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La parole est ensuite donnée à M. Audran pour une
Note que M. le comte A . de Bremond d'Ars se proposait
de lire. .
Je me trouvais dernièrement chez un de mes voisins,
M. Jacques Le Grand, propriétaire à Kerjoa et adjoint au
maire de Riec. En me parlant d'un de ses oncles, ancien
recteur, qui lui avait laissé sa bibliothèque, il me montra
un vieux livre imprimé à Quimper au XVIIe siècle et
composé par un de ses parents, le père François Le Grand,
de la Compagnie de Jésus.
C'est un petit in-12, peu connu, je crois, des bibliophiles
et dont je vous demande la permission de vous entretenir .
Il est intitulé:
. L'INSTITVTION DE LA
CONGREGATION
DES ECCLÉSIASTIQUES
DÉDIÉE AV S. ESPRIT
le tiltre de son Espouse sacrée
Sous
LA SAINTE VIERGE
Erlgée au Collége de la Qompagnie de IEsvs
A Quimper-Corentin.
A QVIMPER-CORENTIN
Chez JEAN HARDOVYN, Marchand
LIBRAIRE ET IMPRIMEVR.
Cet opuscule est divisé en deux parties, la première
porte le titre ci-dessus indiqué; la s~conde est intitulée:
Les Devoirs principaux que r Eglise impose aux Ecclé
siastiques. Il se compose de 218 pages, plus 5 autres pages
contenant l'office du Saint-Esprit. .
La marque de l'imprimeur (1) qui se trouve au titre et à
la fin de l'ouvrage est un double médaillon représentant
Jésus et Marie. .
Au verso d.u titre se trouve la permission du père' Fran
çois Amat, provincial de la Compagnie, datée de Paris le
20 mars 1654 et déclarailt que les deux Livrets ont été vus
et approuvés par trois Pères de la Compagnie.
En tête du volume est l'épître dédicatoire à Monseigneur
l'Illustrissime et Révérendissime René du Louet, é'vesque
et c'Omte de Cornouailles, conseiller du roy, etc.) épitre
suivie de l'anagl'ame du nom de l'auteur par M. Abgrall,
recteur de Penhars; malheureusement, le feuillet déchiré
en plusieurs endroits, ne permet pas de rétablir entière-
ment ces trente vers dont les premières lettres forment les
mots: François Le Grand ~ ô le grand saint.
Rien n'indique de quelle pa.rtie de la Bretagne était ori
ginaire le père François Le Grand., mais M. J acq ues Le
Grand est persuadé que son parent était né dans la paroisse
de Névez, berceau de la famille Le Grand.
C'est dans les registres de l'état-civil de cette paroisse,
ajoute M. Audran, que M. le comte de Brémond d'Ars
fera rechercher l'acte de naissance du savant jésuite, il
se propose dans une de nos prochaines séances, de com-
muniquer à la Société le résultat de ses recherches et-les
détails biographiques qu'il pourrait recueillir sur le père
François Le Grand. .
M. de la ViIJemarqué termine la séance en faisanf
part à la Société <.trchéologique d'une communication
importante qu'il a faite à l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres sur de
(1) Jeau Hardouin était le père du c.élèbre jésuite Jean Hardouin,
mort en i 729, si connu comme savant, mais surtout comme hypercritique .
Tome VIIJ.
BULLETIN DE 1 •. 0\. Soc. ARCHÉOJ.. DU FINISTÈRE-
NOUVELLES GLOSES BRETONNES ANCIENNES.
