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Bulletin SAF 1878


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Fouilles d’un sépulture gallo-romaine près Quimper

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remonte à, 1845, et qui offre des particularités assez
curieuses.

FOUILLES n'UNE SÉPULTURE GALLO-ROM!INE PRÈS QUIl\lPER.
Une' intéressante découverte vient d'avoir lieu dans la com-

mune 'd'Ergué.Armel, sur les bords du chemin qui mène du
bourg communal à la grande route de Rosporden.

Le 18 Irai dernier (1845), des ouvriers en creusant pour
réparer le fossé d'un champ dépendant de la ferme de Keran­
éoët à M. ' Prosper Leguay, rencontrèrent des fragments de
potel'ie. M. Leguay, qui se rendit aussitôt sur les lieux,

reconnut un tumulus dans le 'léger exhaussement que le sol
offrait dans cette partie. La clôture que l'on , s'occupait à
réparer, en coupait }'eltrémitéméridionale; c'est ainsi qu'en
la douve, on avait pu mettre à découvert des
rafraîchissant
objets enfouis sous ce tertre. On déblaya avec soin près des
fragments et l'on aperçut bientôt, rangés autour d'une pierre

fiche taillée, semblable à une borne quadrangulaire, quatre-
vases remplis, de cendres et de parcf.lles d'ossements. Les
ouvriers avaient trouvé la veille, près de ces fragments, Ulle
monnaie espag'l1ole de Philip.pe II avec le millésime de 1568,

el une monnaie romaine n'offrant de reconnaissable qu'une •
effigie qui a paru devoir être celle de Trajan.
Les fouilles qui n'embrassaient oncore que la moindre partie
de. cette sUl'face élevée, ont été reprises par M. Leguay .. Elles ,
fait découvrir deux autres bornes, mai,s de forme cylindri­
ont
de quatre vases cinéraires
que, dont chacune était cantonnée
mieux conservés. L'une des pierres, celle du centre, était .
plus g-rand'e que les autres. Elles étaient espacées à trois pieds
- environ de distance aU centre du tumulus, sur une ligne nord

slld, celte d'e forme carrée ·au midi et la plus haute des deux

autres au milieu. La première a deux pieds de haut el treize
pouces ·à la- base-de la face, la plus large de son carré, les deux

autres diffèrent par lenr diamètre, d'un pied et demi à deux
pieds.
IJe tumulus qui a tl'ente-six pieds environ de diamètre,
n"était élevé que de quatre pieds; .le sommet des pierres, au
pied desquelles étaient posées les urnes, se trouvait presque à
l'affleurement de sa surface. Ces vases n'avaient pas de
couvercle en potel'ie ni d'autre opercule qui en tint lieu
suivant les usages funéraires des Romains; au-dessus on
remarquait un lit de pierrailles ,de quelque épaisseur . .Ils
sont plus ou moins fendus soit par la pression des terres, soÏ't
par la dilatation que l'humidité a fait subir aux cendres. Leur
dimension est fort inégale. Les deux plus grands qui sont
dans la forme des pots dont on se sert , pour le lait dans' nos
campagnes, ont environ diI-buit pouces de hauteur, et quinze
de largeur dans leur renflement; il Y en a un petit de . forme
globulaire qui n'a pas six pouce3 de haut. Ceux de ce del'nier
modèle ont un col évasé, d'a utres qui rentrent plus dans la
forme des premiers, se distinguent par un 'col presque droit;
ils ont en général de huit à neuf pouces de haut. On n'a vidé
qu'un seul de ceux provenus de la seconde déco}Iverte; il ne s'y
est pas rencontré de médaille.

