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Bulletin SAF 1880


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Découverte de monnaies anciennes faite aux environs de Saint-Pol-de-Léon

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SÉANCE DU 14 FEVRIER 1880

Présidence .de M. le Vicomte Th. HERBART

DE LA VILLEMARQUÉ
DE L'INSTITUT

Étaient présents: MM. Audran , vice-président,
Le Men, secrétaire, Le Maigre, trésorier, Pavot, sous­

intendant militaire, Devaux, lieutenant au 118 Fou-

geray.

M. Tanguy, secrétaire-adjoin1, s'excuse de ne pou-

voir assister à la séance.
Sur la proposition de M. le Président, M. Audran
est nommé délégué ~ la réunion des Sociétés savantes
à la Sorbonne, où il représentera la Société archéolo-
gique du Finistère. Selon le vœu exprimé par M. de
la Villemarqué communication est faite du travail que
l'honorable délégué doit lire à l'assemblée générale:
c'est l'extrait d'une Histoire de l'abbaye de fJuimperlé
et de cette ville, ouvrage qui paraîtra dans l'année; la
réunion y prend beaucoup d'intérêt. -
. M. le Président donne ensuite lecture d'un impor­
tant travail de numismatique. dû à M. le baron Pol
de Courcy et intitulé :
NOTE RELATIVE A UNE DÉCOUVERTE DE MONNAIES ANCIENNES FAITE
AUX ENVIRONS DE SAINT-POL-DE-LÉON •
Au mois de décembre 1R79, des cullivateurs de Roscoff en
démolissant au quarlier dit Roscoff- Goz (le vieux Roscoff) une
en ruines, onl trouvé dans ses fondations 92 pièces d'or
maison
à fleur de coin, savoir: 90 frappées au nom ùu roi Charles VI
BULLETIN DE LA Soc. ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. T. VII. 8

(1380-1422) et deux au nom d'Edouard III d'Angleterre (1327-

Les pièces de Charles VI sont des écus d'or à la couronne,
dont l'ornementation des revers présente quelques varianles,
coiIis différents, mais dont le droit et la légende
indiquant des
ci-dessous sont semblables. .
Droit: Dans le champ, écu -aux trois fleurs de lys, surmonté

d'une couronne non fermée: p.oint ·~ecret au centre .
Légende ~ + KAROLVS : DEI : GRACIA: FRANCORVM : REX.
Revers: Croix pattée, feuillée et fleurdelysée, chargée en
cœur d'une étoile, et inscrite dans un encadrement de quatre

lobes arrondis, cantonné de 4 couronnes,
+ XPC (Christus) X VINCIT X XPC X REGNAT
Légende:
X XPC X INPERAT. .
Les deux pièces anglaises d'un plus grand modèle que les
précédentes, offt'ent au droit l'effigie du roi Edouard, vu de
face, debout dans une nef flottant sur des ondes, tenant de la
main droite une épée haute et de la gauche un écu écartelé de
France et d'Angleterre. Le champ du revers est chargé d'une
croix fleurdelysée, caatonnée de ~ léopards couronnés, mais
les légendè~ ne sont pas identiques et ont nécessité deux coins
spéciaux.

N° I. Avers: + EDWARD; DEI: GRA (lia) : REX: ANG
(liœ): DNS (dominus): RYB (el'niœ) : DVX: AQVIT (aniœ) .
Revers: + IHe (Jhesus) : AVTEM: TRANSlENS: PER :
MEDIV (m) : ILLOLUM : lBAT. .
N° 2. Avers: + EDWARD: DEI: GRA (tia) : REX: ANGL
(iœJ : ET : FRANC (iœ) : D(ominus) : H (Yberniœ).
Revers: IHG (Jhesus): AVTEM : TRANClENS tsic): Peer)
MEDIVM : ILLORVM : lBAT.