Dans la séance du 30 mai 1879,,1'Académie des Inscriptions
a écouté avec intérêt la lecture d'une 'note sUl~ des gloses
armoricaines de la Bibliothèque nationale, appartenant ~
l'époque carlovingienne. Au · llWis d'octobre de la même
année, le savant M. Whitley Stokes, de Calcutta, corres-
pondant de l'Institut, les publiait et les complétait, d'après
trois autres manuscrits de Paris et d'Oxford, des xe et
XIe siècles, et y ajoutait un certain nombre de nouvelles, en
les commentant avec~l'autorité qu'on lui reconnaît. Ces der-
nières, dont il doit les plus important.es à l'obligeance de
M. Sophus Bugge, professeur à Christiania, sont tirées d'un
manuscrit de la Bibliothèque de Berne, collection de Sco-
lies de Virgile, faite au IXe siècle. Lorsqu'il -les imprima
pour la première fois, il y a peu d'années, sous le titre de
Scholia Bernensia ad Virgilii Bucolica atgue Georgica,
M. Herman Hagen les donna comme irlandaises; mais
M. Bugge, juge plus compétent, n'a pas hésité à y voir de
l'armoricain, opiniqn partagée par M. Stokes, qui les déclare
« incontestablement bretonnes ». Sans avoir consulté l'ori-
ginal, on doit se ranger à leur avis. La forme des mots du
texte qui n'est ni du dialecte cornique, ni du gallois, encore
moins du gaëlique, prouve qu'ils ont été écrits, soit en
Bretagne, comme les canons de l'abbaye de Saint-Méen,
copiés par ordre de l'évêque d'Aleth, Haelocar, contempo
rain de Charlemagne, soit hors de la Bretagne, par des
moines bretons, probablement en fuite devant l'invasion
normande.
D'accord sur la provenance des gloses, les commenta-
teurs ne, le sont pas moins, en général, sur leur interpré
tation, et ce n'est pas sans satisfaction qu'on les voit arri-
ver au même résultat, aussi bien a Calcutta qu'à Christia-
nia et à Paris, par l'emploi de la même méthode philolo
gique. Lorsqu'il y a entr~ eux quelque divergence, elle vient
ou de ce que le glossateur a manqué d'exactitude, ou d'une
]ect!-lre différente, comme cela est arrivé à propos de trois
mots du manuscrit latin n° 12,021, de la Bibliothèque na
tionale de Paris, lus d'une façon par des paléographes fran
çais et d'une autre par le savant étranger qui les a décou
verts et communiqués à M. Stokes.
. Laissant, pour le moment, de côté le point en litige,
auquel on devra revenir ultérieurement, je citerai quelques
une des gloses de Virgile dont j'ai parlé plus haut, pour
lesquelles il n'y a pas de dissentiment, et où l'on trouve,
avec des expressions encore en usage en Bretagne, quoique
plus ou moins modifiées, un précieux contingent pour le
vocabulaire breton au temps de Charlemagne; je les em-
prunte à la brochure où M. Stokes les a élucidées sous le
titre de OLD BRETON GLOSSES, opuscule imprimé à Calcutta,
pour les amis des études celtiques, à cinquante exemplaires
seulement, en attendant une publication à un plus grand
nombre d'exemplaires, revue et complétée. .
Le mots armoricains du IX siècle, tirés du manuscrit de
Berne rio 167, et parfaitement clairs" sont les suivants:
guascotou" elestr" annaor" mabcauelou" a guirtitou, duliu"
buc" a cronmain" scobarnoeion"iscartholion" guilannou"
Luscou" tar" cO,archolion, pritiri> cnoch,
corcid" ra.eloriou,
et deleiou.
1. On lit le mot guascotou
au-dessus du 8 vers de la
seconde églogue de Virgile ·:
~unc etiam pecudes umbras et frigora captant;
Il explique le latin umbras; c'est le pluriel de [Juascot,
maintenant gwasked, « abri », en breton, d>où gwaskaden,
« ombre », en gallois gwascaut, en vieil irlandaisfoscad.
II. Au vers 30 même églogue, le mot elestr traduit
hibiscum; il est encore employé dans le sens de « glaïeul» :
en cornique elester, en gallois elestr,
irlandais elestar;
M. Stokes le croit parent du grec . .
III. Églogue me, au vers ~5e, annaor est la glose de
quancloquiclem. M. Bugge compare ce mot avec le cornique
an -ur, et l'irlandais moderne anuair, « quand» ; M. Stokes
l'identifie avec l'ancien irlandais inn-uair; j'y retrouve
l'armoricain moyen en neur, pour ann heur, « lorsque »;
0: alors », composé de l'article ann et de heur qui n'est
que le latin hora, dont les Bretons du IX siècle ont fait aor,
et les Gallois awr; ces derniers disaient Y t' awr au moyen
« lorsque »; leur article yr répondait au bre
âge, pour
ton ann.