Quant à la confection de ces vases, les grands sont d'une
peu épaisse, grossière, mal cuite; les autres sans '
pâte grise,
être ornés (l'on sait que les Romains n'employaient dans leurs
que dei vases unis), ont un certain mérite de forme
tombeaux
et de matière. Ils sont d'une teinte rouge plus ou moins foncée,
assez polis pour!qu'on puisse croire d'abord qu'ils sont ver-

msses.
Les vestiges de combustion marqués à la base du tumulus,
étp, dressé sur l'usl1"inum ou emplacement du
attestent qu'il a
bûcher. On a rencontré près des urnes, une tige arrondie de
métal, courbée de manière à 'former un bracelet, qui est
altérée qu'on ne voit pas bien si c'est de l'argent.
tellement
L'on a recueilli aussi des morceaux de fer très-oxidé, dont le

rapprochement annonce un poignard avec manche. On dépo­
sait dans les tombes des objets qui avaient servi au morL.
Ce mélange des usages de la Gaule et d~ Rome, indique
assez Ulle sépulture gallo-romaine, c'est-à-dire de Gaulois
déjà faconnés aux mœurs des Romains. Quant à la date qu'il
de lui assigner, tout ce que nous pouvons faire
conviendrait
observer, c'est que l'on s'accorde à reconnaître que dès le
troisième siècle de notre ère, on enterrait souvent les corps
~ans les brûlP.f et que du temps de Constantin, c'est-à-dire au
commencement du IVe siècle, ce dernier mode d'inhumation
prévalu dans la Gaule. En admetlant que la
avait entièrement
médaille soit de Trajan qui mourut en l'an t t 7, ce tombp,au se
placerait avec assez d'apparence p,ntre le milieu des II- et Ille
sîècles. On a signalé des tumulus du IVe siècle; il en est qui
ont servi d'insigne à la sépulture de chrétiens, on croit même
qu'il peut s'en rencontrer du Va siècle; mais à ces époques
ce ne sont pas des cendres, ce sont des squelettes qu)ls recou­
Tel est le résultat des recherches du savant auteur du
vrent.
Cours d'antiquités momumentales. (V. tome 3, chapitre VII).

La masse des cendres contenues dans les douze urnes, porle
à croire - que plusieurs reçurent à la fois les honneur5 funèbres
le même bûcher. C'étaient peut-être des soldats tués dans
sur

un engagement. Doit-on regarder le nombre de ces pierres ou
bornes comme une indication du nombre des personnes inhu-
, mée ? Doit-on s'-arrêter de préférence à celui des urnes, 011

bien ce dernier nombre sorait-il ici un hommage rendu aux
douze grandes divinités? Ce sont des questions .que l'état des

/ connaissances -sur les gallo-romains ne semble permettre pas de
résoudre. Nous serions cependant disposés en faveur de la
premwre OpinIOn.
Nous terminerons cette notice en disant qu'aucun monument,
voie romaine n'a été re'marquée dans le voisinage.
qu'aucune
II est juste de convenir qu'à cet égard, les éLudes sont bien
peu avancées dans ce pays. Mais la position si fréquente des

anciens tombeaux le long des voies romaines, devra faire explo­
rer ici, pour voir s'il n'existait pas dans celte direction quel­
à Locmaria .
qu'une conduisant
Après cette lecture, M. Le Men ajoute:
La conjecture de M. de Blois, an sujet de l'existence,
dans le voisinage de ce tumulus, d'une voie romaine

conduisant à Locmaria, étaient des mieux fondées, et
je pense qu'il fut le premier à donner,. en 1849, au .
Congrès de l'Association bretonne à Quimper, la des­
partait de Vannes et venait
cription de cette voie qui
aboutir à ce faubourg. J'ai publié dans ce Bulletin (1)
le tracé de cette voie, sur le bord de laquelle était
placé le tumulus fouillé par. MM. de Blois et Le Guay.
Des douze urnes trouvées dans les fouilles, M. Le
Guay put sauv-er six dont quelques-unes fort mutilées,

qui font aujourd'hui partie du Musée d'archéoI9gie.
Ces urnes faites d'une terre brune et fine, sont de

