qui n'a pas une origine miraculeuse cO,mme celle que

BULLETIN nI'; LA Soc. ARCHÉO"". DU FINISTÈRE. TOME VIII.

nous venons de rapporter: , Un jeune sculpteur de campagne,
comme nous 'en possédons encore, fut enlevé par la cons-

eription, puis embarqué sur un, vaisseau du roi pour faire
la guerre aux infidèles; il fit vœu, s'il échappait aux périls
de la mer et des combats, de construire pour la chapelle de

Notre-Dame de Kerdévot, cette œuvre importante qu'il
aurait exécutée avec l'aide de son seul couteau- et en
eachette dans' la cale qe son bâtiment . qui, après des
courses lointBines, le ramenait dans sa patrie .

Ce l'étable qui a donné lieu a,llX légendes que nons venons

de raconter, sans être ce qU"on pourrait appeler un chef-

d'œuvre, est cependant d'une bonne exécution, il mérite'
certainement d'ètre examiné, c'est un beau travail; les

figures des personnages sont expressives et pénétrées de
leur rôle.
Divisé en six compartiments ou tableaux, il représente
six différentes scênes ou se déroulent les principaux actes
de la vie de la reine des cieux. Dans le, premier t"ableau on .
remarque la veilue des bergers près du divin enfant; une
servante prête le secours de sa lanterne, un des bergers
joue du biniou. Les quatre scènes qui suivent se signalent
' également par l'originalité des costumes et des poses des

acteurs ; on y disting~ue facilement la représentation de
l'histoire de la mère du Christ, telle que nous la voyons
exécutée dans nos sanctuaires.
Mais le s~xième et dernier tableau nous révèle un épisode

que jusqu'a préserit nous n'avions rencontrl \ nulle part. On
voit la Vierge morte, conduite a son sépulcre et portée
par plusieurs vénérables personnages ; des soldats (en
costume militaire du temps de François 1 ) ont voulu

s'opposer au départ du convoi funèbre en arrêtant le bran­
card qui transporte la sainte, mais leurs mains appliquées

sur les parois de ce brancard se sont détachées de leurs
bras et y restent fixées en punition de leur sacrilège leS-,

. malheureux soldats mutilés et renversés se roulent à terre
dans les tortures de l'agonie.
Pendant longtemps nous nous sommes demandé, sur
quelle donnée sur quelle tradition, l'artiste avait exécuté
son œuvre, surtout en ce q~i est relatif au 6 tableau
. nous représentant cette scéne dramatique qui jusqu'alors
nous était inconnue et que nous ,étions disposé à considérer
comme une de ces fantaisies autrefois si communes chez

nos tailleurs d~image8 bretons.
Ces jours derniers, nous lisions un livre récemment
publié par M. de la Villemarqué et qui a pour titre Tre-

mevan an Ytron Guerches iJ.faria ou Le trépas de Madame

la Vierge Marie, œuvre d'un auteur breton resté inconnu.

Cet ouvrage imprimé à , P aris en 1530 était devenu telle ,
ment rare qu'on n'en connaissait plus 'qu'un seul, exem­
plaire, qui se trouve à la Bibliothéque nationale; notre
savant Président, ~n le remettant en lumière y a ajouté
une. traduction aussi littérale que possible avec des notes

et un glossaire-index a -:compagnant les textes.
C'est dans ce livre, que trés probablement l'artiste qui

a exécuté le l'étable de ' Kerdévot a dû puiser le motif df.

son sixième tableau, ayant eu soin, tontefois, d'élargir le
cadre en attribuant à une troupe de soldats la mutilation
que le poë~e breton inflige à un juif audacieux qui osa
commettre le même sacrilège.

.A titre de curiosité, nous donnons ici le récit'de l'événe-

ment en langue bretonne, telle qu'elle était parlée il y a
près de 400; ans les personnes qui connaissent cette langue
jugeront combi~n elle s'est transformée depuis cette époque
nous y joignons la traduction d'~près M. de la Vi-llemarqué.

Maz mennas un Yuseu divat

Disql1enn an corff goar, hegarat,

Dann douar gant e drouc barat

Digaut an sant han dut a stat.

Evel maz pcgas quen cruel
En corff vayllant ayoa saTltel,
Ez manaz hep goap e dou dorn, •
Ha nenn doae marz ? bedenn arzorn .
Pan oae net didornet an caez,
En devoae glan noman annoez
en pep queutel,
Gant cuez ha mez
Mas pede pr~st an Abestel.