IV. Eglogue IVe, au vers 23 mabl~auuellou répond au
latin èonabula (pour cunabula); le sens précis qu'il offre
est « 'berceaux d'enfants »; on dit aujourd'hui lcavellou
map, composition irrégulière, mais ou l'on trouve les élé
ments anciens mab et cauueZ,pluriel cauuellou, dont le
au cornique, au gallois et à l'armo
premier est commun
ricain et s'écrit mac en irlandais; dont le second paraît
emprunté au roman cauuella, et se présente dans le même
manuscrit comme la glose des mots latins coflnus et
vannus, « corbeille ». .
V Même églogue au-dessus du mot fusis dans le vers
Talia secla suis dixerunt cllrrite fusis,
on voit la glose aguirtitou. Dans ce mot composé de a,
signe du datif et de l'ablatif, ct de guirtitou pluriel de .
guirtit, on retrouve une forme ancienne du breton moderne
flwerzid~ « fuseau », cornique gurhthit, gallois gwerthycl,
irlandais fersaicl, dont la racine est vert, selon MM. Stokes
et Bugge qui comparent le terme armoricain avec le slavon
vreteno et l'allemand moderne wirtel. .
VI. Eglogue VIlle, vers 38 , le copiste a écrit daliu~ au lieu
de duliu., comme glose de fuseus ; aujourd'hui on dit liou
« couleur noire », mot qui a perdu sa, composition
régulière; l'adjectif du., « noir » se retrouve, sous cette
et en irlandais,
forme, dans tous les dialectes bretons,
SOlliS celle de dub ; le substantif liu~ le même en cornique
et en gallois ancien, répond au latin livor.
VII. Au livre 1 des Géorgiques, ' vers 44 , bue est la
glose de putris; au vers 392 , le pluriel bocion, celle de
putres; il s'écrit maintenant boug~ en breton~ et bog en ir
landais, et a conservé le sens de « tendre », délicat »,
« mou ».
VIII. Au même livre, vers 178 , acronmain traduit cy-
lindro « cylindre »; il est composé de la préposition a,
déj à indiquée, de cron « rond » ~ auj ourd'h ui krenn ~ ancien
crunn, vieil irlandais cruind; et de main, « pierre »,
gallois
maintenant maen. · '
IX. Ibidem~ vers 308 seobarnocion, glose de aurito8~
. pluriel de scobarnoe, aujourd'hui skouarnek; substantif
seo barn , « oreille », en cornique seouarnoc, « lièvre »,
gallois ysgyfmonog, irlandais seiberneog, mot que M. Bug-
ge croit emprunté au latin eaverna.
. X. Ibidem, vers 30ge~ iscartholion ~ glose de « stupea ».
(Cf. Isearthol et tolskarz, coup de maitre lutteur). Iseartho
lion est le pluriel de isearthol~ maintenant skarzuz, au sin
gulier, du substantif, iscart~ en gallois ysgarth « raclure »,
en breton skarz, en ancien irlandais eseart, où il est la
glose du grec peripsema, dans saint Paul aux Corinthiens
(Iv, v.13) : Tanquam purgamenta hujus mundi facti sumus,
oml1lum per~psema.
XI. Ibidem~ vers 363 , guilannou~ glose de « fulicae »,
pluriel de guilann; en breton gwélan « goëJand », en ir
landais foilenn, radical gwéla « pleurer », origine du nom
français d'un oiseau de mer qui gémit. -
XII. Ibidem.J Vel'S 364 , corcid, glose de « ardea », au
jourd'hui lce"e?wi.~ « héron », en cornique kerhith, gallois
erychydd.
XIII. Au livre II des Géorgiques, vers 381 e, raclorion
traduit très-exactement p1'oscenia « théâtres »; c'est un
composé où la préposition rac répond au pl'O latin, et
lO1'lon au pluriel leu1'lou d'aujourd'hni; au moyen âge laur
« aire », au singulier, cornique, lo1'.J gallois llaw1'.J irlan-
dais ldt'. '
XIV. Même livre, vers 380 , luseou placé au-dessus de
oscilla dans
Oscilla ex alta suspendu nt mollia pinu .