fabrique indigène. Quatre d'entre elles, hautes de

20 centimètres sont de forme ollaire et à fond plat. Une
cinquième de forme presque orbiculaire et à fond
relevé en dedans, ·a sa panse surmontée d'un col .
à l'extérieur. Il ne restait de la sixième que
recourbé
à la terre ren­
quelques petits fragments adhérents-
fermée dans le vase dont elle reproduisait le moule
intérieur. Cette dernière urne avait la forme d'une
jatte. . .
Lorsqu'il y a deux ou trpis ans, je débarrassai ces
la terre et des ossements brûlés qu'elles con-
urnes de

tenaient, je trouvai dans une des plus grandes, une

(1) T. lIT, p. t79 bis. •

fibule en fer, formée d'une tige recourbée à ses deux
nmfermait aussi une fibule
extrémités. La potite urne
• en fer ayant la forme d'un anneau strié sur son contour
extérieur. Enfin dans le dernier vase décrit plus haut,
la terre qui en avait conservé la forme,
ou plutôt. dans
était une bague formée d'une p~tite bande de bronze,
et sans ornementation, dont un des bouts s·e
aplatie
. logeait dans une petite ouverture pratiquée à son
extrémité opposée.
Ces trois objets, les deux fibules ei l'anneau, avaient

été brisés intentionnellement, en petits morceaux, et .
je parvins à réunir
ce ne fut pas sans difficulté, que
et à coller tous ces fragments. pour rendre leur forme

primitive aux ornements dont ils faisaient partie .
Deux fragments de bracelets en bronze, et deux
fragments de fer, très-oxidés, que les explorateurs ont
supposé provenir d'un poignard, avaient été déposés
au Musée en même temps que les urne.s. Après avoir

soigneusement nettoyé ces deux fragments de fer qui
s'ajustaient l'un à J'autre, j'ai découvert, sous la

rouille.. un instrument ayant quelque ressemblance
avec une clef. Je pense que cet instrum~nt était ren""
fermé, ainsi que les deux fragments de bracelets' en ·

bronze, dans quelques-unes des urnes qui ont été
brisées pendant l'exploration.
Le monument de Kerancoët présente une particu­

n'a pas été- relevée' d'ans le
larité remarquable qui

compte-rendu qui précède. Il est en effet l'expression

de deux modes bien . distincts d'inhumation, Dans les
trois bornes au pied desquelles les urnes cinéraires
par quatre, il est facil~ de
ét.aient groupées quatre

reconnaître les cippes en usage chez les Romains pour
et dont ·les lec'hs que l'on
marquer les sépultures,
, retrouve encore en si grand nombre dans les cime- '
tières et sur le bord des chemins en Basse-Bretagne,
ne sont que la continuation. Il est évident que ces
pierres taillées avec soin dans la partie qui se trou-
vait au-"dessus du sol, étaient destinées comme les
cippes romains à demeurer visibles. La sépulture
primitive avait donc été établie suiv,ant le rite funé-

raire usité à Rome .
Plus tard, par suite d'une coutume en usage chez

,cette
les Gaulois, chaque individu passant près de

y jetait une pierre en témoignage de respect
sépulture,
la mémoire de ceùx qui y étaient inhumés. Il en
pour
résulta, au bout d'un [certain temps, que toutes ces
pierres amoncelées formèrent une éminence ou

carn (1), au milieu de laquelle les trois bornes tail-
lées disparurent entièrement. - .
Les Gallois lorsqu'ils souhaitent du mal à quelqu'un,
lui disent: ( Carn ar dy wyneb » (qu'un carn soit sur ton

visage! ) Quelques archéologùes du pays de Galles,
commentant cette locution, ont prétendu que lorsque

l'usage d'enterrer dans les cimetières, devint général,
le carn fut réservé 'pour la sépulture des grand~ crimi­
nels, et que la phrase galloise que je viens de citer,
signifie: (( Puisses-tuètre enterré comme un criminel!»

Ils en tirent cette conséquence: que c'est en signe de
jetait des pierres
mépris qu'à une certaine époque, on
sur les sépultures.