« Mais voilà qu'un méchant juif voulut enlever perfide­

ment à ce saint et aux autres gens de qualité le doux corps
aimé pour le jeter p~r terre.
bien
« Comme il saisissait très-rudement le corps précieux
et sacré, ses deux mains (n*était-ce pas merveille~) y
restèrent att~chées jusqu'au poignet.
« Une fois sans mains, le misérable éprouva une grande
douleur avec beaucoup de regret et de honte il supplia
les Apôtres. » . . .

Nous parlions tout à l'heure de certaines fantaisie ori­
ginales et quelquefois grotesques que les artistes du
âge introduisaient dans leurs œuvres, sous l'inspi-
moyen
ration de le-qrs idées parfois naïves en matière de religion ~
nous pouvons encore en citer un éxemple que nous avons

observé dans la chapelle de Kerdévot.
Dans la sacristie; au-dessus de la porte du . premier
étage; on remarque un bas relief en bois, très-ancien,
représentant avec une grande naïveté les Rois Mages diri­
gés par l'étoile miraculeuse et venant honorer le Sauveur.
Le divin enfant est soutenu par saint Joseph qui]e tient .

dans ses bras; on voit l'âne et le bœuf de la légende, des
fortifications crénelées du moyen âge dominent cette scène
qui se passe hors de l'étable traditionnelle; la Vierge ne
figure pas au nombre des personnages.
Sous quelle inspiration cette œuvre a-t-elle été éxécutée ~

Probablement en vue de rendre un hommage tout parti­
culier a saint Joseph qui a été mis ici en évidence, alors,
dans la représentation de la Nativité, il figure presque
que
toujours a l'arrière plan. Par un sentiment d'équité, l'ar­
tiste a voulu-, sans 'doute, que les honneurs fussent partagés
entre les deux époux. '
Dans cette chapelle on voit encore un autel érigé a

Notre-Dame de Pitié, près duquel on aperçoit avec un
certain étonnement plusieurs quenouilles chargées de chan-

vre. En voici l'explication: les jeunes mères de la contrée

manquent de lait viennent implorer la Madone pour en
qui
obtenir; elles filent ce chanvre en priant Notre-Dame de
Kerdévot de leur être favorable; aussitôt que la nourriture
du bébé est arrivée a destination, elles remettent la que­
nouille près de· l'autel, en ' ayant soin de là garnir de
manière qu'elle soit toujours prête pour être mise a la dis­
position d'une nouvelle postulante. Le lin filé appartient a
la fabrique de l'église. ' , ,
, Il existait autrefois une fontaine sacrée sous l'autel prin-
cipal; la source qui en a été détournée sort aujo,urd'hui
d'un petit édicule très gradeux-, construit a 300 mètres de
la chapelle, dans un prè qui porte le nom de Plaeite aux
bœufs, sur . lequel il existe une tradition qui nous a été
raconté par le recteur de la paroisse. Certain dimanche,
il y a bien lontemps de cela, on vit deux bœufs qui firent ·
èlection de domicile sur ce terrain; on n'a jamais pu savoir
d'où ils venaient; sans doute c'était une faveur de Notre­
Dame de Kerdèvot, car les pauvres gens s'en servaient a
tour de:rôle pour le labour de leurs champs a une condition
travailler que du lever au
cepencfant, celle de ne les faire
coucher du soleil. Mais un jour un paysan enfreignit la
convention, le lendemain les bœufs disparurent, et depuis

on ne les revit jamais. L'imprudent cultivateur, dans un
but trop intéressé, leur avait imposè un travail dépassant
de deux heures le coucher du soleil.

. En re-merciant M. le Major Faty de son curieu~

travail, M, lé Président 'émet le vœu qü'il continu e

,des études iCOll0graphiques et bagiologiques où il
excelle et dont les connaisseurs apprécient le mérite
· et l'utilité pour la science. La Revue de l'art chrétien

(2 série, T. VIII), fondée pour' propager ces études,

, signale précisément, à ' Notre-Dame de ' Paris, les

mêmes représentations plastiques que dans la cha-
Kerdévot , Le i.ableau~ signalé par M. Faty 1
pelle de
trouve son pendant parmi les bas-reliefs extérieurs

du chevet de Notre-Dam'e, qui datent du treizième
~.i.ècle; Je second ne représente pas autrement les f i -
néraiUe-s de la Sajnte-Vierge : au-dessus du bran-

'Dard ,on aperçoit un personnage prosterné dans la

~ il est privé de ses deux mains qui
pOlissière
attachées à la châsse. ' Le sculpteur,
sont restées
comme . l'a remarqué le P. Germer-Durand, a suivi
id la légende grecque. souvenir évident de la puni-
tion réelle infligée au profanateur de l'Arche d'al-
M. le
liance, observe avec. beaucoup de perspicacité
.professeur Malen .
La ~éance est levée à 4 heures.

Le Vice-Président faisant fonction

de Secrétaire.J

F. AUDRAN .