. C'est le pluriel de lusc.J « balancement », radical de
luska.J « balancer», « bercer », luskelladu1'.J « oscilla-
tion », mots à rapprocher du cornique lesk, « berceau »
et de l'irlandais luascach.J « ondoyant )), luascan, « ber-
ceau ». 1
XV. Au IVe livre des Géorgiques, vers 122 tar, glose
de « ventrem », quoique mal placée au-dessus de- nec dan~
Crescel'et in ventrem cucumis, nec sera comantem ;
en breton moderne teur.J au moyen âge tor1'.J cornique et
gallois t01', irlandais t01', qui se trouve en composition dans
le mot curieux t01'lebe1'ietl, « ventriloques » du ms. 12021
la Bibliothèque nationale. . -
XVI. Au chant II de l'Énéïde, vers 236 je trouve eoar-
eholion, adjectif pluriel, comme glose de « canabina »'; le
substantif est ~coa1'ch.J maintenant kouarc'h, « chanvre »,
cornique, kuer.J gallois, eywareh .
XVII. Même chant, vers 646 , pritiri voudrait expliquer
« jactura » dansfacilis jadura sepule1'i.J et ne l'explique
pas, mais le glossateur ne fait pas un contre-sens, et nous
offre une forme archll'ique du mot moderne prideri, « solli
citude » en gallois pryderi~ « souci », à rapprocher du
vieux gallois preteram~ « perpep.do. »
XVIII. Au Ille cha?t, de l'Enéïde, vers 22 ., cnoch.,
cc tumulus »., répond au breton actuel kreéJh., au breton
moyen knech., au gallois cnwc., et à l'irlandais cnocc., que
Zeuss rapproche de tous les noms gaulois commençant
par cuno., et retrouve en particulier dans la seconde syl-:
labe du nom dela forêt hercynienne.
XIX. Même chant de l'Ené1de, vers 54g , deleiou., glose
de ({ antemnarum », est exactement le pluriel actuel
déléiou ou déléou., « mâts », « vergues », au singulier
dele., cornique dele., irlandais deil et del., qu'on trouve
dans l'édition de Cormac, donnée par M. Stokes, comme
tant d'autres éditions excellentes.
En rendant un hommage mérité à un Correspondant qui
honore l'Académie des Inscriptione: et qui s'honore de lui .
appartenir, je ne puis m'empêcher de remarquer dans quel-
les circonstan ~es touchantes il a fait son dernier travail.
Placé par la reine d'Angleterre à la tête de la magistra
ture dans les Indes Orientales, il a dit souvent de ses
chères études celtiques: non impediunt foro; pendant ses
traversées de Dublin à Çalcutta, les poursuivant à bord,
il disait peregrinantur; dernièrement, à la suite du plus
grand malheur qui puisse frapper un homme, et où l'on ne
trouve de consolation ou de distraction que du côté du
ciel ou de l'ètude, il a eu trop lieu d'ajouter durant bien
des nuits sans sommeil: pernoctant nobiscum 1 .
(ACADÉMIE DES INSCRŒTlONS ET BELLES-LETTRES.
CO~,[PTES-RENDUS DES RÉA~CES DE L'ANNÉE 1880;
Quah'ième série, T. YIII.
BULLETIN D'AVRIL-MAI-JUIN
PARIS
IlUPRUIERIE NATIONALE
DCCC LXXX)
L'ordre du jour étant épuisé, le bureau présente
M. Aymar De Blois, ancien Conseiller de préfecture"
qui, de retour dans son pays ( serait très-heureux,
écrit-il, de compter désormais parmi les membres de
la' Société archéologique du Finistère. »)
Elle ne pouvait qu'admettre pal' acclamation le fils
de celui dont la perte a été si préjudiciable à ses tra-
vaux. ~
La séance est levée à 4 heures et demie .
Le Vice-:-Président faisant fonction
de Secrétaire,
F. AUDRAN.