Celte légende empruntée à l'évangile de saint Luc (chap. IV,
verset 30) fait allusion au calme de Notre-Seigneul' traversant
la f{}ule des Juifs qui voulaient le lapider à Nazareth.
Nous pouvons conjecturer que cette légende fut adoptée par

Edouard à la suite de la victoire qu'il remporta le 25 juin ' 1340
sur les flottes combinées , de Philippe de Valois et du duc
Jean III. à travers lesquelIr,s il s'ouvrit un passage et débarqua
à l'Ecluse~ en Flandre. Ayant postérieurement, l'an 1342, en­
voyé en Bretagne des troupes élU s,ecours de la comtesse de

Montfort, il leur adjoignit des monnayeurs, chargés de fabriquer

jusqu'à concurrence de mille livres sterling, les sommes né-
à leur solde « sallS que l'émission de celte monnaie,
cessaires
di:5ent les lettres, puisse causer 'préjudice au duc ou à la du-
chesse, ni aux hommes dudit duché de Bretagne, ni tirer à
conséquence pour l'avenir. » (1).
Il Y a donc -'ieu de supposer que les monnaies anglaises trou-

vées à Roscoff furent frappées en Bretagne en 1542. ,
Il nous reste à déterminer l'année où fut enfoui le petit trésor.
pour l'époque, qui fait l'objet de.la présente note.
considérable
Pendant les guerres du XIVe siècle. Roscoff, pOIt florissant
son commerce maritime, eut maintes fois à souiTrir des
pour
descentes répétées des Anglais, qui occupèrent en outre de
1373 à 1397 les ville et château de Brest, d'où ils faisaient de
les environs, pillant et rançonnant les
fréquentes courses dans

habitants des campagnes et des villes ouvertes.

, 1387 Richard Fitz- Alan, comte
L'histoire rapporte qu'en
de Brest, pour le
d'Arrundel, amiral d'Angleterre et capitaine
roi Richard II, brûla les ports de l'Ile de-Batz et de RoscoiT. '
(Voyez les actes de Rymer, publiés en 1704, t. VII, p. 578). La
tradition ajoute à ce récit que les Anglais s'établirent momen­
tanément sur l'îlot nomnlé depuis Ti-Saozon (la maï'son des
Anglais) entre Roscoff et l'Ile-de-Batz, Les monnaies dont nous
avons donné la description étant contemporaines du sac de
RoscoiT en 1387, on doit en conClure que c'est, pour le sous-

(f) Quod cusio bujusmodi, duci seu ducissre aut bominibus dicti du­
C:ltùs Britannire, non cedat in prrejudiciu m, nec ab alüs trabatur in '
consequentiam in futumm. -
(Actes de Hymer t. V, p. 302; Dom Morice, t. J, Preuves, coL 1436) •

traire à l'ennemi~ qu'un riche habitant de la ville qui périt dans
cette circonstance, cacha le trésor retrouvé cinq siècles après
lui dans les substructions de sa maison. Cette maison constitue
seule aujourd'hui, avec deux autres habitations entourant un

placitre? au milieu duquel s'élève une croix en pierre, l'empla­
de l'ancienne ville de Roscoff? dit le vieux Roscoff? par
cement
à la ville nouvelle. .
opposition
En effet, quand il fut question de la rebâtir, on reconnut que
du côté du levant, plus profonde et moins exposé~ aux
l'anse
envahissements des sables soulevés par les vents d'ouest? serait
plus avantageuse. Le vieux Roscoff fut donc peu à peu aban-
donné et les nouvelles habitations segroupèreut sur le pourlour

de l'arc qui forme le hâvre actuel. . .
On s'expliquera moins la présence de deùx médailles ro­
maines en or? trouvées presque à fleur de terre dans deux
champs de légumes, labourés de temps immémorial et situés à
8 kilomètres l'un de l'autre et à 1 kilomètre de Saint-Pol.
Nous avons fait l'acquisition de ces deux pièces qui méritent,
à cause de leur provenance, une mention particulière. L'une
e"t du tyran Maxime qui règna sur la Grande-Bretagne et sur
les Gaules (383.387) et qui après avoir vaincu Gratien, fut à
son tour vaincu et décapité par ordre de Théodose. Elle pré~
présente à l'a.vers la tête du prince, tournée à droite et ceinte
de fleurs. .
. d'une couronne

Légende: DN (dominus) MAG (nus), MAXIMVS P (ius) ,
F (elix) AUG (ustus).
Au revers un 'porte-enseigne tieilt de la main droite-l'étendard
dit vexillum ou labarum et de la gauche une statup,tte de la vic-

toire posée sur un globe avec une étoile à . gauche dans le
champ. . .

Légende: RESTITVTOR REIPVBLICAE.