. (-1) Le carn ou galgal est une éminence factice formée de pierres
Le carn de Kerancoët était en grande partie
plus ou moins grosses.
composé de pierres d'assez petite dimension

Je suis loin de partager cette opinion, et je pense
que cette expression galloise signifie simplement:
( Puisses-tu être sous un carn, ») c'e'st-à-dire : « Puis-

ses-tu être mort! »
Cet usage de jeter une pierre sur les tombeaux
placés le long des chemins, existe encore aujourd'hui
mai~, loin qu'on
dans quelques parties du Finistère ;
y attache une idée de mépris, cet acte s'accomplit
toujours avec un sentiment de respect pour les morts
qui en sont l'objet. J'ai publié ailleurs (1) des exem-
ples de cette coutume, que je ne crois pftS inutile , de
reproduire ici à l'appui de ma thèse. !

Entre le pic de Menez-Hom, où est situé l'observa-
, toire, et ~elui qui porte le nom de Menez-Kelc'h (mon­
tagne du cercle), sur le bord d'une ancienne voie
, romaine, est un cat'n ou galgal fort curieux appelé
Bern-Mein (tas de pierr6s), sur lequel ceux qui tra­
versent la montagne jettent une pierre en paSlsant.
Il s'y rattache une légende nom 'lnoins curieuse; la
voici dans toute sa' simplicité:

Un roi dont la vie n/avait pas été exemplaire, fut
enterré dans cet endroit, et on recummanda des bon-
nes œuvres pour retirer son âme du purgatoire.
Depuis ce temps, chacun jette une pierre en passant

dans le lieu où il fut enterré, Quelques femmes même

en prennent plein leur tablier et les jettent sur le

Bern-Mein. Chacun de ces actes est regardé comme
une bonne œuvre qui soulage l'âme du défunt. Mais
elle ne sera réellement délivrée que lorsque le tas de
a ' 'L -L • - _ ,., ", - ___ "'=_" \ .... =,PE,_,_ e .. ,, ' _'-__ .. __ , _ . _..-______ "_ ' _.
! (1) Oppidums du département du Finistère, p. 1'76.. Mémoi res
du Congrès de l'Association bretonne, tenu à Quimper en 1-873.

pierres sera -assez élevé pour qu~ elle puisse voir l'église
de,Sainte-Marie. Cette église que l'on appelle ordinai­
rement Notre-Dame ou Sainte-Marie de Menez-Hom,se

trouve dans la montagne à deux ou trois kilomètres du
Bern-Mein, sur le bord de la route de Châteaulin à
Crozon. D'après cette légende, l'âme du défunt remplit
le tas d~ pierres; et c'est seulement lorsque le tas de
pierres sera assez élevé pour q ne de son sommet CETTE
AME puisse voir le clocher de Notre-Dame, qu'ELLE
sera délivrée.

Voici un autre exemple de carn 'de formation con-
,temporaine:
à la
En parcourant, en 1868, les montagnes d'Aré,

recherche des monuments antiques, je remarquai,
plantée sur le bord d'l;m petit chemin, en la commune
d'Hanvec (Finistère), une croix de bois qui, d'après
l'inscription qu'elle portait, n'y avait été placée que
depuis quelquEs mois. Mais ce qui attira surtout mon
un tas de pierres d'assez petite dimen­
attention, fut
sion, qui entouraient le pied de la croix. Une vieille
vint heureusement à passer dans ce lieu
femme qui
désert, et que j'interrogeai sur l'origine de cette croix,

m'apprit qu'elle avait été érigée en ' souvenir d'un
malheur qui était arrivé en cet endroit. Un fermier
y avait été écrasé par sa charrette .
d'un village voisin

. . « Et le tas de pierres qui se trouve au pied de la
croix, ajoutai-je, comment s'est-il formé? »
- cc Ah ! me répondit la vieille femme, c'est que
toutes les personnes qui pass0nt par ici, ont l'habitude

de jeter une pierre au pied de la croix. »