Exergue: S(ignata)- M (oneta) TR (everis)-.
. Cet exergue est la marqUe de · la monnaie frappée à Trèves,
où Maxime fit sa résidence et où existent enCore quelques mo-

numents de son règne. Notre médaille de deux centimètres de
diamètre est d'un beau relief, à la différence de la suivante,
rrappée de la façon la plus harbare et qui n'd que 15 millimètres
de diamètre.
Le champ de l'avers offre un buste, la tête couronnée et
tournée à droite et les épaules revêtues d'un mant.eau à plis
raides, avec une croix sur la poitrine.

(ominus) N (oster) IVSTINIANVS PP perpetuu, S)
Légende: D
V (ietor)
Revers: Une statue de la victoire ailée et assise, tenant une
couronne.
Légende: VICTORIA A (u)GVS (ti) CA (esaris).
Nous ne saurions décider si cette médaille appartient au cé-
d'Orient, Justinien 1 , qui règna de 527 à 565,
lèbre empereur
ou à l'un de se~ succ~sseurs Justinien II, qui occupa le trône
de 68~ à 711. Nous pencherions pour l'attribuer à Justinien Il,
à cause de la décadence de ra!'t dans la frappe de celte pièce
de la croix que l'empereur porte au cou, les auteurs de l'his·

toire du Bas-Empire s'accordant ft dire qu'il fut le premiel' des
empereurs bysantins qui marqua ses monnaies du signe de la
rédemption .
Si notre médaille est de Justinien II, elle aurait alors un

degré de rareté supérieur aux -monnaies émises par Justinien 1
En tous cas, ce dernier prince, son général Bélisaire on J usli-
nien Il n'exer.cèrent aUI~une autorité sur l'Armorique et en par-
ticulier sur le pays de Léon, dor~t le château (Castellum Leo ·
nense) était Llepuis longtemps ruiné et abandonné, lorsque
Pol· Aurélien vint s'y établir vers h30 et reçut dans la suif,e,
. saint
du roi Childebert, l'investiture de l'évêché de Léon. (Voyez les
annales bénédictines de D. abillon et la vie de saint Pol com­
posée au IXe siècle et publiée par les Bollandistes.)
Ces deux monnaies é,tant les plus modernes de l'époque
ce jour· dans la banlieuè de Saint-
romaine, recueillies jusqu'à

Pol, 'il nons a paru intéressant ùe les signaler au double point
de vue de l'histoire et de la numismatique.
La séance se termine par une piquante communi­
cation de M. le Secrétaire, où il montre autant d'esprit
que de connaissance de certains vieilles mœurs de
Quimper.

UN COUP DE JARNAC

A LA FOIRE DE SAINT-CORENTIN, LE Il DÉCEMBRE 1551.

La foire de Sain t-Corentin d'hi ver qui se ~ enait le 1 t dé­

veille de la fête du patron de la Cornouaille armori­
cembre,
caIne, était jadis l'une des foires les plus importantes de
Quimper, sinon sous le rapport des transactions commerciales,
au moins au point de vue de la grande affluence d'étrangers à
laquelle elle donnait lieu. C'est ce jour, en effet et cette cou-
. tume n'a pas cessé d'exister, que les domestiques de la cam­
pagne venaient en ville pour faireleurs gages lorsqu'ils étaient

congédiés ou que l'espoir d'un bénéfice si mince ' qu'il fut, les
portait à rechercher de. nouveaux maîtres; ou pour me sp,rvir
du terme consacré, de nouvelles conditions. Au 22 novembre,

fête de sainte Catherine, expirait l'engagement des serviteurs .

A cette date, dit le proverbe breton, Je maître devient valet :
• Da c'hoel Gatel

A ia ar mestr da vevel.

Aussi dès le maLin de ce jour, les pavés mal alignés des rues

de la ville résonnaient-ils sous les lourds sabots ferrés d'une.
de domestiques des dEUX sexes et de tout âge depuis
multitude
le vieillard blanchi daus le vassilage, jusqu'au misérable paotr

saout qui se gageait pour sa nourriture et. uue paire de sabots,
• ce qui ne l'empêchait pas de se croire un homme, prétention
en criant à tue-tête: Me zo den, ha
qu'il exprimait d'ailleurs